CHAPITRE 4
Le convoi militaire s'arrête brusquement et je sursaute, arrachée du sommeil dans lequel j'étais plongée.
Des paroles fusent autour de nous sans que je ne parvienne à en comprendre le sens. Un chien aboie et soudain le véhicule redémarre en pente. Malgré le voile qui nous entoure, je perçois peu à peu la lumière du jour disparaître et le noir nous submerger.
Une série de voix robotisées se font entendre et nous sommes bientôt une nouvelle fois à l'arrêt. La bâche se soulève soudain et je reste un instant éblouie.
Nous sommes dans un hangar éclairé par des simples ampoules. Face à nous se tiennent les militaires du convoi ainsi qu'un jeune homme habillé différemment de ses partenaires.
Je l'examine pendant que nous sortons du véhicule. Sa combinaison intégralement noire s'accorde parfaitement avec ses cheveux de jais et fait ressortir ses yeux azur. La nonchalance de sa posture dénote avec le regard sérieux qu'il promène sur nous. Il ne semble pas avoir plus de 25 ans mais malgré sa jeunesse, les militaires semblent lui vouer un profond respect et une grande déférence.
Je ne peux m'empêcher de m'interroger sur son identité et attrape machinalement le minuscule corbeau présent dans ma poche. L'inconnu nous observe un instant et prend finalement la parole :
- Je m'appelle Ethan Ross et on m'a chargé de vous conduire jusqu'au centre du complexe militaire. Suivez-moi je vous prie.
S'attendant apparemment à ce que nous nous exécutions, il se retourne et se dirige vers une porte que je n'avais pas encore remarqué. Intrigués malgré nous, nous obéissons, certains plus réticents que d'autres.
Je marche silencieusement, étudiant avec minutie le couloir dans lequel nous pénétrons. Les murs sont effrités et la peinture initialement blanche a jaunit. Je n'ai aucune idée de l'endroit où nous nous trouvons et mes mains deviennent plus moites à mesure que nous marchons.
Le dénommé Ethan Ross qui se trouve juste devant nous s'arrête brutalement et je manque de lui rentrer dedans. Il me jette un bref regard et je recule d'un pas, gênée. Sans se formaliser d'avantage, il ouvre a porte en face de lui et un grand brouhaha empli soudain le petit espace.
Perplexe devant ce vacarme, j'hésite un moment à le suivre. On me pousse doucement vers l'avant et je me résigne à entrer.
Une immense salle me fait face où des centaines de personnes s'entassent, assis sur des chaises alignées. Au fond de la pièce trône une estrade imposante elle-même surmontée d'une grande table blanche encadrée de fauteuils majestueux. Quatre hommes et une femme y sont confortablement installés et je devine à leurs tenues soignées leur influence au sein du complexe.
- Une salle de réunion ? je me demande à voix basse.
Quelques personnes se tournent vers nous mais la plupart continuent leur conversation. Leur vêtements communs et leur visages fatigués ne laisse aucun doute sur leur statut : de simples civils, sûrement rescapés comme nous de l'invasion de GIAN. Les militaires qui mes encadrent scrutent la pièce, leurs armes sûrement chargées à portée de main.
- Allez vous asseoir, nous ordonne Ethan avant de s'éloigner de nous en direction de l'estrade.
Il se pose aux côtés des mystérieux individus, ne laissant libre que le fauteuil central. Je lance un regard hésitant autour de moi et repère une place vacante quelques rangées plus haut avant de me diriger vers celle-ci. Je frissonne en constatant le nombre minime d'enfants, peu ont du survivre. Je me stoppe soudain, une pensée folle a envahi mon esprit : mon frère et mon père sont peut-être aussi ici ! Je parcours alors avec attention chaque centimètre de la pièce, détaillant tous les individus s'y trouvant.
Mon espoir s'amenuise au fur et à mesure que je constate leur absence. Après plusieurs minutes de recherches intensives, je me résigne.
- Ils ne sont peut-être pas encore arrivés.
Je me retourne vers la source de la voix, surprise.
Une vieille femme me fait face, un sourire réconfortant plaqué sur son visage ridé. Sa longue robe est déchirée par endroit, de la saleté recouvre ses bras et, je le présume, le reste de son corps.
- Vos proches, continue-t-elle. Tous les wagons ne sont sûrement pas encore arrivés et il se peut qu'ils soient à l'intérieur.
Intriguée, je m'assieds doucement à côté d'elle. Sa petite taille lui donne un air vulnérable et je suis surprise qu'elle ait survécu :
- Comment le sauriez-vous ?
Elle hausse les épaules et je vois scintiller autour de son cou une croix religieuse.
Il m'a toujours semblé très surprenant que des communautés entières s'adonnent au culte d'un être invisible et purement présumé. Ces pratiques tiennent aujourd'hui du révolu, les religions ont disparu depuis longtemps dans l'Entente, remplacées par la doctrine du travail et de la superpuissance militaire. Les reliques de ces anciennes cultures sont très rares et je me force à détourner les yeux de l'objet.
La vieille femme n'est cependant pas dupe et esquisse un léger sourire avant de me répondre :
- Je n'en ai aucune idée. Pour être honnête, c'est la seule pensée qui me retient encore de faire le deuil de toute ma famille. Certains m'accuseront de choisir la voix de la facilité, peut-être ont-ils raison finalement. Dire adieu à des êtres chers n'est pas mince affaire.
Ses yeux fatigués me fixent avec intensité et je détourne le regard, perturbée. Je jete un regard aux alentours et reporte mon attention sur elle :
- Savez-vous où nous sommes ?
- Non. Mais eux ne vont pas tarder à nous le dire, répond-elle en indiquant d'un mouvement de tête l'estrade.
Je pose mon regard sur Ethan, en plein dialogue avec les occupants des fauteuils. Ces derniers affichent un air insondable mais la carrure des hommes et la silhouette fuselée de la femme me fait penser qu'ils appartiennent aux aussi à l'armée. Alors quel rôle occupent-ils ?
Les militaires nous entourant se redressent soudain avec rapidité et peu à peu les conversations s'éteignent. Mon attention se rive sur le devant de l'estrade. Une femme vient de se poster sur cette dernière, face à nous, et semble parcourir la pièce d'un regard acéré.
Des cheveux blonds coupés court encadrent son visage fin et féminin. Ce dernier semble pourtant sec, dénudé d'expression et ses yeux sont tellement bleus quej'apercois leur couleur même de ma place. Si elle semble de petite taille, sa simple présence intime l'ordre et le silence. Je reste muette devant l'imposance de l'aura qu'elle dégage et devine sans difficulté que la place vacante lui est destinée.
Elle avance d'un pas et joint ses mains derrière le dos :
- Bonjour à tous, mon nom est Eva Ogden. Laissez-moi vous présenter la raison de votre présence : le projet B241.
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