CHAPITRE 3
Je suis rapidement le convoi d'hommes armés de l'Entente.
Nous sommes moins d'une trentaine de survivants de l'attentat, aucun enfant ne s'en est sorti. De mon wagon, il n'y a que moi et une autre femme qui avons survécu.
Notre marche se fait dans le silence. Les militaires autour de nous sont aux aguets, leur démarche féline semble réconforter les plus démunis. Le soldat qui m'a tendu la main est juste à côté de moi. Il me jette de temps à autre de rapides coup d'œil. Pense-t-il que je vais m'effondrer au sol, trop choquée pour avancer ?
Je marche en fixant le sol devant moi, concentrée sur le moindre pas que je fais. Nous sortons bientôt du tunnel et la lumière m'éblouie. Tenant ma main devant moi, je plisse les yeux. Je reste stupéfaite.
La place auparavant surpeuplée est vide. Des corps sans vie sont éparpillés à même le sol et déjà les corbeaux comment leur basse besogne. Des bruits de tirs au loin me font frémir. La tension au sein du groupe est à son paroxysme et les murmures autour de moi viennent briser le silence glacial de l'endroit.
- C'est quoi ça ? je demande d'une voix éraillée à l'homme à la cicatrise.
- GIAN a envahi tout le pays, annonce-t-il sans préambule. Si les combats ont cessé sur cette place, ils poursuivent un peu partout autour. Nous devons rester sur nos gardes.
Je reste bouche bée. Mes mains commencent à trembler en pensant à mon père et à Kyle : où sont-ils en ce moment ? Prisonniers ?
Morts ?
Je m'éclaircis la voix et tente de me calmer :
- Où nous emmenez-vous ?
Il ne réponds pas cette fois et fronce les sourcils en me lançant un regard sans équivoque : je ne dois pas poser de questions.
Nous pressons le pas avant de nous diriger vers un bâtiments en-face de nous à priori abandonné. A moins de 10 mètres de l'abri, un homme cagoulé sort de l'habitacle avant de se jeter sur nous, un pistolet à la main.
Deux civils s'effondrent avant que les militaires ne l'éliminent.
- Putain, jure mon militaire. Sally !
Une femme soldat se retourne vers lui, un air insensible plaqué sur le visage. Ces personnes ressentent-elles des émotions ?
- Je croyais que le bâtiment était sûr ! il continue.
- Il l'était, assure-t-elle calmement. Ce crétin a du s'inviter après notre passage.
- Putain, jure à nouveau l'homme.
Il se détache du groupe et rentre dans le bâtiment. La dénommée Sally prend sa place et le convoi s'immobilise.
- Rob est parti en éclaireur. Surveillez les alentours les gars, ordonne-t-elle en tenant en cible un coin de la place.
Le militaire réapparaît quelques minutes plus tard et nous intime d'entrer d'un mouvement de tête.
L'endroit est immense, je reconnais le centre administratif. Des papiers jonchent le sol et les corps des personnes présentes pendant l'attaque sont éparpillés ci et là. Les corps ne sentent pas encore, signe que le carnage est récent.
- On reste là, sortez pas de l'habitacle, décrète un autre soldat.
Certains s'asseyent en silence. Je marche calmement vers l'escalier menant au deuxième étage. Le dénommé Rob se met en travers de mon chemin :
- On reste au premier étage.
Je hausse les épaules et pars m'asseoir dans un coin à l'écart du groupe. Une fois sûre que personne ne me regarde j'éclate en sanglots. Mon univers a volé en éclat. GIAN l'a détruit, piétiné, massacré. Mes sanglots redoublent et je me force à rester silencieuse.
Un bruit se fait soudain entendre. Intriguée j'essuie mes larmes et me rapproche du groupe et de Rob. Les soldats aux aguets semblent se détendre lorsqu'un homme de haute stature pénètre dans le bâtiment.
-Chef, souffle Sally en abaissant son arme.
L'homme est impressionnant. Il doit mesurer plus d'un mètre quatre-vingt cinq et ses avant-bras font la taille de mes cuisses. Sous son uniforme militaire on peut aisément distinguer les muscles saillants. Son visage est quant à lui impassible. Ses yeux gris scrutent notre groupe calmement pendant que deux autres soldats l'entourent. Je remarque que toute son oreille droite est déchiquetée et qu'il lui manque l'annuaire de la main gauche. Il tourne la tête vers Rob :
- C'est tout ce qui reste ?
- Affirmatif, les autres ont tous été tués.
Il nous dévisage avec calme, les lèvres plissées. Le silence se fait, j'observe avec curiosité les autres. Beaucoup sont encore en état de choc.
Le molosse hoche la tête et se retourne nonchalamment :
- On les embarque !
Les militaires nous poussent alors sans ménagement. Nous sortons, encadrés par les soldats toujours sur leurs gardes.
Un fourgon militaire nous attend dehors.
Je reste impressionnée devant la machine, je n'en ai jamais vu d'aussi près. On nous intime l'ordre de monter à bord de l'engin et je m'exécute, pressée de quitter cet endroit de désolation. A l'intérieur se trouvent déjà quelques rescapés dont une mère et son enfant. Je me posé à côté d'eux et leur adresse un faible sourire avant de reporter mon attention sur les militaires.
Rob et le chef présumé du convoi discutent et je tends l'oreille pour en saisir quelques mots :
-... veut que vous rentriez bientôt, dit le géant en désignant d'un mouvement ample du bras Sally et ses coéquipiers.
- Nous sécurisons juste... Ethan que...
Un homme en face de moi ne cesse de tousser et je lui lance un regard exaspéré, perturbée par sa toux grasse.
Les deux hommes semblent avoir fini leur conversation et le chef se dirige vers l'avant du véhicule, ne nous accordant qu'un bref regard. J'observe Rob un instant, intriguée qu'il ne le suive pas. Le militaire me regarde un instant avant de s'avancer vers moi. Des murmures dans le fourgon se font entendre.
Il s'arrête à ma hauteur et j'esquive un léger mouvement de recul.
- Tu n'as rien à craindre de moi, dit-il avant de fouiller dans une ses poches.
Son poing semble se refermer sur quelque-chose et il extirpe sa main. J'ai à peine le temps d'apercevoir un reflet argenté qu'il le tend vers moi. Ses yeux sont insondables et je le fixe un instant, surprise. Ma curiosité me pousse cependant à déplier ma main et soudain je sens quelque-chose tomber dessus.
C'est une petite statuette en métal dont les contours ornées de légers traits fin me permettent de reconnaître un corbeau. L'oiseau semble en plein envol, ses ailes sont déployées et son bec ouvert prêt à la chasse. Ses yeux sont pour leur part incurvés de minuscules pierres de couleur mauve qui brillent à l'éclat du jour.
- Je l'ai trouvé sur le corps de ta mère lorsque tu as quitté le wagon.
Je lève des yeux stupéfaits vers Rob. Je n'avais encore jamais vu ce petit bijou, même pas dans la chambre de ma mère.
Je fermai les yeux et refermai doucement mes doigts autour de la statuette. Je levai alors de yeux emplis de gratitude vers le militaire, y insufflant les mots que je ne saurai prononcer. Il hocha la tête :
- Nous vous rejoindrons à la base, annonce-t-il avant de s'écarter du fourgon.
J'acquiesce et soudain le moteur du véhicule s'allume, faisant trembler tous les passagers.
La silhouette de Rob s'amenuise peu à peu et bientôt ils ne sont plus que de simples ombres. Le silence à l'intérieur du véhicule s'alourdit à mesure que nous avançons. Je glisse le précieux bijou dans une de mes poches. Je n'ai aucune idée de notre destination mais je suis persuadée qu'elle ne peut pas être pire que notre situation actuelle.
Un homme jette sur nous une bâche et des petits cris paniqués se font entendre.
Il glisse alors sa tête à l'intérieur de l'espace, apportant avec lui quelques minces rayons de lumière. Sa voix est apaisante et je me détends malgré moi :
- Pas de panique, nous nous assurons juste que vous ne pourrez pas dévoiler la position de notre base à l'ennemi au cas où il vous obligerait à le dire.
Rassurant. Cependant je comprenais la nécessité de leur acte.
Malgré la pénombre qui a envahit l'endroit, je parviens à distinguer une famille en face de moi qui semble avoir survécu au complet aux massacres. Je ne peux pas m'empêcher de leur lancer un regard envieux non dissimulé. A ma gauche, la femme semble raconter à son enfant une histoire en lui caressant les cheveux.
Je me laisse bercer par son ton maternel et la volupté de sa voix avant d'être submergée par la fatigue.
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