Jour 7
Je me réveille doucement. Anna dort encore, mais le lit de Léon, en revanche, est vide. Il doit déjà être en train de manger son petit-déjeuner. Je me lève péniblement, et rejoins la salle commune. Léon se trouve avachi sur notre table, la tête dans les bras. Pourtant, il relève la tête lorsque je m'assois en face de lui, et devient écarlate. Ah ? Il n'a pas oublié notre petit échange d'hier soir. Je rigole intérieurement en imaginant la nuit qu'il a dû passer par ma faute. Je ressens tout de même une pointe de culpabilité, en voyant de grandes cernes sous ses yeux bleus éclatants. Il plonge son regard dans son bol de céréales, mal-à-l'aise. Je lui souris doucement, en posant une main sur son avant-bras. Il tressaille à ce contact.
" Hey... Tu n'as pas l'air dans ton assiette ", lui dis-je. Il lève ses yeux vers moi, et les plonge dans les miens. Je me sens rougir, sous son regard perçant. Il esquisse un sourire amusé, que je ne lui avais jamais vu.
" Très bien, merci. Mais à l'avenir, évite de me surprendre comme tu l'as fait hier soir, ou je risque d'avoir beaucoup de bosses à la fin du séjour ! "
J'éclate de rire. C'est bien la première fois que Léon semble aussi à l'aise avec moi.
" Je m'excuse, très cher, dis-je d'une voix ridiculement haut perchée, tout en m'inclinant devant lui. Je ne porterai plus préjudice à votre enveloppe crânienne, c'est promis ! "
Nous rions tous les deux de bon cœur, avant que mon ami ne reprenne un air piteux.
" Plus sérieusement, je suis désolé de... D'avoir fait ça sans ta permission...
- Arrête. Ça ne m'a pas du tout gênée, tu n'as pas à être désolé pour ça. " Il sourit timidement, ses joues se parant d'une délicieuse couleur rosée.
" Encore une randonnée, aujourd'hui ! je m'exclame en lui faisant un clin d'oeil. Tu vas pouvoir me battre encore une fois !
- Non, répond-t-il en secouant la tête. Je préfère rester avec toi. "
Je rougis, mais le remercie, flattée.
" Je vais aller réveiller Anna ! " fais-je en me levant. Il hoche la tête, un petit sourire au coin des lèvres. Je retourne au dortoir, le ventre noué, puis réveille Anna. Celle-ci grommelle, mais se lève tout de même.
Une quinzaine de minutes plus tard, nous nous trouvons tous dans le jardin du centre, bouteilles d'eau en mains, et chaussures de randonnée enfilées. Le directeur se trouve devant nous, en train de faire l'appel. Une fois fait, nous nous mettons en route. Le chemin est différent de la dernière fois, et nous découvrons une toute autre partie de la montagne, beaucoup plus désertique et aride. Peu de végétation y pousse, à part quelques plantes brûlées par le soleil. Comme cette partie est exposé au soleil quasiment à longueur de journée, la chaleur se fait vite succombante, au fur et à mesure que l'on grimpe vers le sommet. Je sais par expérience que je supporte très mal les rayons de soleil, alors je tente de rester le plus à l'ombre possible. Mais le problème, c'est qu'il n'y a pas d'ombre. Alors je serre les dents, en priant pour qu'un nuage de pluie vienne faire un tour par ici. Léon me jette quelques coups d'oeil inquiets, mais ne dit rien. Finalement, le directeur annonce l'heure du pique-nique. Nous nous installons dos au soleil, sur le sol brûlant, et sortons nos casse-croûtes. Nous discutons joyeusement, lorsque j'aperçois Tommy venir par ici. Je me passe une main désespérée sur le visage.
" Hey beauté je-
- Tu rien du tout, le coupai-je. Va-t-en !
- Mais j'ai le droit de manger ici ! " proteste le rouquin avec un sourire malin. Je pousse un lourd soupir tandis que Léon serre les poings.
" Elle a dit : Non ! " crie-t-il en se levant d'un coup. Je reste muette de stupeur face à la réaction de mon ami. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état. Tommy se fait soudain pensif, et nous regarde tour-à-tour.
" Oh je vois...", fait-il alors que son visage s'éclaire. Il affiche ensuite un sourire cruel, puis tourne les talons. Je me demande ce qui l'a fait changer d'avis... J'ai un mauvais pressentiment... Et si il préparait encore un mauvais coup ? Je secoue la tête pour chasser mes inquiétudes, et le directeur frappe dans ses mains. Nous reprenons notre chemin, vers le sommet.
Nous arrivons au centre deux heures plus tard. J'ai les bras rouges écrevisse, et la tête qui tourne. Ce n'est pas bon signe. Je file aux toilettes me passer de l'eau sur le visage. Une fois fait, je me rends dans le dortoir et sors la crème contre les coups de soleil. Heureusement que j'avais tout prévu ! Je m'en étale sur les bras en pestant. C'est toujours la même chose, j'ai une peau beaucoup trop fragile ! Je range le flacon dans ma valise, puis rejoins le reste des pensionnaires dans le jardin. Des chevalets ont été montés et au centre trône une table, sur laquelle sont disposés flacons de peintures et pinceaux. Léon me lance un regard anxieux, puis m'examine de la tête aux pieds. Je lui fais un sourire rassurant, et vais me poster derrière un chevalet, aux côtés de Léon. Anna se trouve à la droite de celui-ci. Elle me semble excitée, et un grand sourire s'étend sur ses lèvres. Je me souviens qu'elle nous a dit aimer peindre... Peut-être a-t-elle du talent ? Cette fille est tout de même assez mystérieuse. A part les bases, comme son prénom ou son âge... Je ne connais pas grand-chose d'elle. Le directeur frappe dans ses mains.
" L'activité peinture peut commencer ! Alors vous pouvez peindre un modèle de personne, un paysage, ou tout ce qui vous passe par l'esprit ! Nous organiserons peut-être un petit concours pour nous amuser ! Et attention, je veux de la créativité ! Rappelez vous qu'il ne suffit pas de savoir peindre pour faire quelque chose de beau ! Allez ! A vos pinceaux ! "Je me demande tout de même comment a-t-il fait pour améliorer son vocabulaire en si peu de de temps. J'ai presque l'impression qu'il s'est mit à manger des dictionnaires ! Léon me lance un sourire timide, puis empoigne son pinceau. Anna en fait de même, et tire la langue sur le côté, très concentrée sur sa toile. Je les observe un moment, puis reporte mon attention sur mon chevalet. La toile reste désespérément blanche. Je tiens le pinceau dans ma main, mais rien. Pas une seule idée. Ce n'est pas ma faute ! Mon talent à moi, c'est l'écriture ! Pas la peinture ! Je repose mon pinceau, agacée, puis ferme les yeux. Allez Léonie, réfléchis ! Fais preuve de créativité ! Je rouvre les yeux. Les referme. Encore et encore. Puis mon visage s'illumine. J'attrape mon pinceau, le sourire aux lèvres, animée d'une nouvelle vague de créativité. Le coup de soleil de ce matin me fait encore souffrir, mais je n'y prête pas attention. J'aperçois que Léon me jette de petits coups d'oeil, tantôt inquiet, tantôt attendri. Certaines fois, je donnerai cher pour échanger l'un de mes pouvoirs, contre celui de lire dans les pensées des gens. Ainsi je pourrai savoir ce qu'il pense de moi... Mais pas le temps de laisser mon esprit s'égarer ! Je trempe mon pinceau dans la couleur beige, et commence à gratter la toile du bout de mon pinceau.
‖ Quelques heures plus tard ‖
Le directeur frappe une nouvelle fois dans ses mains. L'activité est déjà terminée. Il passe derrière les chevalets, en hochant la tête, en souriant, ou en s'extasiant. Je vais jeter un coup d'oeil à la création de on ami, un sourire aux lèvres. Il peint plutôt bien. Sur sa toile s'étend une représentation d'un loup, entouré de lumière bleue. Étrangement, cette couleur me rappelle quelque chose... De très profond. Je ne sais pas expliquer ce sentiment... J'ai l'impression de l'avoir déjà vue. De parfaitement la connaître, d'ailleurs. Je me demande comment cela se fait. Je détourne les yeux, pour m'intéresser au chevalet d'Anna. Elle a de la peinture partout, même sur le bout du nez, ce qui me fait rire doucement.Je regarde la toile et écarquille les yeux. Woaw. Je ne m'attendais pas à ça. Mon amie a un talent exceptionnel. Sa peinture représente une sorcière sur son balai, avec des explosions de lumière dans le ciel noir. Un frisson me parcourt l'échine. C'est la même sensation qu'avec la peinture de Léon, mais en beaucoup plus puissant. J'ai l'impression de passer à côté d'un énorme détail... Mais lequel ?Je lui dis d'une voix rauque :
" Tu as beaucoup de talent ! C'est très réussi ! J'ai presque l'impression de... Faire partie du tableau.
- Oh merci ! me répond-t-elle avec un grand sourire. Je me suis inspirée de ma mère.
- Pardon ?" m'exclamai-je, hébétée.
Elle écarquille les yeux puis dit en rigolant :
" Euh, oui ! Elle me contait des histoires de sorcières avant de m'endormir ! Et pendant un certain temps, elle ne cessait de répéter qu'elle en était une ! C'était très drôle ! "Je lui souris, puis retourne à mon chevalet. Le directeur s'en approche pour regarder.
" Très joli ! s'exclame-t-il. Et bravo pour l'originalité ! " Je fais un sourire timide, tandis que Léon et Anna viennent voir mon œuvre. Anna lâche un hoquet de surprise. Je la regarde de travers. Ma peinture ne représente qu'une jeune fille assise par terre, de la lumière violette émanant de son corps, entourée de ses deux amis, un garçon et une fille. Le garçon de ma peinture a les joues rouges et regarde ailleurs, tandis que la fille affiche un grand sourire et a un bras au-dessus des épaules de la fille du milieu. Mais mon amie regarde le paysage de ma peinture. Dans le fond, j'ai peins des étincelles violettes, bleues et roses, ainsi que des notes de musique. Et le paysage représente un saule pleureur et une mare, ainsi qu'une maison au bout d'un chemin. Elle bredouille :
" Ah oui c'est... Hum... Très... Original et bien fait... Je-je... La trouve très jolie ! " Elle joue nerveusement avec sa mèche teintée de rose, tout en se mordant la lèvre inférieure. Léon, quant à lui, fixe ma peinture, le visage songeur, presque lointain. Je me demande à quoi il pense. Le directeur s'exclame :
" Bon... Finalement, j'abandonne l'idée du concours. Vos peintures sont toutes magnifiques, et je ne pourrais jamais vous départager ! Quoi qu'il en soit, bravo à tous ! Maintenant, allons goûter ! " Je souris et attrape les mains de mes amis, sprintant jusqu'à la salle commune. Nous nous installons à notre table habituelle, et nous dégustons tranquillement notre encas, sourire aux lèvres et visages paisibles. Je ne peux m'empêcher d'imaginer mes vacances si ma mère ne m'avait pas inscrite dans ce centre. J'aurais passé tout ce temps à la maison, à faire des grasses matinées et à traîner à longueur de journée. Et je n'aurais jamais rencontré les deux meilleurs amis que quelqu'un puisse rêver. Bon, je n'aurais aussi pas fait la connaissance des jumelles, et de leur insupportable cousin. Ça c'est un bon côté. Mais les mauvais sont plus importants. Sans Léon et Anna, je n'arrive même plus imaginer mon quotidien. Si je ne les avais pas rencontrés, j'aurais probablement fini ma vie seule, isolée de tout et de tout le monde, dans une minuscule maison. Ok, peut-être que j'en fais un peu trop là. Mais quand même.
Léon me sort de mes pensées en prononçant mon prénom, un tendre sourire s'étirant sur ses lèvres :
" Léo' ? "
Je sursaute, puis plonge mon regard dans le sien. Je rigole timidement avant de dire :
" Pardon, j'étais dans mes pensées. De quoi parliez-vous ?
- De rien ! me répond-t-il, avec un air amusé. Nous n'avons pas prononcé un mot !
- Ah euh... D'accord ! " Je rigole nerveusement en jouant avec la bague que je porte à l'index. Mon ami pose ses yeux bleu ciel sur le bijou avec un regard à la fois abasourdi et pensif. Il semble qu'il ne s'était pas rendu compte que j'en portais une. Anna est soudainement prise d'une violente quinte de toux, alors que ses yeux ne lâchent pas ma bague. Gênée, je la cache avec mon autre main. Mon amie reprend son souffle puis, s'exclame d'une voix un peu vacillante :
" Je n'avais jamais remarqué que tu portais une bague... C'est un cadeau ? " Je hausse les épaules en posant le bijou au centre de la table.
" Pour être honnête, je n'en sais rien. Ma mère dit qu'en étant petite je la serrai de toutes mes forces, comme si ma vie en dépendait. Et puis il y a deux ans, on l'a retrouvée dans un carton au grenier, et elle m'a totalement hypnotisée. Alors je me suis dit que j'allais la porter, voilà tout. " Léon est livide, et a le regard voilé d'incompréhension, tandis qu'Anna a plongé son visage dans ses mains.
" Vous êtes sûrs que ça va ? " je demande en les regardant tour à tour. Léon hoche la tête avec un petit sourire crispé, et Anna lève violemment son visage vers moi avant d'acquiescer vigoureusement, affolée.
" Bien sûr que ça va ! Pourquoi ça n'irait pas, enfin ?! C'est une histoire euh... Intéressante ! C'est vrai ça, quelle petite fille est autant intéressée par un bijou à cet âge là ? Hein ? "
Je la regarde de travers, me posant presque quelques questions sur son comportement. Elle a l'air en pleine crise d'affolement. Elle ferme les yeux un moment, inspirant à grandes bouffées avant de rouvrir les yeux et d'ajouter :
" Tout ça pour dire que je vais très bien. "
Je hausse un sourcil, comme pour déterminer si elle se moque de moi. Elle pense que ça ne se voit pas ? Je ne sais pas ce qui cloche avec ma bague, mais visiblement, cela l'a complètement retournée. Je regarde attentivement le bijou. L'anneau est en argent, scintillant doucement dans la lumière de l'après-midi, et est surmonté d'une toute petite pierre bleue pâle. Étrangement, elle me rappelle les yeux de Léon. C'est sûrement une topaze. Je ne m'y connais pas spécialement en pierres précieuses, mais la topaze a toujours été ma préférée. Je laisse mollement retomber ma main le long de ma hanche, en soupirant. Décidément, Anna me cache vraiment des choses. Premièrement, il y a ses phrases, prononcées évasivement, qui me laissent perplexe. Comme pour la pierre, au musée. Elle semble me connaître mieux que quiconque, et savoir ce que je ressens à chaque instant. Deuxièmement, certaines de ses réactions sont... Surprenantes. Par exemple, lorsqu'elle a vu ma peinture, ou la bague. Elle me cache des choses, et je veux savoir quoi. Malheureusement, ce n'est sûrement pas pour aujourd'hui.
Je m'allonge dans mon lit, et observe le visage endormi de Léon. Il est tellement magnifique lorsqu'il dort ! On dirait un ange tombé du ciel. Je pousse un soupir de tendresse, tout en continuant de le détailler. Sa peau pâle contraste avec ses cheveux noirs comme la nuit. Il est recroquevillé sur lui-même, un petit sourire aux lèvres, et sa respiration est régulière. Je souris à cette vue. Il ressemble à un petit animal fragile. Un petit animal fragile et terriblement mignon. Mes yeux commencent à se fermer doucement, jusqu'à ce que je sombre dans le sommeil.
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