mon trajet.
Média : pas de rapport avec le chapitre en dehors du fait que ce soit « Hugo »
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12. mon trajet.
Le trajet depuis le lycée n'est pas très long. Dix ou quinze minutes tout au plus. Mais je crois que je vais l'aimer parce qu'après les journées remuantes, bruyantes et surréalistes qu'Elliott mais surtout Dae vont me faire vivre à l'avenir, j'aurais besoin de ces quelques minutes pour me ressourcer avant d'affronter mon père et sa famille. C'est officiel, ce quart d'heure sera le meilleur moment.
Ce moment où je n'ai pas à parler, où je n'ai qu'à écouter d'une oreille distraite Elliott raconter sa journée à sa mère. J'ai beau essayé de me souvenir d'elle, juste une image, je n'y arrive pas et c'est sans doute dû au fait que je ne l'ai pas beaucoup côtoyée. Avec Elliott, nous avions plus l'habitude de squatter chez mon père. Puis c'est une femme discrète.
Mais plus que tout, dès que nous montons dans la voiture, elle baisse le son de la radio mais ne l'éteint pas alors je peux écouter de la bonne musique et chanter dans ma tête comme j'en ai toujours eu l'habitude. J'espère sincèrement qu'elle ne va rien changer à ce qu'elle a fait ce soir.
Non, le trajet depuis le lycée n'est pas très long... Il est même trop court. Quand Debra se gare dans son allée, je suis vraiment déçu d'apercevoir la maison de mon père de l'autre côté du petit muret qui sépare les deux propriétés. Et encore plus quand je remarque la voiture de mon père garée devant le garage. Je soupire en laissant ma tête basculer en arrière et légèrement rebondir sur l'appui-tête.
C'est lorsque les portières des Doggers claquent devant moi que je réalise que je dois sortir à mon tour. Je m'exécute rapidement et remercie Debra qui me fait un petit sourire en me répondant que ce n'est pas grand-chose. Elle n'a vraiment pas idée de ce qu'elle vient de m'offrir pendant ce bout de chemin en voiture. Je passe la lanière de mon sac sur mon épaule et m'éloigne de la voiture pour rejoindre la maison.
— Hey Woody ! m'interpelle Elliott.
Je fais demi-tour vers lui. Éclairé par les lumières extérieures de nos maisons, il est toujours debout près de la voiture, son sac négligemment posé à ses pieds. Il se passe l'index sous le nez, signe qu'il est mal à l'aise. Je mets une main dans la poche de ma veste, parce qu'en plus de faire déjà presque nuit, il fait de plus en plus froid dans ce pays. Cependant, je ne le presse pas.
— Ça t'a plu ? me demande-t-il finalement.
Je lève un sourcil sous l'incompréhension.
— De quoi ?
— L'entraînement.
— Pas vraiment, réponds-je sincèrement mais amusé malgré tout.
Je vois alors que ma réponse ne lui plaît pas. Que je l'ai peut-être blessé ce qui n'était absolument pas mon but pour une fois. Je secoue la tête et me rapproche de lui pour m'expliquer.
— Ce n'est pas contre toi mais... Le sport et moi...
— Ouais, me coupe-t-il, en croisant les bras devant lui. Vous n'êtes plus vraiment amis.
— Et le rugby encore moins, tu sais bien.
Il hoche la tête mais je vois toujours la déception au fond de ses yeux qui se posent partout sauf sur moi. Je fais encore un pas et mon index tapote doucement son avant-bras à plusieurs reprises. Je cherche mes mots, mes idées, un moyen pour faire revenir son sourire.
— Mais... Passer du temps avec Dae... C'était cool. Il...
Je continue de faire promener mon doigt sur sa peau nue parce que, oui, il est toujours en T-shirt.
— Tu avais raison, il est spécial mais... Dès qu'il sourit, on a envie de l'aimer et pourtant, je ne suis pas du genre à...
— A aimer ? me propose-t-il, un peu froidement. A te soucier des gens ?
Je me recule d'un pas, mon bras retombant mollement le long de mon corps. Cette fois, c'est moi qui suis blessé par ses mots mais la différence entre nous, c'est qu'il l'a fait exprès, lui.
— A protéger les gens ? poursuit-il.
— Peut-être parce que j'essaie de me protéger moi-même, craché-je presque.
Je fais un nouveau pas en arrière, laissant mon regard hautain détailler Elliott. Je comprends totalement que ma disparition de sa vie ne lui ait pas plu et qu'il m'en veuille mais il va falloir qu'il choisisse à un moment. M'en vouloir ou me vouloir ?
— Te protéger de quoi ?
— De tout. Des sentiments. Des mensonges. De ces gens dont tu me parles.
— Quoi ? Mais tu n'as pas...
— Tout est faux dans la vie sauf ce qu'il y a là-dedans, dis-je, sûr de moi en pointant ma tempe du doigt.
Il efface la distance qu'il y avait entre nous, lève les bras vers moi mais son mouvement s'arrête à mi-chemin.
— Tout n'est pas faux. Moi je ne le suis pas.
J'aimerais le croire autant qu'il croit lui-même ce qu'il vient de dire parce que je suis persuadé que pour lui, c'est la vérité. Cependant, tout le monde est faux. Tout le monde cache un pan de sa personnalité, si ce n'est pas un pan complet de leur vie et aussi adorable, gentil et drôle qu'Elliott soit, il y a forcément quelque chose qu'il garde pour lui. Mais au fond, sa sincérité dans son mensonge à lui-même me touche réellement.
— Merci...
Dans un élan que je ne m'explique pas, mon front rencontre son torse et sa main prend aussitôt place à l'arrière de mon crâne. Je sens sa poitrine monter et descendre avec plus de puissance qu'en temps normal. Son souffle se perd dans mes cheveux me faisant fermer les yeux.
— Pour aujourd'hui et pour les jours qui arrivent.
Sa poigne sur ma tête se resserre un peu juste avant que j'ajoute tout bas :
— Je suis très spécial, tu sais mais je peux peut-être être génial par moments. Ne me juge pas trop vite, s'il te plaît !
Sur ces mots, je me défais de son étreinte et rejoins la maison de mon père sans me retourner vers Elliott, légèrement apeuré par la réaction qu'il peut avoir à ma demande sachant que j'ai fait exprès d'utiliser ses propres propos.
Je referme la porte d'entrée derrière moi et m'appuie dessus, soulagé. Je ferme les yeux un court instant pour reprendre mon calme parce que je remarque que maintenant que mon rythme cardiaque est parti sur les chapeaux de roues à cause de ma discussion – et ma proximité – avec Elliott.
— Hugo ? C'est toi ?
La voix de mon père me parvient, me faisant serrer les poings instinctivement. Il faut vraiment que je me calme. J'ouvre les yeux et le vois alors descendre les escaliers au fond du salon. Il est souriant. Je ne me souviens plus quel âge il a réellement. Trente-huit, quarante ans... Mais il en paraît tellement moins. Je suis sûr que certaines personnes pourraient penser que nous sommes frères et non père et fils.
— Ça va ? me demande-t-il, sûrement inquiet que je reste collé à la porte d'entrée.
Alors je m'en détache et hoche simplement la tête.
— Alors comment ça s'est passé ? Pourquoi tu rentres si tard ? Je croyais que tu finissais à quatorze heures ? Tu t'es fait des amis ? Tu es resté avec Elliott ?
— Hey, calme-toi ! l'interromps-je, ne pouvant pas répondre à toutes les questions d'un coup. Je suis resté à l'entraînement d'Elliott.
— Oh, c'est cool ! Il s'en sort comment ?
— Tu n'auras qu'à lui demander toi-même vu que vous êtes super potes.
Il est surpris par ma réplique. Pourtant, il ne devrait plus l'être, non ? Il s'attend à quoi ? Juste parce que je suis obligé d'habiter chez lui, nous allons reforger des liens, que je vais oublier ce que je sais, que je vais lui sauter dans les bras ? Mais non, ça n'arrivera jamais. Je ne lui fais plus confiance, je ne fais plus confiance à personne.
— Très bien. Et tes cours ?
— Génial ! lancé-je sarcastique. Tous mes profs ont fait le lien avec toi à cause du nom de famille.
— Vraiment ? s'étonne-t-il.
— Ouais et eux aussi, ça les a étonnés d'apprendre que tu avais un fils.
Sa bouche s'ouvre mais rien n'en sort. Que peut-il dire de toute façon ? Il est pris dans son propre mensonge. Celui que je n'existe pas.
— Tu aurais dû y penser avant d'accepter de me prendre ici. Ou alors passer une petite annonce. Enfin quelque chose pour que je n'ai pas l'air d'un con à devoir préciser à tous mes profs et ceci, devant toute ma classe, que je suis bien ton fils mais pas celui de ton mari.
Plus les mots défilent, plus le visage de mon père pâlit. Il doit finalement regretter de m'avoir mis dans le lycée le plus proche de Barnard Castle.
— En tout cas, grâce à toi, je pense que j'ai fait sensation auprès de tout le monde... Tu ne m'en voudras pas si je ne te remercie pas, hein ?
Je resserre ma main sur une lanière de mon sac de cours que je traîne derrière moi en me dirigeant vers ma chambre.
— Ce n'est pas ce que tu crois, Hugo !
— Bien sûr !
— Je n'ai jamais caché ton existence à qui que ce soit, déclare-t-il, en me suivant difficilement.
J'arrive déjà dans le couloir qui mène à ma chambre. Je presse le pas et me dépêche de m'enfermer dedans. Je lance mon sac sur mon lit alors que la main de mon père tape sur ma porte avant qu'il ne souffle :
— Je n'ai rien caché, Hugo. C'était juste un pique-nique. Je te le jure.
Le silence suit cette affirmation qui me piétine le cœur. Je n'aime pas les « je te promets », les « je te jure » parce que ce ne sont que des mots, des paroles dites à la va-vite qui sont trop faciles à briser à la première occasion.
— Juste un pique-nique, Hugo, répète-t-il, espérant sûrement que je lui demande plus de détails mais je n'en fais rien.
A la place, je retiens mes larmes et murmure pour moi-même :
— Cent trente-six.
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