mon rendez-vous.
61. mon rendez-vous.
Mes jambes se mettent à courir dans une rue de Barnard Castle, à la poursuite de mon petit-ami. Il s'est cru malin de nous lancer un défi. Le dernier arrivé au resto paie la note. En plus d'avoir des jambes plus grandes, il s'est, bien entendu, enfui sans m'attendre.
— Tu as triché ! hurlé-je.
C'est son rire qui me répond à plusieurs dizaines de mètres de moi. Je vais l'assommer. Et lui arracher les cheveux. Enfin pour ça, il faudrait que je le rattrape. Autant dire que ça n'arrivera pas à moins qu'il ralentisse. Il tourne à droite et je me rends compte que ses entraînements de rugby ne sont pas là pour rien. Il est rapide ce crétin. Il m'agace.
— Je vais te tuer, Doggers !
Je ne me voile pas la face, j'ai perdu. Je n'ai plus qu'à préparer mon argent. Mais quand j'arrive à proximité du restaurant, celui des parents de Dae et Sun, les alentours sont déserts.
— Il est passé où ce crétin ?
Je tourne dans tous les sens mais à part une vieille avec son chien sur le trottoir en face, il n'y a rien, ni personne. Je sors mon téléphone de ma poche, prêt à l'appeler quand quelque chose me pousse à tourner la tête vers la vitrine des Lim. Je retiens une injure quand je le vois à l'intérieur. Je secoue la tête et tout en rangeant mon mobile, entre dans l'établissement.
Le changement me saute alors aux yeux. Si lorsque nous courrions dans le village, il portait un sweat bordeaux, il a à présent une chemise bleue avec, par-dessus, une veste de costume un peu plus foncée. Lorsqu'il se lève de sa chaise pour m'accueillir, je baisse mon regard et remarque que ses baskets blanches ont laissé place à des chaussures de ville hyper classe.
Je souris face à sa tenue. À sa beauté. Il est juste incroyablement beau, habillé sur son trente-un. À voir la joie dans les yeux de Dae qui sautille derrière mon petit-ami, aux portes des cuisines, je pense que notre meilleur ami n'y est pas pour rien. Elliott vient se poster devant moi et attrape les pans de ma veste en jean pour m'attirer un peu vers lui.
— On ne m'avait pas prévenu pour le dress code, soufflé-je, tout bas.
Je lance un regard à mes habits. Mon jean troué. Mon T-shirt blanc tâché à cause du boulot. Ma chemise à carreaux noir froissée. Ma veste en jean rapiécée sans parler de mes bottines éraflées partout. Je suis loin d'être aussi classe que mon petit-ami à cet instant.
— Tu es parfait, me complimente-t-il naturellement.
Il se penche et m'embrasse pendant de longues secondes. Mon esprit a beau savoir que nous sommes dans un lieu public, avec surement d'autres clients autour de nous, que ce baiser peut apporter des problèmes à Elliott, il n'arrive pourtant pas à y mettre fin. Je pose même ma main sur sa joue, savourant la tendresse de ses lèvres sur les miennes.
Finalement, nous sommes quand même dans l'obligation de nous reculer. Il me fait signe de m'asseoir en face de lui et je m'exécute après avoir mis ma veste sur la place à côté de moi. Un regard autour de nous m'indique, qu'en effet, il y a deux tables déjà prises de l'autre côté du restaurant. Je me mordille la lèvre, mal à l'aise et me penche vers lui.
— Qu'est-ce qui... Me vaut tout ça ? l'interrogé-je, perplexe, en faisant un geste du doigt entre la pièce et son costume.
— Ca fait trois mois qu'on est ensemble alors premier vrai rendez-vous amoureux pour fêter ça.
J'ouvre les yeux sous la surprise avant de ricaner légèrement.
— Tu... Tu comptes ?
— Bien sûr ! s'exclame-t-il comme si c'était une évidence. Ça fait plus de cinq ans que j'attendais ça. Alors je compte les mois, les jours, les heures, les baisers, les caresses, les...
— Je crois que j'ai bien compris le principe !
Il me sourit, révélant un peu plus les paillettes vertes dans ses yeux. Je craque encore un peu plus pour lui mais je me reprends quand Dae fait son apparition à nos côtés.
— Salut Woody ! s'écrie-t-il joyeusement avant de se baisser pour déposer un bisou sur ma joue.
Je le salue, heureux de le voir.
— Tu as vu comme il est beau notre petit Elli ?
Elliott lève les yeux au ciel, exaspéré par la question de Dae.
— J'ai vu ça, il est magnifique. C'est à toi qu'on doit une telle transformation ?
Sa tête bouge de haut en bas à toute vitesse, heureux. Et fier aussi, je pense.
— Vas-y, fais comme si je n'étais pas à trente centimètres de toi ! râle Elliott.
— Tu as fait un beau travail ! déclaré-je comme si mon petit-ami n'avait pas ouvert la bouche.
— Je trouve aussi ! Mais il n'a pas voulu que je touche à ses cheveux, soupire le coréen, déçu.
— L'encourage pas, toi ! maugrée le grand brun.
— Tant mieux, il est canon comme ça...
— Ah tu vois ! crie Elliott. Je t'avais dit qu'il me trouvait canon avec cette coupe !
Dae fit une petite moue, peu convaincu de cette information avant de hausser les épaules, abdiquant.
— Je ne peux rien faire pour vous si vous restez accrochés à votre mauvais goût !
Elliott lui file un coup dans l'épaule qui fait plus sourire Dae qu'autre chose.
— Bon allez les amoureux ! Vous voulez quoi ?
Une fois les ravioles et les Bibimbap commandés, mon regard est attiré par un couple qui nous jette des coups d'œil. Je bouge nerveusement les baguettes qui sont installées devant moi et lui demande :
— Alors ce baiser ?
— Le premier d'une longue liste, affirme-t-il.
— Mais...
Nous ne nous sommes jamais cachés depuis le début de notre relation. La preuve, mes pères l'ont découvert, genre trente secondes après. Mais instinctivement et sans nous concerter, nous avons toujours été discrets à l'extérieur, là où il y avait un risque de croiser quelqu'un. Il avait déjà assez de problème avec sa mère, sans en rajouter un peu plus. Alors pourquoi ce revirement soudain ?
— Ta mère...
Je lui fais un signe de tête vers les autres clients pour expliciter ma pensée. Il déglutit à l'évocation avant de prendre une profonde inspiration.
— Elle est une autre des raisons pour lesquelles je voulais ce petit repas. Ici.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas.
— J'ai parlé sérieusement à mes parents. Je leur ai dit en autre chose que nous étions ensemble.
— Oh merde !
Ma main se précipite aussitôt sur celle d'Elliott et la serre avec force. J'ignore à quel point ses parents peuvent être des enfoirés avec lui mais je sais qu'il y a un fort risque pour que ce soit mal passé.
— Et qu'est-ce qu'ils ont répondu ? Ta mère, elle a fait une crise cardiaque ? Mais tu as fait ça quand ? Tu étais tout seul ? Pourquoi tu ne m'as pas prévenu ? J'aurais pu être là pour toi, te soutenir. Mais...
— Calme-toi ! me coupe-t-il, amusé. Respire à fond !
Ses mots me font prendre conscience qu'en effet, ma respiration était bloquée. J'expire un peu plus bruyamment qu'habituellement et l'écoute me raconter :
— J'ai fait ça hier soir. Après le dîner. Je ne t'ai rien dit parce que je ne voulais pas que tu stresses comme tu viens de le faire. Ou que tu rappliques pour lui casser la gueule si ça se passait mal.
— Je... Je ne frappe pas les femmes, marmonné-je pour me défendre.
Cependant, il me connait bien. Il rit et continue :
— Puis je voulais parler de plein de choses, pas seulement de nous. Mettre en quelque sorte les points sur les i. Et pour ça, j'avais besoin d'être seul avec eux, au calme.
Je hoche la tête, comprenant parfaitement sa décision. Alors que je m'attends à ce qu'il poursuive pour m'expliquer leur discussion, seul le silence résonne entre nous.
— Et alors ? Ça a donné quoi ?
Il hausse les épaules en faisant la moue.
— Vu tout ce que je leur ai balancé d'un coup, je crois qu'on peut dire... Que ça s'est bien passé. Bon pour le moment, ma mère ne me parle plus mais elle ne m'a pas mis à la porte. Je prends donc ça comme une victoire.
— Avec ta mère, c'en est une grande ! approuvé-je, mon pouce caressant naturellement le dos de sa main. Je suis quand même étonné qu'elle n'ait pas pété un câble !
— Je pense que je dois ça à mon père qui l'a calmé dès le début de la conversation. Puis elle a bien vu que je ne leur laissais pas le choix, que je ne changerai d'avis sur rien. J'aurais dix-huit ans dans deux mois, ils n'ont plus leur mot à dire. Sur rien. Enfin, je verrai bien dans les prochains jours quand le choc des révélations sera passé.
— Mais c'est quoi toutes ces révélations ? m'intéressé-je, perplexe.
— Nous deux. Mon avenir. Ce que j'attendais d'eux. Ce que je leur reprochais.
Il baisse les yeux sur son verre retourné sur la table. Je serre sa main et lui avoue, sincère que je suis fier de lui. Aussitôt, il se redresse et se penche par-dessus la table pour venir m'embrasser. Avec un soupçon d'urgence, de désespoir. Je lui mordille la lèvre pour mettre fin à ce baiser qui me tord de douleur l'estomac. Il pose son front sur le mien, les yeux fermés. Je déglutis et retiens un sanglot...
Vingt-cinq...
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