mon goûter.
59. mon goûter.
Le plateau entre les mains, je sors sur la terrasse, plissant les yeux tant la luminosité est forte. Je rejoins la table de jardin et pose ma charge dessus. Noah me sourit et m'aide à servir la citronnade pour nous quatre pendant que je coupe mon brownie.
— Quand as-tu trouvé le temps de faire tout ça ? me demande-t-elle en reposant le pichet.
— Ce matin. Avant les cours.
— Tu es complètement fou !
Enfin ce que je ne lui dis pas, c'est que j'ai été réveillé par Elliott à cinq heures et demi du matin quand il a quitté mon lit pour retrouver le sien avant que ses parents ne se lèvent. Voyant que je n'arriverais pas à me rendormir, je me suis levé pour cuisiner deux ou trois petites choses. Notre goûter bien entendu mais aussi des pancakes pour le petit-déjeuner.
Je ne prends même pas la peine de rebondir à sa légère pique parce qu'au fond, elle a sans doute raison. Je dois être fou. Une fois une part dans chaque assiette, je lève le regard vers Elliott qui pousse Ali sur la balançoire. Un sourire incontrôlable apparait alors sur mes lèvres tandis que je me rassois à ma place.
— Tu es vraiment amoureux de lui, hein ?
La voix de ma sœur me sort de ma contemplation et me fait légèrement rougir.
— Oui.
Les yeux posés sur mon petit-ami, je ne trouve rien d'autre à répondre. Oui, je suis amoureux d'Elliott. Je ne suis pas quelqu'un d'extraverti ou d'expansif donc je ne montre pas mes sentiments et pourtant, je suis raide dingue de lui.
— Et lui ? Il est amoureux de toi ?
J'ai un petit ricanement à sa question. Je passe une main dans ma nuque tout en baissant les yeux vers la pelouse.
— Ouais.
— Comment tu peux en être sûr ? m'interroge-t-elle sérieusement.
— Euh...
Ma tête se tourne vers elle et je remarque alors sa nervosité. Elle se tord les mains et son pied tape une mesure inexistante mais surtout elle ne me regarde pas.
— Il me l'a dit ?
— Et tu le crois ? Comme ça... Sur parole ?
— Bien... Bien sûr. Pourquoi je douterais de lui ? C'est... Elliott !
Elle hausse les épaules pour signifier qu'en effet, c'est une bonne raison pour le croire. Malheureusement, mon explication ne semble pourtant pas lui convenir. Je me rapproche d'elle sur le banc et plie ma jambe sous moi pour pouvoir lui faire face plus facilement.
— Pourquoi tu veux savoir tout ça ?
Elle se râcle la gorge, mal à l'aise avant de secouer la tête de manière à me faire comprendre que ce n'est rien. Juste des questions en l'air. Mais nous savons tous les deux que ce n'est pas le cas.
— C'est à cause du garçon dont tu m'avais parlé dans le salon ? proposé-je, en toute logique.
Aussitôt, son regard regarde tout autour de nous pour voir si quelqu'un d'autre que nous peut écouter notre conversation. Elliott et Ali sont toujours en train de s'amuser comme des petits fous à la balançoire alors que nos pères sont toujours au travail. Il n'y a aucun risque.
Ses joues prennent une jolie teinte rosée tandis qu'elle articule un petit oui. Mon bras se pose sur la table derrière son dos et je me rapproche encore un peu d'elle comme pour créer un cocon, une zone de confort pour elle. Je m'étais arrêté au fait que des imbéciles avaient dit dans tout le collège qu'elle était amoureuse d'un garçon. Alors maintenant pour que je comprenne bien la situation, il faut qu'elle me dise ce qui s'est passé depuis :
— Raconte-moi...
— Tu te souviens que quelqu'un avait répété à tout le monde que j'étais amoureuse de Ismael et que j'avais peur de la manière dont il allait réagir.
J'ignorais que le garçon en question s'appelait Ismael mais bon, je me contente de hocher la tête pour qu'elle poursuive.
— La semaine d'après, un midi, lui et son meilleur ami sont venus manger à la même table que mes amis et moi. On a commencé à passer du temps ensemble au collège et à s'envoyer pas mal de messages.
Mes lèvres s'étirent.
— Donc je n'aurais pas besoin de lui mettre la raclée de sa vie, alors ?
Elle rit avant de m'affirmer :
— Non. Enfin je ne pense pas, nuance-t-elle m'annonçant que le problème ne va pas tarder à apparaître. Vendredi dernier, il m'a embrassée.
Le haut de mon corps se recule instinctivement comme pour mieux la voir.
— Mais c'est trop bien !
— Oh ça va ! me réprimande-t-elle, gênée. Ce n'est qu'un baiser.
— Mais ton premier, non ?
— Si, chuchote-t-elle timidement.
— Tu vois, c'est trop bien ! confirmé-je. Mais alors quoi ? C'est un souci que le garçon que tu aimes t'embrasse ?
— Non, si... Enfin, je ne sais pas. Il m'a dit qu'il était amoureux de moi mais... J'ai peur qu'il... Qu'il fasse semblant, qu'il joue avec moi, que ce soit une mauvaise blague ou un pari avec ses amis.
Je comprends mieux. Je me mets à lui caresser l'épaule en cherchant mes mots. Malheureusement, je ne trouve rien de très concluant alors je me lance dans le vide sans filet :
— Au début, on ne peut jamais être sûr à cent pour cent. Même après d'ailleurs. Il faut juste faire confiance. C'est compliqué et effrayant mais ça vaut toujours le coup et tu sais pourquoi ?
Elle secoue la tête.
— Parce que parfois tu gagnes et d'autres fois, tu apprends.
Noah fronce des sourcils, réfléchissant à mes mots. Sometimes you win, sometimes you learn. J'aime bien cette citation.
— Puis si ça ne suffit pas, passe dans la conversation que ton grand frère est très protecteur et qu'il serait capable de tuer pour toi...
Elle a un hoquet de surprise à l'écoute de mes mots tout en ouvrant en grand les yeux. Je lui embrasse la joue avant de lui conseiller :
— Profite de ce qui t'est offert. Il reste encore quelques êtres humains qui ne sont pas des gros enfoirés. Et surtout, si tu as besoin pour quoique ce soit, je suis là.
— Et pour combien de temps ? s'exclame-t-elle, en croisant les bras devant elle.
Je suis surpris par sa question et par son changement de comportement. Je ne lui ai pas parlé de mon départ et je doute que nos pères l'aient déjà fait. Alors comment elle peut être au courant ?
— Quoi ?
— J'ai entendu une conversation entre papa et papé, un soir, dit-elle vaguement. Ils étaient dans la cuisine et nous pensaient tous au lit mais je n'arrivais pas à dormir. Papa disait... Tu vas partir le jour de ton anniversaire ?
Cette fois, je m'éloigne d'elle, glissant mes fesses sur le bois. J'attrape mon anneau entre mes dents. Je ne sais pas quoi lui dire. Peut-être la vérité, comme toujours.
— Non, le lendemain. Je veux le passer avec vous.
— Trop aimable.
— Noah, s'il te plaît...
— Il n'y a pas de s'il te plaît. Tu me dis que tu vas être là pour moi mais tu vas encore nous laisser tomber. Ça va être comme il y a deux ans ! s'écrie-t-elle.
— Non, bien sûr que non. J'aurai mon téléphone. Tu pourras m'appeler quand tu voudras, je te répondrai toujours. J'ai juste... Je crois que j'ai besoin de partir un peu pour... Savoir qui je suis.
— Tu vas partir ?
C'est la petite voix d'Ali qui résonne dans le jardin à présent silencieux. Je lève les yeux au ciel, désespéré par ce manque de chance. Ou alors ce sont nos haussements de voix qui les ont alertés. Je me tourne. À deux mètres de Noah et moi, elle est debout, à côté d'Elliott qui paraît encore plus grand ainsi. Il lui tient toujours la main qu'il avait sûrement prise pour l'aider à se repérer facilement pour nous rejoindre.
— Mais je reviendrai très vite, affirmé-je, sûr de moi.
Je vois quelques larmes se former dans les yeux bleus d'Ali et ça me fend le cœur de lui faire de la peine avec ça.
— Je suis désolé, ma puce. Mais je te promets que je reviendrai pour Noël. On sera ensemble pour ouvrir les cadeaux, d'accord ?
Elle hausse les épaules comme si elle s'en fichait complètement de ma promesse.
— Tu pars dans combien de temps ?
Je me passe une main sur le visage et compte rapidement avant de lui répondre :
— Quarante jours.
— Quarante ? s'étonne-t-elle.
Elle lâche brusquement la main d'Elliott et se dépêche de se diriger vers l'intérieur de la maison après m'avoir dit sèchement :
— Je te déteste.
Noah me lance un regard lourd de sens. Elle ne le dit pas cette fois mais elle le pense aussi. Elles me détestent toutes les deux et mon cœur se brise. La baie vitrée se referme derrière elles et dans un instinct enfantin, je me précipite dans les bras d'Elliott qui m'y accueille sans rechigner. Je sens alors les larmes faire leur apparition mais je ferme les paupières pour les retenir.
— Il fallait bien te douter qu'elles ne le prendraient pas super bien, me murmure-t-il.
Je sais. Il a raison. Je me doutais bien qu'elles n'allaient pas sauter au plafond en sachant que je partais. Et je n'aurais pas plus apprécié si ça s'était passé de cette manière. Je le serre fort.
— Mais ne t'inquiète pas, ça leur passera. Elles s'étaient déjà faites à l'idée que tu partirais un jour en allant à l'université en septembre. C'est juste plus tôt que prévu. Il faut que l'information soit digérée.
J'attrape sa chemise dans son dos et me laisse bercer par ses bras puissants.
— Et puis elles t'aiment, elles ne peuvent pas t'en vouloir bien longtemps.
Il m'embrasse le haut du crâne tout en me caressant le dos.
— Tu ne fais rien de mal, me déclare-t-il finalement. D'accord ?
Je hoche la tête et déglutis. Je prends une profonde inspiration.
— Bon, depuis ce matin tu me parles de ce goûter, est-ce que je vais y avoir le droit ?
Je ricane et m'éloigne légèrement. Je l'embrasse tendrement, conscient que j'ai le meilleur petit-ami au monde.
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À vos théories...
Une idée pour le titre ?
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