mon baiser.
35. mon baiser.
J'ignore à quel moment depuis mon arrivée, les choses ont changé. À quel moment, j'ai changé. À quel moment laisser mes yeux glisser lentement sur Elliott est devenu un tel plaisir. À quel moment j'ai commencé à déguster visuellement chacune des parties de son corps robuste que ce soit ses épaules carrées, ses bras puissants, son visage balafré, ses cheveux indomptables...
Je ne sais pas et pourtant, je peux affirmer que j'aime un peu trop ce que je vois pour l'ami que je me targue d'être pour lui. Parce que malgré les quelques mètres qui nous séparent, des dizaines de pensées s'emparent de moi. Des idées. Des envies. Des émotions. Des souvenirs. Comme ces dimanches matins qu'il passe dans mon lit à présent. Ou cette chaleur que je sens au creux de mon ventre dès qu'il est dans mon champ de vision. Ou encore ce besoin de découvrir ce que ça fait de passer ma main dans ses cheveux. Ou même cette stratégie qui se monte à cet instant pour qu'il dorme avec moi cette nuit parce que je veux sentir son corps contre moi. Ou juste cette image de moi le rejoignant maintenant pour l'embrasser.
Un fin sourire se dessine sur mes lèvres sans que je ne lâche mon anneau. Tout ce qui me passe à l'esprit accélère brusquement mon rythme cardiaque et me fait trembler de la tête aux pieds. J'essaie de camoufler mes mains dans les manches de mon pull tout en espérant qu'il mette ces tremblements sur le compte du froid hivernal. Puis finalement, je prends conscience qu'il n'a pas bougé d'un pouce depuis tout à l'heure. Je fais alors quelques pas vers lui, un sourcil relevé, quelque peu surpris qu'il ne réagisse pas à ma présence. Je n'irai pas jusqu'à dire que ça me vexe mais tout de même... Un petit rictus ne coûte rien.
Alors que je suis plus qu'à un mètre de lui, mes yeux pour la énième fois le dévisagent et je remarque son regard indéchiffrable. Il me met mal à l'aise, ce n'est pas habituel chez lui. Cela doit être dû à ce qui est arrivé à Dae au lycée. De ce que j'ai compris, Elliott n'était pas au courant des problèmes que Dae pouvait avoir, alors ça a dû le surprendre. Peut-être même le blesser un peu que son meilleur ami le mette ainsi de côté. Mais ce n'est pas moi, le responsable.
Je lève doucement la main droite et pose mes doigts glacés sur son avant-bras nu, le regard fixé dessus. Ils s'amusent un moment à pianoter sur sa peau dorée. Des petits picotements comme de l'électricité partent de la pulpe de mes doigts et remontent jusqu'à la première articulation. C'est léger, agréable, reposant. J'aimerais passer des heures ainsi mais Elliott en a décidé autrement. Sans un mot, il dégage son bras pour me tendre mes affaires tandis que le mien retombent le long de mon corps. Pendant quelques secondes, je suis surpris, presque perdu. Je les attrape tel un robot et il fait immédiatement demi-tour pour retourner chez lui, sans avoir ouvert la bouche. Il se fiche de moi ?
— Tu vas où là ?
Ses longues jambes s'arrêtent dès qu'il entend ma voix. Je le vois rouler des épaules comme pour se calmer. Je l'énerve tant que ça ? Ma présence l'insupporte ? Un violent pincement au cœur à cette idée me fait grimacer.
— Je rentre chez moi, ça se voit, non ? me répond-t-il, sans me faire face.
Je passe ma langue sur les lèvres comme pour m'empêcher de hurler ou de pleurer à cause de son comportement. Les poings serrés et les yeux braqués sur sa nuque dévoilée, j'essaie de déterminer le problème qu'il y a entre nous mais rien ne me vient.
— Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu as ?
— Rien. Il y aurait une raison pour que ça n'aille pas ?
Sa voix est claire, normale mais il ne s'est toujours pas retourné vers moi et je ne comprends pas pourquoi. Je baisse la tête, les sourcils froncés sous la réflexion. La dernière fois que nous nous sommes parlé, c'était après les cours et tout allait bien. Il avait même passé son bras sur mes épaules. Il m'avait complimenté sur ma coiffure du jour qui n'avait pourtant rien d'extraordinaire ou de différent d'habitude. Quand je m'étais éloigné pour aller chercher mes affaires dans mon casier, il m'avait même mis une claque sur les fesses en riant. Avant cette histoire avec Dae, tout allait bien.
Je relève la tête et il n'a pas bougé. Il semble attendre ou hésiter.
— Si c'est à cause de Dae, commencé-je doucement, je n'y suis pour rien.
— Je sais...
Sa tête bascule vers l'avant comme s'il était sur le point de pleurer. Je me dépêche de le rejoindre et pose naturellement ma main sur son dos.
— Et je peux te jurer que je n'étais pas au courant de ce qui se passait pour lui. Si je l'avais été, je t'aurais prévenu. Je suis passé par hasard...
— Peu importe, me coupe-t-il. Tu l'as aidé et c'est le plus important.
— Alors qu'est-ce... Pourquoi tu es comme ça ?
Il hausse les épaules avant de reprendre sa marche. Rapidement, je laisse tomber mes affaires pour le contourner et me place devant lui, l'empêchant de s'échapper. Je suis tellement près de lui, à présent, que je peux sentir son souffle sur mon nez. Avec sa haute stature et sa tête qu'il garde penchée en avant, j'ai l'impression d'être dans un cocon et c'est agréable. Cependant, et même si j'en crève d'envie, je n'ose pas lever les yeux vers lui. Alors à la place, j'attrape son tee-shirt au niveau de sa hanche.
— Qu'est-ce que j'ai fait ? lui demandé-je.
J'ai parlé tout bas comme si j'avais peur qu'il s'énerve après moi alors qu'Elliott est un nounours tout mignon. Mais s'il est comme ça avec moi, j'ai dû faire quelque chose de mal, quelque chose qui l'a blessé.
— Rien...
Dans la pénombre qui s'installe doucement autour de nous, ce n'est pas un mot mais un simple soupir. À peine un souffle. Qui me fait mal au cœur sans savoir pourquoi. Je pose mon front sur son torse et le souvenir de nous deux, dans cette même position, mon premier jour au lycée, me revient en mémoire. Mais il avait mis une main dans mon cou, ce jour-là. Il était proche de moi, physiquement et mentalement. Il m'avait promis qu'il n'était pas faux avec moi. Et aujourd'hui, il me ment...
— Tu vois... J'avais raison... Toi aussi, tu mens.
Tout en me reculant, ma main libre se ferme et va frapper les pectoraux d'Elliott qui réagit presque immédiatement en coinçant mon poignet entre ses doigts. Nos yeux se percutent et j'attends presque le moment où mon corps va basculer en arrière sous son regard profond. Mon ventre se retourne, des engourdissements s'emparent de tout mon corps. Ce mec me fait ressentir trop de choses avec si peu de gestes, de phrases...
— Tu me mens, insisté-je avec plus de véhémence.
Je lui en veux. À cet instant, je lui en veux de faire réagir mon corps, faire naître des émotions en moi alors que la seule chose qu'il veut, est de s'éloigner de moi. Je tente de dégager mon bras mais je ne peux rien faire contre Elliott, il est trop fort pour moi. Soudainement, il tire sur mon bras, me rapprochant brusquement de son corps et malgré la tombée de la nuit, je peux voir les traits de son visage s'affaisser les uns après les autres tandis que ses yeux me détaillent. Sans le moindre signe avant-coureur, il se penche et pose ses lèvres sur les miennes.
Les premières secondes, la réalité n'arrive pas jusqu'à mes neurones mais lorsque je sens qu'il se sépare de moi, je me redresse et passe ma main qu'il n'emprisonne plus, dans son cou pour le ramener vers moi. Il est un peu surpris mais ça ne dure pas. Nos lèvres commencent alors une danse que je ne pensais pas être possible, il y a encore deux heures. Dans un même instinct, nous prenons notre temps, savourant chaque détail, chaque son, chaque odeur, chaque sensation. Parce qu'il y a tout ça dans ce baiser. Et tellement plus parce que ce n'est pas seulement un échange de salives. Pour moi, c'est... C'est Elliott. C'est mon plus vieil ami. C'est plus...
Je serre ses petits cheveux dans sa nuque et cherche alors à approfondir le baiser. Je veux tout, tout de suite. Je veux Elliott. Je le veux avant qu'il se réveille. Qu'il comprenne ce qu'il est réellement en train de faire. Qu'il me mente à nouveau. Alors que ses mains enserrent ma taille et qu'un soupir de bien-être lui échappe, je me rends compte que c'est ce que j'ai toujours voulu. Depuis toujours, j'ai voulu ça avec mon meilleur ami sans jamais me l'avouer. Sûrement par peur de souffrir.
Il finit par se reculer un peu après avoir laissé trainer sa langue au niveau de mon anneau ce qui me fait révulser les yeux sous le plaisir de ce simple geste. Elliott encadre mon visage de ses mains et tout en plongeant son regard dans le mien, me déclare sûr de lui :
— Je ne te mens pas. Tu n'as rien fait de mal.
Il dépose un nouveau bisou au coin de mes lèvres et ajoute :
— Je suis juste faible quand tu es là...
Je m'apprête à lui répondre quelque chose mais l'averse qui commence de tomber m'empêche de poursuivre. Je me contente de me saisir de sa main et de l'entraîner avec moi, à l'intérieur de la maison, sans avoir oublié mon sac et ma veste.
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