mon anniversaire.
63. mon anniversaire.
Je n'ai pas l'habitude de monter ici. Pourtant, c'est le seul endroit qui m'est venu à l'esprit quand j'ai entendu la sonnette de la porte d'entrée sonner la première fois. Je ne devrais pas être là, à me cacher comme un gamin après avoir fait une grosse bêtise. Je ne devrais pas observer le jardin envahi par les invités depuis ce perchoir. Ma place est en bas, à discuter et rire avec eux. Mais rien qu'à cette pensée, mon corps défaille complètement.
Mes doigts pianotent nerveusement sur le rebord de la fenêtre. Mes dents s'emparent de mon anneau. Ma respiration s'accélère légèrement. Je crois, sans trop m'avancer, que je suis stressé par cette soirée. Par ce que je m'apprête à faire dans quelques heures. Mon cerveau est en effervescence, envahi par des centaines de questions, de peurs, de joies, de sentiments. Je suis tellement de choses à cet instant que je ne sais plus réellement ce que je suis, ce que je pense et encore moins ressens.
Je suis à la fois soulagé et effrayé que ce soit enfin mon anniversaire. Reconnaissant et rancunier que tout mon entourage accepte si bien mon départ. Accroché à eux et si empreint de liberté. Heureux et malheureux à la fois... Je n'arrive pas à ressentir autre chose que des émotions contradictoires depuis plusieurs jours et aujourd'hui, c'est l'apogée. C'est sûrement normal d'être ainsi mais cela n'empêche pas mon cœur de me faire souffrir...
Je souffle à fond comme pour évacuer la pression mais rien à faire. Je m'accoude à la fenêtre et déglutis tout en observant ce qui se prépare en bas, ou plutôt ce qui a déjà commencé. Je me souviens de ce que j'ai dit à Elliott à la Cookie Factory. Peu importe le jour où je partirai, le problème sera toujours le même et ça me fait chier d'avoir raison. Parce que là, je donnerai n'importe quoi pour rester un peu plus longtemps. Quelques jours ou au moins quelques heures avec eux. Avec lui... Mais cela ne changerait absolument rien. Je serai encore amoureux de lui mais ce besoin d'ailleurs sera toujours là aussi.
— Tu t'es mis sur ton trente-un, dis-moi !
La voix de George me sort de mes pensées peu agréables. Je tourne la tête vers lui. Il monte la dernière marche de l'escalier et se dirige vers moi. Je me décale pour lui laisser un peu de place à ma gauche. Il prend la même position que moi alors que je baisse les yeux sur ma chemise blanche à rayures noires, mes bretelles et mon jean noirs. Après un léger ricanement, je lui réponds, mon regard retournant à la contemplation du jardin :
— C'est l'œuvre de Dae ! J'ai échappé de peu au chapeau.
— Tu aurais dû, il a du style ce petit !
— Ne lui dis pas ça, il pourrait le croire, plaisanté-je, faisant rire mon beau-père.
Contrairement à ce que je pensais, tout le monde se mélange. Ady parle avec mon oncle Nolan alors que ma tante Faith s'est sûrement lancée dans un interrogatoire en règle avec ce pauvre Elliott. Sun discute avec ma grand-mère et mon oncle London. Mon père, lui, a réquisitionné Dae pour le barbecue. Je me passe une main dans les cheveux en me moquant gentiment :
— Papa a choisi le mauvais frère Lim pour la cuisine !
— Je crois qu'il n'a pas eu vraiment le choix, dit-il sur le ton de la confidence, souriant.
Connaissant Dae, les dires de George ne m'étonnent même pas. Mon beau-père pose une main sur mon épaule et la serre doucement. Je sens alors l'atmosphère entre nous changer aussitôt. Elle devient plus intime, profonde et sérieuse. Je détourne mon regard de mon meilleur ami en train de gesticuler à côté de mon père.
— J'ai toujours su que...
Il se râcle la gorge et retire finalement sa main pour lier ses doigts. À son tour, il observe le jardin, semblant gêné.
— Même si sur le papier, je ne suis personne pour toi, je t'aime fort.
J'aimerais lui répondre mais il ne m'en laisse pas le temps, il poursuit sa pensée.
— Et je me rends compte que je t'ai toujours considéré comme mon propre fils. C'est sans doute pour ça que je suis si heureux quand tu m'appelles papé et si triste de savoir que tu vas partir demain.
Cette fois, il s'arrête dans son petit discours et baisse la tête, ne voulant peut-être pas croiser mon regard maintenant. Pourtant, il y verrait le bonheur et la fierté. Je lui donne un petit coup d'épaule avant de lui affirmer, sûr de moi :
— Je t'ai toujours considéré comme mon père.
Même si j'en ai pris conscience, il n'y a que quelques mois. Sans que je comprenne comment il avait fait, il me prend dans ses bras et me reproche doucement :
— Tu aurais au moins pu partir ce weekend quand même.
— Je sais... Je regrette un peu aujourd'hui. Mais je trouvais ça cool de partir le lendemain de mon anniversaire, lui avoué-je.
— Je comprends.
Il m'ébouriffe les cheveux, me faisant lever les yeux au ciel.
— Enfin bon, comme tu nous l'as dit, tu vas revenir alors peu importe le jour où tu pars. Tu vas revenir, hein ?
Je hoche la tête. Je l'ai promis à tellement de gens. Mes sœurs, mon beau-père, Elliott... Moi-même.
— Tu sais... contrairement à ce que je pensais en arrivant ici en janvier, je suis triste de partir demain... Vous allez tous me manquer.
Je lui fais un grand sourire et ajoute :
— Et je t'aime fort aussi.
Il passe encore une fois une main dans mes cheveux comme pour camoufler sa gêne mais je vois bien son sourire et ses joues rosies.
— Bon allez, ce n'est pas tout ça, mais tu as un anniversaire à fêter et moi, un mari à sauver de la maladresse de Dae !
Je ris légèrement et ne réfléchis plus en le suivant dans les escaliers. Il a raison. Peu importe le jour où je pars, ce qui compte, c'est celui où je reviendrai. Je n'ai pas encore fait un pas dans le salon que Noah s'approche de moi, main dans la main avec un garçon d'à peu près ma taille. Sans essayer d'être discret, mon regard le détaille automatiquement. À première vue, il semble gentil et un peu coincé. D'ailleurs quand je lui tends ma main sans un mot, il lance un regard paniqué à Noah qui le rassure d'un mouvement de tête. Nous nous saluons d'une poignée.
— Hugo, dis-je simplement en le fixant.
Il déglutit, mal à l'aise.
— Ismael, m'imite-t-il, avec moins de confiance en lui. Joyeux anniversaire !
Mes remerciements le détendent un peu mais son visage pâlit un peu alors que ses yeux fixent quelque chose derrière moi. Ou plutôt quelqu'un à priori quand je sens des mains se poser sur mes hanches.
— Tu t'es fait désirer, me susurre-t-il au creux de mon oreille.
Mon géant de petit-ami ! C'est vrai que ses presque deux mètres et ses muscles de rugbyman peuvent impressionner, surtout un gamin de quinze ans. J'ai un rictus amusé, sachant pertinemment que, de nous deux, c'est de moi qu'il devrait avoir le plus peur étant le bagarreur et l'impulsif du couple. Mais les préjugés ont la peau dure.
— Je peux vous le voler ? demande Elliott. Votre tante est sur le point de venir te chercher par la peau du cul !
Si Ismael rit à cette réplique pensant à une blague, Noah et moi savons pertinemment qu'elle serait capable de le faire. Je fais une légère grimace à ma sœur et sans attendre mon reste, passe la baie vitrée. Je n'ai pas besoin de chercher Faith qu'elle m'a déjà trouvé :
— Le petit pouce est enfin là ! crie-t-elle en me rejoignant.
Bien entendu, tous les invités se tournent vers moi et je leur fais un petit signe de la main pour les saluer. Certains me répondent de la même manière et les autres se font un plaisir de lever leur bière déjà entamée. Alors que ma tante me prend dans ses bras avec force, je pense que je vais, moi aussi, avoir besoin d'une pinte.
Surtout si elle utilise encore ce surnom ridicule. Quand j'étais petit, je lui avais demandé un jour pourquoi mon pouce était plus petit que les autres. Vu qu'en famille, nous sommes toujours attentionnés et prévenants, elle avait commencé à m'appeler comme ça sous prétexte que j'étais trop mignon quand je lui avais posé ma question. Et je vois que la tradition perdure !
Elle se recule et pendant qu'elle inspecte en détails mon visage comme le fait mon père quand il est inquiet, je me demande bien ce que je vais bien pouvoir lui raconter ce soir. Mais elle n'a peut-être pas besoin de moi pour lancer la conversation :
— Comme tu es beau !
Elle me tapote la joue, un peu plus fort que nécessaire et je fais bouger ma mâchoire, juste pour être sûr que tout va bien.
— Elliott m'a dit que tu partais pour Rome ! Tu vas prendre des couleurs là-bas.
Ce n'est pas tellement mon but premier mais si je peux bronzer un peu, je ne dirai pas non.
— Tu vas en faire craquer pas mal !
Elliott m'attrape une main et la serre comme pour me rappeler qu'il est là.
— Pas trop quand même, intervient mon petit-ami.
Je me tourne vers lui et lui souffle, un sourire aux lèvres :
— Personne...
— Mais c'est qu'ils sont enfin ensemble, ces deux-là !
Je sursaute légèrement à cette exclamation que ma tante vient de faire en levant les bras au ciel. Encore une fois, l'attention de tous se porte sur notre trio. J'ouvre la bouche pour lui répondre mais elle se tourne et reproche :
— Tu ne m'avais pas dit, Lou, qu'ils avaient sauté le pas !
J'ouvre les yeux en grand, outré par ce qu'elle vient de dire. Mon visage s'enflamme de gêne.
— Mais je ne te dis pas tout, F ! rétorque mon père en retournant des morceaux de viande.
Et parce qu'un malheur n'arrive jamais seul, c'est exactement le moment que les parents d'Elliott choisissent pour faire leur entrée. J'ignorais qu'ils avaient été invités et encore plus qu'ils avaient accepté.
— Merde, maugréé-je en attrapant un bras de Faith pour l'empêcher d'ajouter quelque chose comme elle semble vouloir le faire. S'il te plaît.
Mon ton est presque suppliant et me fait grimacer mais je ne veux pas qu'Elliott ait des problèmes ce soir.
— Qu'est-ce qu'ils font...
— Ils veulent s'améliorer, me chuchote mon petit-ami avant de rejoindre ses parents pour les accueillir.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? m'interroge Faith, ne comprenant pas mon comportement.
Je ne peux me retenir de regarder le début de discussion des voisins. Juste pour être sûr que tout va bien. Sa mère n'est pas partie en furie, ne s'est pas mise à hurler après son fils... Même si elle ne semble pas hyper à l'aise pour le moment, elle est toujours là et fait même un petit sourire à son fils.
— Sa mère a... Un peu de mal avec l'idée que son fils sorte avec un mec, expliqué-je rapidement.
— Oh la conne !
Je ricane un peu avant de me reprendre :
— Oui et non. Elle fait vraiment des efforts depuis qu'Elliott lui a dit pour nous deux. La preuve, elle est là ce soir !
— Personne ne devrait avoir à faire des efforts, affirme-t-elle en mimant des guillemets sur le dernier mot. Ça devrait être naturel.
— Je suis d'accord mais je ne vais pas aller lui dire ça alors que ça s'arrange enfin entre eux.
Elle se redresse et regarde un peu trop longtemps à mon goût, la petite famille Doggers. Je pose une main sur son épaule et lui déclare :
— Et tu ne vas pas y aller non plus ! Je ne veux pas de problème avec eux avant de partir.
— Pourtant, à priori, tu les aimais bien les problèmes avant, non ? me taquine-t-elle, un sourcil levé.
— Oui... Mais maintenant, j'ai trop à perdre...
Je déglutis et échange un regard avec Elliott. Il est souriant et cela me rassure car soit ses parents n'ont rien entendu, soit ça ne les a pas choqués. Dans les deux cas, c'est parfait. Je soupire, prenant conscience que tout mon corps était tendu depuis leur arrivée.
— Tu me rappelles étrangement quelqu'un dans ce genre de situation, souffle Faith en me tapotant l'épaule.
Un sourire timide aux lèvres, je baisse la tête, touché. Ça me fait plaisir de ressembler à mon père, d'avoir pris de son caractère bien que nous ne soyons pas du même sang. C'est ce genre de choses qui me prouvent qu'il est réellement mon père. Plus qu'une couleur de cheveux ou la forme de mon nez.
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