ma vérité.
51. ma vérité.
— J'ai pas envie d'y aller, râlé-je sur un ton enfantin et boudeur.
Elliott est devant moi et me tire par la main pour m'obliger à avancer. Alors même si j'essaie de freiner des quatre fers, il a trop de force pour moi.
— Je veux pas !
Cette fois, il fait un brusque demi-tour vers moi et me pointe avec son index tout en me déclarant :
— Tu vas arrêter ta comédie, Dashwood. Tu veux ta vérité depuis un siècle et maintenant que tes parents sont décidés à te la dire, tu ne veux plus les écouter ? Tu te fous de moi, là ?
Je baisse la tête, mal à l'aise. C'est vrai que j'attends ça depuis des années mais j'ai peur. Mon estomac me fait mal, comme si quelqu'un s'amusait à le serrer de toutes ses forces. La tête me tourne un peu. Ma nervosité m'empêche même de remarquer à quel point je suis frigorifié, c'est pour dire !
— J'ai... J'ai peur.
À ma déclaration, Elliott s'adoucit aussitôt. Ses épaules s'affaissent avant qu'il ne me prenne dans ses bras. Je l'entoure des miens et ferme les yeux tout en essayant de me calmer.
— Tu as peur de quoi ? me demande-t-il.
— De... Cette vérité.
— Je croyais que tu la connaissais déjà ?
— Oui mais là, je vais avoir toutes les explications.
— Elles t'aideront peut-être à comprendre et surtout à accepter. C'est une bonne chose. Et puis je serai là.
Je le serre fort. J'aime sentir son corps robuste contre moi, j'ai alors cette sensation de sécurité qui m'envahit à chaque fois.
— Allez, on y va ?
Sa phrase sonne comme une interrogation et pourtant, il s'éloigne aussitôt. Il reprend son chemin vers chez moi, me tirant toujours doucement derrière lui. Quand nous passons la porte d'entrée, je prends une grande inspiration comme pour me donner du courage. Elliott nous entraine dans le salon où mes parents et George discutent. Lorsqu'il me voit, mon père s'exclame, un peu énervé :
— Sérieusement, tu as quel âge, Hugo, pour t'enfuir comme ça ?
— Je veux qu'Elliott soit là, dis-je simplement.
— Fort bien ! Mais tu étais vraiment obligé de bloquer ta porte et passer par la fenêtre pour ça ?
Je hausse les épaules. Peut-être pas, c'est vrai. Je crois que j'ai paniqué et j'ai fait la première chose qui me passait par la tête.
— Mais attends, reprend-t-il. Ne me dîtes pas que vous étiez dehors comme ça ?
Il nous rejoint rapidement et me touche la joue pour déterminer ma température corporelle.
— Vous êtes des idiots ! lâche-t-il alors que son bras retombe le long de son corps.
Je lève les yeux au ciel et laisse mon regard faire le tour de la pièce. Il n'y a plus aucune trace de ma grand-mère et de mes sœurs. Je fronce les sourcils et demande :
— Les filles et mamie sont où ?
— On a pensé qu'il était préférable qu'elles aillent se promener un petit moment. Allez asseyez-vous !
Sur cet ordre, il fait un signe vers le canapé puis se tourne vers son mari.
— G, tu peux leur faire un lait chaud s'il te plaît ?
George ne répond rien mais il a déjà rejoint la cuisine. Mon père s'éloigne de nous alors qu'Elliott lui assure :
— Ne t'inquiète pas, Louis, tout va bien.
Mon petit-ami m'oblige tout de même à bouger jusqu'au canapé. C'est là que je prends quelques secondes seulement pour détailler ma mère qui est restée dans un coin de la pièce. Debout près de l'escalier avec les épaules voutées, son attitude montre qu'elle ne se sent pas à sa place. Ou alors c'est la raison de sa venue ici qui la met mal à l'aise.
Avec Elliott, nous nous installons et je me colle immédiatement à lui comme si je craignais que quelqu'un se jette sur moi. Je suis ridicule mais je m'en fous. Il me rassure. Il fait une légère pression sur ma main pour me prouver qu'il est là pour moi.
— Hugo est gelé ! déclare mon père en prenant le plaid qui avait été jeté négligemment sur les fauteuils de lecture.
Il nous lance la couverture qu'Elliott attrape à la volée avec facilité, en riant légèrement. Il se moque ouvertement de mon père.
— C'est pas une petite chose fragile, non plus !
Je donne une tape à Elliott dont le rire s'accentue alors que je grogne :
— Ne parlez pas comme si je n'étais pas à un mètre de vous !
Souriant, Elliott, d'une main, me tapote le haut du crâne en soupirant :
— Chut, laisse parler les grandes personnes...
Je lève les yeux au ciel alors qu'il se met à installer le plaid sur nous, privilégiant mes jambes repliées. Malgré moi, un soupir de bien-être s'échappe de ma bouche en sentant la chaleur de la couverture polaire. Elliott m'embrasse la tempe et mon regard se pose sur ma mère qui s'est assise sur un pouf. Elle triture l'ongle de son pouce, la tête baissée. La voir ainsi, fragile et gênée, m'énerve. Je devrais peut-être m'attendrir devant ce spectacle un peu pathétique mais c'est tout le contraire. Elle ne serait pas dans cet état si elle m'avait dit la vérité directement ou au moins plus tôt.
— J'attends qu'elles parlent depuis des années, lâché-je sans réfléchir.
Un silence assourdissant fait suite à mes mots. Mes parents me fixent longuement mais ils ne disent toujours rien. Je me redresse et leur dis :
— Je suis déjà au courant alors...
— Tu ne sais rien, me coupe mon père.
Il vient se placer derrière ma mère et pose les mains sur ses épaules toujours aussi voûtées. Ma bouche s'ouvre, prêt à lui répondre mais aucun son n'en sort. Le tilt du micro-onde retentit dans la cuisine derrière moi.
— Je...
Ma mère lui attrape une main et la serre. C'est comme si ce simple geste leur donnait du courage. Elle relève les yeux vers moi tandis que mon père me déclare finalement :
— Je ne suis pas ton père.
Cette fois, le silence me percute. Tout comme les mots. Il n'est pas... Mon cerveau est en surchauffe, refusant complètement de comprendre ce que cette déclaration signifie. Par contre, mon corps, lui, semble bien réaliser. Ma poitrine se comprime, me donnant l'impression de faire une crise cardiaque. Je commence à transpirer, une sueur froide coulant le long de ma colonne vertébrale. Mes mains tremblent. Heureusement, Elliott m'entoure de son bras.
— Biologique, intervient George en revenant dans le salon.
Il dépose les tasses sur la table basse et va s'asseoir dans le canapé. Il couve un peu du regard son mari. Je déglutis, passant mon regard entre mes parents et lui.
— Ce n'est pas possible ! m'exclamé-je brusquement. Je suis petit et j'ai les yeux bleus. Comme toi.
— Et comme des millions d'autres personnes, souffle-t-il.
— Mais j'ai ton impulsivité et ton sale caractère !
— Ça, c'est parce que tu as passé trop de temps avec lui, m'explique George.
— Pourquoi j'ai l'impression que tu as pris que mes défauts selon toi ? marmonne-t-il en allant s'installer sur le fauteuil à côté de ma mère.
Je secoue la tête. Je ne comprends pas et ne veux pas non plus comprendre. C'est trop difficile de faire face à ça. J'étais tellement persuadé de savoir. Le haut de mon corps se recule instinctivement, comme pour mettre de la distance entre les adultes et moi.
— Mais alors... C'est... Qui ?
Ma mère soupire avant de se mordiller la lèvre inférieure, incertaine de la marche à suivre.
— Pop, il faut que tu lui dises tout maintenant.
L'homme qui, jusque-là, était mon père, lui tapote gentiment la cuisse pour l'inciter à me raconter la vérité. Cependant, je ne crois pas être capable de l'écouter. J'ai juste envie de plaquer les mains sur mes oreilles pour ne plus rien écouter mais je me retiens, serrant le genou d'Elliott pour rester dans la réalité. Puis finalement, l'exaspération s'empare de moi.
— Dis-moi, lui ordonné-je sèchement au bout de quelques secondes.
— Ton père... Enfin ton...
— Géniteur.
— Oui... Il s'appelle Andreas Hellman.
Andreas Hellman ? Je n'aime pas. Ce n'est pas beau et... Je n'aime pas du tout.
— Je l'ai rencontré à New-York, dans un pub. Tout s'est passé très vite entre nous. On s'est installés ensemble à peine trois semaines plus tard et après seulement cinq mois, on a décidé d'avoir un bébé...
Je me laisse aller contre Elliott, abasourdi. Je ne reconnais pas ma mère. Elle qui réfléchit à tout, qui ne s'engage jamais avec qui que ce soit, qui est organisée... Alors je me dis qu'elle est peut-être comme ça aujourd'hui à cause de cet homme. De moi.
— Je suis tombée enceinte presque aussitôt. Mais... Quand je le lui ai appris, heureuse, il m'a dit qu'il avait changé d'avis. Il m'a demandé de choisir entre lui et notre bébé... d'avorter. J'ai refusé.
— Pourquoi ? Pourquoi tu as refusé ?
— Parce que... Tu étais là. Et je te voulais. Il n'était pas question que je... Non ! Jamais, je n'ai envisagé cette possibilité. Avec ou sans Andreas, je te voulais, me répète-t-elle.
Je prends une profonde inspiration. Entendre ses mots me fait du bien. Beaucoup de bien. Je sens comme un fardeau s'évaporer de mes épaules.
— Alors il est parti et je t'ai eu.
— Tu... Tu n'as jamais regretté ? l'interrogé-je.
Elle a un timide sourire. Presque attendri.
— Jamais.
— Même pas ces dernières années ?
— Non, jamais.
Je me mordille la lèvre. Une boule se forme dans ma gorge. Elliott caresse mon dos lentement, ce qui me rassure un peu mais j'ai encore tellement de questions qu'elles me donnent un peu le tournis.
— Donc la conversation que j'ai entendue...
Elle est étonnée par ce que je lui dis mais elle ne me coupe pas la parole.
— Où tu disais que même s'il était mon père, il n'avait pas son mot à dire parce qu'il n'avait pas voulu de moi, tu parlais à... cet Andreas ?
Elle se contente d'un hochement de tête avant que Louis n'ajoute :
— Il a voulu te rencontrer il y a deux ans mais vu notre situation familiale et...
— Votre mensonge ? proposé-je.
— Oui, en convient-il. On ne pouvait pas le laisser entrer en contact avec toi...
Je hoche simplement la tête, digérant tout ça du mieux que je peux.
— Et... Toi, tu rentres quand dans cette histoire ? demandé-je à mon père. Quand deux gays veulent un enfant mais qu'ils ne peuvent pas en avoir ?
— Hugo ! me reprennent en chœur mes parents.
— Ben quoi ? Ce n'est pas vrai ?
— Ça n'a absolument rien avoir avec ma sexualité, ma fertilité ou...
— Ou même moi ! intervient George.
Mes sourcils se froncent, un peu perdu.
— Je te l'ai dit, j'ai rencontré Poppy dans un avion. Cependant, ce n'était pas avant ta naissance mais un an après.
Un an ? L'homme que j'ai appelé papa toute ma vie ne m'a jamais tenu quand j'étais bébé. N'a jamais entendu mes premiers mots, vu mes premiers pas... Ça me fait mal au cœur.
— Je venais de quitter New-York, continue-t-il. On a tout de suite sympathisé et on a gardé le contact mais je ne t'ai pas rencontré tout de suite. J'étais ici. Ta mère et toi à New-York. C'était compliqué.
Il se passe une main dans les cheveux puis il a un petit sourire.
— Quand je t'ai vu la première fois, tu n'étais pas très grand. Tu marchais à peine mais tu voulais absolument courir partout. Tu étais tellement adorable que la seule chose que je n'arrêtais pas de me répéter, c'est que j'aurais aimé avoir un fils comme toi.
Il ricane, se remémorant surement quelques souvenirs comme il le fait toujours dans ce genre de situations.
— Tu ne me quittais jamais. Et moi non plus. Puis un jour, tu devais avoir quatre ans, tu m'as appelé papa. Je crois que si cela avait été possible, mon cœur aurait explosé de joie. C'est à ce moment-là que j'ai su que je voulais que tu continues de m'appeler comme ça. Je voulais t'adopter.
— Tu voulais m'adopter ? Alors que tu n'avais aucun lien de sang avec moi ? Alors que... Tu étais déjà avec George ?
— J'étais avec George depuis presque quatre ans. Il m'a soutenu et aidé parce qu'il savait que c'était ce que je voulais.
Je ferme les yeux et retire d'un geste sec, le plaid qui était sur mes genoux. Je me lève et commence à faire les cent pas entre le canapé et la table basse. J'essaie de mettre toutes les informations que je viens d'apprendre en ordre dans ma tête mais ça me semble impossible. Elles se bousculent, me donnent mal au crâne. Elliott s'empare de sa tasse et en boit une longue gorgée comme si tout était normal. J'aimerais en faire de même pour me réchauffer mais je sais que je ne peux rien avaler.
— Et toi, tu as accepté ? reprends-je en me tournant vers ma mère. Comme ça ? Le premier venu vient et tu acceptes qu'il m'adopte ? En même temps, mon géniteur était un mec que tu connaissais depuis même pas six mois alors à quoi je m'attendais ?
— Louis n'était pas le premier venu, Hugo ! Il était mon ami depuis des années. J'ai refusé au début, je l'ai même mal pris. J'avais l'impression qu'il me prenait pour une mauvaise mère incapable de s'occuper de toi. Je pensais qu'il ne pouvait pas être ton père tout simplement. Mais c'est toi qui l'as accepté... C'est toi qui l'appelais papa, qui voulais constamment le voir, lui téléphoner. Tu me faisais des crises si vous ne faisiez pas de FaceTime avant d'aller au lit. Je ne pouvais pas faire autrement...
Elle soupire.
— Il t'a reconnu que le jour de tes six ans.
Mon corps me lâche. Je me laisse choir sur l'accoudoir du canapé, abasourdi par tout ça.
— Je te l'ai dit Hugo... Être ton père a été une évidence.
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