« C'est impossible. »

Lucie se tourna vers Lucas avec un sourcil haussé et un sourire en coin. « Et pourquoi est-ce que ce serait impossible ? »

« C'est techniquement impossible. » Répondit-il avec une assurance sans faille. « Je passe mon temps à jouer à Mario Kart, tu ne peux pas me battre. »

Son sourire s'agrandit alors qu'il se tournait vers elle avec confusion. « On parie ? »

Il la regarda quelques instants comme s'il hésitait, mais finit par lui rendre son sourire en lui tapant dans la main. Pendant que le jeu démarrait, il continua à se vanter de son talent naturel pour battre tous ceux qui osaient le défier à Mario Kart alors que Lucie s'assurait bien d'installer le doute dans son esprit et de le faire redescendre les pieds sur terre.

« Qu'est-ce que je gagne si j'arrive première ? » Lui demanda-t-elle alors qu'il choisissait le circuit.

Il la fixa en plissant les yeux avec réflexion avant d'hausser les épaules. « Plus de blagues à ton égard jusqu'à la fin de l'année et mon respect éternel. »

« Fais gaffe à toi Lucas, ton égo va en prendre un coup. » Conclut-elle avec une lueur de défi dans les yeux alors que le compte à rebours commençait.

« Tu aimerai. » Répliqua-t-il en se détournant lui aussi vers l'écran.

Alors que le départ était donné, Alexia, Max, Jules, Camille et Thomas étaient assis près d'eux et les observaient avec sidération. Tous avaient arrêté ce qu'ils étaient respectivement en train de faire lorsqu'ils avaient commencé leur petite guerre pour les regarder flirter sans même qu'ils ne s'en rendent compte.

« Je n'arriverais jamais à m'y faire. » Déclara Alexia qui était installée entre Max et Jules, eux-même obnubilés par la scène qui se déroulait devant leurs yeux. « Lucie qui n'essaye pas de lui sauter à la gorge ce n'est déjà pas normal, mais flirter ouvertement comme si c'était habituel, c'est bien trop pour moi. »

« Sauf que ça ils ne le savent pas. » Répondit Camille qui était plus intéressée par la course que par le comportement de ses amis. « Je ne sais pas vous, mais rien que les regarder se comporter de cette façon l'un envers l'autre sans pour autant faire quelque chose, ça m'épuise. »

Tous acquiescèrent et restèrent silencieux jusqu'à sursauter lorsque Lucie se leva d'un seul coup, les poings brandis et un 'yes' résonnant. Lucas, lui, était toujours assis et fixait l'écran avec la bouche grande ouverte.

« Je le savais ! » S'exclama-t-elle, un sourire s'étirant de part et d'autre de son visage. « Tu n'es pas imbattable Lucas, loin de là. »

Il se trouva doucement vers elle, n'en revenant toujours pas. « Mais, tu m'as dépassé à la dernière seconde. C'est- »

« Oh non, » l'interrompit-elle en croisant les bras sur sa poitrine, une expression entendue sur les traits de son visage, « tu n'as absolument aucune excuse. Tu as choisis le circuit ainsi que toutes les autres options. Tu es juste un loser. »

Lucas resta sidéré quelques secondes supplémentaires avant de se ressaisir et de faire la moue. « Ne te réjouis pas aussi vite, c'était juste la chance du débutant Princesse. »

« Ne fais pas preuve de mauvaise foi Lucas, tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas vrai. Et puis, je ne suis pas une débutante. » Répliqua-t-elle, contente du coup que son égo venait de prendre. Elle se tourna ensuite vers leurs amis qui ne les avaient pas lâchés du regard. « Je vais enfin connaître la paix ! » Elle perdit très vite son sourire lorsqu'elle aperçut Matteo entrer dans la pièce, ses yeux lançant des éclairs en sa direction. « J'ai peut-être parlé trop vite moi. »

Tous suivirent son regard jusqu'à ce qu'ils virent eux aussi Matteo.

Ce dernier était hors de lui. Non seulement il était toujours énervé contre son frère, mais il en voulait plus encore à Lucie. Il estimait que c'était de sa faute si la situation avait dégénéré à ce point-là, rien ne lui avait donné le droit de le dire à Thomas, de le faire à sa place.

« Tu lui as dit ! » S'exclama-t-il d'un ton glacial.

L'atmosphère joyeuse qui régnait quelques secondes plus tôt disparut rapidement pour laisser sa place à de la tension. L'air était électrique et n'importe qui pouvait s'en rendre compte.

Lucie resta figée sur place, essayant désespérément de trouver une bonne excuse. « Alors, pour ma défense, c'était totalement accidentel et involontaire de ma part. »

« Euh, qu'est-ce qu'il se passe ? » Demanda Lucas en venant se placer à côté de Lucie alors qu'il était aussi perdu que Max, Jules et Alexia.

Matteo l'ignora délibérément, son attention ne devient pas une seule seconde de la jeune fille qui se tenait face à lui. « Sauf que tu l'as fait alors que tu m'avais promis que tu ne dirais rien. »

Cette dernière commença à devenir légèrement impatiente. Même si elle avait effectivement vendu la mèche à Thomas, cela ne voulait absolument pas dire qu'il avait le droit de lui parler d'une telle façon. Et puis, elle n'avait d'ailleurs jamais compris pourquoi il ne voulait rien dire à son propre frère.

« Peut-être que je ne l'aurais pas fait si tu avais daigné te montrer durant toutes les dernières séances. » Répliqua-t-elle d'un ton sec et casseur.

« Sauf que c'est complètement inutile ! » Il la pointa du doigt , son expression durcissant les traits de son visage, rien à voir avec le garçon joyeux qu'il était habituellement. « Tu es une aussi mauvaise prof que n'importe lequel de ceux qui enseignent dans cet établissement. C'était juste une grosse perte de temps. »

« Tu joues à quoi là au juste Matteo ? » Intervint Lucas qui n'aimait vraiment pas le ton qu'il utilisait pour parler à Lucie.

Matteo le regarda longuement avant de reporter à nouveau son attention sur Lucie. « Rien ne te donnait le droit de le dire. »

Et il tourna les talons et sortit de la pièce en faisant claquer rageusement la porte derrière lui. Le silence qui suivit son départ fut religieux. Thomas était dépité, Lucie énervée, Camille perplexe et Lucas, Jules, Max et Alexia perdus. Personne ne savait quoi dire.

Ce fut Lucie qui fut la première à prendre la parole. « Je suis une bonne prof. Ce n'est quand même pas de ma faute si je n'ai pas encore trouvé la méthode qui lui convient ! »

Lucas la regarda sans bouger pendant quelques secondes avant de secouer la tête pour reprendre ses esprits. « C'est quoi son problème ? De quoi est-ce que vous parliez ? »

Elle soupira et retourna s'asseoir à sa place, toute trace de bonne humeur disparue. « Il y a quelques mois, il est venu me demander si je pouvais lui donner des séances de tutorat. J'ai accepté, mais il m'a fait promettre de ne rien vous dire. »

Max fronça les sourcils avec confusion. « Des séances de tutorat ? Mais pourquoi est-ce qu'il n'a rien voulu nous dire ? »

« J'en sais rien, » elle haussa les épaules et commença à jouer avec ses doigts alors que Lucas reprenait lui aussi sa place, aussi silencieux qu'une tombe, « tout ce que je sais c'est que ses résultats ne s'améliorent pas et que je commence à être à court d'option. »

« Et qu'est-ce qu'il risque avec ces résultats ? » Demanda Jules qui essayait déjà de trouver une solution.

« D'être viré du lycée. » Déclara Thomas qui prit pour la première fois la parole depuis l'intervention de son frère. Il semblait soudainement épuisé, la mine grisée par l'inquiétude. « Il faut qu'on fasse quelque chose les gars. »

Tous hochèrent la tête. Ils allaient tous l'aider, ne voulant pas qu'un membre de leur groupe coule et ne se relève pas. Et ils étaient tous d'accord sur ce point-là.

Ω

« Rappelle-moi pourquoi on fait cette blague à deux et sans aucune préparation ? » Soupira Max qui avait du mal à faire deux choses à la fois.

Lucas haussa les épaules alors qu'il regardait ce qu'il avait dans la main, ne sachant pas ce qu'il voulait en faire en premier lieu. « Je préfère que les jumeaux se concentrent sur leurs propres problèmes et il faut que je rejette ma frustration sur quelqu'un. »

Max le regarda avec amusement. « Tu es frustré parce que tu ne vas plus pouvoir faire de blagues à Lucie ? Tu sais que c'est de ta faute n'est-ce pas ? »

« Je ne m'attendais pas à ce qu'elle gagne d'accord ? » Répliqua-t-il en levant les yeux au ciel et en rangeant le truc dans sa poche, se disant qu'il allait s'en occuper plus tard.

« Il faut vraiment que tu arrêtes de la sous-estimer Lucas, un jour ça va vraiment te retomber dessus. » Se moqua son meilleur ami avec un sourire narquois.

Pour toute réponse, Lucas lui lança un stylo en pleine tête qu'il évita de justesse.

Le reste de l'installation se fit dans un silence quasi total, seulement troublé par les instructions de Lucas sur ce qu'ils devaient faire. L'idée était de faire une blague à Monsieur Lebon puisque son mariage approchait, voilà pourquoi ils se trouvaient dans son bureau.

Une fois le tout terminé, ils regardèrent leur travail avec perplexité. « Tu penses que ça va marcher ? »

Lucas haussa les épaules tout en jouant avec la pièce qu'il avait mis dans sa poche quelques instants plus tôt. « Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. »

Cependant, il n'eut pas le temps d'en dire plus puisque la porte du bureau s'ouvrit, déclenchant par conséquent le dispositif. Non seulement le timing n'était pas bon, mais l'effet qui se produisit n'était pas du tout celui attendu. Au lieu de lancer la crème directement en direction de la personne qui avait ouvert la porte, elle explosa dans toutes les directions sans s'arrêter.

« Arrête le ! » S'écria Max en essayant inutilement de se protéger avec ses main, les yeux bien fermés.

Sauf que Lucas aussi y allait à l'aveuglette, ce qui n'était pas vraiment évident pour trouver le bouton qu'il cherchait. « Mais j'y arrive pas ! »

Il finit quand même par faire tomber le dispositif, sans même savoir comment, appuyant par chance sur le fameux bouton. Lorsque ça s'arrêta, il ouvrit doucement les yeux pour voir leur partie du bureau maculé de crème, tout comme Max qui en était couvert de la tête aux pieds. Il baissa les yeux vers ses propres vêtements et fit le même constat.

« Tu n'avais pas mis la sécurité et tu as enclenché le dispositif ? » Lui demanda Max d'une voix si calme que s'en était effrayant, même si ses yeux disaient tout le contraire.

Lucas regarda la pièce qu'il avait dans la main, la réalisation le happant comme une bourrasque de vent à cent kilomètre/heure. « J'ai pas fait exprès, désolé. »

« Lucas ! »

« J'étais pas concentré d'accord ? C'est pas de ma faute. » Tenta-t-il de se défendre, même si son excuse sonnait fausse, même pour lui.

« Quelques semaines sans blague et tu perds déjà la main Lucas. »

Tous deux se retournèrent simultanément vers la porte, ayant momentanément oublié ce qui avait déclenché tout se capharnaüm. Monsieur Lebon se tenait dans la partie immaculée du bureau en compagnie d'une très jolie jeune femme qui devait être du même âge que lui. Ses cheveux blonds et lisses lui tombaient en dessous des épaules, ses yeux bleus luisant de curiosité et une bague de fiançailles brillant fièrement sur son annulaire gauche.

« Julie ! » S'exclama Max avec les yeux écarquillés. « Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Julie était la soeur de Max. Âgée d'environ vingt-cinq ans, elle sortait avec Monsieur Lebon depuis l'époque du lycée. Lorsqu'ils étaient en sixième, Lucas avait développé un crush pour elle, ce qui avait bien fait rire Max quand il l'avait appris, du moins jusqu'à ce qu'il réalise ce que ça voulait dire et qu'il déclare que c'était la chose la plus répugnante qu'il n'avait jamais entendu dans toute sa vie. Depuis, Julie considérait Lucas comme son second petit frère.

« Ce serait plutôt à moi de vous demander ce que vous faites ici. » Répliqua-t-elle avec un air faussement sévère dû au sourire qui menaçait d'apparaitre sur ses lèvres.

Max se retourna vers meilleur ami et l'assassinat de plusieurs coups de couteau rien qu'avec les yeux. « Lucas a foiré une blague super simple, voila ce qu'on fait ici. »

« Ce n'est pas de ma faute ! » Il se tourna ensuite vers Monsieur Lebon qui avait pris la parole en premier. « Et non, je ne perd pas la main. D'ailleurs, j'en ai une de grande envergure en préparation. »

Max le regarda avec incompréhension puisque cette information était fausse, mais il se contenta d'hausser les épaules.

« Laisse-moi parier, » dit-il avec lassitude, « elle va toucher Mademoiselle Collin. »

Lucas se renfrogna, une moue apparente sur le visage, reflétant ainsi parfaitement la frustration qui avait pris place en lui depuis sa défaite à Mario Kart. « Ou comment remuer le couteau dans la plaie. »

Max explosa de rire, montrant tout le soutien et la compréhension qu'il portait à l'égard de son meilleur ami. « Ça risque pas ça. »

« Pourquoi ça ? » Demanda Monsieur Lebon, de plus en plus amusé par la situation.

« Parce que j'ai perdu un stupide pari. Content ? »

Personne n'eut l'occasion de répondre puisque Lucie et Alexia apparurent dans l'encadrement de la porte, visiblement pressées.

« Ma- » Alexia buta sur la fin en prenant compte de leur état avant de froncer les sourcils et de croiser les bras sur sa poitrine. « -ximilien ! Mais qu'est-ce que vous faites dans cet état ? »

Ce dernier tressaillit en entendant son prénom entier, mais fut interrompu par Lucie qui éclata de rire. « Alors ça, c'est la meilleure chose que j'ai vu de toute ma vie. »

À cet instant, Lucas n'avait plus de filtres et dit la première chose qui lui vint à l'esprit. « Oh alors ce n'est pas le jour où tu m'as forcé à rentrer dans ma chambre en caleçon ? »

Le regard qu'elle lui fit suite à cette remarque suffit à le faire rougir. Il n'avait vraiment pas prévu de dire ça, il aurait même préféré ne pas le dire, mais c'était sorti tout seul. Dès que Lucie se trouvait à proximité de lui, il ne contrôlait plus rien. C'était comme si sa bouche décidait de dire des choses auxquelles son cerveau n'avait pas donné d'autorisation.

« Je dois bien avouer que ce jour-là était magique. » Répondit-elle avec un sourire qui lui coupa la respiration. « Vraiment, j'aurais dû filmer. »

« Alors c'est pour ça que tu ne voulais rien me dire ? » S'exclama Max, brisant ainsi sa contemplation, mais accentuant son malaise.

« Hum. » Tous se retournèrent à nouveau vers Monsieur Lebon, les filles se rendant compte de leur présence pour la première fois. « Julie, je te présente Lucie et Alexia. Tu sais, je t'ai déjà parlée de cette dernière. »

Cette dernière fronça les sourcils alors que Max écarquillait les yeux avec horreur. « Comment ça tu lui as parlé d'elle ? C'est une violation de ma vie privée ça ! »

« Si tu savais tout ce que je peux raconter à papa et maman. » Rétorqua sa soeur avec un sourire malicieux alors que Lucas commençait à se moquer de lui, attirant ainsi l'attention sur lui. « Toi aussi Lucas. »

Il s'arrêta un instant avec incertitude avant d'hausser les épaules comme si ça n'avait pas d'importance. « Mon père sait tout ce que je fais. »

« En es-tu sûr ? »

Le doute commença à s'installer dans son esprit. Il n'était pas sûr de ce qu'elle insinuait, mais il ne voulait pas pousser s chance trop loin, au risque de se brûler les ailes au passage. Il décida donc de se taire.

« C'est ta soeur ! » S'exclama soudainement Alexia qui se disait bien qu'il y avait un air de ressemblance et que ce prénom lui disait quelque chose.

« C'est exact, » répondit la concernée avec un sourire bienveillant, « Julie. Je suis ravie de te rencontrer avant le mariage Alexia, Max est très secret ces derniers temps. Surtout depuis qu'il n'a plus besoin de conseils sur les filles. »

Tous se tournèrent vers lui avec surprise alors qu'il devenait aussi rouge qu'une écrevisse. « Tu demandais conseil à ta soeur ? »

« Franchement Lucas, » commença-t-il avec les yeux plissés, « de nous deux c'est toi qui aurait le plus besoin de conseils. »

Lucas le supplia des yeux de se taire, mais il était déjà trop tard. Il savait pertinemment ce qui allait suivre et il aurait largement préféré que Lucie ne soit pas présente.

Le visage de Julie s'éclaira et elle le regarda avec un sourire grandissant. « À ce propos, qui est-ce que tu vas emme- »

« Julie ! »

Elle fixa son frère sans comprendre alors que Lucas faisait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas rougir. Non, il n'avait pas encore de cavalière pour le mariage, non il n'avait pas encore trouvé le courage de demander à Lucie et non, il ne savait pas s'il le trouverait un jour.

« Et si on allait discuter ailleurs pendant que ton frère et Lucas nettoient leur connerie ? » Intervint Monsieur Lebon avec un regard appuyé en direction des deux adolescents.

Ces derniers regardèrent la pièce avec une mine d'ores et déjà défaitiste. Inconsciemment, ils regardèrent Lucie et Alexia qui secouèrent vivement la tête.

« Ah ne nous regardez pas comme ça, il est absolument hors de question qu'on vous aide. » Déclara la brune en s'adossant au mur, une expression de pure satisfaction sur le visage. « En plus, tu es un expert en nettoyage après ta dernière colle Lucas, non ? »

Il soupira dramatiquement avant de la fixer avec désespoir. « Tu ne me lâcheras donc jamais avec ça, n'est-ce pas ? »

Son sourire s'agrandit et elle secoua la tête. « Jamais. Allez, maintenant au travail. Montre-moi à quel point tu es phénoménal dans le rôle d'homme de ménage. »

Pour toute réponse, il lui envoya de la crème au visage, résultant à la faire rire aux éclats. En se retournant, il ne put s'empêcher de sourire.

Ω

Lucie était concentrée sur ses exercices de maths et uniquement sur ses exercices de maths. Elle n'avait pas du tout été distraite par l'arrivée de Lucas et elle ne l'était encore moins par le fait qu'il la fixait sans bouger. Ce n'était pas du tout le cas.

Et pourtant, elle n'avait pas pu résoudre une seule de ses équations depuis qu'il s'était installé. Elle avait désespérément envie de savoir ce qu'il voulait, mais elle n'avait pas envie de lui donner la satisfaction de savoir que sa présence la perturbait.

Seulement, elle ne pouvait absolument rien faire alors, sans lever la tête, elle soupira et ferma les yeux. « Tu comptes me dire pourquoi tu me regardes comme ça ou je dois le deviner par moi-même ? »

« Je pense que tu devrais le deviner par toi-même. » Surprise, elle détourna les yeux de sa feuille et le regarda avec interrogation. « Bon d'accord, j'ai une proposition à te faire. »

Désormais pleinement intriguée, elle posa son stylo sur la table et croisa les bras devant elle. « Une proposition ? Intéressant, dis m'en plus. »

« Très bien, » dit-il en imitant sa position en plus de son air mystérieux, « que dirais-tu de partir à l'aventure et d'aller faire une petite ballade ce soir, après le couvre-feu ? »

« On l'a déjà fait ça, tu te souviens pas ? » Répondit-elle en fronçant les sourcils avec perplexité.

Il claqua des doigts et hocha la tête. « Bien sûr que je m'en souviens, sauf que c'était les vacances, que la sécurité était moindre et qu'il n'y avait personne dans les couloirs. Là je te parle d'une vraie aventure. Alors, qu'en dis-tu ? »

Elle ne dit rien pendant quelques secondes et se contenta de l'observer. Il ne lui disait pas tout et ça elle en était persuadée. Il avait quelque chose en tête, quelque chose qu'il ne voulait pas qu'elle sache, du moins pour l'instant.

« D'accord, » déclara-t-elle en s'adossant à nouveau au dossier de sa chaise, « je suis partante. »

Le sourire qu'il lui fit prouvait bien qu'elle avait raison et elle était déterminée à savoir ce que c'était.

Voilà pourquoi elle était prête à partir alors que le couvre-feu venait d'être sonné. Étrangement et contrairement à la première fois, peut-être parce qu'elle avait davantage confiance en Lucas ou alors parce qu'elle l'avait déjà fait, mais elle n'était pas du tout anxieuse de devoir sortir malgré l'interdiction. Pourtant, si on en croyait ses dires, les risques de se faire prendre étaient bien plus élevés.

Mais, à cet instant précis, elle n'en avait plus rien à faire des risques.

« Tu comptes aller quelque part à cette heure-ci ? » Lui demanda Alexia lorsqu'elle sortit de la salle de bain, la confusion se lisant sur tous les traits de son visage.

Lucie haussa les épaules, le nez collé à son portable. « Qu'est-ce qui m'en empêcherai ? »

Il y eut un silence de quelques secondes qui lui fit relever la tête. Alexia la regardait comme si elle venait d'affirmer que l'anglais et l'américain étaient l'exacte même langue. « Euh, le couvre-feu ? »

« Il faut vivre dangereusement, tu ne crois pas ? » Répondit-elle avec une lueur de malice dans le regard.

« Non, je ne crois pas non. » Alexia secoua la tête et alla s'asseoir sur son lit. « Lucas a vraiment une mauvaise influence sur toi, je commence à me demander si c'est réellement une bonne idée de vous laisser tous les deux tout seuls, sans aucune surveillance. »

Lucie se contenta de rigoler alors que son portable sonnait à nouveau, annonçant que Lucas l'attendait. Avec un dernier clin d'oeil à l'intention de sa meilleure amie, elle sortit de la chambre et se trouva nez à nez avec Lucas dans son habituelle tenue de délinquant.

La première chose qu'elle fit en le voyant fut de lui montrer la veste qu'elle avait sur le dos. « J'ai pris mes précautions cette fois-ci. »

« Je vois ça. » Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres et il haussa un sourcil. « Ma veste ? »

Fronçant les sourcils, elle baissa les yeux avant de réaliser qu'elle avait en effet pris la veste qu'il lui avait prêtée il y a maintenant de cela une éternité. Elle releva les yeux vers lui avec un air de chien battu. « Oups ? »

Son sourire s'agrandit et il secoua la tête. « Allez, viens. »

Le trajet jusqu'au parc fut effectivement plus compliqué puisqu'ils durent se cacher plusieurs fois des surveillants contre seulement une seule fois la dernière fois. Lucas semblait connaitre chaque recoins du bâtiment, certainement grâce à ses années d'expérience en terme d'escapades nocturnes. Ils purent relâcher leur vigilance une fois éloignés du bâtiment central et en route en direction du QG.

Lucie, qui avait une question qui lui taraudait l'esprit depuis le matin même, décida qu'ils étaient assez loin pour pouvoir la poser. « Tu n'es pas obligé d'y répondre si tu n'as pas envie, mais est-ce que je peux te poser une question ? »

« Je t'écoute. » Répondit-il tout en continuant à marcher avec précaution puisque le terrain glissait.

« Tout à l'heure, qu'est-ce que tu as ressenti quand tu as appris que Matteo vous avait mentis par rapport à ses résultats ? Tu ne disais plus rien. »

Il ralentit le pas, ne s'attendant certainement pas à cette question, et la regarda du coin de l'oeil. Il semblait hésitant, mais Lucie n'arrivait pas à savoir pourquoi. Était-ce parce qu'il ne voulait pas le lui dire ou alors parce qu'il n'en était lui-même pas sûr ? Elle commençait à penser qu'il n'allait pas lui répondre lorsqu'il reprit la parole, utilisant un ton qu'elle ne lui avait jamais entendu.

« De tout le groupe, Matteo est celui qui me ressemble le plus d'une certaine façon. Il est constamment distrait, n'hésite pas à prendre des risques quand il le faut et a une imagination débordante, tout comme moi. Je me retrouve un peu en lui et je pense que c'est réciproque. » Il s'arrêta et grimaça. « Du moins, je pensais. Je suppose que je suis assez déçu qu'il ne me fasse pas assez confiance pour me demander de l'aide, pas directement en tout cas. »

Il laissa sa phrase en suspend et baissa les yeux. Lucie savait qu'il y avait quelque chose d'autre, il fallait juste qu'elle le pousse un peu.

« Mais ? »

« Mais d'un autre côté je m'en veux. » Il s'essaya sur  un tronc d'arbre couché qui se trouvait à côté du QG, Lucie en faisant de même. « Il m'a demandé de l'aide une fois en maths, mais j'ai pensé que c'était juste parce qu'il n'avait pas compris un exercice, comme toi tu pourrais demander de l'aide à Alexia ou à Camille. Je pensais pas que ça allait plus loin que ça. J'aurais dû me rendre compte que quelque chose n'allait pas. »

« Seulement ? »

Il la regarda un instant avant de lever les yeux vers la cime des arbres. « Seulement j'étais bien trop perdu avec ce qu'il se passait à l'intérieur de moi pour pouvoir faire attention à ce qu'il se passait autour. » Il pencha légèrement la tête sur le côté et fronça les sourcils. « Enfin je crois. »

Cette remarque prit Lucie par surprise. « Comment ça tu crois ? »

« J'ai du mal à mettre des mots sur ce que je ressens. » Répondit-il, soudainement embarrassé.

« Mais pourtant tu écris des chansons. » S'étonna-t-elle, ne pouvant s'empêcher d'être amusée par cette drôle de révélation.

Il se passa une main dans les cheveux et grimaça. « C'est différent. Le faire sur une musique c'est facile, mais l'exprimer dans une conversation courante à quelqu'un qui se trouve devant toi et dont tu peux voir la réaction, ça ne l'est pas. »

Elle secoua la tête en rigolant doucement. « Et pourtant tu ne te débrouilles pas trop mal. » Il ne semblait pas spécialement convaincu, mais la contredit pas non plus. « En tout cas, tu n'as pas à t'en vouloir pour Matteo, après tout il a même réussi à berner son frère. De plus, le plus important est de trouver une solution pour l'aider, le reste on verra plus tard. »

Il hocha la tête et un silence agréable s'installa entre eux. Ils restèrent plusieurs minutes à ne pas bouger et à juste observer la foret alentour dont les arbres bougeaient à cause de la brise légère. Seuls les bruits de la nature venaient troubler le silence, berçant les lieux d'une musique douce et paisible, contrastant avec la luminosité et les ombres qui pouvaient se montrer menaçants.

« Je peux te demander une faveur ? » Demanda soudainement Lucas, mais d'une voix basse pour ne pas briser le calme ambiant.

Lucie, qui avait les yeux fermés pour profiter pleinement de ce moment, se contenta de hocher la tête.

« Est-ce que ça te dirait de m'accompagner au mariage de la soeur de Max ? »

Interpellée, elle ouvrit les yeux et se tourna vers lui sans savoir quoi dire. Il évitait soigneusement son regard, jouant avec un bout de bois qu'il avait trouvé par terre, et il faisait bien trop sombre pour qu'elle puisse distinguer son expression.

« Julie veut qu'on ait des cavalières, » expliqua-t-il avec de plus en plus d'incertitude dans la voix, « et puisqu'Alexia accompagne Max, j'ai pensée que tu pourrais m'accompagner comme ça elle ne serait pas seule. »

« Et ? » Insista-t-elle, perçant de l'hésitation dans sa voix.

« Et parce que je ne vois pas à qui d'autre j'aurais pu demander. » Répondit-il à contre-coeur en soupirant.

« D'accord. »

Elle ne savait pas du tout pourquoi elle acceptait, elle ne savait même pas d'où venait cette réponse ni qui l'avait autorisée à la donner, mais elle l'avait fait. De plus, elle avait une étrange envie d'accepter.

Lucas se tourna vers elle avec les yeux écarquillés de surprise. « C'est vrai ? »

Elle haussa les épaules avec un sourire. « Bien sûr, si ça peut te rendre service à toi et à Alexia alors pourquoi refuser ? »

L'expression qu'il faisait suffit à la faire rigoler. Elle n'était pas franchement étonnée de le voir aussi surpris, après tout, elle s'était elle-même surprise.

Elle espérait juste ne pas avoir à le regretter plus tard.

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