Chapitre 2 - « Ouais, le monde était petit. »
L'uniforme au lycée Victor Hugo était une vrai institution. C'était aussi une des particularités qui faisait sa prospérité puisque tous les autres établissements avaient trop peur des réactions pour les mettre en place. Tous les élèves étaient soumis à la même règle qui certifiait qu'ils étaient dans l'obligation de le porter dans son intégralité, sous peine d'être sanctionné. Évidemment, les réactions étaient diverses. Certains obéissaient sans broncher et d'autres... Et bien, d'autres contestaient cette règle le plus souvent possible.
« Sérieusement Cam ? » Commenta Alexia en voyant Camille débarquer dans leur chambre et en observant sa tenue. « Tu vas vraiment recommencer ? »
Camille faisait partie de ces personnes qui contestaient l'uniforme, pas parce qu'elle ne voulait pas s'habiller comme tout le monde, mais plutôt à cause de la composition du dit uniforme. C'était pour cela qu'au lieu de porter une jupe comme le prévoyait le règlement pour les filles, elle avait un pantalon noir accompagné de baskets.
« Et pourquoi est-ce que je ne recommencerai pas hein ? » Croisa-t-elle les bras sur sa poitrine en toisant ses deux amies d'un air de défi.
« Peut-être parce que c'est ce que tu as essayé ces cinq dernières années, mais que ça n'a jamais marché ? » Proposa Lucie en sortant de la chambre, sac en main.
Camille leva les yeux au ciel alors qu'Alexia explosait de rire. « Foutaises ! Je suis sûre que cette année ça va fonctionner. Je le sens. »
« C'est ce qu'on verra. » S'amusa Lucie en s'approchant du surveillant de couloir.
Monsieur Lebon était chargé de surveiller les couloirs, recadrant les élèves sur leur comportement, mais aussi sur leur uniforme quand celui-ci n'était pas réglementaire. Il n'était pas très vieux puisqu'il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. La rumeur courait que s'il était surveillant à son âge, c'était uniquement parce qu'il avait fait sa scolarité au lycée Victor Hugo et qu'il y était bien trop attaché pour avoir envie de partir. L'administration lui avait donc offert un emploi qu'il avait accepté avec joie. L'avantage de son jeune âge était qu'il était plus compréhensif, donc que tous les élèves l'adoraient.
« Bonjour Monsieur ! » S'exclama Alexia avec son habituelle bonne humeur. « On ne vous a pas trop manqué j'espère ? »
Il se tourna vers elles avec un grand sourire. « Mes élèves préférées ? Toujours. Mais à ce que je vois, certaines habitudes ne changeront jamais. » Il lança un regard appuyé à Camille qui releva le menton avec fierté. « Où est votre uniforme Mademoiselle Laporte ? »
Elle plissa les yeux et s'éclaircit la gorge. « Je refuse de me soumettre à cette règle stupide, vous savez pourquoi ? »
« Parce que c'est une règle ridicule et sexiste. » Récitèrent les trois autres d'une même voix, monotone à force d'avoir tellement entendu ces mots.
« Exactement ! » S'écria Camille en les pointant chacun leur tour du doigt. « Une femme ne devrait pas être obligée de porter une jupe juste parce que des hommes misogynes et à l'esprit perverti l'ont décidé ainsi. Nous sommes au vingt et unième siècle, la femme est libre ! »
Après un soupire collectif, Alexia la prit par les épaules et commença à l'éloigner. « Allez viens, tu vas aller te changer. »
« C'est une rébellion tout ce qu'il y a de plus légitime, j'ai peut-être perdu une bataille, mais je gagnerai la guerre. Je le jure ! » Cria-t-elle par dessus son épaule avant de disparaître dans la masse des élèves qui la regardaient comme si elle s'était échappée d'un asile.
« Elle n'abandonnera jamais. » Commenta Lucie en secouant la tête.
Monsieur Lebon haussa les épaules. « Ce n'est pas une si mauvaise chose, elle est sûre de ses convictions et défend ses idées avec force au moins. »
« Même au risque de- »
Mais Lucie ne put pas terminer sa phrase puisque quelqu'un lui rentra dedans, manquant de peu de la faire tomber par terre.
« Déso- » Commença-t-elle à s'excuser puisqu'elle était en plein milieu du chemin, mais s'arrêta immédiatement quand son regard rencontra les yeux bleus électriques de Lucas.
Celui-ci avait les cheveux aussi ébouriffés qu'à son habitude, les premiers boutons de sa chemise étaient déboutonnés et sa cravate pendait dénouée autour de son cou. Il devait rejoindre les garçons pour parler d'un sujet des plus importants, alors il n'avait pas spécialement fait attention où il allait. Bien sûr, il n'allait pas se plaindre d'être tombé sur Lucie à ce moment et allait plutôt profiter de ce concours de circonstances.
« Et bien ? Termine ta phrase Princesse. » Dit-il avec un sourire suffisant et mettant les mains dans les poches. « J'attends des excuses. »
Elle le fusilla du regard. Ça faisait bien longtemps qu'elle avait abandonné l'espoir de l'empêcher de lui donner toutes sortes de surnom, mais Princesse, c'était nouveau et ça avait une drôle de connotation, même à ses oreilles. « Je ne dois aucune excuse à personne et surtout pas à toi. Maintenant tu peux partir, personne ne te retient. »
« Oh allez Lucie, » il s'approcha d'un pas sans la lâcher des yeux, observant chaque détails qui constituaient les traits de son visage, « tu sais très bien que tu adores m'avoir proche de toi. »
Cette dernière refusait de céder face à son attitude arrogante, même s'il empiétait bien trop sur son espace personnel. Elle se redressa donc et le regarda droit dans les yeux. « Je te déteste Lucas et ça ne changera jamais. »
« C'est ce qu'on verra. » Contra-t-il avec un clin d'œil et Lucie essaya de ne pas se laisser distraire par le fait qu'elle avait prononcé l'exacte même phrase il y a de cela cinq minutes.
« Pauvre type. » Murmura-t-elle en le poussant et partant pour retrouver les filles le plus rapidement possible.
« Langage. » Lui cria-t-il en la regardant s'éloigner, ses cheveux flottant derrière elle. Avec un sourire satisfait, il se tourna et se trouva face à Monsieur Lebon qui le fixait d'un air amusé. « Quoi ? »
« C'est la technique de drague la plus pourrie que j'ai jamais vu mon pote. » Se moqua le plus vieux des deux en rigolant.
Lucas avait tellement eu affaire avec le surveillant qu'ils étaient en quelque sorte devenus amis. Ça et aussi le fait qu'il était accessoirement le petit-ami de la sœur de Max. Ouais, le monde était petit.
« Je ne la drague pas ! » S'écria-t-il, la voix ayant grimpée de quelques octaves et des yeux grands comme des soucoupes.
Ceci ne fit que redoubler son hilarité. « Tu es sûr de toi là ? »
Lucas le regarda avec choc pendant quelques secondes supplémentaires. Évidemment qu'il était sûr de lui, franchement quel genre de question est-ce que c'était ? Et pourquoi est-ce qu'il draguerait Lucie ? C'était complètement ridicule.
« Plus les années passent et plus je te trouve bizarre. » Conclut-il en tournant les talons pour s'échapper avant qu'il ne trouve d'autres théories plus stupides les unes que les autres.
« Ouais, bah en attendant attache-moi cette cravate Lover Boy, avant que je ne décide de te donner une retenue dès le premier jour. » Entendit-il dans son dos et il obéit en se dirigeant vers le point de rendez-vous qu'il avait fixé avec les garçons, l'esprit complètement ailleurs.
Le premier à le trouver fut Matteo qui s'arrêta devant lui et lui passa plusieurs fois la main devant les yeux, sans plus de réaction. Lorsque son frère arriva, tous deux l'observèrent en silence et avec intérêt, après avoir pris une photo peu flatteuse évidemment. Quand ils en eurent marre de voir leur ami si peu réactif, Matteo lui donna un coup dans l'épaule assez violent qui suffit à le sortir de sa réflexion avec un cri de douleur.
« Wow, c'était pour quoi ça ? » Se plaignit-il en massant son épaule endolorie.
« J'en sais rien moi, c'est toi qui regardais dans le vide comme si tu remettais ta vie en question. » Répondit Matteo en haussant les épaules et mangeant un des M&M's du paquet qu'il avait dans la main. « D'ailleurs, tu pensais à quoi pour que ça te mette dans un état pareil ? »
Lucas ouvrit la bouche pour répondre avant de la refermer rapidement. Non, s'il y avait quelqu'un à qui il pouvait en parler c'était à Max, mais certainement pas aux jumeaux. Bon, Thomas à la rigueur, mais pas à Matteo. Il était bien trop incontrôlable.
« À rien. » Dit-il expressément avant de regarder l'heure et de soupirer. « Il est où Max ? Ça fait cinq minutes qu'il aurait dû arriver. »
« Il y a cinq minutes, t'étais pas en état de fonctionner mec. » Commenta Matteo en essayant d'attraper ce qui restait au fond de son paquet, mais son frère lui arracha des mains. « Hey ! C'est à moi ça ! »
Les deux commencèrent à se disputer, chacun disant à quel point l'autre pouvait être ennuyeux et insupportable, avant de se faire interrompre par l'entrée fracassante de Max qui arriva en haletant et visiblement sur le point de s'évanouir.
Lucas lui tendit une bouteille d'eau qu'il avait toujours dans son sac à dos alors qu'il s'appuyait contre lui en essayant de reprendre une respiration normale. « Il faut vraiment que tu te remettes au sport. » Max le regarda en fronçant les sourcils et Lucas haussa les épaules. « Bah quoi ? Tu as fait la loque pendant toutes les vacances et regarde, tu n'es même plus capable de courir deux cents mètres sans t'écrouler. Je t'avais dit qu'il fallait que tu m'accompagnes courir les matins, tu n'as pas voulu. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même maintenant. »
« Ça n'a absolument rien à voir. » Répliqua Max, mais sans davantage développer ce qui montrait bien qu'il n'avait en réalité aucune excuse.
« T'es en retard. » Remarqua Lucas avec les mains dans les poches.
« Sans blague ? À ton avis, pourquoi est-ce que j'ai couru pour venir jusqu'ici ? » Souffla Max en se redressant et lui jetant la bouteille d'eau au visage, Lucas la rattrapant sans difficulté.
Ce dernier leva les yeux au ciel. « Mais ça ne me dit toujours pas pourquoi, crétin. » Max commença à rougir en évitant de le regarder dans les yeux et Lucas leva les mains. « Très bien, me dis pas. Mais tu ne viendras pas te plaindre quand ça te reviendra en pleine tête parce que tu n'as rien voulu me dire. »
Les jumeaux, qui les regardaient comme s'ils étaient devant un film très intéressant, commencèrent à rigoler.
« Honnêtement, on dirait un vieux couple marié. » Commença Thomas avec un coup de coude à son frère.
« S'ils ne trouvent pas de copines rapidement, c'est ce qui va se passer. » Ajouta Matteo et ils commencèrent tous les deux à se faire des histoires sur le possible futur de vie commune de Max et Lucas.
Ce dernier grogna et se frotta les yeux. « D'accord, et si on parlait de pourquoi on est là ? Est-ce que tout est prêt ? »
Ne recevant aucune réponse, il ouvrit les yeux pour voir les jumeaux toujours épris de leur conversation et Max les regardant, le désespoir évident sur ses traits. Lucas soupira une nouvelle fois et les frappa tous les deux derrière la tête. L'effet fut immédiat, ils arrêtèrent et regardèrent leur ami comme deux enfants qui auraient fait une bêtise.
« On se concentre les gars, ok ? » Les trois hochèrent la tête. « Très bien, est-ce que tout est prêt ? » Lucas attendit quelques secondes, mais personne ne lui répondit. « Oh allez, deux mois de vacances et vous ne savez déjà plus comment on fonctionne ? C'est la première blague de l'année les mecs, tout le monde nous attend au tournant. On n'a pas le droit de se rater. » Lucas commença à marcher, tout en réfléchissant. « Bon, on va recommencer du début. Les jumeaux, vous vous chargiez de l'installation principale, est-ce que tout est en place ? »
« Prêt, invisible et opérationnel. » Acquiesça Thomas accompagné des pouces en l'air de son frère.
« Max, » continua-t-il sans s'arrêter, son cerveau tournant à une vitesse prodigieuse, « tu te chargeais de la communication. Personne n'est au courant ? »
Celui-ci secoua la tête. « Personne ne se doute de rien, mais tout le monde se demande ce qu'on a prévu. »
Lucas était satisfait de la préparation. Pour l'instant, tout se passait comme prévu et il priait tous les dieux qui existaient pour que ça continue sur cette voie.
Matteo interrompit son train de pensées. « J'ai juste une petite question, comment est-ce qu'on sait que personne ne va tomber dessus avant cet après-midi ? »
Un sourire malicieux apparut sur les lèvres de Lucas. « Ça, c'était ma partie. J'ai piraté le logiciel du lycée et vérifié que personne n'allait se servir de la salle avant le cours qui nous intéresse. Il s'avère d'ailleurs qu'elle leur est spécialement réservée et que tout le monde a interdiction stricte de s'y rendre. Ordre express du directeur lui-même. »
Matteo le regardait avec une admiration non-dissimulée. « J'arrive toujours pas à croire que tu arrives à pirater les ordis du lycée aussi facilement. T'es mon idole. »
Ceci le fit encore plus sourire. Il s'arrêta ensuite devant une porte et se tourna vers ses amis, une lueur familière éclairant ses yeux. Toutes les personnes autour d'eux connaissaient ce regard. C'était celui qui annonçait qu'il avait quelque chose en tête et qu'il ne reculerait devant rien pour le mettre en place. Tout le monde se demandait ce qu'ils avaient préparé pour ce début d'année, où est-ce qu'ils allaient frapper et surtout qui. Tous avaient hâte, mais redoutaient aussi d'être les victimes. Évidemment, Lucas savaient choisir ses cibles.
« Ça va être une bonne journée. » Conclut-il avec un sourire avant d'entrer dans le réfectoire pour le petit déjeuner.
Et c'était le cas.
Au lycée Victor Hugo, les cours se terminaient à quinze heure pour permettre aux élèves de faire leurs activités extra scolaires après coup. C'était pour cela qu'il ne restait plus qu'un cours, c'est-à-dire Littérature, au trio des filles et au groupe des garçons.
« J'ai entendu dire que le prof est un grand malade. » Commenta Alexia en penchant légèrement la tête sur le côté.
« Tu écoutes encore les rumeurs Alex ? » S'étonna Lucie, sachant pertinemment que sa meilleure amie détestait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à des potins.
« Elle a raison, » intervint Camille en se plantant à côté d'elles, « j'ai trouvé son compte Facebook. »
Lucie la regarda avec les yeux écarquillés. « Tu as cherché le compte Facebook d'un prof ? »
« Tu l'as jamais fait ? » Elle secoua la tête. « Enfin bref, tout ça pour dire qu'il a l'air super bizarre. Il ne fait que partager des photos de fleurs et des citations à l'eau de rose. Ça ne m'étonnerait pas que ce soit un serial killer déguisé en Bouddha. »
Lucie échappa un rire nerveux. « Tu n'exagères pas un peu là ? »
Voyant qu'elle commençait à faire paniquer son amie, Camille prit son air le plus sérieux et le plus mystérieux. « Absolument pas, tu n'as jamais lu ça dans les faits divers ? "Un professeur tue son élève à coup de règle car il n'a pas rendu son devoir à temps." »
Comprenant très bien qu'elle se moquait d'elle, Lucie lui tira la langue et s'appuya contre le mur. « Il ne peut pas être si terrible que ça. »
« Je- »
« Salut Max. » L'interrompit Alexia et les deux filles se tournèrent simultanément en direction de la personne qui avait retenu l'attention de la blonde.
Maximilien se trouvait figé sur place, ne sachant visiblement pas quoi faire entre faire comme s'il était invisible ou alors s'enfuir en courant. Derrière lui, les jumeaux étaient morts de rire et avaient du mal à rester debout alors que Lucas était tiraillé entre le choc qu'Alexia lui ait adressé la parole et l'exaspération de voir son meilleur ami ne plus bouger et se ridiculiser ainsi.
Du côté des filles, Alexia regardait Max avec incertitude et lançait des regards interrogatifs à ses amis, mais sans réponse, Camille observait la scène avec un mixte de curiosité, mais aussi de je-m'en-foutisme absolu, une drôle de combinaison. Lucie, quant à elle, était en train d'étrangler mentalement sa meilleure amie pour avoir interpellé un membre du groupe de Lucas. Sérieusement, il y avait plein d'autres garçons qui auraient pu être susceptibles de l'intéresser, mais non. Il fallait qu'elle jette son dévolu sur le meilleur ami de son pire ennemi.
Un silence incroyablement long et pesant avait pris place, du moins jusqu'à ce que Camille explose de rire. « Alors ça c'est extrêmement gênant. »
Ceci suffit à faire réagir Lucas qui poussa Max en avant, qui lui-même sembla réaliser qu'il ne pouvait pas rester ainsi à ne rien faire. « S-salut. »
Lucie avait un peu de peine pour lui. C'est vrai, la discrétion n'était pas vraiment son fort donc tout le monde savait qu'il craquait pour Alexia, mais il était tellement timide qu'il n'arrivait même pas à aligner deux mots en sa présence. C'était dommage car il était plutôt gentil, mais, bien sûr, Lucie ne l'avouerait jamais à voix haute.
D'ailleurs, elle commençait à perdre patience. « Oui c'est ça, bonjour. Maintenant vous pouvez peut-être partir ? »
Alexia se retourna vers elle d'un air indigné. « C'est méchant ça. »
« Je ne suis pas méchante ! » S'outra Lucie en croisant les bras sur sa poitrine.
« Tu viens de me blesser au plus fin fond du cœur. » Ajouta Lucas en effaçant une fausse larme de sa joue et en mettant une main sur son cœur.
Lucie ferma les yeux pour essayer de garder son calme. « Bien sûr, il fallait que tu ouvres la bouche toi. »
« Tu vois, » s'incrusta Matteo en la montrant du doigt, « ça c'est méchant. Tu nous juges sans même nous connaître. »
Lucie le fusilla du regard. « Je n'ai pas besoin de plus vous connaître pour savoir quel genre de personnes vous êtes. Toi par exemple, tu suis Lucas comme un petit chien, acquiesçant à tout ce qu'il dit et même pas capable de prendre tes propres décisions. Vous n'en avez rien à faire de ce que vous pouvez faire aux autres. »
Matteo rigola brièvement en secouant la tête. « Bien sûr qu'on s'en soucie, c'est d'ailleurs pour ça qu'on essaye de les faire rire. »
« Oh parce que tu penses que vous faites rire tout le monde ? » Répliqua Lucie en faussant l'étonnement. « Quelle naïveté de ta part. Tout le monde a peur d'être vos victimes et quand c'est le cas, elles se sentent humiliées et honteuses uniquement parce que vous n'avez pensé qu'à votre petit plaisir personnel. Je ne sais pas toi, mais moi j'appelle ça de l'égoïsme. »
La conversation continua sur cette lancée, les deux défendant leur point de vue avec conviction et les autres les observant comme ils regarderaient un match de tennis. Du moins, presque tous.
Lucas, lui, fixait Lucie en se posant une question existentielle. Est-ce qu'il la draguait vraiment ? Non, ce n'était pas possible. Certes, il aimait l'énerver, mais ça ne voulait pas dire qu'il la draguait. Du moins, s'il le faisait ce n'était pas consciemment. Et puis, pourquoi est-ce qu'il le ferait ? Ce n'est pas comme s'il avait des sentiments pour elle. N'est-ce pas ?
Il se sortit de sa réflexion après un énième argument des deux partis. « Matt, stop. »
Tout le monde se tourna vers lui avec étonnement, Lucie la première surprise. Depuis quand est-ce que c'était lui qui mettait fin à des disputes, surtout quand elle en était le principal acteur ? Elle le regarda dans les yeux pour essayer d'avoir une réponse. Aucun d'eux ne détourna le regard. La tension dans l'air était électrique et tous les autres retenaient leur respiration, attendant le moment où le chaos allait faire irruption.
Heureusement, ce moment n'arriva pas puisque la porte de la salle de classe s'ouvrit sur un homme d'une trentaine d'année avec des cheveux assez longs lui tombant au dessus des épaules et portant un pantalon noir large au niveau des chevilles et une chemise à fleurs très colorée. Il regardait ses élèves avec un grand sourire. « Ah, je sens déjà l'amour ici. »
Lucie l'observait avec inquiétude et ne put s'empêcher de murmurer, « La haine plutôt. »
Lucas fut le seul à l'entendre, mais il préféra ne pas y faire attention.
Il s'avéra que le prof était bel et bien étrange. C'était comme s'il était constamment sur une autre planète, un autre monde où tout était rose. Parfois, le comprendre devenait mission impossible, mais autrement, c'était un excellent prof. Ses analyses étaient pertinentes et il savait de quoi il parlait. D'un côté, sa personnalité pouvait être déroutante, mais d'un autre elle était captivante car il était passionné. Exactement ce qu'il fallait pour intéresser des adolescents.
Maintenant que les cours étaient terminés, chacun avait quartier libre pour faire ce que bon lui semblait, tant que ça restait autorisé. La plupart allait faire du sport ou faisait leur travail personnel.
Pour Lucie, c'était le moment de la journée qu'elle attendait avec le plus d'impatience puisqu'il était consacré à la danse. La danse était son sport depuis qu'elle était toute petite, mais avant tout une passion. C'était un peu son exutoire, une véritable nécessité. Sans cela, elle deviendrait folle.
« Ça m'a tellement manquée. » Soupira-t-elle en entrant dans les vestiaires, accompagnée d'Alexia qui elle aussi faisait de la danse, même si sa vrai passion était la photographie.
« Comme c'est étonnant. » Répondit celle-ci et Lucie la fusilla gentiment du regard. « J'arrive toujours pas à croire qu'ils n'ont toujours pas mis un atelier photographie en place, ça fait des années qu'on est plusieurs à le demander. »
Lucie haussa les épaules et toutes deux s'arrêtèrent devant leur casier. Quand Alexia ouvrit le sien, une photo Polaroïd accompagnée d'un post-it se trouvaient à l'intérieur. Elle fronça les sourcils et la prit, l'observant sous toutes les coutures.
« Qu'est-ce que c'est ? » Demanda Lucie avec curiosité en regardant par dessus son épaule.
« J'en sais rien. » Répondit-elle avant de la retourner et de lire ce qu'il y avait d'écrit sur le post-it. « Enfant ! si j'étais roi, je donnerais l'empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous ! »
« C'est une partie d'un poème de Victor Hugo ça, non ? » S'étonna Lucie en prenant le post-it qu'Alexia lui tendait pendant qu'elle observait le Polaroïd qui représentait la mer lors d'un couché de soleil.
Alexia pencha la tête sur le côté et lança un regard plein de questions à sa meilleure amie. « Je ne suis pas sûre de comprendre, qu'est-ce que ça veut dire ? »
« Ça veut dire que tu as un admirateur secret Alex. » Répondit-elle avec un sourire narquois.
Alexia leva les yeux au ciel en secouant la tête. « Je t'en prie Lucie, nous ne sommes pas dans une de ces comédies romantiques que tu peux regarder le soir. »
« Déjà, je ne regarde pas ce genre de films. » S'outra la brune en croisant les bras. « Ensuite, tu verras quand tu auras reçu une de ces choses toutes les semaines et que tu pourras démarrer une petite collection. »
Alexia était toujours sceptique, mais elle rangea tout de même la photo et le mot dans son sac.
Les deux filles se changèrent le plus rapidement possible et passèrent les portes du studio, suivies de leurs camarades.
« Tu penses que Mademoiselle Smith va- »
Alexia n'eut cependant pas le temps de terminer sa question puisque, arrivées vers le centre de la pièce, elle glissa et se retrouva sur le sol. Surprise, Lucie baissa les yeux vers sa meilleure amie et allait lui demander si ça allait, mais, à peine eut-elle mis un pied devant l'autre, qu'elle connut le même sort.
« Est-ce que- est-ce que c'est de la cire ? » Demanda Alexia avec stupéfaction en regardant tour à tour Lucie et sa main qui était désormais grasse.
Lucie essayait tant bien que mal de rester calme et de ne rien dire. Malheureusement, ça ne fonctionnait pas vraiment. Elle savait très bien qui avait décidé de trop cirer le parquet, il n'y avait aucun doute là-dessus. Elle prit de grandes inspirations dans l'espoir de calmer ses nerfs, mais voir toutes ses coéquipières essayer de se relever sans succès n'arrangeait en rien la situation.
« Je vais les tuer, » grommela-t-elle avec les dents serrées, « je vais le tuer. »
Elle releva la tête vers la porte ouverte qui donnait sur le couloir menant au reste du lycée pour voir quatre garçons, visiblement très fiers d'eux, en train de rigoler de la situation. Le plus grand des quatre avait les yeux fixés sur elle et affichait un sourire victorieux. Ils se regardèrent un moment sans bouger avant que Lucie ne laisse éclater sa colère.
« Lucas ! » S'écria-t-elle en se levant et se dirigeant à grand peine vers la porte, mais bien décidée à leur faire la peau, surtout à Lucas et son stupide sourire condescendant.
Dès qu'elle eut atteint la partie du studio qui n'était plus glissante, elle ne put s'empêcher d'accélérer le pas tout en continuant de fusiller les garçons du regard. Quand elle eut atteint la porte, ils s'étaient éloignés de quelques mètres, un sourire grandissant sur le visage et elle ne comprit que trop tard pourquoi. Un fil était tendu dans l'encadrement de la porte, ce qui la fit se stopper net, mais après l'avoir franchi.
Lucie n'eut pas le temps de réagir qu'un jet d'eau se déclenchait juste en face d'elle, l'aspergeant en continu pendant quelques secondes. Elle ferma les yeux et leva les mains en détournant la tête pour se préserver, mais en vain. Quand le jet s'arrêta, elle ouvrit les yeux et se retrouva face aux garçons qui étaient encore plus écroulés de rire, tout comme les personnes qui les entouraient.
Lucas la regarda dans les yeux avec un sourire triomphant et écarta les bras, le tout accompagné d'un clin d'œil. « Bonne rentrée Princesse. »
Et sur ces bonnes paroles, ils partirent tous les quatre en courant et en célébrant leur victoire, laissant derrière eux une Lucie trempée et tremblante de froid et de rage. Oh oui, elle allait finir par commettre un quadruple homicide.
Nombre de mots : 4331
Petit chapitre pour souhaiter un très joyeux anniversaire à iamantares ! Merci à toi de m'aider dans l'écriture de mes chapitres ainsi que de m'encourager à continuer, tu ne peux pas savoir à quel point ton aide m'est précieuse ! Et puis, merci d'écrire des histoires d'une telle qualité, il y a bien longtemps que j'avais renoncé à lire en français avant que je ne tombe sur toi ahah.
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