Chapitre 19 - « Pose-toi les bonnes questions Princesse. »
Les secondes avaient été d'une aide précieuse. Ne voulant pas mêler les jumeaux et Max à cette histoire, Lucas avait dû se replier sur une aide extérieure qui serait toujours son deuxième choix en cas de besoin urgent. Et apparemment, il avait pris une très bonne décision.
Non seulement Judith, Céleste et Gaël ne reculaient jamais devant un défi de taille, mais quelle chance avait-il eu en tombant sur la soeur de sa cible. Qui de mieux placé qu'un membre de sa famille pour lui donner toutes les informations dont il avait besoin pour accomplir sa mission et en faire un grand succès ? En plus, ce n'est pas comme s'il avait dû convaincre Clara de l'aider puisqu'elle s'était proposée d'elle-même.
L'avantage avec ce groupe était qu'ils savaient travailler en équipe et même si leurs opinions et manières de faire divergeaient toujours dans des directions différentes, le résultat était le même. Efficace, fonctionnel et dans les temps. Gaël se chargeait de tout ce qui touchait de près ou de loin à de la nouvelle technologie, ce qui faisait que sur ce point là il ressemblait beaucoup à Lucas. Céleste, elle, n'avait pas peur de prendre des risques et sautait sur toutes les occasions qui lui permettaient d'enfreindre le règlement. Quant à Judith, elle s'occupait de toute l'organisation qui gravitait autour, telle une véritable femme d'affaire.
Maintenant, Lucas allait pouvoir observer le travail qu'ils avaient fourni et il ne doutait pas une seule seconde que ça allait être un véritable succès.
Il attendait que sa cible daigne enfin montrer le bout de son nez, non loin de la salle où le piège était installée et qui attendait lui aussi qu'on le déclenche. Il ne savait pas depuis combien de temps il se trouvait ici, mais la détermination coulait dans ses veines et il était prêt à tout pour que le plan fonctionne à merveille, même si cela signifiait sacrifier plus qu'il ne l'aurait voulu.
Après un certain temps, Jules fit enfin son apparition dans le couloir en compagnie de Lucie. Lucas détestait les voir tous les deux ensemble, non seulement parce qu'il les trouvaient bien trop proche, mais aussi parce que ça lui rappelait à quel point il avait tout foutu en l'air. C'était lui qui était censé se trouver là-bas, pas Jules. Lui.
Malheureusement pour lui, il ne pouvait pas penser à autre chose puisqu'à chaque fois qu'il voyait l'un ou l'autre, ils étaient ensemble. Tout le temps. Les seules fois où il avait eu la chance de croiser Lucie quand elle était seule, elle n'avait fait que l'ignorer. Il avait bien essayé de lui parler à plusieurs reprises, mais rien n'y faisait. Elle regardait droit devant elle et le dépassait comme s'il n'existait pas.
Il savait qu'il le méritait, qu'il l'avait bien cherché, mais il aurait quand même aimé qu'elle fasse un petit effort et qu'elle accepte de l'écouter même si elle ne disait rien par la suite. Cette situation commençait à lui peser sur le moral et il fallait absolument qu'il fasse quelque chose.
Et c'était exactement ce qu'il était en train de faire.
Quand ils s'approchèrent un peu plus, Lucas démarra la première phase de son plan, l'appât, et de la musique de cirque commença à raisonner doucement, comme un murmure qui traversait les murs et venait bercer les élèves avec des souvenirs d'enfance.
L'effet fut immédiat, Jules s'arrêta et tourna la tête dans tous les sens avec les sourcils froncés. « Elle vient d'où cette musique ? »
Lucie en fit de même, mais elle devait avoir l'oreille un peu plus fine puisqu'elle montra directement la salle du doigt. « Ici. Ça ne m'étonnerait pas que ce soit encore le prof de littérature qui s'amuse à jouer avec ce qu'il ne connait pas. »
Mais Jules ne l'écoutait déjà plus. Il semblait plus perturbé par la musique en elle-même plutôt que par la raison pour laquelle cette musique se trouvait justement dans le lycée. Son teint avait pâli et ses yeux transcrivaient une inquiétude grandissante. Parfait, c'était exactement la réaction que Clara avait décrite et celle qui était attendue.
« Il faut l'arrêter. » Murmura-t-il plus pour lui-même que quelqu'un d'autre et se dirigea directement vers la salle.
Lucas ne perdit pas une seule seconde lorsqu'il entra et activa la deuxième phase de son plan, l'accomplissement. Tout se passa très vite. La lumière devint un peu plus rougeâtre et le volume de la musique augmenta. Toutes sortes d'activité que l'on pouvait trouver dans un cirque apparurent, que ce soit par retransmission sur un écran ou alors en temps réel dans la salle.
La préparation de cette blague avait demandé beaucoup de travail et, surtout, beaucoup d'ingéniosité de la part de Gaël et de Lucas. Jusqu'à présent, il s'agissait de celle qui présentait le plus de détails techniques, voilà pourquoi deux cerveaux valaient mieux qu'un et que Lucas aurait été incapable de la mettre en place s'il n'avait pas eu l'aide de Gaël.
Jules était pétrifié sur place. Il regardait tout ce qui se passait autour de lui avec les yeux écarquillés et semblait un peu plus sur le point de s'évanouir à chaque seconde qui passait. Lucas savait sur quels points il avait dû insister pour une efficacité optimale, Clara les lui avait bien précisés, et aux vues de cette réaction, il l'avait mis en plein dans le mil.
Le clou du spectacle fut quand Lucas activa la phase trois de son plan, terreur ultime, et qu'un clown en carton descendit du plafond pour atterrir parfaitement devant Jules. Le rire un peu sadique qui vint se superposer à la musique ne fit que se rajouter à l'effet de surprise et Jules recula précipitamment en manquant de peu de tomber au sol, son visage s'étant métamorphosé en un masque mélangeant surprise, peur et dégoût.
Du coin de l'oeil, Lucas aperçut Alexia lancer un regard noir à Max avant de partir dans la direction opposée d'un pas rageur. Il ne les avait pas vu plus tôt et ne savait pas ce qu'il se passait, mais à cet instant precis, c'était bien le dernier de ses soucis.
Lucie, qui s'était jusqu'à présent contentée d'observer la scène avec sidération, le tira par le bras hors de la salle et la referma derrière eux. Alors qu'il était toujours perturbé par ce qu'il venait de voir et qu'elle essayait de le faire réagir, Lucas sentit une présence à côté de lui et tourna la tête pour voir Clara qui observait la scène avec les bras croisés sur sa poitrine et le fantôme d'un sourire flottant sur ses lèvres.
« Ton plan a réussi, » commença-t-elle sans détourner les yeux, « mon frère va être secoué pendant bien une demi-heure maintenant. » Avec un dernier regard satisfait, elle se tourna vers lui. « Je ne sais pas si c'est vraiment ce que tu veux, mais tu devrais mieux cacher ta jalousie pour ne pas que Lucie s'en rende compte. »
Et sur ces paroles, elle tourna les talons et s'éloigna dans le couloir, ses cheveux se mouvant en rythme avec ses pas.
Pendant tout le temps où il avait croisé son regard et même si son expression avait été neutre, Lucas avait eu l'impression qu'elle pouvait lire au plus profond de lui et explorer les moindres recoins de son esprit comme s'il s'agissait d'un livre ouvert sur une table. C'était très perturbant et Lucas n'aimait pas du tout se sentir aussi vulnérable qu'il ne l'avait été durant ces quelques secondes.
Son attention fut vite récupérée quand Lucie se tourna vers lui, un feu furieux brûlant dans ses yeux verts. « C'est vraiment plus fort que toi, tu n'apprends pas de ce qui a pu se passer. Tu ne t'arrêteras donc jamais ? »
Il était temps qu'il démarre la phase quatre de son plan. L'explication. Il s'approcha donc, une détermination nouvelle guidant le moindre de ses mouvements. Il était bien décidé à lui faire entendre raison et à ne pas la laisser fuir comme elle avait pris l'habitude de le faire.
« Tu me connais mieux que ça Lucie. » Dit-il en observant son visage en détails pour essayer de capter au mieux sa réaction.
Elle secoua la tête, bien décidée à camper sur ses positions. « Nuance, je croyais te connaitre. »
« Non, tu me connais et tu le sais aussi bien que moi. » Il avança encore d'un pas et plissa les yeux. « J'ai fait une erreur, c'est vrai, mais une erreur qui n'était pas voulue. Tu en es consciente, sauf que tu es simplement bien trop butée pour admettre que j'allais tenir ma promesse. Admet-le. »
Il voulait la pousser dans ses derniers retranchements, la faire se poser des questions parce que c'était la seule manière pour débloquer la situation. S'il continuait à être aussi passif alors il courait droit dans le mur et ça, il ne le voulait pas. Il en était totalement conscient.
Il voyait que son comportement était en train de changer, mais ce n'était pas encore suffisant pour retourner la situation à son avantage. Il devait pousser encore plus loin. « Je sais m'arrêter et je pense que tu es la mieux placée pour le savoir. »
« Oh vraiment ? » Demanda-t-elle, mais, à sa voix tremblante, c'est comme si elle essayait de se convaincre elle-même. « Alors c'était quoi ça ? »
Il jeta un coup d'oeil à Jules qui semblait peu à peu reprendre ses esprits et haussa les épaules. « Des motifs personnels dont je ne pense pas avoir besoin de te les préciser parce qu'au fond de toi tu sais. Tu sais que j'ai raison Lucie et que tout ceci est ridicule. Tu dois juste l'accepter. » Voyant dans ses yeux qu'il avait atteint son objectif, Lucas s'approcha encore une fois et se pencha vers son oreille alors qu'elle essayait de réprimer un frisson qui ne passa pas inaperçu. « Pose-toi les bonnes questions Princesse. »
Cette fois-ci, ce surnom avait pris des inflexions nouvelles, mais il ne se laissa pas le temps à la réflexion et s'éloigna dans le couloir d'un pas décidé.
Maintenant, il ne restait plus qu'à attendre la cinquième et dernière phase de son plan, le dénouement.
Ω
« Je ne comprend pas. » Déclara Matteo en poussant un soupire de frustration. « Quelle est l'utilité d'apprendre tout ça ? En quoi savoir résoudre une équation de second degré va nous servir dans la vie ? Ce n'est pas comme si on en avait besoin quand on va acheter du pain. »
Thomas lui lança à peine un regard et leva les yeux au ciel. « Ça va être utile à tous ceux qui vont décider de poursuivre des études qui s'en approche de près ou de loin. »
Tous deux se trouvaient actuellement au foyer pour travailler, mais Matteo n'avait pas tenu dix minutes devant son exercice de maths avant de se déconcentrer et d'abandonner parce qu'il le trouvait trop dur. Certes, il n'avait pas vraiment fait d'effort pour essayer de le comprendre, mais la première question avait suffi à le décourager.
Matteo se renfrogna. « Mais ce n'est pas mon cas, ni celui de tout le monde d'ailleurs, alors pourquoi le mettre dans le tronc commun ? C'est une perte de temps terrible. Ce n'est pas comme si tu allais tous les jours arrêter des gens dans la rue en te vantant de connaitre le nombre de Pi. »
« Ça s'appelle la culture Matt, tu sais ce que c'est au moins ? » Répliqua son frère en le regardant enfin dans les yeux, même si c'était plus par exaspération qu'autre chose.
« Pour moi, la culture c'est le fromage français et le chocolat suisse et tu sais ce que j'en fais ? » Demanda-t-il très sérieusement, d'un air presque grave quand Thomas haussa un sourcil pour toute réponse. « Je les mange. »
Thomas ne put s'empêcher de rire face à la bêtise de son frère et posa son stylo sur la table en secouant la tête. « Sérieusement, parfois je me demande comment Mathilde fait pour te supporter. »
Il s'appuya au dossier de sa chaise, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres. « Elle n'a pas besoin de me supporter puisque je suis très facile à vivre. Et puis, dois-je te rappeler que tu vis avec moi depuis plus longtemps, avant même que tu ne sois né ? »
« Et rien que pour ça, on devrait me décerner la légion d'honneur. » Acquiesça-t-il en s'emparant de son portable qui venait de vibrer sur la table.
« Et après c'est moi qui exagère toujours. » Commenta Matteo en repensant à toutes les fois où sa famille lui avait dit qu'il exagérait tellement qu'il n'aurait aucun mal à jouer dans une pièce de théâtre satirique. D'ailleurs, en parlant de famille. « J'ai réfléchis à ce qu'on pourrait offrir à maman pour son anniversaire. » Quand il ne reçut aucune réponse, il releva la tête et fronça les sourcils en remarquant que Thomas avait toujours les yeux braqués sur son portable. « Tu ne m'écoutes pas. »
Cette réflexion récupéra son attention et il le regarda d'un air innocent. « Si je t'écoute, vas-y. »
Matteo n'était pas convaincu, mais il balaya cette impression d'un revers de la main et embraya. « Et bien, j'ai pensé que ce serait une bonne idée de lui offrir un week-end de relaxation, tu sais, comme elle travaille beaucoup. Papa est d'accord pour participer. »
« Hmm. » Fut la seule réponse qu'il obtint.
Se renfrognant, son regard se durcit et sa bonne humeur quitta peu à peu son corps. « Ou alors, on pourrait lui offrir des pingouins pour les regarder glisser sur le ventre quand il neigera en plein été. Peut-être qu'on pourrait même leur apprendre des tours et gagner de l'argent grâce à des spectacles de rue. »
« Oui, c'est une bonne idée ça. » Répondit Thomas, pas le moins du monde dérouté par cette histoire de pingouin, mais souriant à la chose qui s'affichait sur l'écran de son téléphone. Matteo perdit patience et lui donna un coup de pied sous la table, récoltant un regard indigné de sa victime. « Aïe ! C'était pour quoi ça ? »
« Tu ne m'écoutes pas ! » S'indigna-t-il en le fusillant du regard. « Tu viens juste de dire qu'acheter des pingouins était une bonne idée ! »
« Qu- » Commença-t-il, mais la notification qu'il reçut l'interrompit et il se leva en prenant ses affaires après y avoir jeté un coup d'oeil.
« Tu vas où ? » Demanda-t-il, stupéfait par son comportement, mais aussi sérieusement agacé d'être ignoré d'une telle façon.
Thomas haussa les épaules comme si ce n'était rien d'important. « Rejoindre Camille pour l'aider dans son projet de réforme ou je ne sais quoi. »
Matteo ouvrit la bouche à plusieurs reprises sans savoir quoi dire avant de secouer la tête. « Quoi ? Mais tu devais m'aider pour mes maths. »
« T'as pas besoin de mon aide, » répliqua-t-il en épaulant son sac, « tu peux très bien y arriver tout seul. »
Matteo avait envie de lui dire que non, justement il ne pouvait pas y arriver tout seul et qu'il avait désespérément besoin de son aide, mais il se retint et le regarda disparaître dans le couloir alors qu'un goût amer se répandait dans sa bouche.
Il n'en revenait tout simplement pas. Thomas passait la plupart de son temps avec Camille et même s'il était content pour son frère, Matteo ne supportait pas d'être mis de côté comme il l'était actuellement.
Son frère n'était pas seulement la personne avec qui il partageait les mêmes traits, le même sang et la même date de naissance, c'était aussi et surtout son meilleur ami. C'était certainement la personne qui comptait le plus dans sa vie et même s'il était parfaitement conscient qu'ils avaient chacun le droit d'avoir leurs propres amis et leurs propres centres d'intérêts, ça ne voulait pas dire qu'il aimait être traiter comme un vulgaire chewing-gum collé sous une chaussure. Autrement dit, un boulet.
Il ne supportait plus la distance que Thomas avait mis entre eux et il en tenait Camille pour responsable.
Lucas interrompit sa déclaration de haine muette en s'affalant sur la chaise qu'avec occupé Thomas quelques instants plus tôt. « Ma vie n'est qu'un pauvre ramassis d'ordures. »
« Pas besoin de se demander pourquoi. » Répondit-il en s'enfonçant lui-même sur sa chaise, n'ayant plus du tout envie de rire de quoi que ce soit. « Quelle drôle d'idée d'aller t'attaquer au copain de Lucie pour te faire pardonner. »
« Déjà, ce n'est pas son copain. » Répliqua-t-il immédiatement comme si rien que d'y penser lui donnait la nausée. « Ensuite, c'était la seule façon pour qu'elle accepte de m'adresser la parole. Je n'aurais rien fait, la situation n'aurait pas bougé. »
« Parce qu'elle a bougé maintenant ? » Demanda-t-il d'un ton las et seul le silence lui répondit. « De toute façon, ces trois filles sont juste source à problème. »
Lucas fronça les sourcils. « Qu'est-ce que tu veux dire ? »
Il haussa les épaules en faisant tourner son stylo sur la table, la tête ailleurs. « Alexia fait la gueule à Max, mais me demande pas pourquoi, j'en sais rien. Lucie essaye de te haïr tant qu'elle en sait faire, même si c'est visiblement inutile et inefficace, et Camille me vole mon frère. »
Lucas semblait bien plus perdu qu'il ne l'avait jamais été. « Quoi ? »
Matteo se redressa en poussant un soupire de frustration, frustration qui, plus les secondes passaient, ne faisait qu'augmenter. « Laisse tomber. Tu peux m'aider à faire ces maths ? »
La question lui avait échappé avant même qu'il ne puisse y penser deux fois, mais il était à court d'option puisque la prochaine séance de tutorat tombait après le f deux cours de maths. Par conséquent, autant faire avec ce qui lui tombait sous la main.
Lucas haussa les épaules et s'empara du livre pour voir quel était le sujet.
Ouais, c'était vraiment une journée de merde.
Ω
« Alors comme ça, tu as vraiment une phobie du cirque ? » Demanda Lucie qui se retenu difficilement de rire en voyant l'expression que fit Jules en entendant le mot cirque.
Il hocha à contre coeur la tête en la regardant du coin de l'oeil. « Pour ma défense, j'ai eu une expérience assez traumatisante quand j'étais petit. »
Son sourire s'agrandit en voyant son air gêné et contrit. « Qu'est-ce qui peut être assez traumatisant pour te faire réagir d'une telle façon maintenant ? »
« Et bien, le genre d'expérience où on te force à faire du trapèze sans prendre en compte ta peur du vide et où la première chose que tu vois quand tu reprends connaissance après t'être évanouies la tête d'un clown penché juste au dessus de toi. » Dit-il avec un sourire en coin.
Lucie plaqua une main devant sa bouche pour éviter d'éclater de rire, mais ses yeux devaient certainement la trahir. « Je suppose qu'on ne peut pas te faire regarder les films Ça dans ce cas là ? »
Il haussa les épaules en faisant tourner la paille qui se trouvait dans son verre. « Sauf si tu as envie de me voir partir en courant de la salle et en criant comme un décérébré. »
Cette fois-ci, Lucie ne s'empêcha pas de rigoler.
Actuellement, ils étaient en ville pour la sortie mensuelle, mais aussi pour leur rendez-vous. Au plus grand bonheur de Lucie, ils ne faisaient rien de spécial et se contentaient de se balader en ville en parlant de tout et de rien après s'être arrêtés dans un petit café qui proposait des boissons à emporter. Dire qu'elle passait un bon moment serait un euphémisme. Jules était vraiment adorable et passer du temps avec lui était une trêve bien venue en période de guerre. C'était reposant.
Pourtant, elle ne pouvait faire taire cette petite voix au fond de son esprit qui lui disait que ça n'allait pas.
« Désolé, je ne devrais pas rigoler, ce n'est pas drôle. » Dit-elle, mais son sourire ne la rendait pas du tout convaincante.
Il balaya sa remarque de la main. « Ce n'est pas grave, mieux vaut en rire qu'en pleurer. Et puis, j'ai l'habitude avec Clara. Dès que je fais quelque chose qui ne lui plait pas, elle profite de cette connaissance pour m'en faire voir de toutes les couleurs. » Il pencha la tête sur le côté et fronça légèrement les sourcils, lui donnant ainsi des airs de nounours. « Je me demande juste comment Lucas a pu être au courant. »
« Il est ami avec les amis de ta soeur. » Répondit-elle avec une grimace qui, elle l'espérait, passerait inaperçue.
« Ça prend tout son sens alors. » Rigola-t-il en secouant la tête.
Lucie pinça les lèvres et baissa le regard vers ses chaussures, soudainement mal à l'aise. « Je suis désolée pour ce qu'il a fait. Lucas n'a parfois pas bien conscience des conséquences qu'ont ses blagues. »
« Je ne suis pas tout à fait d'accord. » Cette simple remarque la fit relever la tête pour le voir plisser les yeux avec réflexion. « Il n'y a pas besoin de le connaitre depuis longtemps pour comprendre qu'il n'agit jamais sans réfléchir. Il est parfaitement conscient de ce qui l'entoure et de ce qu'il peut ou ne peut pas faire. Lorsqu'il s'excuse, c'est que ce qui s'est passé n'a vraiment pas tourné comme il le souhaitait. »
Sans s'en rendre compte, Jules venait de donner une raison de plus à Lucie de douter. Pendant toute la durée de leur rendez-vous et malgré tous ses efforts pour ne pas y songer, ses pensées revenaient sans cesse à Lucas et à tout ce qui s'étaient passés ces derniers temps, la dernière conversation qu'ils avaient eu en particulier.
Ses paroles raisonnaient encore dans sa tête comme s'il venait tout juste de les prononcer et elle n'arrivait pas à se convaincre que c'était uniquement parce qu'elle ne lui avait pas parlé depuis longtemps et non parce qu'elle savait qu'il avait raison. Le fait que Jules venait d'aller en son sens ne faisait que s'ajouter à son doute.
Une partie d'elle voulait croire que ce qu'y s'était passé au nouvel an n'était qu'une erreur de parcours et qu'elle devait lui pardonner, mais l'autre persistait à lui dire qu'il l'avait fait volontairement et que ça allait recommencer à la première occasion.
Elle était complètement perdue et ne savait même plus quoi penser.
Jules la ramena à la réalité en la tirant par le bras, lui permettant ainsi d'éviter de se prendre un poteau en pleine face. « Attention. »
Elle secoua la tête et regarda par dessus son épaule. « Désolé, j'étais- »
« Perdue dans tes pensées. » Termina-t-il avec un sourire taquin. « Oui, j'avais cru remarquer. »
Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle se rendit compte de leur proximité. Quand il l'avait écarté du chemin, elle s'était appuyée contre lui inconsciemment pour voter de tomber et n'avait pas bougé depuis. Voilà pourquoi ils étaient vraiment très proche. Trop proche.
Le temps sembla ralentir lorsqu'il s'approcha un peu plus, le regard naviguant entre ses yeux et ses lèvres. Lucie restait figée, ne sachant pas comment réagir et ses pensées formant un brouillon indescriptible, même pour elle. Certains mots arrivaient parfois à se détacher, un prénom revenant bien plus souvent que tout le reste.
Au dernier moment, elle recula et baissa les yeux vers ses chaussures par peur de croiser le regard de Jules. « Je ne peux pas, je suis vraiment désolée. »
« Ce n'est pas grave. » Dit-il maladroitement en se raclant la gorge. Elle releva la tête et son coeur se serra quand elle vit la légère blessure qui se trouvait dans ses yeux. « Je sais ce que c'est. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Demanda-t-elle plus par acquis de conscience puisqu'elle n'était pas sûre de vouloir entre la réponse.
« Je sais ce que c'est d'être perdu et de ne pas savoir quoi faire. J'ai eu une vie tu sais, avant de venir ici je veux dire. »
Il le dit d'un ton léger, mais Lucie ne pouvait pas s'empêcher de se sentir coupable de lui avoir donner de faux espoirs. « Je suis quand même désolée. »
Il haussa les épaules et lui sourit. « Ne t'en fais pas pour moi, je vais m'en remettre. Tu devrais plutôt te concentrer sur toi et essayer de déterminer ce que tu veux avant qu'il ne soit trop tard. »
Elle soupira et détourna les yeux vers l'arbre qui se trouvait devant eux et fixa les deux oiseaux qui étaient posés sur une des branches. « Je sais. »
Oh oui, elle le savait.
Nombre de mots : 4032
Et bien, ma petite pause m'a été bénéfique dites-moi !
Super contente d'avoir pu prendre le temps de lire de mon côté, mais qu'est-ce que je suis heureuse de pouvoir retrouver mes petits perso !
Bref, je suis joie.
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