Chapitre 10 - « Trop tard. »
Le silence. Un silence religieux seulement troublé par le bruit de cahiers qu'on posait sur un bureau, de pages de livres qu'on tournait ou encore de notifications qui retentissaient sur un portable. Voici l'ambiance qui régnait dans la chambre d'Alexia et de Lucie.
Chacune se trouvait dans sa partie respective de la pièce, la première sur son lit à lire un livre, son portable posé à côté d'elle, et la seconde assise à son bureau en train de travailler sur sa physique-chimie. Aucune d'elles n'avait envie de parler à l'autre de peur de faire éclater une nouvelle dispute ou même uniquement par fierté. Pour résumer, c'était une période de guerre froide.
Donc, quel ne fut pas le désarrois de Camille quand elle entra dans cette pièce qui, d'habitude, respirait la joie et la bonne humeur pour ne trouver que tension et froid polaire. C'est en regardant ses amies chacune dans leur coin, toutes deux le visage fermé, qu'elle soupira. Il fallait vraiment qu'elle trouve un moyen d'arranger la situation.
« Ne parlez pas trop surtout, vous risqueriez de perdre votre voix. » Ironisa-t-elle dans l'espoir de détendre l'atmosphère, mais en vain.
Lucie ne leva pas une seule seconde le regard de sa feuille et Alexia s'empara de son portable qui venait de sonner deux fois à la suite. Camille resta figée sur place à regarder le comportement plus que ridicule que ses deux amies avaient l'une envers l'autre. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'elles puissent se prendre la tête pour une histoire de garçon. Ça la dépassait complètement.
Le téléphone d'Alexia sonna à nouveau et Lucie bougea discrètement sur sa chaise, agacée par ce bruit constant qui la déconcentrait un peu plus chaque seconde. Mais elle ne disait rien.
« Et si vous vous parliez pour mettre les choses à plat ? » S'entêta Camille qui n'avait pas dit son dernier et, surtout, qui n'avait pas remarqué la colère montante de Lucie.
Toujours aucune réponse. Le seul bruit qui brisait le silence était le portable d'Alexia qui sonnait encore et encore, avec seulement quelques secondes d'interruption. Lucie essayait tant bien que mal de se concentrer, mais rien n'y faisait. Son attention revenait sans cesse sur ce stupide portable qu'elle avait envie de passer par la fenêtre. Elle perdit finalement son sang-froid lorsqu'il sonna pour la cinquième fois en trente secondes.
« Mon dieu, mais tu ne peux pas arrêter avec ton foutu portable ?! » S'exclama-t-elle en posant son stylo sur la table avec force et en se retournant brusquement sur sa chaise pour fusiller Alexia du regard.
Cette dernière lui accorda à peine un coup d'oeil avant de reporter son attention sur l'objet du diable. « Je ne peux pas non, je suis en train de parler à Max. »
Camille leva les yeux au ciel face à cette stupide tentative pour provoquer Lucie qui avait pourtant l'air de fonctionner puisqu'on avait désormais l'impression que de la fumé allait sortir de ses oreilles.
« Et pourquoi tu n'irais pas le rejoindre au lieu de continuer à faire la gamine et à me prendre la tête ? » Lui demanda-t-elle en se retenant de ne pas lui cracher son venin en pleine tête avec toutes les peines du monde.
Camille avait l'impression de regarder un match de tennis, son regard passant de l'une à l'autre en se demandant qui allait gagner cette manche. Apparemment, la gagnante allait être Alexia.
Celle-ci se leva se leva avec un grand sourire au lèvre, comme si sa meilleure amie ne lui en voulait pas le moins du monde. « Tu sais quoi ? Tu as tout à fait raison, je vais aller passer un peu de temps avec lui. » Sur ces paroles, elle se dirigea vers la porte avec un signe de tête à l'encontre de Camille comme si elle venait tout juste d'entrer dans la pièce. « Salut Cam. »
La porte se referma un peu plus brusquement qu'en temps normal, preuve qu'Alexia était plus en colère qu'elle ne voulait bien l'admettre, rapidement suivie par le cri étouffé de Lucie qui avait une soudaine envie de meurtre, la victime n'étant pour une fois pas Lucas.
Camille l'observa avec inquiétude. Plus le temps passait et plus elle trouvait que l'état de Lucie se dégradait. Des cernes se trouvaient désormais sous ses yeux, ceux-ci avaient perdu leur éclat habituel et elle ne prenait même plus le temps de se coiffer et préférait s'attacher les cheveux en une queue de cheval. Camille savait pertinemment que même si Lucie était en colère contre Alexia, elle était bien plus blessée par la réaction de cette dernière. L'indifférence dont la blonde faisait preuve devait bien trop lui rappeler le comportement que ses parents avaient à son égard et ça la touchait. Qu'elle en soit consciente ou non, le résultat était le même.
« Il faut faire quelque chose Lucie. » Déclara Camille avec douceur en allant s'asseoir près d'elle.
Lucie ouvrit les yeux et fixa son amie avec un regard fatigué. Le vert de ses iris avait perdu de son éclat et tirait davantage vers du kaki sans aucune chaleur. Il trahissait une certaine mélancolie d'un bien être passé, c'était du moins sa signification et certainement ce que devait ressentir Lucie.
« Tu crois que je ne le sais pas ? » S'enquit-elle d'une voix plus basse qu'on aurait pu le penser. « De quel droit se permet-elle d'être en colère contre moi alors que toute cette situation est de sa faute ? Et puis, son comportement. Pourquoi agit-elle comme si tout ceci n'était qu'un jeu ? Je- »
Lucie s'arrêta, ne sachant même plus quoi dire pour exprimer sa pensée de la manière la plus juste possible. Elle se sentait écrasée par ses émotions, épuisée par une situation qui lui échappait totalement. Jamais elle ne s'était disputée d'une telle manière avec Alexia et ça lui brisait littéralement le coeur. Alexia avait été la toute première personne à lui porter un minimum d'attention, à lui faire comprendre qu'elle était importante, même si jamais personne ne lui en avait donné l'impression. Alors savoir que tout partait en poussière en un claquement de doigt était effrayant et remettait tout en question.
« Je te comprend Lucie, » acquiesça Camille en cherchant son regard, « mais je sais aussi qu'il faut que quelqu'un face le premier pas sinon la situation va continuer à tourner en rond. » Lucie hocha la tête en soupirant et Camille pince les lèvres avec anticipation de ce qu'elle allait dire. « Tu penses qu'arranger la situation avant Halloween est possible ? »
Lucie releva brusquement la tête en fronçant les sourcils. « Halloween c'est demain Cam. »
Cette dernière leva les mains pour la tempérer. « Je sais que c'est certainement trop demander, mais il faut que l'une de vous deux mettent sa fierté de côté et le plus tôt sera le mieux. »
Lucie baissa les yeux sur ses mains, réfléchissant aux paroles que Camille venait de prononcer, comprenant bien qu'elle n'avait pas tort. Mais, même si elle mourrait d'envie que tout redevienne comme avant, elle ne pouvait pas oublier ce qui avait déclenché toute cette histoire et surtout quel était le comportement d'Alexia maintenant. Lucie ne savait vraiment plus quoi faire, ni quoi penser.
Ω
Tout était en place. Les garçons avaient travaillé un grande partie de la nuit, afin que tout se passe comme prévu et que la réussite soit garantie. Les jumeaux, surtout Matteo, avaient la pression puisqu'il s'agissait de la fameuse carte blanche que leur avait donné Lucas.
Ce dernier devait d'ailleurs admettre que c'était un très gros coup, tout de même un peu different des autres puisqu'ils avaient demandé l'autorisation. Monsieur Albert, le directeur, avait été très étonné de les voir demander et c'était certainement ce qui l'avait poussé à accepter. Mais bien sûr, Lucas avait plus d'un tour dans son sac et ne lui avait pas dit ce qu'ils allaient faire, ni quand et lui avait juste demander de laisser la salle de réfectoire des lycéens fermée jusqu'à l'heure du petit déjeuner le jour d'Halloween. Personne ne devait rentrer avant les élèves eux-même.
C'était donc l'heure de vérité. Les garçons étaient en première ligne, clé en main, attendant que l'heure ne sonne. Lucas regardait la foule des élèves qui se demandaient ce qui se passait et pourquoi ils ne pouvaient pas accéder au réfectoire comme ils le faisaient en temps normal. Lorsque la sonnerie retentit, il fit signe à Matteo d'ouvrir la salle pendant qu'il démarrait le protocole depuis son téléphone.
Le flux d'élève entra dans la pénombre la plus totale, chacun essayant de ne pas tomber ou de ne pas rentrer dans quelqu'un d'autre, rendant la scène hilarante. Lucas alla se placer un peu plus en hauteur afin d'avoir une meilleure vue sur l'ensemble de la pièce et un sourire se glissa sur ses lèvres.
Les jumeaux avaient eu l'idée du siècle, jamais Lucas n'aurait pu y penser, du moins pas de cette ampleur. L'organisation dont ils avaient pu faire preuve était parfaite, chaque détails mesurés au millimètre près et tout se passait à la perfection jusqu'à présent. Ils avaient de quoi être fiers.
Juste avant que tout ne commence, le regard de Lucas se posa sur le groupe des filles. Ces dernières, malgré la tension fortement visible, semblaient plus perdues que jamais. Lucie essayait tant bien que mal de voir où elle allait, mais en vain puisqu'il faisait bien trop sombre. Elle regardait autour d'elle en se demandant ce qui pouvait bien se passer, seul des murmures confus venant troubler le silence de la pièce.
Alors qu'elle trébuchait sur ses propres pieds et manquait de peu de s'étaler par terre, la lumière s'alluma soudainement, les aveuglant tous par la même occasion, et un tonnerre tonitruant éclata et se répercuta sur les murs. Frôlant la crise cardiaque et clignant rapidement des yeux pour atténuer les points noirs qui dansaient dans on champ de vision, Lucie se redressa et regarda frénétiquement autour d'elle pour trouver l'origine de tout ce bruit. Elle se figea lorsqu'elle tomba nez à nez avec un squelette, mais tomba en arrière avec un cri étouffé quand celui-ci commença à bouger.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? » Cria Camille par dessus le vacarme environnant en l'aidant à se relever.
Lucie haussa les épaules et prit enfin le temps d'observer ce qui l'entourait.
La pièce avait entièrement été décorée, du sol au plafond. Une dizaine de citrouilles étaient éparpillées un peu partout, des toiles d'araignées pendaient du plafond, mais aussi des pantins ensanglantées qui étaient pendus par les pieds. Il y avait aussi les fantômes qui se balançaient au bout de fils et deux squelettes et plusieurs zombies qui parcouraient la salle de long en large. Les tables étaient recouvertes de diverses décorations sur le thème d'Halloween avec bien trop de détails pour pouvoir les décrire.
Une bande-son se déversait d'enceintes qui avaient été placées aux quatre coins de la salle, mélangeant les rires de sadiques avec les hululements de chouettes, mais aussi les hurlements de loups et les coups de tonnerre.
Non, ce n'était plus un doute désormais, ils se trouvaient bien dans la grande salle de Poudlard le soir d'Halloween.
Tous les élèves commencèrent à réagir en faisant des commentaires sur la décoration en se déplaçant dans la pièce alors que Lucie était bouche-bée. Elle ne savait même plus quoi dire, ni quoi penser. Tout était allé tellement vite, c'était comme si son cerveau n'arrivait pas à intégrer ce que ses yeux voyaient. Elle se tourna vers Camille qui avait l'air tout aussi éberluée qu'elle et observa ensuite le squelette qui lui avait fait peur.
Celui-ci commença à bouger lentement et Lucie recula de quelques pas. Sauf que cette chose n'avait pas dit son dernier et accéléra, la forçant à en faire de même. Pourquoi est-ce que ça la suivait ? Elle se retrouva bientôt bloquée contre un mur et ferma les yeux, attendant l'impact aux vues de l'allure à laquelle allait, mais celui-ci n'arriva jamais. Elle ouvrit doucement les yeux avant de les écarquiller en voyant le squelette à quelques centimètres d'elle en train de lui faire un signe de la main.
Un rire retentit au dessus d'elle et Lucas sauta de son piédestal pour atterrir avec grâce à côté du squelette désormais inanimé. « Tu aurais dû voir ta tête. »
Lucie était bien trop sidérée pour pouvoir répondre et se contenta de le regarder rouler de rire avec la bouche légèrement entrouverte à cause du choc. Camille et Alexia s'approchèrent, suivies de près par les jumeaux et Maximilien qui arboraient tous trois un grand sourire. Ils se tapèrent dans la main pour se féliciter de la réussite de leur oeuvre et Lucas reporta une nouvelle fois son attention sur Lucie.
« Ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme. »
Lucie le fixa sans bouger, lui et son sourire stupide plaqué sur le visage, avant de cligner des yeux, d'ouvrir la bouche pour répondre et de la refermer tout aussi rapidement. Elle tourna les talons sans un mot et sortit tout simplement du réfectoire.
Elle ne savait pas ce qui venait de se passer et préférait ne pas savoir. Elle se retourna néanmoins en entendant quelqu'un l'appeler et eut la surprise de voir Max s'approcher en courant.
« Est-ce que je peux te parler ? » Lui demanda-t-elle avec nervosité.
Lucie devait bien admettre qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il vienne lui parler, mais puisqu'elle était toujours un peu perturber de ce qui se passait au réfectoire, elle hocha la tête. Il n'eut cependant pas le temps de prendre la parole puisqu'une fille de petite taille, aux yeux clairs et aux cheveux châtains rassemblés en deux tresses, dont les pointes étaient d'ailleurs étrangement bleues, arriva en courant dans leur direction avant de se stopper net en les remarquant.
Elle fut suivie de près par un garçon, peut-être plus âgé qu'elle, aux cheveux bruns et bouclés. « Céleste attend, tu vas- »
Il eut la même réaction que son amie en les remarquant, mais, cette fois-ci, quelqu'un lui rentra dedans. « T'arrêtes pas comme ça en plein milieu du chemin Yayel, tu- »
La nouvelle venue, qui avait une peau mate avec des cheveux bruns coupés court, s'arrêta de parler quand "Yayel" se décala pour laisser apparaitre Max et Lucie qui les observait avec un intérêt non dissimulé.
Cette dernière pencha légèrement la tête sur le coté et s'adressa directement au brun. « Tu t'appelles vraiment Yayel ? »
« Quoi ? Non, bien sûr que non ! » S'indigna-t-il en fusillant la dernière venue du regard. « Je m'appelle Gaël, c'est juste un stupide surnom. »
« Aw, » s'exclama la brune en lui ébouriffant les cheveux, « le petit Yayel n'aime pas son surnom ? »
Il lui chassa la main alors que la dénommée Céleste éclatait de rire et commençait à l'imiter. « Je ne suis pas petit Judith, je suis en pleine croissance. »
Les deux filles continuèrent à se moquer de lui alors qu'il prenait visiblement sur lui pour ne pas en tuer l'une des deux. Lucie les observait avec amusement. Elle ne savait pas qui ils étaient, ni d'où ils sortaient, mais elle savait déjà qu'elle les adorait. Étrangement, ce n'était pas la chose la plus bizarre qu'elle avait vu ce matin-là.
Gaël sembla reprendre contenance et leur lança un regard d'excuse avant de pousser chacune de ses amies dans le dos et de les forcer à partir alors qu'elles continuaient sur leur lancée. Lucie ne put s'empêcher de sourire face à tant de bonne humeur et se retourna vers Max qui semblait plus décontenancé que jamais.
Il se ressaisit cependant et se racla la gorge. « Je ne sais pas vraiment comment te dire ça, mais- »
« Tu aimerais me dire qu'Alexia n'a jamais voulu me blesser intentionnellement et que ce n'est pas parce que tu es le meilleur ami de Lucas que je devrais directement te détester, c'est ça ? » L'interrompit-elle et Max grimaça en hochant la tête. Lucie soupira et se frotta les yeux, désormais rattrapée par la réalité. « Écoute, comme je l'ai déjà dit à Lucas, je n'ai absolument rien contre toi et cette histoire n'est pas de ta faute. Et je sais aussi que tu vas me dire qu'il faut arranger la situation. »
Ses épaules s'affaissèrent en signe de défaite et il la regarda avec ce qu'elle apparentait à de la pitié. « J'ai essayé de lui parler, vraiment, mais tu la connais mieux que moi. Elle n'acceptera jamais de mettre sa fierté de côté pour venir s'excuser. Du moins, pas si elle doit faire le premier pas. »
Ça, Lucie voulait bien le croire. Elle connaissait Alexia sur le bout des doigts et s'il y avait bien quelque chose que cette dernière détestait, c'était de s'avouer vaincue en première. Mais Lucie aussi avait sa fierté et elle n'appréciait pas trop ce que Max était en train de lui demander.
« Donc tu es en train de me dire que ce serait à moi de faire le premier pas alors que ce n'est absolument pas de ma faute ? »
Une confiance nouvelle sembla s'emparer de lui, son regard arrêta de se faire fuyant et il la fixa droit dans les yeux. « Je ne te connais pas vraiment Lucie, mais je ne pense pas que cette situation te convienne non plus. Je pense aussi qu'il est bien plus facile de te raisonner toi qu'Alexia et que tu sais prendre les bonnes décisions. Alors oui, je pense que tu devrais faire le premier pas. »
Elle l'observa un instant sans rien dire, jamais elle n'avait vu cette partie de sa personnalité. Elle l'avait toujours connu silencieux, stressé et timide. Hors, là il dégageait une aura de détermination, de calme et il était surtout convaincant. Elle sentait ses défense tomber et devais bien admettre qu'il avait raison, que ça lui plaise ou non.
« Très bien, » soupira-t-elle en hachant la tête, « je ne garantie rien, mais je vais y réfléchir. »
Un sourire se glissa sur ses lèvres, mais pas le genre de sourire arrogant à la Lucas. Non, le genre de sourire sincère qui transmet un message de gratitude et Lucie se trouva dans l'obligation de le lui rendre. Elle tourna ensuite les talons pour reprendre sa route en repensant aux paroles qu'elle venait d'entendre.
Oui, il allait vraiment falloir qu'elle fasse quelque chose.
Ω
Matteo se rendait actuellement sur le lieu responsable de ses tous ses tourments, ce qui était étrange puisque, d'habitude, il n'y allait pas avant la fin du trimestre. Autant dire qu'il était vraiment, mais alors vraiment dans le pétrin.
Le bureau du directeur était devenu comme un sorte de deuxième maison pour lui. Il y passait beaucoup de temps, que ce soit à cause de blagues qui tournaient mal ou alors à cause de ses résultats scolaires qui étaient en baisse constante depuis quelques années. D'ailleurs, c'était surtout à cause de cette dernière raison puisqu'ils se faisaient rarement chopper.
Matteo avait tout essayé pour remonter ses notes. Il s'était mis à travailler bien plus dur, avait demandé de l'aide aux professeurs et à des personnes extérieures, il avait même demandé à Mathilde, sa copine qui habitait pourtant dans le sud de la France, mais rien ni faisait. Ses notes ne remontaient pas, on pouvait même dire qu'elles étaient en chute libre. Autrement dit, ses parents commençaient à désespérer.
Mais le pire dans cette histoire, c'est qu'il ne pouvait en parler à personne, pas même à son frère. Non, il pouvait en parler, mais il ne voulait pas, là était toute la différence. Être le frère de Thomas était bien plus dur qu'il ne laissait le paraitre. Celui-ci avait toujours eu des résultats excellents et un sérieux à toute épreuve. Matteo, lui, n'avait jamais vraiment été le genre de personne à porter beaucoup d'importance à ses études et préférait largement se concentrer sur des choses qui le divertissaient davantage et ça, son frère en était tout à fait conscient.
Il savait que s'il lui expliquait la situation, Thomas allait lui dire que s'il se concentrait plus sur ses études que sur ses stupides farces alors ses résultats seraient meilleurs et il n'aurait pas à aller aussi souvent chez le directeur pour une leçon de moral. Matteo adorait son frère, mais son côté rabat-joie avait de quoi l'agacer plus que de raisons.
Donc Matteo ne pouvait pas se tourner vers lui. Il aurait très bien pu demander de l'aide à Lucas puisque ce dernier avait des résultats encore meilleurs que ceux de Thomas, mais il se le refusait catégoriquement. C'était peut-être étrange de dire ça, surtout à son âge, mais Lucas était une sorte de modèle pour lui. Il l'admirait pour sa créativité, mais surtout pour ses capacités. C'était exactement comme s'il pouvait faire tout ce qu'il voulait sans rencontrer une seule difficulté, c'était impressionnant. Donc, lui dire la vérité serait un peu comme admettre devant son idole qu'on avait des faiblesses et ça il ne le voulait pas. Ensuite, il ne pouvait rien dire à Max parce qu'il allait automatiquement le dire à Lucas.
Matteo était donc seul face à sa descente en enfer.
Il s'arrêta devant la porte du bureau du directeur avant de soupirer et de toquer avec résignation. Il attendit qu'on lui donne l'autorisation d'entrer et alla s'asseoir devant Monsieur Albert qui l'observait avec les mains jointes devant lui et une expression bien trop sereine pour ça n'annonce pas quelque chose de mauvais.
Avec son costard parfaitement repassé, ses cheveux poivre et sel coiffé d'une telle manière à ce qu'il n'y avait pas une seule mèche qui dépasse et rasé de près, Matteo aurait pu croire qu'il se trouvait face au PDG d'une grande entreprise et non face au directeur d'un établissement scolaire, qu'importe le prestige de ce dernier.
Le reste de la pièce correspondait parfaitement à l'image que renvoyait son occupant. Chaque livre qui composait l'étagère placée contre le mur de gauche était classé par auteur, pas un seul papier ne trainait sur le bureau qui les séparait et le tout sentait tellement le propre qu'on aurait pu penser qu'elle venait tout juste d'être aseptisée.
Face au regard perçant de son directeur, Matteo en venait à regretter de ne pas avoir fait un peu plus d'effort de présentation. Les deux premiers boutons de sa chemise étaient ouverts, sa cravate pendait à moitié nouée autour de son cou et il n'avait même pas pris la peine de prendre sa veste. Même s'il lui était impossible de le convaincre avec ses résultats scolaires, il aurait au moins pu essayer de le faire avec une apparence soignée. Trop tard.
« Et bien Monsieur Fournier, » commença le directeur en restant de marbre, brisant ainsi la tension qui s'était installée dans la pièce, « on se voit de plus en plus tôt chaque année, vous ne trouvez pas ? Vous savez pourquoi vous êtes ici je suppose ? »
« Je pense que ce n'est pas pour parler de la pluie et du beau temps. » Tenta-t-il avec un semblant de sourire pour détendre l'atmosphère, mais sans grand succès.
Monsieur Albert se contenta de le regarder d'un air désapprobateur avant d'ouvrir son ordinateur et de mettre ses lunettes pour fixer ce qui était apparu sur l'écran avec les sourcils froncés. « Vos résultats sont en chute libre depuis un certain temps déjà et, même si nous vous avons fait la remarque plus d'une fois, vous semblez plus intéressé par les mauvais coups de votre camarade que par la nécessité de travailler, je me trompe ? »
Matteo bougea avec malaise sur sa chaise et se racla la gorge. « Je ne dirais pas qu'il s'agit de mauvais coups, plus d'un divertissement dont la majorité à besoin. »
« Je vous en prie Monsieur Fournier, » répliqua-t-il avec un certain mécontentement dans la voix, « vous êtes ici pour apprendre et pour travailler, pas pour vous divertir à coup de paillettes et autres outils en tout genre. »
Ce fut au tour de Matteo de se renfrogner. S'ils ne pouvaient pas prendre du bon temps, alors qu'est-ce qu'ils pouvaient faire pour ne pas faire une overdose de travail ? Ils étaient adolescent après tout, pas des robots qu'on pouvait diriger à la baguette.
« Écoutez, » continua le directeur avec un soupire contrit, « si nous vous avons gardé jusqu'à présent, c'est uniquement parce que votre frère suit aussi sa scolarité dans cette établissement. Désormais, je suis dans le regret de vous dire que si vous n'augmentez pas vos résultats d'ici la fin de l'année, alors vous ne serez pas invité à revenir l'année suivante. »
Matteo se figea sur place. Ils allaient vraiment le mettre dehors s'il ne remontait pas ses résultats ? S'il était encore ici c'était grâce à Thomas ? Être comparé à son frère ne l'avait jamais vraiment dérangé, mais savoir que vous aviez été choisi uniquement grâce à votre frère et non grâce à votre personnalité et à vos capacités avait de quoi être blessant.
« Maintenant, je vous conseille grandement de vous rendre au tutorat sur les plages horaires qui lui sont consacré. » Monsieur Albert lui tendit un papier qu'il s'empressa de prendre avec un hochement de tête. « Vous pouvez y aller. »
Matteo ne se le fit pas dire deux et le remercia en se levant et en se dirigeant vers la porte, sentant son regard lui bruler le dos à chaque pas. Lorsque la porte se referma derrière lui il relâcha sa respiration comme s'il avait été en apnée tout du long et se frotta les yeux avant de regarder la feuille qu'il avait dans la main. Il s'agissait des horaires de tutorat.
Ce rendez-vous n'aurait pas pu être plus catastrophique. Matteo ne savait pas comment il allait faire pour se sortir de ce mauvais pas, mais il avait plutôt intérêt à trouver une solution et ceci assez rapidement.
Avec une démarche fataliste comme s'il se rendait sur les lieux de son exécution, il retournait dans sa chambre l'esprit défaitiste lorsque son téléphone sonna. Il décrocha sans même regarder le correspondant et n'eut pas le temps, ou alors était-ce l'envie, de répondre.
Une voix qu'il ne connaissait que trop bien se fit entendre. « Salut BG. »
Le simple fait d'entendre la voix de Mathilde suffit à le faire sourire et à lui faire oublier en partie le désastre qu'était sa scolarité. « Hey. »
Elle allait répondre, mais des bruits peu ragoûtants de son côté de l'appareil la coupèrent. « Quoi ? Mais non ! Stupides zombies. » Après avoir marmonné quelques insultes supplémentaires à l'encontre du jeu vidéo auquel elle devait jouer, il l'entendit soupirer tout en se déplaçant. « Ça va ? »
Cette question le fit grimacer, mais il préféra faire comme si de rien n'était. « Ça peut aller. »
« Autrement dit, ça ne va pas. »
Matteo fronça les sourcils avant de secouer la tête. « Je viens de dire que que ça va, d'où est-ce que tu peux dire que- »
Elle le coupa et il aurait pu parier tout ce qu'il avait qu'elle avait levé les yeux au ciel. « Je te rappelle que tu ne peux rien me cacher alors accouche. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »
Cela faisait bien longtemps qu'il avait arrêté de se demander comment elle faisait pour savoir quand il mentait, tout ce qu'il savait, c'est que ça avait été le cas depuis leur rencontre. Ce jour-là, et alors qu'il était en vacances avec sa famille au Grau-du-Roi, il se cachait de son frère puisqu'il venait tout juste de lui faire une blague et ce dernier n'avait pas trop apprécié. Il n'avait pas trouvé meilleure cachette que derrière les poubelles qui se trouvaient au bout de l'allée. Heureusement, ce n'était pas son frère qui l'avait trouvé, malheureusement, c'était Mathilde.
Évidemment, et même sans le connaitre, elle ne s'était pas gênée pour lui faire toutes sortes de remarques auxquelles elle rigolait toute seule puisque Matteo était bien trop hypnotisé pour pouvoir réagir. C'est aussi a ce moment-là qu'elle a commencé à le surnommer Poubelle, ce qui est bien sûr resté.
Depuis ce jour, Matteo était complètement et irrémédiablement amoureux d'elle.
C'est pourquoi il soupira et lui expliqua la situation. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, Mathilde pouvait parfois faire preuve de sérieux et s'avérait être de bons conseils. Mais apparemment, aujourd'hui n'était pas un de ces jours.
« Tu ne crois pas qu'il serait peut-être temps que tu en parles à ton frère ? » Lui demanda-t-elle d'un ton prudent comme si elle savait qu'il n'allait pas être d'accord.
« Non, » dit-il sans hésiter une seule seconde, « tu sais très bien comment il est. Je ne peux rien lui dire. »
« D'accord, » répondit-elle en soufflant avec exaspération, « t'as quelqu'un à qui demander de l'aide au moins ? »
Matteo grimaça. Là était tout le problème, il avait bien une idée, mais c'était risqué. « Il y a bien une personne qui pourrait m'aider, mais on n'est pas vraiment en bons termes si tu vois ce que je veux dire. »
Mathilde commença à rigoler. « Quelqu'un qui ne t'aime pas, comme c'est étrange. Maintenant, tu te débrouilles comme tu veux, mais tu fais en sorte qu'elle t'aide. » Il y eut quelques secondes de silence avant qu'elle n'ajoute d'une voix tendue, « On se voit toujours pendant les vacances ? »
Même à travers le téléphone il avait pu percevoir son changement d'attitude. Il devait bien admettre qu'il n'était pas facile de préserver une relation à distance, encore plus en étant dans un internat, mais Matteo savait aussi qu'il n'avait pas envie que ce qu'ils avaient se termine de sitôt et qu'il allait faire tout ce qui était en son pouvoir pour que ça continu encore longtemps.
« Évidemment ! » S'exclama-t-il de la voix la plus convaincante et la plus enjouée qu'il possédait pour lui remonter le moral. « Tu vas pouvoir admirer le talent inné que j'ai pour le ski. »
« Oh, comme le fameux talent que tu as pour le surf ? » Ajouta-t-elle avec sarcasme et c'est là que Matteo comprit qu'il avait réussi à lui remonter le moral.
Cette histoire de surf n'était qu'un malheureux mal-entendu. Il avait essayé de l'impressionner en surfant alors qu'ils ne sortaient pas encore ensemble, mais tout ne s'était pas passé comme prévu et disons juste qu'il avait terminé dans l'eau bien trop et surtout bien trop violemment. Son dos s'en souvient encore.
« Très drôle. » Tenta-t-il de répliquer, mais le sourire qui s'étendait sur ses lèvres lui enlevait toute crédibilité.
Matteo ne savait pas encore s'il allait réussir à sauver son année, mais en entendant le rire mélodieux de sa copine à l'autre bout du fil, c'était bien le dernier de ses soucis.
Nombre de mots : 5061
Voici un long, très long chapitre !
J'ai donc l'honneur de vous présenter Mathilde ! Je sais pas vous, mais moi j'adore déjà Thildeo.
N'oubliez pas non plus Gaël, Judith et Céleste, s'ils sont là ce n'est pas pour rien. (AKA phesox leaechvr LadyElle_PJO )
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