"Laisse-moi te montrer quelque chose, si tu veux bien."

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Durant toute la fin de mon discours, j'avais fait des mouvements avec mes bras comme pour soutenir mes propos. De l'extérieur, j'avais sûrement l'air d'être une folle.

Lorsque je me tus, une silence de plomb régnait dans la pièce. Chacun me regardait médusé, professeurs, élèves comme Azyas. 

Moi-même j'avais été surprise par mes propos et par mon audace de m'être ainsi dévêtue dans le réfectoire, aux yeux de tous. Quand est-ce que j'étais devenue aussi effrontée ?

Je remerciai rapidement mes Dieux qui partirent et je savais que j'avais retrouvé mes yeux marrons. J'attendais une réaction de la part des personnes se trouvant dans le réfectoire mais seul le silence me répondait.

Jusqu'à ce que je vis Naïa, du coin de l'oeil, applaudir, brisant le silence magistral qui s'était installé dans la pièce, ce qui contrastait avec le brouhaha qui régnait à mon arrivée. 

Je vis ensuite Coraline applaudir à son tour, puis Andrew aussi, qui me regarda avec fierté. Lorsque mon regard croisa le sien, il hocha la tête comme pour me féliciter. 

Les applaudissements retentirent de toute part. Ce bruit était beaucoup plus plaisant que celui des injures de tout à l'heure. Mon discours n'avait pas dû les laisser de marbre.

- Tu as raison, nous devons apprendre à cohabiter.

- Nous allons devenir plus fort.

- Oui, nous ne sommes pas si différents. Nous sommes des mages, et entre mages, on s'entraide.

J'entendais ces phrases venir de pleins de personnes dispersées dans la salle. Je ne pus m'empêcher de sourire. J'avais réussi.

Je me rappelais alors que j'avais ôté mon tee-shirt et le rouge s'empara de mes joues. J'avais fait ça dans un élan de courage et de détermination mais maintenant, je me sentais honteuse de m'être dévoilée de cette façon.

Je me rhabillai et je descendis de table en remerciant les personnes de m'avoir écouté. Je me dirigeai vers le coin des Azyas et m'assit à une place de libre à la table où se trouvaient Naïa, Kachi et le garçon qui lit dans les pensées.

- Ton discours était fabuleux ! s'exclama Naïa. On aurait dit que tu l'avais préparé à l'avance !

- Je suis fier de ma petite Killa, dit Kachi qui était assis à côté de moi en passant son bras autour de mes épaules.

Le dîner se déroula sans que d'autres injures soient pestées. On entendait les gens bavarder gaiement et parfois des rires s'élevaient dans l'air. J'étais heureuse d'avoir pu dissiper cette tension qui s'était installée entre les élèves de Preston et les Azyas.

Inconsciemment, j'aurai voulu que Carter soit là. J'aurai voulu que pour une fois, il me voit réussir quelque chose et qu'il puisse être fier d'être mon copain. Mais au lieu de cela, il était dans le coma, dans un lit à l'infirmerie, à cause de moi.

Je secouai la tête pour chasser mes pensées négatives. Je devais être optimiste pour cette école. Je le guérirai, quoi qu'il m'en coûte. De même pour Armande. Je les soignerai au prix de ma vie s'il le faut.

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- Magnifique discours Alyssia, me félicita Andrew qui attendait que je sorte du réfectoire. Tu as beaucoup mûri en quelques mois. Je suis fier de toi. Je voudrai que tu assistes au cours du soir ce soir, si tu n'es pas trop fatiguée. Je t'expliquerai toutes les nouveautés de sécurité qu'on a mis en place après ta disparition.

- Je ne participerai pas au cours mais je viendrai. J'ai utilisé la presque totalité de ma magie pour essayer de soigner Carter et ça n'a pas fonctionné. Aucun sortilège n'a fonctionné.

- Alyssia ! Pourquoi as-tu fait ça ? Tu es totalement irréfléchie ! s'emporta Andrew, ce qui me surprit. Si tu veux tenter quelque chose tu dois m'en parler avant. Je ne veux pas que tu utilises autant ta magie toute seule.

- Je n'étais pas seule, me défendis-je. Kachi était avec moi.

- Il n'empêche que la prochaine fois, tu me préviens si tu veux tenter quoi que ce soit. Je veux être là. Est-ce bien clair ?

Je hochai rapidement la tête de haut en bas. Je ne voulais pas me confronter à Andrew, la journée avait déjà été assez éprouvante comme ça. Je ne voulais pas rajouter d'autres événements inutiles.

- Bien. Je t'attends à 21h00 dans le sous-sol.

Andrew tourna les talons et je montais à l'étage. Lorsque j'arrivais au premier étage, une autre personne m'attendait sur le palier : Aymeric. Je ne voulais pas lui parler. 

Il était un étranger à présent à mes yeux. Je ne le connaissais pas comme ça. Je ne voulais pas être ami avec l'homme que j'avais vu tout à l'heure, frappant Kachi et crachant sur les Azyas. 

Ce n'était pas comme ça que je connaissais Aymeric, et je ne voulais pas être ami avec celui-ci.

Je fis mine de ne pas l'avoir vu et je me dirigeais vers ma chambre, là où se trouvait mon seul refuge. Mais Aymeric m'attrapa le bras pour m'empêcher d'avancer davantage.

- Qu'est-ce que tu veux ? soufflai-je exaspérée.

- Tu vas vraiment leur pardonner sans leur avoir fait payer ? me questionna-t-il en plongeant son regard dans le mien.

- Tu ne sais pas ce qu'on a subi là-bas, ensemble. Sans eux, je serai morte, on m'aurait arraché le coeur et on l'aurait pressé au-dessus d'une stèle pour ressusciter un Dieu Azya.

- Alors explique-moi toutes les raisons pour lesquelles tu ne leur en veux pas parce que là, je ne vois pas. C'est la seule façon pour moi de pouvoir comprendre pourquoi tu agis de la sorte.

- Je ne te dois rien, tu n'as qu'à les détester si ça te chante mais tu devras aussi me détester car, que tu le veuilles ou non, je suis une Azya moi aussi.

- Mais tu es aussi une des nôtres !

- Je suis une mage, tu en es un, les Azyas en sont eux aussi. Vous êtes pareils donc arrête de faire comme si tu leur étais supérieur. Les Azyas vivront ici et tu devras faire avec. Tu n'as pas ton mot à dire.

Je le regardais avec tellement de colère. Il soupira en fermant les yeux quelques secondes, comme pour réfléchir à tout ça. 

Je savais aussi qu'il essayait de contrôler sa colère afin de ne pas s'emporter. Cela n'aurait pas avancer les choses si nous nous disputions ce soir. Céder à notre colère ne mènerait à rien.

- Laisse-moi te montrer quelque chose, si tu veux bien.

Je le fixai sans changer d'émotion. Que pouvait-il bien vouloir me montrer à un moment pareil ? J'étais trop énervée contre lui pour aller voir quoi que ce soit, pour le suivre où que ce soit.

- S'il te plaît. Je ne viendrai plus t'embêter après ça.

Je soupirai à mon tout et j'hochai la tête. Si je pouvais faire en sorte qu'on ne me fasse plus d'histoire, j'étais prenante. Et, après tout, je ne pouvais pas oublier tout ce qu'Aymeric avait fait pour moi jusqu'à aujourd'hui. Je lui devais au moins ça.

Il me fit signe de le suivre et il descendit les escaliers. Où comptait-il m'amener ? On traversa le grand hall puis on sortit pour parcourir la forêt. On marcha de longues minutes à l'abri des épicéas. 

On arriva rapidement à un terrain découvert mais qui ne ressemblait en rien à la clairière où j'avais rencontré mon père pour la première fois. De somptueuses fleurs avaient été plantées pour former des lignes parfaites.

Aymeric se déplaça à travers les allées de fleurs puis il s'arrêta devant une pierre. Il s'accroupit et il me fit signe d'en faire autant. Lorsque je fus plus près du sol, je vis des écritures inscrites sur cette pierre : Hannah Johnson.

Aymeric m'avait amené sur la tombe d'Hannah. Cherchait-il à me faire haïr les Azyas pour l'avoir tuée ? Que comptait-il faire ? Quel était son but en m'amenant ici ?

Je ne pus m'empêcher de baisser la main pour la poser sur la pierre froide de la tombe d'Hannah. Les mots tombe et Hannah n'allaient définitivement pas ensemble. 

Hannah était si jeune. Elle n'aurait pas dû mourir ce soir-là. Son corps si jeune reposait sous cette pierre, sous ma main. 

Je n'arrivais pas à imaginer Hannah sans vie, sans son enthousiasme et son sourire qui ne quittaient jamais son visage. La mort n'était pas faite pour elle. 

Elle méritait de vivre encore de longues années. Je m'en voulais tellement de lui avoir fait subir ça alors qu'elle était si jeune encore, de lui avoir retirer la vie.

- Tu vois, Aly, j'en veux beaucoup aux Azyas pour nous avoir enlever Hannah, Armande et Carter. Je n'ai pas eu à les fréquenter pendant des mois alors je ne sais pas comment ils sont, j'ai juste l'image d'eux comme d'une tribu qui m'a volé trois amis, quatre même, puisque tu avais disparu. 

... Pour moi, ce n'était que des ennemis qui s'étaient attaqués à notre école et qui m'avaient volé quatre de mes plus précieux amis. Je n'ai fait que me remémorer cette scène pendant ces trois mois où tu avais disparu. 

... Je ne cessais de me demander "Qu'est-ce que j'aurai pu faire pour éviter ça ? Pourquoi n'avais-je pas été plus fort pour les vaincre ? Pourquoi étais-je incapable de protéger ceux qui m'étaient chers ?" Ces questions n'ont cessé de me hanter depuis ton départ.

J'écoutais attentivement la confession d'Aymeric, je ne m'attendais pas à ce qu'il me dise ça. Je le regardai alors que son regard fixait l'écriteau gravé sur la pierre. 

Il se posait les mêmes questions que moi. Il culpabilisait de ne pas avoir pu les sauver, tout comme moi. Il se trouvait lui aussi faible.

- Tu n'étais pas ici. Tu ne sais pas toutes les souffrances que l'école a subi suite à cette attaque. Tegan était inconsolable. Il ne mangeait plus, ne dormait plus mais ce n'était pas le seul. 

... Nous avons vécu dans la douleur de la perte d'amis proches mais aussi dans la peur qu'une nouvelle attaque arrive. Nous ne savions même pas ce que tu étais devenue, si tu étais en vie. 

... Tu as vécu avec les Azyas alors tu sais comment ils sont, tu as vécu d'un autre point de vue que nous ton kidnapping et les événements de cette soirée. 

... Cependant, nous, nous savons comment l'école a réagi face à cette soirée-là, ce qui est un autre point de vue auquel tu n'as pas accès. Tu ne sais pas ce que ça fait de vivre dans une école en deuil. Tout n'était que noirceur. 

... Les élèves semblaient être des morts vivants. Toute vie avait été retirée des corps des personnes de cette école. Nous étions tous morts de l'intérieur. 

... Alors tu devrais comprendre à quel point le fait que tu ramènes les personnes responsables de cet événement dans notre école en nous demandant de les accepter nous a déboussolé. Nous ne pouvons pas effacer ces trois mois de souvenirs douloureux d'un geste de la main.

Je n'avais jamais réfléchi à ce que l'école avait pu endurer pendant mon absence. J'avais été égoïste en essayant d'imposer ma vision des choses sans savoir ce que les élèves avaient ressenti après ma disparition. 

Ça avait du être dur pour tout le monde. Ils avaient dû traverser eux aussi des moments difficiles et je n'y avais pas songé. Je me culpabilisai soudainement. 

Comment avais-je pu négliger les sentiments des élèves de Preston et avoir insister pour qu'ils acceptent les Azyas sans prendre en considération leur ressenti ? Je n'étais qu'une simple et pure égoïste.

J'imaginais l'école en deuil, le seul bruit s'élevant du réfectoire étant les couverts qui s'entrechoquaient à l'assiette, les élèves qui avaient perdu leur joie de vivre, les nombreux discours que les professeurs avaient dû faire pour soulager ne serait-ce qu'un minimum la peine des élèves. 

Tout ceci me déchirait le coeur. Je ne m'étais pas mise à leur place. J'avais agi de façon égoïste. Eux aussi avaient vécu des mois douloureux. 

Je m'en voulais tellement à ce moment précis et je comprenais qu'Aymeric leur en veuille tant mais je lui prouverai que les Azyas étaient de bonnes personnes. J'y étais déterminée.

- Je suis tellement désolée Aymeric...

- Tu n'as pas à t'excuser. Nous ferons mieux de rentrer et aller au cours du soir ou alors Andrew nous passera un savon. Tu viens ?

Je hochai la tête. Il n'y avait plus de tension entre nous. J'avais compris pourquoi il détestait les Azyas et je comprenais. Mais j'allais lui expliquer pourquoi, moi, je ne les détestais pas, et j'espère qu'il comprendra aussi.

Il me tendit la main. Je la saisis et il m'aida à me relever. On rentra à l'école l'un à côté de l'autre.