"Comment vont tes amis, Killa ? "

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Je lisais attentivement toutes les notes qu'elle avait prise et je fis moi aussi ma propre liste. Quelqu'un fit remarquer sa présence en se frottant la gorge. 

Les maisons ne possédant pas de porte, il était facile d'entrer dans les bâtisses des uns et des autres. Je devais faire attention à ce que je ne laisse rien de suspect traîner. Il ne faudrait pas que quelqu'un fouille dans mes affaires et remarque ma volonté de m'échapper.

Je me retournai et je vis le garçon blond qui était dans la salle avec l'homme tout à l'heure.

- Ça va être l'heure de manger. On fait une fête en ta présence donc tout le village mange ensemble, m'expliqua-t-il. On attend plus que toi.

Je n'avais pas vu le temps passer. Dehors, il faisait déjà nuit. Je me levai et je le suivis. On marcha jusqu'à ce que j'estimai être la place de la ville. 

Quatre tables plus grandes que toutes celles que j'avais vu jusqu'alors avaient été placées en carré au milieu de la place avec en son centre un grand feu. De nombreuses personnes étaient assises tout autour de la table en mangeant et riant. Ça avait l'air d'être un repas convivial.

- Alyssia, on attendait plus que toi ! s'exclama l'homme qui m'avait parlé tout à l'heure et qui m'avait montré ma maison.

Je devinai rapidement que ça devait être le chef de la tribu Azyas. Les personnes de cette tribu n'étaient pas nombreuses. 

Puisque tous les Azyas vivaient ensemble et n'étaient pas éparpillés dans le monde comme les mages descendants des Grecs, toute la tribu était assise devant moi et leur nombre ne devait pas dépasser la centaine. 

Sachant qu'il y avait sûrement des personnes n'étant pas des mages, des enfants qui n'auraient pas hérité de leurs parents, cela diminuait leur effectif.

L'homme m'invita à m'asseoir sur une chaise au centre d'une des tables et le garçon de mon âge fut invité à s'asseoir en face de moi. On mangea toute la soirée. 

La nourriture était des plus basiques : pommes de terre, maïs et poissons. Je ne pensais pas qu'ils aient de relation avec le monde extérieur donc ils se nourrissaient de ce que l'île leur permettait d'avoir.

Je tâchai d'être civilisée. Ma mère m'avait appris lorsque j'étais petite qu'il fallait toujours sympathiser avec l'ennemi pour en connaître ses faiblesses et ainsi avoir des attaques plus efficaces. J'allais utiliser son conseil.

- Tu t'appelles comment ? demandai-je au garçon représentant du soleil.

- Inti, ce qui signifie Soleil en maya. Ici, tu es plus connue sous le nom de Killa que d'Alyssia. Donc si t'entends le nom Killa, c'est que c'est toi.

- Et que signifie Killa ?

- La Lune.

- Vous croyez vraiment que je suis une croisée ? C'est totalement impossible d'avoir deux Dieux qui nous sont attribués. Surtout deux extrémités. Posséder autant de pouvoir m'aurait tué. Et je n'ai pas de tatouage pour le certifier. De plus, seule la magie d'Apollon s'est manifestée, alors comment pouvez-vous certifier que j'ai cette magie ?

- Nous n'avons pas non plus de tatouage hormis celui de la tribu Azyas, me dit Inti en me montrant sa main où apparaissait le dessin de lune et de soleil que je connaissais maintenant. Mais nous nous faisons tatouer ces dessins, ça n'apparaît pas comme pour les magies grecques. Nous sentons quelque chose quand nous sommes au contact d'un des nôtres donc nous en sommes certains.

- Supposons que ma mère est une Azya, cela signifierait que j'en suis aussi une, mais comment pouvez-vous savoir que j'ai hérité des pouvoirs du Dieu Azya ? Ça peut aussi être pour cette raison que vous avez senti cette soi-disante chose, mais cela ne signifie pas que j'ai hérité d'un quelconque pouvoir.

- Ce n'est pas moi qui a fait le rapport. Je n'ai pas décidé de ton sort Killa. à vrai dire, je n'en sais pas plus que toi, seuls les dirigeants de la ville connaissent ces informations.

- Vous croyez vraiment que me tuer pourra ressusciter votre Dieu ? C'est impossible ! Ce ne sont que les superstitions d'une religion. Il est impossible de réincarner un Dieu dans ce monde !

- Il n'y aura pas que toi. Il y aura moi aussi, et une sorcière. Nos forces assemblées seront capable de le ramener à la vie.

- Comment ça une sorcière ? demandai-je incrédule, n'ayant jamais entendu ce terme jusqu'à maintenant.

- Il existe des personnes possédant une magie ne se rapportant à aucun Dieu. On les appelle des sorciers.

- Mais ce sont des mutants, c'est juste un dérivé d'un pouvoir d'un Dieu.

Je pensais notamment à Aymeric qui, en soit, ne possédait pas de Dieu car il était un dérivé du pouvoir de l'eau.

- Justement, non. Ils n'ont aucun lien, de près ou de loin, avec un Dieu quelconque. Ce ne sont pas des magies mutées.

Je continuai mon repas en silence, perdue dans mes pensées. Les habitants de cette île se trompait totalement à mon sujet. Ils devaient sentir quelque chose en ma présence peut-être parce que j'avais les mêmes gènes que ma mère qui était l'une des leurs apparemment mais en aucun cas je n'étais reliée à un Dieu Azya.

Ils étaient tous convaincus que cette réincarnation allait fonctionner grâce à nous. Ils étaient butés sur cette histoire. Et cette prétendue sorcière, qui était-elle ? Il n'existait pas de sorcières dans notre monde, seulement des mages.

Après le repas, je rentrai directement dans ma chambre. Je devais me reposer et réfléchir calmement. Alors que j'arrivai bientôt à destination, quelqu'un me parla derrière moi :

- Comment vont tes amis, Killa ? me dit cette personne en lâchant un petit rire sarcastique.

Je me retournai et je le reconnus : c'était le mage qui avait décimé toute l'armée de Nicolas et qui avait transpercé Carter et Aymeric avec sa magie. Je sentis la colère monter en moi d'un coup. Il me provoquait. Il le faisait exprès. Il remuait le couteau dans la plaie.

Sans même réfléchir, je me ruai sur lui pour essayer de l'étrangler mais il était bien plus fort que moi et il me stoppa dans mon élan. C'était la première fois que je me laissais guider par ma colère.

- Du calme tigresse, ce n'est pas de ma faute si tu n'es pas capable de garder tes amis en vie.

Mon corps bouillonnait. Je voulais le faire taire. Je balançai mes poings mais je n'arrivais pas à le toucher. Je voulais le tuer pour venger mes amis. Il avait tué des dizaines et des dizaines de personnes. Il ne méritait pas de vivre mais je n'arrivais pas à le toucher une seule fois.

- Kachi, arrête d'embêter Killa, dit le chef de la tribu.

Il arrêta de se défendre et j'en profitai pour lui sauter dessus mais je ne pouvais plus bouger. J'avais beau forcer tout mon corps à me jeter sur lui, rien à faire, je ne bougeais pas. Je sentis la haine monter encore plus en moi du fait de me sentir impuissante.

- Qu'est-ce que tu m'as fait ? lui hurlai-je.

- J'ai utilisé un sortilège qui fait que tes muscles ne te répondent plus, tu seras momentanément paralysée.

- Killa, je voudrais te parler, tu veux bien ? me demanda le chef.

Je hochai la tête et je partis vers ma maison. C'était la seule chose que je pouvais faire, mes membres ne me répondant plus et étant contrôlés par cet abruti. 

J'étais une marionnette sous le contrôle de l'assassin de mes amis. Lorsque j'arrivai devant la porte de ma maison, je sentis que j'avais récupéré l'usage de mes membres mais lorsque je me retournai, il était déjà parti. Lâche.

Le chef de la tribu entra derrière moi dans ma sorte de maison et je me dépêchai de ranger rapidement tous les papiers qui étaient sur mon bureau. 

S'il savait que je voulais m'enfuir, il m'enfermerait dans une de leurs cellules ou alors il ferait surveiller ma maison tout le temps et je ne pouvais pas me permettre de gâcher ma chance de sortie avant même de l'avoir essayé. 

Je me plaçai devant le chef et j'attendis qu'il commence à parler, ce qu'il fit, quelques secondes plus tard.

- Je voulais te parler du sacrifice. Je pense que tu ne sais pas vraiment comment ça se déroule donc je vais te le dire. Tout d'abord, nous allons devoir attendre la prochaine pleine lune qui a lieu dans trois semaines. Il va y avoir un grand festin où tout le monde mangera. Ensuite aura lieu la cérémonie et le Dieu sera réincarné.

Dit comme ça, les choses ne me faisaient pas peur, elles avaient simplement l'air banales. Je me rappelai alors ce que le chef m'avait dit plutôt dans la journée, le fait que ma mère appartenait à la tribu des Azyas. 

Sans même m'en rendre compte, une colère profonde s'éveilla en moi. Cette tribu avait le don de m'énerver. Je me laissais emporter par ma colère soudaine.

- Pourquoi avez-vous tué ma mère alors que c'était l'une des vôtres ? Vous tuez vos propres camarades ! Avez-vous au moins le sens de l'honneur ? Vous l'avez tué, chez elle, alors que sa fille dormait à l'étage et que c'est elle qui l'a découvert la gorge tranchée. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que j'ai ressenti ! Comment avez-vous pu la tuer alors que c'était moi que vous vouliez et pas elle. Qu'est-ce que ça vous apportait de l'assassiner ?

Je respirai bruyamment. J'avais les poings serrés et je devais faire un effort surhumain pour ne pas sauter à la gorge de la personne se trouvant en face de moi, qui était tout à fait calme.

- Ta mère nous avait trahi. Elle était partie pour vivre au sein de la population humaine et elle avait fait un enfant avec Nicolas Piétras, comme tu nous l'as dit, qui est notre plus grand ennemi. Comme tu peux le savoir, il nous a attaqué il y a plusieurs siècles de cela et c'est encore récent dans les mémoires de notre population. Elle méritait de mourir pour nous avoir doublement trahi. Ça a été la plus grosse déception de la tribu.

- Pardon ? Elle méritait de mourir parce qu'elle voulait vivre ? Elle ne voulait tout simplement pas vivre comme vous et je la comprends. Vous ne vous nourrissez que de peu de nourritures différentes et vous restez enfermés sur cette île. Vous pensez que votre mode de vie est le meilleur et vous essayez de vous en persuader parce que dans tous les cas, c'est le seul que vous connaissez. Votre île est une prison ! C'est l'enfer !