Chapitre 8
Le problème pour Vasco, c'était qu'exposer sa relation avec Chrysis à sa famille mettait cette dernière en danger de mort.
Les règles étaient simples, dans la Grande Mafia Européenne : le secret d'identité passaient avant tout. Et encore plus pour la famille royale. Vasco Osabio, à proprement parler, n'existait pas. Et pour connaitre son identité, il fallait avoir prêté allégeance à la Mafia, et en avoir intégré l'Elite. Sauf exceptions, qui nécessitaient des liens de sang. C'est, par exemple, ce qui avait été mis en place pour le frère de Soraia, Tamryn, marié avec le bras droit du Parrain : Anastasia.
Même les parents de Vasco n'avaient pas enfreins cette règles. Enfin, c'était en vérité plus compliqué que ça. Mais jamais Inacio ne lui avait dit la vérité, alors qu'elle n'était qu'une simple civile : elle l'avait découvert elle-même, pas ses relents de hackeuse. Et pour survivre, elle avait donné loyauté, mais ce statut ne faisait pas d'elle une membre à part entière de l'organisation. Simplement une auxiliaire.
Car quiconque en sait trop sur la Grande Européenne et ses membres hauts placés encours la peine de mort. Sans négociations. Et Vasco, pour avoir dit de son plein gré une telle information, serait peut-être exilé. Pourquoi pas tué, pour haute trahison.
C'est pour ça qu'il n'avait jusqu'ici jamais énoncé la présence d'une petite amie, puis d'une ex. Il ne savait même pas ce qui lui avait pris de l'annoncer, et étonnamment pour l'instant il ne le regrettait pas.
Pourtant, dire que cette fameuse fille était Chrysis aggraverait davantage son cas.
Une aristocrate ! L'emblème même de cette classe sociale croulant sur l'or que l'esprit socialiste mafieux ne voudrait qu'exterminer.
Il était vrai que, pourtant, une certaine protection construite par son père flottait autours de la famille Apo Ti Thalassa. La reine Léna, en particulier. C'était étrange, et jamais Vasco n'en n'avait eu l'explication. Mais c'était à ses yeux insuffisant comme excuse pour fréquenter une princesse.
Alors il se taisait. Lui qui ne demandait que dire ce qu'il ressentait devait cacher ses émotions. C'était atrocement douloureux, et atrocement compliqué.
Quand Inacio arriva à la villa, Soraia comprit que son cadet ne voulait pas parler de cette fameuse fille. Elle se tut donc, bien que son cadet sache pertinemment qu'elle partagerait cette information avec son mari, dès qu'ils seraient seuls.
— Le Cygne arrivera à Lisbonne dans la nuit.
— Seulement elle ?
— Non, avec Tamryn et Natacha.
Anastasia, appelée « Le Cygne », était le bras droit d'Inacio. Elle était mariée avec Tamryn, frère adoptif et premier amour de Soraia. Anastasia était une femme d'une beauté fatale, tout comme son conjoint, ce qu'ils avaient bien transmis à leur enfant unique Natacha.
Cette dernière, âgée de vingt-et-un an, était un mixte parfait entre ses deux parents. Cheveux blonds, yeux d'un bleu presque fluorescent, la jeune russe était d'une beauté à couper le souffle. Elle avait hérité à la fois de la folie de son père et du self-contrôle de sa mère, ce qui faisait d'elle un ennemi redoutable... et une amie inatteignable. En effet, elle était clairement asociale. Vasco était le seul avec qui elle s'entendait bien, avec qui elle parlait vraiment.
Probablement parce qu'elle aimait la différence. L'esprit le contradiction. La rébellion. Et que ce désir d'être ailleurs qu'elle avait décelé dans le garçon lui avait plu.
Pourtant, vu de l'extérieur, le duo ne paraissait pas plus amis que ça. Il ne se firent même pas la bise. Pas un sourire. Juste leurs yeux qui rencontrèrent ceux de l'autre l'espace de quelques secondes.
C'est plus tard, alors qu'il se retrouvaient enfin seuls, que leur amitié se laissa découvrir. Ils étaient partis promener les loups dans la forêt et s'étaient assis au pieds d'un vieil arbre déraciné, laissant les deux carnivores courir à leur guise.
Car oui, la famille Osabio possédait des loups depuis plusieurs générations. Un mâle et une femelle, à qui il leur arrivait de faire une portée.
Natacha resta silencieuses quelques instant, avant de lancer :
— Je t'écoute.
Vasco sourit. Son amie savait toujours lire dans les autres comme dans un livre ouvert. Desceller la moindre petite émotion. Savoir quand tout allait bien... et quand tout allait mal. Il lui fit donc la même réponse qu'il avait faite à sa mère, la veille :
— Mon ex est de retours en ville.
Contrairement aux autres, la blonde connaissait l'existence de cette fille qui s'était logée dans le cœur du garçon. Consciente de son départ, ça avait bien été la seule à pouvoir soutenir Vasco dans les moment difficiles, bien qu'elle ne sache ni le prénom et encore moins l'identité de la jeune femme.
Car Natacha ne faisait pas partie de la Mafia, contrairement à sa mère.
Je veux être libre comme l'air. S'était-elle justifiée. Elle était donc une simple externe, ayant offert sa loyauté à la Grande Européenne. Ce pacte lui assurait la protection de la Mafia, en échange d'une loyauté sans failles et d'un respect de toutes les règles. Surtout car, en tant que descendante de la Sottocapo, elle était en connaissance de l'identité de la famille Osabio. C'était le seul secret d'anonymat de la Mafia auquel elle avait eu accès : la jeune femme ne savait pas qui étaient la famille des Capis, par exemple.
— Et c'est une mauvaise nouvelle ?
— C'est compliqué.
— C'est simple, As. C'est toi qui rend ça compliqué. Disparue depuis deux ans et demi, tu ne l'as jamais oublié. Elle réapparait, tu l'aimes encore. Continue à écrire l'histoire à partir de là où vous vous étiez arrêté, voilà tout.
Il se pinça l'arrête du nez avant de répondre :
— Il y a eu trop de changement.
— C'est normal.
La louve du couple s'approcha d'eux en jappant, et il lui jeta un gros bâton. Elle détalla comme un lapin, entamant une partie de jeu avec son compagnon.
— Lâche le morceau. Lança Natacha après quelques minutes de silence. Qu'est ce qui a changé à un tel point que tu baisses les bras ?
Il plongea ses yeux verts dans ceux de son interlocutrice avant de répondre :
— Elle est revenue avec un gosse.
Sa voix ne tremblait même pas. Elle était neutre. Trop neutre pour que ce soit vrai.
— Donc elle t'a remplacé sans rien dire... En déduit la blonde. Elle fit tournoyer une de ses dagues dans sa main avant de la lancer brutalement. Le métal décrocha une fleur pour venir s'ancrer dans le tronc d'un arbre, à une quinzaine de mètre de là.
— Je peux arranger ça. Dit-elle doucement, un sourire de sociopathe gravé dans le coin de lèvres.
Vasco se leva, alla cherche l'arme blanche pour la lancer vers son amie qui la rattrapa au vol. Elle fit glisser son doigt sur la lame avant de la glisser dans sa poche. Puis, le cadet Osabio vint se rasseoir à ses côtés.
Pour une fois, il se laissa penser qu'un bon joint lui aurait facilité la tâche. Aurait assez embrumé son esprit pour rendre le moment presque plaisant.
— Justement, le fait qu'elle soit mère n'est pas le problème.
La jeune femme haussa un sourcils, lui laissant le loisir de répondre :
— C'est moi le père, Natacha.
Cette fois-ci, il ne put retenir ni son rire nerveux, ni ses larmes et enfouis sa tête entre ses mains en sanglotant :
— Je suis papa...
Son interlocutrice sut tout de suite quoi faire. Elle vint enlacer Vasco et il accueillit l'étreinte sans rechigner, enfouissant son visage dans le cou féminin.
— C'est une bonne nouvelle, et puis tu vas être un père incroyable.
— J'ai l'impression que c'est ce qu'elle pense, aussi... Mais j'ai été incapable de prendre soin de la femme que j'aime, alors un enfant !
— Qui t'as dis que tu ne t'en occupais pas bien ? Elle ?
— Non, moi... Souffla-t-il d'une voix enrouée. Mais elle est partie de ma faute.
— L'erreur est humaine. Ce qui serait idiot, au contraire, c'est rester sur sa défaite.
La voix de la russe s'adoucit et elle vint poser ses deux mains sur les joues masculines, un geste presque maternel :
— Alors, tu as un garçon ou une fille ?
Il sourit entre ses larmes.
— Une fille. Tu la verrais, elle est si belle... Elle me ressemble tant. Sauf ses yeux, elle a les siens. On dirait une constellation aux couleurs de l'automne.
Natacha était maligne, autant que sa mère Anastasia. Très stratège avec un esprit logique et déducteur, les liens se créèrent instantanément dans sa tête.
Une petite amie dont personne ne connaissait l'identité, qui avait disparu presque trois ans pour revenir avec une fille, portrait craché du père...
Exactement les mêmes dates que Chrysis Apo Ti Thalassa. Qui s'était évaporée à ses dix-sept ans pour revenir il y a quelques jours avec un enfant surprise... une gamine de deux ans dont personne ne connaissait le géniteur, et encore moins le visage.
Ce n'était qu'une théorie, bien évidemment, mais la russe se trompait rarement. Son instinct ne l'avait jamais induit en erreur. Et là, ce qu'elle voyait dans les yeux de son interlocuteur ne faisait qu'appuyer ses pensées.
Elle leva les yeux au ciel, lui tapota la joue en soupirant :
— Alors toi... Plus on grandit, plus je comprends pourquoi on est amis.
Vasco rit nerveusement. Il avait très bien compris ce qu'elle voulait dire par là.
Que s'il était l'un des rares humains qu'elle supportait, c'est bien parce qu'il était différent des autres, et arrivait à se mettre dans des situations qu'aucun autre autre héritier de la Mafia n'aurait fait.
Ayant fini le jouer, les deux loups vinrent courir autours d'eux, signe qu'ils voulaient rentrer. Les deux jeunes gens se levèrent.
— Tes secrets sont délectables, Vasco Osabio.
Il sourit d'un air adorable, comprenant qu'elle avait deviné la situation. Il s'y attendait, qu'elle fasse le lien avec Chrysis et Dulce assez rapidement.
— Ta clairvoyance est toujours aussi fine, Natacha Petrov.
— Dulce est un beau prénom.
— Je trouve aussi. Lâcha-t-il dans un soupir, essuyant la dernière larme solitaire qui s'était accrochée à sa joue.
Ils rentrèrent à la ville, et Natacha reprit son visage blasé tandis que Vasco afficha un masque neutre.
Soraia avait une affection toute particulière pour Natacha. Probablement car elle était le fruit de l'amour entre sa meilleure amie et son frère adoptif. En effet, la femme du Parrain et Anastasia s'étaient rencontré à White Swan, en prison. L'une enfermée pour meurtre par piratage informatique (ce qui, en réalité, avait été le fruit d'un tragique accident dont elle s'était fait innocenter), et l'autre pour homicides volontaires, violents, manipulations et commandements de vols, pirateries, assassinats. Leur amitié avait été plus qu'improbable et était le fruit d'une rencontre entre le plus doux des chatons et la plus féroce des lionnes.
Ils dinèrent tous ensemble ce dimanche midi, goûtant à ces délicieux Pelmenis que Soraia et Tamryn avaient fait avec attentions. C'était une spécialité russe : des raviolis fait maison au bœuf et oignons frits.
— Et toi Natacha, qu'est ce que tu fais ces temps-ci ?
La jeune femme fit un moue lorsqu'on s'intéressa à elle.
— Vous voyez l'explosion à l'Elysée française avant-hier ? Lâcha-t-elle tout de même avec un sourire narquois. Des électeurs mécontents... et assez riches pour me payer.
Elle parlait avec tant de dédain, d'audace, d'arrogance et de détachement... s'en était fascinant. Sa voix tombait naturellement dans les ton graves, créant une atmosphère à la fois attirante et repoussante autours d'elle.
— Tu es passé à la Ligue voir tes cousins ? Lui demanda Inacio en faisant référence aux deux enfants de sa sœur Idalina. La blonde se contenta d'acquiescer en haussant les épaules.
En reflet de sa personnalité introvertie et solitaire, Natacha s'habillait souvent en noir. Aujourd'hui, c'était un jean slim taille haute et un corset de dentelle couleur ébène qui l'habillait. Ainsi qu'une veste en cuir, bien trop grand pour elle. A ses doigts, aucune bague car elle détestait ça. Mais un certain nombre de boucle d'oreille encadrait son visage, et une chaine en argent à laquelle était accrochée une croix pendait à son cou.
Souvent, elle ressemblait à un personnage de fiction aux airs de viking. Vous savez, de ceux ou le diable prend forme d'une inoffensive jeune fille...
— Vous restez combien de temps ?
— J'ai une réunion avec ton père et Aldo ce soir, expliqua Anastasia.
Cela paraissait tout à fait justifiable puisqu'elle était la Sottocapo d'Inacio, et qu'Aldo était le Consigliere c'est-à-dire le conseiller juridique.
— Nous partirons lundi en fin de journée. Suggéra Tamryn tout en observant sa femme, qui donna son approbation.
— Pas moi.
Tous les regards se braquèrent sur Natacha, qui termina calmement sa bouchée comme si le monde était idiot de ne pas comprendre ce qu'elle sous-entendait :
— Je vais rester un peu. As a quelqu'un à me présenter.
— Comment ça ? Interrogea Inacio d'un air autoritaire. Nullement intimidée, la blonde continua :
— Tu sais, quand des gens sont amis il leur arrive de se présenter leur autres amis.
Anastasia et Tamryn ne paraissaient nullement étonnés. Joâo haussa un sourcil tandis qu'Inacio restait muet.
Soraia, elle, croisa le regard de sa nièce. Un simple message silencieux. Un secret commun, partagé par la pensée.
Elle avait compris à qui la blonde faisait référence.
Mon ex est de retours en ville.
Les femmes sont tellement compliquées.
Voilà ce que son enfant lui avait dit, la veille.
Et bien que Natacha soit renfermée, elle la connaissait assez pour comprendre qu'elle avait hérité de son père ce don d'empathie qui lui permettait de ressentir la moindre palpitation émotionnelle.
En un regard, une parole, elle saura guider Vasco sur le bon chemin.
Plus qu'à espérer que le « bon chemin » ait la même définition pour la mère de famille que pour cette assassin professionnelle depuis son enfance...
⭐️⭐️⭐️
Que pensez-vous de Natacha ? Va-t-elle être une aide pour As...
Je pense que ça va pouvoir être un personnage très intéressant. Surtout que je l'affectionne particulièrement car elle est l'enfant de Tamryn, mon chouchou dans LVPJ !
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