Chapitre 55
Mon amour,
Je t'ai revu.
Oui, c'était bien toi. Ou bien je deviens fou, j'ai des hallucinations.
Je t'ai vu par ma fenêtre, sur la plage.
Qu'est ce que tu as changé, Chrysis. Tu es belle, tu sais. Je t'ai juste aperçu, mais ça a fait remonté en moi tant de souvenirs.
La prochaine fois, Chrysis, ne fuis pas.
Arrête de fuir.
J'ai besoin de te serrer dans mes bras. J'en ai besoin plus que tout au monde.
En allant chercher quelques affaires chez lui, Vasco n'avait pas pu s'empêcher de rouvrir une nouvelle lettre. C'était il y a quelques mois déjà que la princesse était revenue à Lisbonne. Le temps passait si vite.
Lorsqu'il retourna à la villa de ses parents, en milieu d'après-midi, toute sa famille était là.
Soraia et Inacio. Joâo, Elvira, Amélia et Adriana.
La famille plus éloignée, Idalina, Tuan, Tamryn, Anastasia et Natacha, allaient arriver demain dans la soirée, selon les dires de son père.
Le jeune mafieu salua tout le monde, sourire aux lèvres. Même si le stress envahissait peu à peu son corps, il était très heureux de les voir.
Tous s'installèrent dans le salon, un verre d'alcool ou de café en main. Même Vasco ne put résister à un fond de rhum, qu'il but cul sec avant tout le monde.
— Et si on nous racontait pourquoi notre petit frère a pris la princesse Apo Ti Thalassa sous sa protection ? Avait finit pas demander Amélia, tout en posant ses yeux verts sur l'intéressé.
Soraia avait lancé un sourire encourageant à son fils, qui prit une grande inspiration avant de regarder ses sœurs et répondre :
— Parce que je suis amoureux de Chrysis Apo Ti Thalassa.
Grand silence, avant qu'Amélia ne lance :
— Pardon ?!
Plus douce, sa jumelle Adriana avait gentiment continué :
— Tu est amoureux d'elle ? Raconte-nous.
Elvira, elle, ne parlait pas. C'était une personne autant réfléchie qu'effacée, qui se faisait parfois oublier même au sein de sa famille.
— On se connaît depuis la sixième, on s'est toujours très bien entendus.
Adriana fronça les sourcils, tout en poussant ses longs cheveux marrons derrière ses épaules.
— Mais tu... tu connais le père de la princesse Dulce alors ? Oh... oh mon Dieu. Elle avait placé ses mains devant sa bouche avant de continuer, les yeux exorbités :
— C'est toi le père.
Voyant que leur petit frère ne contredisait pas ces propos, les deux autres se redressèrent immédiatement sur les fauteuils. Elles avaient jeté des regards inquisiteurs sur leurs parents, ainsi que Joâo.
— Son nom est Dulce Osabio ? Avait alors redemandé Elvira, qui n'en croyait pas ses oreilles.
— Non... Son nom est Dulce Sonhador.
Tous les regardes tergiversèrent vers Soraia, qui sourit doucement à ses enfants. À vrai dire, ce n'était pas étonnant. Tout le monde ici savait à quel point Vasco appréciait le nom de famille maternel, et que c'est pas dépit qu'il avait accepté d'entrer dans l'univers des Osabio.
— Tu ne nous fait pas de blague, hein ? Souffla Adriana, dont la mâchoire se décrochait tellement qu'on aurait dit qu'elle allait toucher le sol.
— Non, vraiment pas...
— Ouais, il s'est foutu dans un merde sans nom. Avait lâché Joâo tout en faisant tourner son alcool dans son verre.
— Comment ça se fait que tu n'ai pas l'air étonné ? Avait alors demandé Elvira. Joâo était le membre de la fratrie dont elle était le plus proche, autant par l'âge que l'affectif. C'était donc à lui que la femme était là plus apte à parler. Contrairement aux jumelles, Elvira était moins efféminée. Ce jour-là, sa voix était même rocailleuse.
— Peut-être parce que j'étais juste à côté de notre nouveau kamikaze quand il s'est prit la balle pour sauver sa princesse.
Ses sœurs ricanèrent face à l'expression qu'il venait d'employer.
— Et qui a tiré sur elle ?
Inacio fit tinter son ongle sur son verre en cristal. Le bruit était minime, mais tous l'avaient entendus et s'étaient retournés vers lui.
— C'est toi, papa ? Avait demandé Adriana.
— Ça t'étonne vraiment ?
Amélia avait regardé sa jumelle pour répondre à sa place :
— Non.
— Je ne veux même pas savoir le pourquoi du comment ! Avait alors déballé sa sœur en parlant si rapidement que ses mots étaient presque inaudible. Son regard alarmé fixait Vasco, comme si elle cherchait en lui du soutien.
— Eh, si ! Moi je veux savoir !
— Et moi aussi. Avait complété Elvira en croisant les bras sur sa poitrine.
Soraia leur avait doucement expliqué la situation, omettant de dire quelques détails. Comme celui que Chrysis portait un gilet pare-balles, ou que le roi avait prêté allégeance à la Grande Européenne. Son discours dura quelques minutes, parfois entrecoupé par Vasco qui donnait quelques précisions sur le passé et sa relation avec la jeune femme.
Les trois sœurs étaient pendues à leurs lèvres, tandis qu'Inacio et Joâo semblaient plus préoccupés par leurs verres qu'autre chose.
— Mais c'est déjà arrivé qu'un membre de la Mafia sorte avec... un sang bleu ?
Visiblement, la question était adressée au Parrain. L'homme releva les yeux vers ses enfants pour répondre distinctement :
— Non. Avec des célébrités lambdas oui : acteurs, chanteurs, mannequins. Mais avec un membre de la famille royale, jamais. Et encore moins un Osabio.
Quelqu'un qui ne connaissait pas Inacio aurait pu croire qu'il accusait presque agressivement son fils. Mais ça n'était pas le cas, il donnait juste l'effet, sur le ton froid qui lui était habituel.
— Putain mais t'es dans la merde, Vasco.
— Merci pour ta participation, Elvira. Avait grommellé l'intéressé tout en sa massant nerveusement l'arrête du nez.
— Et c'est quand qu'on les rencontre, tes petites princesses ?
De toute la fratrie, Amélia avait toujours été celle qui posait le plus de questions. T croire qu'elle ne savait communiquer que de cette manière.
— Bientôt, je ne sais pas, c'est compliqué...
— Elle a prêté loyauté ! Rien n'est plus compliqué.
— Elle, oui, mais pas sa famille. Je dois faire quoi ? Dire à tout le monde que je suis orphelin ? Me pointer devant les médias avec un bandana ?
Personne n'avait répondu au jeune homme. Quelques secondes de silence passèrent, avant qu'Amélia ne prenne la parole :
— Dulce te ressemble énormément.
C'était davantage une affirmation qu'une question.
— Sans blague...
— C'est pour ça que son visage est resté secret ? C'est pour que personne ne fasse le lien ?
— Ouais... Et maintenant que nos familles respectives sont au courant...
— Votre visage à tout les deux va être révélé au grand jour. Avait complété Adriana.
Nouveau silence. Chacun semblait digérer l'information et comprendre peu à peu les conséquences désastreuses qui en découlaient.
— Tous nos ennemis qui connaissent sa tête vont réaliser qu'un membre de notre Élite a une relation avec une Apo Ti Thalassa. Soit ils vont se sentir menacés par cette alliance, soit ils vont croire que tu nous abandonne et vont sauter sur ce point faible. Avait alors dit Joâo.
— Je ne pense pas que nos ennemis connaissent le visage de Vasco. Il a toujours respecté plus que demandé le port du bandana. L'avait néanmoins répliqué Adriana.
Joâo et son père se lancèrent un coup d'œil, et le fils aîné reprit :
— On a un doute sur la 14-K. Ils cherchent à se venger depuis qu'on a tué quelques uns de leurs membres avec Vasco.
L'intéressé grimaça, peu enjoué a l'idée de se retrouver avec une triade entière sur le dos.
— Mais il y a aussi le problème du tatouage. Vasco serait un mec lambda, tout se passerait pas trop mal. Mais là... Ton tatouage d'allégeance sur la hanche devrait être facile à cacher, sauf si un jour tu décides de faire du naturisme. Il ricanna. Le problème, c'est ton tatouage de l'Elite. Tu ne vas pas pouvoir cacher ton avant bras gauche à un monde entier jusqu'à la fin de tes jours.
— Les gens normaux connaissant la signification du dessin moitié horloge et moitié rose des vents, mais pas celui élaboré qu'on a sur le bras ! Si on le montre à des civils dans la rue, ils vont justes trouver ça stylé. Avait tempéré Adriana, qui ne voulait visiblement pas se défaire de son optimisme.
Son père l'avait néanmoins complétée, de manière bien moins enthousiaste :
— Les civils lambdas n'en connaissent peut être pas la signification, mais nos ennemis, si. Et les organisations de défense et de protection des différents pays. Ça fait beaucoup de monde, et il suffit qu'un seul remarque le détail du tatouage pour que tout le monde soit au courant. Rien qu'Haris, la garde du corps de Chrysis, a vite fait le lien.
— Il faut l'éliminer ?
— Non ! Avait immédiatement renchérit Vasco, horrifié. Sa mère avait continué :
— Haris sait que Vasco appartient à l'Elite, et c'est un moindre mal. Rien n'est à faire tant qu'elle ne sait pas que c'est un Osabio, ce qui n'arrivera jamais.
— Elle reste néanmoins à surveiller de près. En tant que bodyguard, son avis sur la relation entre Vasco et Chrysis est très peu favorable.
— Comment tu vas faire pour ton tatouage, Vasco ?
— Je sais pas, je sais pas, merde !
Le garçon s'était brusquement levé pour faire quelques pas jusqu'à une fenêtre et l'ouvrir brusquement. Il avait beaucoup trop chaud. Cette conversation l'étouffait.
Ils lui posaient des questions, comme ça, mais personne ne se rendait donc compte qu'il était incapable d'y répondre ?! Il était complètement submergée par la situation, et il n'avait absolument aucune idée du chemin à prendre.
Soraia avait dû ressentir la panique de son fils cadet, car elle s'était doucement rapprochée de lui :
— C'est un casse-tête, mais ça va aller. Promis.
— Comment peux-tu promettre ça ?
— Si j'ai réussi à épouser ton père, crois-moi, tu vas réussir à régler la situation avec la mère de ta fille.
— Alors dis moi ! Je dois leur dire quoi, aux gens ? Que je suis un mec lambda et que j'ai tatoué le symbole de la Mafia sur moi sans faire exprès ? Et à ma fille ? Qu'elle n'a pas le droit de parler d'une partie de sa famille parce que personne ne les connaît ? Ou alors je dois empêcher à Dulce de tous vous voir, pour éviter qu'elle fasse une boulette ? C'est impossible de demander à un enfant de cet âge de garder le secret !
Il passait nerveusement les mains dans ses cheveux blonds foncés, qui étaient d'ailleurs toujours très courts.
— C'est ça que vous voulez ? Avait continué Vasco à mi-voix. Sortir de ma vie, ne jamais interférer dans celle de Dulce ? Que je sois en équilibre entre deux mondes, deux familles qui jamais ne pourront interagir ?
Il le savait, il l'avait toujours sût que ça allait probablement se terminer comme ça. Qu'il allait être Vasco Sonhador pour le reste du monde, y compris ses enfants. Un gamin orphelin, sans attaches. Mais il ne voulait pas, non, il s'y refusait. Maintenant posé devant le fait accompli, le mafieu se rendait compte qu'il ne pouvait pas abandonner cette part de lui-même. Qu'il le veuille ou non, il était un Osabio. Il était membre d'Elite de la Grande Européenne, et cette position était définitive. Son frère était le futur Parrain, sa cousine était une mercenaire, ses sœurs étaient les femmes d émeut génération les plus puissants du réseau. C'était ainsi, et c'était peut-être un fardeau, mais il n'avait aucune envie d'être dans le déni et l'ignorer.
Sûrement que certains de ses interlocuteurs le maudissaient en pensées. Que son frère, son père, l'une de ses sœurs, se disait que ce n'était qu'un gamin pleurnicheur. Peut-être. Mais il étaient indéniable que tous aimaient Vasco, le petit dernier de la famille, le gamin un peu sensible qu'ils avaient couvés depuis la naissance. Et personne ne critiqua ses choix à voix haute. Personne ne voulait le peiner et l'angoisser davantage.
— Nous aussi on veut connaître Dulce, tu sais. Lui avait gentiment dit Adriana. Cette remarqua lui avait décroché un léger sourire, et la voix de l'autre jumelle avait presque immédiatement succédée :
— Donc Dulce a déjà rencontré papa et maman ?
— Oui.
— Donc impossible de lui dire que finalement, elle a pas de grands parents... Ça résout en partie le dilemme.
Elle avait semblé réfléchir quelques secondes supplémentaires, avant que son visage ne change brusquement d'expressions faciales et qu'elle se retourner vers ses parents :
— Comment elle vous appelle ?
— Pardon ?
— Dulce ! Comment elle vous appelle ? Putain j'y crois pas, vous avez dû choisir vos prénoms de grands-parents !
Les deux autres sœurs s'étaient à leur tour tournées vers leurs géniteurs, attendant impatiemment leur réponse. L'excitation d'Adriana avait immédiatement atteint sa jumelle, dont les yeux pétillaient.
— Eh bien votre mère a décidé...
— Nace ! T'abuses ! Je n'ai rien décidé du tout.
Inacio avait levé les yeux au ciel avant de reprendre :
— Votre mère a laissé Dulce choisir d'elle-même.
— C'est plus compliqué que ça ! Avait rétorqué la femme, pour se justifier. Mais coupant court à leur petit débat, Joâo avait lancé :
— Papa-plus et maman-plus.
Tous les regards avaient tergiversé vers lui.
— Tu peux répéter ? Avait demandé Elvira, de manière plus réthorique qu'interrogative.
— Dulce les appelle Papa-plus et Maman-plus.
Adriana pouffa, très vite suivi de son duo, et bientôt c'est toute la fratrie qui rit de bon cœur.
— Bonne nouvelle, elle ne connaît pas leurs prénoms ! Avait lâché Adriana entre deux hoquets. Ses cheveux châtains dégringolaient sur son visage, et quelques mèches commençaient à se coller près de ses yeux humides.
— J'ai une proposition. Avait continué la jeune femme. Ta fille va nous appeler par des surnoms, ainsi elle pourra parler de nous à notre entourage. Quand au petit secret de notre véritable identité, vous verrez avec Chrysis à quel âge vous le lui révèlerez... ou non.
La solution était si simple, et si pertinente. Vasco sentit les muscles de son corps de décrisper petit à petit.
— Et pour le tatouage ?
— Ne le montre pas. Que veux-tu faire ? Il n'y a pas de solution miracle. Tu ne peux pas l'enlever, et même si c'était possible cet acte ferait outrage à la Mafia. Par contre, tu peux le cacher derrière des habits et du maquillage. Et puis si un jour ça se sait... eh bien on avisera à ce moment-là .
— Et pour sa famille ?
A court d'idées, la portugaise s'était retournée vers on père, pour qu'il prenne la relève ; mais c'est Soraia qui avait répondu à la question :
— Tu es autorisé à leur dire que ta famille fait partie de la Mafia et que, par conséquent, nous ne pourrons jamais nous rencontrer. Arrange pour qu'il ne sache jamais vraiment combien tu as de frères et sœurs. Le roi et la reine iront dans ton sens que ce coup là, et t'aideront à dévier les conversations. Quant aux médias, arrangez vous pour leur faire gober que ta famille veut rester dans l'ombre de la célébrité. Beaucoup de stars font ça, et étant donné que toi et Dulce êtes restes cachés un bon bout de temps, ça n'étonnera pas grand monde.
Vasco avait acquiescé, le regard légèrement perdu dans le vide. Et dire qu'en ce moment même, Chrysis l'attendait au palais...
— Je vais chez les Apo Ti Thalassa dans une heure.
Adriana avait sourit. La jeune femme de vingt-cinq ans avait hérité des magnifiques yeux violets de sa mère, et de l'éclat rassurant qui y brillait.
— Eh bien va mettre tes plus beau habits, et montrer à ces nobliaux que Dulce a le meilleur père au monde.
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