Chapitre 43
Chrysis, mon amour,
Rentre à Lisbonne. S'il-te-plaît. Rentre auprès de moi. Ignore-moi, si tu le souhaites. Frappe-moi, même.
J'aimerai juste te voir.
S'il-te-plaît, je t'en supplie : rentre. Reviens-nous. Reviens-moi.
S'il-te-plaît s'il-te-plaît s'il-te-plaît s'il-te-plaît s'il-te-plaît s'il-te-plaît.
Chrysis...
S'il-te-plaît.
Vasco n'avait pas pu s'empêcher de parcourir une autre lettre, en rangeant celle qu'il avait lu la veille.
C'était comme si son corps et son âme s'unissaient pour lui dire que, même si tout allait bien aujourd'hui, il ne devait pas oublier à quel point il avait été au plus mal avant ça.
Le mafieu ferma rageusement le classeur. Il ne devait pas s'attarder sur ça : c'était du passé. Et le présent était bien meilleur. Chrysis l'attendait justement chez elle, pour prendre le goûter avec Dudu et Haris.
Et il était en retard. Le jeune homme rentrait tout juste de son école de commerce, et était trempé jusqu'aux os à cause de la pluie battante. Ses vêtements froids lui collaient à la peau, et il comptait bien se changer. Vasco voulut envoyer un message à Chrysis pour la prévenir, et ouvrit le premier réseau social dont il vit l'application.
La jeune princesse avait des comptes très restreints, ne permettant qu'à ses proches —dont lui— de pouvoir la contacter.
Mais voilà, ce jour-là le garçon ne trouva même pas le compte de la jolie blonde. Comme s'il avait rayé de la liste.
Son sang ne fit qu'un tours. L'avait-elle bloqué ? Pour quelles raisons ?
Il n'eut pas à attendre très longtemps pour avoir ses réponses : le visage tendu d'Haris, et celui décomposé de Chrysis lorsqu'il arriva, lui en dirent beaucoup sur la situation.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
La garde du corps lui tendit son téléphone. Il s'en empara, un peu confus par ce geste, et commença à lire ce qui était noté sur l'écran. C'était un article de presse, qui datait de quelques minutes. Il le parcourut rapidement, et à son tours son visage se décomposa.
C'était à propos du mouvement de haters envers la princesse. Il semblait avoir prit de l'ampleur, encore.
— Tu t'es faite piraté tes réseaux sociaux ?
La jeune femme semblait complètement à bout, et ses épaules s'affaissèrent davantage qu'elles ne l'étaient déjà :
— Oui. La privation de toutes mes messageries a sauté. L'algorithme des réseaux et Izïa tentent de régler le problème au plus vite, mais ça peut prendre quelques temps... Pour l'instant elles tentent déjà de bloquer tout le monde.
Chrysis lui tendit à son tours son téléphone à elle. L'écran était allumé, et des centaines de notifications défilaient sur l'écran d'accueil. Tout allait si vite que l'engin bugait complètement, et il était impossible ne serais-ce que de faire le code.
Vasco sentit à contre coeur une vague de colère l'envahir. Il détestait être en colère, mais il fallait bien avouer que la situation s'y prêtait complètement.
— Sait-on qui est à l'origine de cette connerie ?
— C'est un mouvement de haine contre une célébrité... souffla Haris. Il n'y a pas un seule responsable. Ils sont des dizaines, allant des ados mal dans leur peau qui ont besoin de faire des trucs interdits, jusqu'aux adultes jaloux et malveillants.
— Eh bien comment arrêter ça, alors ?
— Attendre.
Le blond s'était tourné vers Chrysis, d'où venait cette réponse.
— Attendre ? Crois-moi, Chrysis, j'ai moi-même testé l'attente dans ma vie. Presque trois ans. Et c'est une horrible solution.
Vasco jeta un nouveau coup d'œil à l'écran du téléphone. Les notifications continuaient à arriver en masse.
[Bah alors, ça fait quoi d'être à découvert.]
[Repart te cacher à l'autre bout du monde, pétasse.]
[Qui sait, le père est peut-être une putain ?]
[Courage pour votre harcèlement, on vous soutiens]
[Dans chaque famille il y a toujours un enfant qui fait honte, je crois que chez les Apo Ti Thalassa nous avons trouvé lequel.]
[Heureusement que vous n'êtes pas l'héritière du trône !]
[Tu n'as de princesse que le titre, et tu ferais mieux de repartir à l'autre bout du monde avant que le peuple demande à ce qu'on te retire ça.]
S'il y avait quelques messages de soutiens, ils se noyaient au milieu de toutes les menaces et les insultes. Chacun avait dû envoyer ça un petit sourire au lèvre, en se disant qu'ils n'étaient qu'une goutte d'eau. Sans se rendre compte qu'ils étaient chacun et chacune une goutte d'eau de plus faisant déborder le vase.
Chrysis s'était pincée l'arrête du nez. Sa main tremblait. Les doigts de Vasco se crispèrent autours du cellulaire et il le fourra dans sa poche, avant de venir enlacer la jeune femme. Celle-ci se laissa tomber contre lui.
— Je te le promets, Chrysis, que tout finit toujours pas s'arranger.
— Tu ne peux pas en être si sûr...
Au ton de sa voix, il comprit qu'elle n'allait pas tarder à pleurer. L'emprise de ses bras autours de son corps de resserra.
— Tes parents pourraient faire une annonce... je ne sais pas moi, pour menacer les gens ?
C'est Haris qui lui avait répondu, fermement :
— Ses Majestés sont les souverains du pays. Pas des tyrans. Ils ne suivent pas les mêmes règles que ton Parrain.
Elle avait craché ces dernière mots, et la situation aurait été autre Vasco aurait pu voir cette affront comme passible de mort. Mais à cet instant, seul Chrysis comptait.
L'évocation de la Mafia éveilla quelque chose en lui, et ses ongles vinrent machinalement s'ancrer dans son avant-bras gauche. Et si...
— N'y pense même pas.
C'est la garde du corps qui avait parlé, encore une fois, ne comprenant que trop bien les intentions du mafieu.
La famille royale ne pouvait pas menacer une foule au point de les empêcher d'harceler la princesse.
Mais la Mafia, si. Rien qu'une prise de position de sa part suffirait à faire fuire la quasi totalité des membres du mouvement.
— Tu n'as pas ton mot à dire, Haris.
Il s'était lui-même étonné de la froideur de sa voix, et jaugea la brunette d'un air mauvais.
— Au moindre faux pas, je te fou derrière les barreaux. Et je pourrais même prendre ton insinuation pour un faux pas, le petit mafieu.
C'était la première fois qu'elle menaçait ouvertement Vasco devant Chrysis. Le garçon ne cilla pas, nullement atteint par les paroles de son interlocutrice. Même si elle le voulait, la bodyguard ne pourrait pas le mettre en prison. Et si elle réussissait cette prouesse, il n'y resterait pas bien longtemps de toute façon.
Parce que ce qu'Haris ne savait pas, c'est qu'il ne se nommait pas Vasco Sonhador. Mais Vasco Osabio Sonhador. Et qu'il était le fils cadet du Parrain.
Ce furent les bras de Chrysis autours de son corps qui le ramenèrent a la réalité. Elle le serrait si fort qu'il en oublia le monde extérieur pour se concentrer sur elle.
Oh, il était si près de partir auprès de son père, de ses hommes, et leurs demander à tous d'user de cette peur qu'ils ont créés. Mais Chrysis l'en empêchait. Chrysis le serrait contre elle, comme si elle le suppliait de ne pas le faire et de rester avec elle.
Et seule Chrysis comptait.
Vasco se détendit légèrement, baissa le visage pour venir embrasser la tempe de son amante, et chuchota dans le creux de son oreille :
— Tout ce que tu souhaites, mon amour.
Je ferai tout ce que tu souhaites.
Dulce choisit ce moment pour débouler. La petite fille ne se rendait pas compte des tensions qui régnaient chez les adultes et les tourmentaient tant. Son innocence inondait la pièce de clarté.
— Bonjour Dudu.
— Vvvvasco !
Elle se colla à la jambe du jeune homme, qui la prit dans ses bras de terre en souriant.
Non, il n'allait pas faire l'erreur de plonger encore une fois dans la violence de la Grande Mafia Européenne. Il allait rester auprès de sa femme et sa fille, car c'était son rôle et c'était le meilleur endroit où il pouvait être.
— Heure du goûter !
— Oui Dudu, c'est l'heure du goûter. Affirma tendrement la jeune maman, prenant à son tours sa fille. Cette dernière gigota pour qu'on la repose à terre, et se mit à courir avec entrain vers la cuisine.
Haris la suivit, pour laisser les deux amants seuls quelques secondes. Elle n'aimait pas Vasco, mais ne comptait pas gâcher complètement la vie amoureuse de sa protégée pour autant.
— Elle finira pas s'en rendre compte, en grandissant, que les gens la regardent bizarrement dans la rue. Avait soupiré la princesse d'un air las. Pour l'instant, porter des masques et des cagoules l'amuse. Mais ça ne durera pas. Et je serai incapable de lui offrir la vie qu'elle mérite.
Le garçon posa ses deux mains sur les joues de son interlocutrice, pour l'obliger à le regarder droit dans les yeux.
— Je t'interdis de dire ça. Ta fille ne peut rêver meilleure mère. Tu lui donnes l'amour et la joie dont elle a besoin, et c'est bien suffisant.
— Notre fille, As. Ce n'est pas uniquement ma fille, c'est la nôtre.
Il sourit tendrement, caressant les pommettes de la jeune femme avec ses pouces.
— Oui, notre fille. Avait-il répété d'une voix rauque, plus pour se parler à lui-même.
— Tu penses qu'elle aura une vie heureuse ?
La voix de la jolie blonde était un mélange d'espoir et de désespoir.
— J'en suis persuadé.
— Elle a deux couronnes... deux ! Et si ça se trouve elle ne le saura jamais.
La mâchoire de Vacso se crispa. Oui, qu'il le veuille ou non, sa fille portait en elle le sang des Osabio.
— On pourrait partir loin d'ici. Souffla-t-il. Comme on le voulait, avant. Dulce est une Sonhador avant d'être une Apo Ti Thalassa ou une...moi. Nous pourrions le devenir nous aussi.
— Tout s'est bien trop compliqué...
— Mais ça n'est pas impossible !
Elle sentait le souffle de sa respiration irrégulière fouetter son visage.
— Elle ne sait même pas que tu es son père, et ça me bouffe de l'intérieur.
Oh, moi aussi Chrysis, moi aussi...
— Peut-être pourrions-nous lui dire ?
Elle aimerait tellement, mais avait trop peur des conséquences. Moins il y avait de personnes en connaissances de cette situation, mieux c'était...
C'était pour ça, qu'ils cachaient le visage de l'enfant au monde : parce qu'elle ressemblait trop à son père et qu'aucun lien ne devait être fait.
Vasco l'observait avec des yeux brillants, et continua :
— Tu ne veux pas lui dire ?
Elle ferma les paupières d'un air désespéré, et colla leurs deux fronts.
Bien sûr que si, elle ne voulait ! Mais elle ne pouvait pas... ou du moins, c'est l'impression qu'elle avait. Son corps en tremblait presque de désespoir et de frustration.
Dulce arriva en trottinant, une brioche tartinée de nutella en main.
La petite fille s'était collée à la jambe de Vasco, visiblement ravie de le voir aujourd'hui. Le jeune homme souleva son enfant de terre pour la porter à sa hauteur, et la blondinette lui fourra son goûter dans la bouche :
— Goûte !
— Mmmh merci Dudu.
Il se retrouvait avec du Nutella partout autours de la bouche, maintenant. La situation sembla beaucoup amusée la petite princesse, qui rit de bon cœur avant de se retourner maladroitement ver sa mère pour lui donner à son tours une part.
Dudu mourrait d'envie d'appeler Vasco papa. Elle l'aimait tellement !
Mais sa maman avait été triste, l'autre jour, quand elle avait appelé Noah papa. Elle lui avait dit de ne plus le refaire. Mais avec Vasco, est-ce qu'elle en avait le droit ? Ça, sa maman ne l'avait pas dit.
Peut-être qu'en fait, elle n'avait pas du tout de papa ? Juste une maman ? Elle aimait beaucoup beaucoup beaucoup sa maman. Mais Vasco aussi. Et puis Noah et Haris aussi, mais un peu moins parce que Haris était pas sa maman et Noah était pas son papa.
Maman était amoureuse de Vasco. Elle ne savait pas trop ce que ça voulait dire, mais elle l'aimait beaucoup elle aussi.
« Un papa, c'est quelqu'un qui aime Dudu. » Lui avait dit maman. Il suffisait juste de lui demander ! Vasco était gentil, il allait pas lui dire de mensonges. Et puis, elle voulait tant qu'il soit son papa.
— Vvvvasco aime Dudu ?
Elle observait le garçon avec ses yeux marrons remplis d'espoir. Il sourit, et il était très beau quand il souriait. Le jeune homme lui avait fait un gros bisou sur la joue.
— Bien sûr, je t'aime énormément.
Elle enroula ses petits bras autours de sa nuque pour le serrer contre lui.
— Vvvasco amoureux de maman ?
« Et aussi, un papa c'est quelqu'un qui est amoureux de maman. »
Il avait regardé sa maman, comme pour vérifier si c'était bien elle dont il parlait. Dudu voulait tellement qu'il dise oui...
— Oui, Dudu, je suis amoureux de ta maman.
Il paraissait différent. Un peu moins sûr de lui. Ses bras s'étaient resserrés autours d'elle. La petit princesse se mit à bouger dans tous les sens, comme pour sauter de joie, et plaqua des deux petites mains potelées sur le visage de son interlocuteur.
Elle jeta un coup d'œil vers sa mère, comme pour lui montrer à quel point elle était fière et heureuse de sa découverte.
Papa et maman avait fait un jeu de devinettes, et elle avait trouvé la réponse. Elle était trop forte. Et trop contente.
— C'est Vvvvasco mon papa !
Elle se mit à applaudir, alternant entre de visage de son géniteur et celui de sa génitrice. Ces deux derniers se regardèrent dans un premier temps, complètement béats.
Puis, Chrysis se mordit la joue intérieure, tandis que les yeux de Vasco se remplirent de larmes.
Il serra sa fille dans ses bras et se mit à tourner. Le rire enfantin de Dulce emplit toute la pièce.
Elle se mit à battre des jambes, et le mafieu répondit d'une voie enrouée :
— Oui, Dudu, c'est moi ton papa.
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