Chapitre 33
Vasco fulminait, et observait hargneusement son meilleur ami. Du moins, s'il était encore son meilleur ami, ce dont il commençait fortement à douter.
— Quatre mois que tu es amoureux d'elle.
Noah se tordait les doigts en rougissant, et se contenta d'acquiescer en se mordant les lèvres.
— Pourquoi ne pas me l'avoir dit !
Le jeune homme se risqua à regarder Vasco dans les yeux. Son visage déformé par la rage le fit sursauter. Jamais il ne l'avait vu ainsi auparavant.
— J'osais pas...
Les deux mains de son interlocuteur vinrent se heurter contre ses pectoraux, pour le pousser en arrière. Son dos se cogna douloureusement au mur.
— Je vais te tuer. Siffla-t-il. Et il était très sérieux, ce que Noah comprit avec effroi. Le doux As s'était volatilisé, il avait devant lui un Vasco enragé qu'il reconnaissait à peine.
— Mais...
Le coup parti, et le garçon fut projeté à terre. Son crâne vrombissait, alors qu'il sentait une douleur atroce s'emparer de son nez. Du sang coulait le long de son menton, et il l'essuya d'une main tremblante tout en se relevant :
— As...
Il ne comprenait pas la réaction disproportionné de son ami. Ce dernier se tenait debout, droit comme un i, et le jaugeait d'un air glacial. Lui avoir presque cassé le nez ne semblait lui faire ni chaud ni froid. Pire encore : il avait presque l'air déçu.
— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Lui cracha le garçon, tout en gardant sur lui son regard glacial. Noah frissonna, et essuya du dos de sa main le sang qui continuait à couler sur ses lèvres et son menton. Le goût de rouille s'infiltrait dans sa bouche.
Là, à voir Vasco devant lui, il se surprit à penser que finalement, les rumeurs avaient peut-être raison. Que finalement, le doux As était peut être rentré dans la Mafia, et cachait bien son jeu depuis un bon bout de temps.
— Mec, merde pas... S'était-il entendu souffler d'une voix rauque, complètement sonné par le coup qu'il venait de recevoir. La scène lui semblait totalement irréaliste.
— Ne pas faire de la merde ? Tu me demande à MOI de ne PAS FAIRE DE LA MERDE ?!
Un deuxième coup partit, frappant Noah en plein milieu de l'estomac. Le jeune homme recula de quelques pas, sous le choc, et vint se soutenir au plan de travail de la cuisine en toussant.
Putain, il était pacifique, il n'avait quasiment jamais frappé personne ! Il ne savait même pas comment riposter alors que Vasco, qui était d'ailleurs lui aussi censé être pacifique, s'acharnait sur lui.
Pourtant, le coup de poing qu'il envoya sur le visage de son ami lui parut totalement instinctif. La tête d'As fut projetée en arrière et un léger filet de sang commença à couler de sa bouche. Il observa son adversaire d'un air mauvais, et ne prenant même pas le temps d'essuyer le liquide rouge qui gouttait sur son menton, il supprima en une grande enjambée la distance qui séparait leurs deux corps.
Les deux garçons faisaient à peu près la même taille, mais cela n'empêcha pas Vasco de prendre le brun par le col de son pull pour rapprocher dangereusement son visage du sien.
— Tu n'es qu'un enculé, Noah. Et tu as dépassé les bornes.
— C'est toi que me frappe !
— Et tu peux dire merci à Chrysis et Dulce ! Beugla-t-il. Car sans leur affection, TU SERAIS DÉJÀ DANS UN FUCKING CAMION DE POMPIER À L'HEURE QU'IL EST !
— MAIS PUTAIN T'AS COMPLÈTEMENT CRAQUÉ ! Noah s'était vivement dégagé de Vasco, et avait repoussé son corps de quelques centimètres. Il renifla, gêné par son nez douloureux, et passa nerveusement sa main dans ses cheveux humides, qui lui collaient à la peau. Il reprit sèchement :
— Ok j'avoue je t'ai caché toute cette histoire ! Mais alors ? En quoi ça te concerne, exactement ! Tu n'as pas ton putain de mot à dire, Vasco ! Je suis tombé amoureux d'elle, et alors ? ET ALORS ?!
— COMMENT TU OSES ME DEMANDER ÇA ?
Un nouveau coup partit, mais Noah l'avait anticipé, et au lieu de le frapper en plein visage il ne râpa que sa joue droite.
— Je sais pas, peut-être parce que c'est MA VIE et que cette histoire de t'inclue pas !
— Espèce de fils de pute.
Noah lança son poing, mais son interlocuteur l'intercepta vivement, en l'attrapant par le poignet. Il tordit ensuite ce dernier, jusqu'à ce que le visage du garçon se torde douleur.
— Putain arrête !
— T'as mal ?
— Oui !
— Tant mieux.
Noah commença à se débattre et le mafieu le lâcha brusquement, avant de dire :
— C'est à MA FILLE que tu touches, Noah ! C'EST À MA FILLE ET SA MÈRE !
— JE NE CHERCHE PAS À PRENDRE TON RÔLE DE PÈRE, COUILLON !
— AH OUI ? EXPLIQUE MOI TON COMPORTEMENT ALORS ! Il se dirigea précipitamment vers le frigo, pour reprendre le dessin de Dulce et le fourrer sous le nez du jeune homme, tout en continuant d'une voie attisée par la colère :
— PARCE QUE, VOIS-TU, MA FILLE SEMBLE PERDUE PAR TON PETIT JEU ! Il avait bien insisté sur le pronom possessif, puis posa la feuille à présent chiffonnée sur le plan de travail de la cuisine. Le regard de Noah suivit le dessin, sur lequel il s'attarda, visiblement déstabilisé. Il comprenait la douleur d'As, mais après ce qu'il venait de se passer sa compassion était bien trop enfouie pour qu'il la ressente.
— Ce n'était pas mon objectif, merde ! J'adore Dulce, j'adore m'occuper d'elle, mais si je le fais ce n'est pas pour être son père de substitution putain !
— C'EST POUR QUOI ALORS ? Hurla Vasco, qui n'avait pas décoléré.
— C'EST POUR ME RAPPROCHER D'ELLE ! ELLE EST COMME UNE MÈRE !
— C'EST SA MÈRE ENCULÉ ! CE N'EST PAS « COMME UNE MÈRE », C'EST SA PUTAIN DE MÈRE, JE SUIS SON PUTAIN DE PÈRE ET JE L'AIME ! JE L'AIME TU M'ENTENDS ?! ET TOI TU VIENS TOUT FOUTRE EN L'AIR EN JOUANT AUX CONNARDS !
Noah fixa son interlocuteur, d'abord sans réagir. Son corps semblait tout mou, d'un seul coup, il faisait de son mieux pour ne pas s'écrouler par terre. Puis, après un calme assourdissant qui faisait dans sa tête plus de bruit que les hurlements de Vasco, il balbutia quelque mots :
— Putain, mais qu'est-ce que t'es con.
Il voyait son ami fou de rage, et sentant qu'il allait se remettre à la frapper, le garçon continua :
— Je n'aime pas Chrysis.
Le mafieu s'immobilisa d'un seul coup. Sérieusement ? C'est comme ça qu'il essayait de se défendre ? En niant tout ? Mais à son étonnement, le brun face à lui se redressa, et se mit à hausser le ton :
— Je n'aime pas Chrysis tu m'entends ! Il se mit à rire nerveusement, puis se rapprocha pour venir tapoter le front du Vasco du bout de son indexe :
— On est deux crétins, toi et moi. J'ai jamais voulu te prendre Chrysis ! J'ai jamais voulu te prendre Dulce ! C'EST HARIS QUE J'AIME, BORDEL ! HARIS !
Noah passa sa main sur son nez. Le sang s'arrêtait enfin de couler. Prit dans sa lancée, il avait continué :
— Si je passe plus de temps qu'utile ici, c'est pour la voir. Si je joue tant avec Dulce c'est aussi dans l'espoir qu'elle me rejoigne. Si je suis tant attentionné, c'est pour qu'elle prête attention à moi ! Putain de merde, As, même cet après midi si j'ai réchauffé Chrysis sur la plage, c'était pour que ça ne paraisse pas étrange que je le fasse ensuite avec Haris ! Je suis amoureux de cette fille depuis qu'on l'a vu avec Chrysis et Dulce sur la plage, la première fois. Je me souviens trop bien m'être éloignée pour faire un château de sable avec Dulce, parce que je voulais remettre mes idées au clair et comprendre pourquoi mon cœur battait si vite ! Je suis amoureux de sa voix, je suis amoureux de sa franchise, je suis amoureux de son sourire. Je suis amoureux de ses yeux gris, de ses cheveux marrons, de sa frange qu'elle tripote pour exprimer ses émotions. Je suis amoureux de son putain de caractère de merde, je suis même amoureux de la façon dont elle m'appelle « pot de colle » ! BORDEL !
Il disait vrai. Bien sûr qu'il disait vrai. Vasco le connaissait assez pour savoir quand il mentait ; et là, ce n'était pas le cas. Le mafieu laissa retomber ses bras le long de son corps.
Putain, mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Il était incapable de bouger, de dire le moindre mot. Lorsqu'il se mit à observer Noah, celui-ci c'était tétanisé. Et en suivant la ligne de son regard, il découvrir la garde du corps. Haris se tenait là, dans l'embrasure de la porte. Le visage pivoine —de gêne ou de colère—, elle jouait nerveusement avec les mèches de sa frange. Aucun doute : elle avait tout entendu. La jeune femme se dirigea robotiquement vers Noah, pour se planter face à lui et le jauger de la tête aux pieds :
— T'as une sale gueule, pot de colle. Dit-elle d'un air détaché, tout en fixant le nez de son interlocuteur. Puis, elle se retourna vers Vasco pour le pointer du doigt d'un air accusateur :
— Et toi, le petit mafieu, t'as de la chance d'être important aux yeux de mes protégées, où je t'aurais encastré sans remords dans le premier mur venu.
Elle empoigna ensuite le bras de Noah pour l'entraîner fermement en dehors de la cuisine, et exactement au même moment Chrysis était entrée dans la pièce.
Elle observa Noah et Haris, bouche-bée, mais sentant la tension qui flottait dans l'air, la jeune femme n'osa pas les suivre. Son regard s'arrêta ensuite sur Vasco, dont les yeux de chien battu faisaient peur à voir.
— Il s'est passé quoi là, exactement ? On vous a entendu hurler comme des possédés. Avait-elle soufflé tout en s'approchant du mafieu. Elle hésita cependant à le toucher en voyant l'état dans lequel il était.
— As ? La jeune femme posa délicatement sa main sur le menton dégoulinant de sang de son interlocuteur.
— Noah t'as frappé ? Continua-t-elle sans cacher son étonnement. Contre toute attente, le mafieu fit un pas en arrière pour se défaire de son contact. Il ne la regardait même pas dans les yeux.
— Je l'ai frappé bien plus fort... Avait-il répondu d'une voix enrouée, comme se parlant à lui-même. Il avait frappé son meilleur ami sans attendre toutes ses explications. Il s'était laissé aller, et voilà le résultat. Sous la tension, il commença inconsciemment à se gratter l'avant-bras gauche.
Face à lui, Chrysis l'observait avec des yeux ronds d'incompréhension. Tu parles qu'elle ne comprenne pas, visiblement il avait été le seul assez idiot du groupe pour croire que Noah l'aimait. Le regard de la blonde se posa alors sur le dessin, qui était près de l'évier. Son visage se décomposa alors qu'elle s'approchait lentement du bout de papier.
— J'aurais dû t'en parler... je... j'ai paniqué Vasco, je suis désolée, j'en aurais dû te parler de ce dessin.
— Ce n'est pas ta faute. L'avait-coupé, mâchoire serrée. Il soupira, pour essayer d'évacuer l'adrénaline et toutes les émotions contradictoires qui se bousculaient dans son corps.
— J'ai merdé.
Et sur ces mots, il se dirigea vers la porte, décidé à quitter cette villa au plus vite. Mais la princesse le retint vivement, et lui agrippa la main pour le forcer à se retourner et lui faire face.
— Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Avait-elle demandé calmement, distinguant bien chacune de ses syllabes. Le mafieu se pinça machinalement l'arrête du nez. Il semblait littéralement vidé, et elle avait l'impression que ses yeux verts survolaient sans intérêt tout ce qui l'entourait.
— J'ai cru que Noah était amoureux de toi.
— Pardon ?
Elle aurait rit si la situation n'était pas si critique, et le visage de son interlocuteur si grave. La jolie blonde comprit alors que cette dispute entre ses deux amis était le fruit d'une accumulation de souffrance dans le cœur du mafieu. Souffrance qui se reflétait actuellement sur ses expressions, et qui irradiait littéralement de lui. Alors, la jeune femme sourit tendrement, comme pour la rassurer, et posa ses deux mains sur les épaules de mon interlocuteur.
— Noah n'est pas amoureux de moi, As. Et je le suis encore moins de lui.
— Ça, j'ai compris. C'est la seul chose que j'ai réussi à comprendre. J'ai littéralement agressé mon meilleur ami en croyant qu'il aimait ma... toi. Alors qu'en fait il est amoureux d'Haris.
Chrysis dut se répéter dans sa tête les mots du garçon.
Noah
est
amoureux
d'Haris.
— Attends... Quoi ?!
La princesse posa instinctivement sa main sur sa bouche en se rendant compte qu'elle venait de crier. Face à elle, le garçon la regardait enfin.
— Tu ne savais pas ?
— Mais... tout s'explique...
La gourmette, ses visites surprises : tout devenait clair à présent.
— Ça, tu peux le dire...
La jeune femme se dirigea vers le lavabo, déchira plusieurs feuilles de sopalin qu'elle humidifia avant de les tendre au garçon.
— Tu as du sang qui coule jusque dans ton cou. Tu veux de la glace ?
Vasco grogna et commença à frotter sa peau.
— Non, merci.
Il l'avait bien mérité, ce coup de poing. Mais bon, Noah avait mérité les siens aussi. Il fallait vraiment qu'ils travaillent sur leur communication tous les deux, du moins s'ils restaient amis malgré cet incident.
— Allez viens, on sort.
— Non. Je vais rentrer chez moi.
— Oh que non. Toi et moi, dit-elle en se pointant du doigt, on va se faire un petit tête à tête, tous les deux, loin de cette maison.
— On ne peut pas, Chrysis. Connaître le visage du père du Dulce est devenue le nouveau hobbie de tous les fanatiques du pays.
La princesse soupira, frustrée, et sortit son téléphone de sa poche. En quelques clics et une minute plus tard, elle releva en souriant la tête vers le mafieu :
— Bien, j'ai réservé une place dans un restaurant de luxe dans lequel mes parents ont l'habitude d'aller. Carré privé, VIP, sans caméras, et avec le serveur qui ne vient que lorsqu'on appelle. Alors remonte ton col roulé, fou un bonnet, et on sort.
— Mais...
— J'ai réservé, Vasco. Tu n'as pas le choix, et je pense qu'il faut que nous ayons une sérieuse discussion.
Il grimaça. Bien sûr, elle lui en voulait de s'être énervé sur Vasco, de s'acharner pour récupérer son cœur à elle, et en conséquent elle allait lui passer un sacré savon.
— Je ne pense pas qu'Haris veuille t'y suivre. Avait-il tenté, se disant que c'était bien le seul argument qu'il pouvait lui donner.
— Ce soir, ce sera toi mon garde du corps.
Vu sa position, il semblait impossible de lui faire changer d'avis. Le jeune homme soupira, abattu et redoutant plus que tout les prochaines heures. Les précédentes avaient déjà été assez catastrophiques comme ça. Il rentra sa tête dans ses épaules.
— Tu as un bonnet à me prêter ? Gromella-t-il.
— J'en ai un dans la voiture. Allez, viens.
⭐️⭐️⭐️
J'espère que ceux qui détestaient Noah, vous l'aimez un peu plus 🥹
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