Chapitre 11
Il faut qu'on parle.
Vasco soupira en se pinçant l'arête du nez.
Qu'avait-il fait...
Il faut qu'on parle.
Cette phrase tournait en boucle dans sa tête, encore en encore, sans jamais vouloir s'arrêter. Il serra la mâchoire, hurlant par-dessus le brouhaha de ses pensées pour les faire taire. Mais c'était inutile : elles n'obéissaient à personne. Même pas à elles-mêmes.
Mais pourquoi fallait-il parler ?
Il fronça les sourcils.
Parce qu'elle avait dit...
Il faut qu'on se calme.
Nous pas il faut que tu te calmes.
Mais il faut qu'on se calme. Tous les deux.
C'est donc qu'elle avait plutôt apprécié sa perte de contrôle, non ?
Seule cette idée arrivait à apaiser Vasco. Lui dire que finalement, il n'avait peut-être pas tout fait foirer. Et qu'il lui restait une petite chance.
Enfin, petite chance ou non, cela faisait deux semaines que les seules nouvelles qu'il avait de la princesse, c'était grâce aux stories qu'il voyait de ses amis.
Et comme Natacha, qui était restée à Lisbonne, commençait à s'impatienter, le jeune mafieux avait donc « pris les choses en mains », en envoyant sans trop réfléchir ce message à son ex petite amie :
[Il faut qu'on parle]
Ni de « bonjour », ou encore de « comment ça va ». Lui, ça allait mal. Savoir qu'elle ne souffrait pas de la situation risquait de le détruire encore plus. Et si au contraire, elle en était affectée, il s'en voudrait énormément.
Et puis Dulce lui manquait un peu, aussi. Il s'était attaché à cette enfant, bien qu'il ne la connaisse peu. C'était sa fille, après tout. Noah avait mis une photo d'elle sur leur groupe de discussion, l'autre jour. Elle était sur ses épaules, une poire à moitié mangée dans la main.
As en était presque jaloux de la relation qu'entretenait son ami avec la fillette.
L'alerte de notification de son téléphone tinta, l'arrachant à ses pensées. C'était Chrysis. Impatient et avec une légère appréhension qui lui nouait les entrailles, il ouvrit ses messages :
[J'emmène Dulce à Estufa Fria demain, tu peux venir]
Il eut à peine le temps de lire le premier message qu'un deuxième arriva :
[Haris sera là]
Il s'en doutait qu'Haris serait là. C'est sa garde du corps, après tout. Un sourire ne put s'empêcher d'illuminer son visage, et tout son corps sembla se détendre. Elle voulait bien le voir. Mieux que ça : elle l'invitait à prendre contact avec Dulce par la même occasion.
Dire qu'il avait failli oublier à quel point Chrysis avait un grand cœur. A détester faire de la peine aux gens, essayer d'aider tous ceux qui en avaient besoin.
— Ne m'oublie pas hein.
Il releva la tête vers Natacha. Celle-ci l'observait d'un air espiègle. En voyant le sourire du mafieux, elle avait très vite compris la réponse que lui avait envoyée la princesse.
— T'inquiète. Répondit-il tout en commençant à taper sur l'écran de son cellulaire :
[Je peux emmener Natacha ?]
De l'autre côté de l'écran, Chrysis fronça les sourcils en lisant ce prénom.
Natacha... Elle avait déjà entendu parler d'elle. Une amie de Vasco, la seule vraie qu'il avait rencontré grâce à sa famille. En fait, c'était même sa meilleure amie, bien qu'il ne l'ait jamais vraiment nommée ainsi.
Chrysis n'avait jamais rencontré la jeune femme. Pour deux raisons, la première est qu'elle n'habitait pas ici : c'était une Russe. La deuxième est que, si elle avait bien compris, cette Natacha était carrément asociale... au point de ne pas avoir envie de rencontrer la petite amie d'un proche. Ce qui était quand même assez grave.
Légèrement déstabilisé, elle répondit donc :
[L'anonymat de Dulce doit être gardé, et j'aimerais éviter de trop lui couvrir le visage.]
La réponse ne tarda pas :
[Elle est de confiance et te le dira d'elle-même, ne t'inquiète pas.]
La princesse soupira, se demandant intérieurement si cette Natacha était au courant pour la véritable identité de Vasco. Peut-être faisait-elle partie de la Grande Européenne ? Où de la Bratva, comme elle était Russe ?
La journée passa extrêmement vite. La jolie blonde était stressée à l'idée de revoir le garçon, c'était étrange. Elle tenta de camoufler sa nervosité pour que sa fille n'en soit pas impacté. Elles partirent de la villa vers quatorze heures. Un garde royal conduisait la voiture aux vitres teintées, et s'arrêta sur le parking VIP d'Estufa Fria. C'était un immense jardin botanique, qui se trouvait sous des serres si grandes qu'elles ressemblaient à des immeubles de verre.
Vasco était en avance, et il les attendait non loin de la porte d'entrée privée par laquelle la princesse arrivait. Son visage s'illumina en la voyant, et il s'avança vers les trois femmes avec un sourire peu rassuré dessiné sur les lèvres.
Dulce fronça les sourcils, mitigée. Cet homme qu'elle jalousait avait disparut de sa vie depuis deux semaines, et elle ne savait pas vraiment si elle était contente ou non de le revoir. Mais son visage s'illumina alors que le jeune homme, qui avait des cheveux blond foncé, se baissa vers elle pour lui tendre une glace.
Même pas besoin qu'il lui dise, l'enfant avait devinée le goût fraise-chocolat, et elle se rua dessus en criant de joie. C'est que Vasco avait demandé à Kim s'il pouvait enquêter sur le parfum préféré de Dulce. Et visiblement, il ne s'était pas trompé.
Le jeune papa embrassa furtivement sa fille sur la joue avant de se redresser, heureux qu'elle ne le repousse pas. Au contraire, elle enlaça sa jambe de ses bras, étalant au passage de la glace un peu partout.
Il salua ensuite Chrysis et Haris.
— Tu ne devais pas venir avec... Natacha ?
Ah, si. Le mafieux avait presque oublié que sa cousine avait beau lire les sentiments des gens à l'émotion prêt, elle était asocial et ne viendrait jamais d'elle-même dire bonjour à la jeune monarque. Il lui fit donc un signe. La blonde se décolla du mur auquel elle était adossée pour se diriger de manière lascive vers le petit groupe.
Cheveux blonds, épais et bouffants, coupés au carré. Un pantalon très large, noir, de style cargo. Un croc-top noir lui aussi, à bretelles, et des gants qui remontait jusqu'au milieu de ses biceps. Une paire de truffles à lacets aux pieds. La seule couche de couleur dans ses vêtement était le pull vert canard qu'elle avait négligemment posé sur une de ses épaules.
Un peu mal à l'aise, Chrysis réussit tout de même à sourire chaleureusement :
— Bonjour, enchantée.
Son interlocutrice se contenta de hocher la tête en la dévisageant de la tête aux pieds. Elle ne répondit qu'en décalé, quelques seconds plus tard :
— Bonjour.
Son timbre vocal était presque enroué, mais on devinait que c'était sa voix naturelle. Comme si, malgré son jeune âge, elle avait déjà vécu bien trop de choses. La princesse frissonna à cette idée, attristée de savoir que c'était également dans se monde de Vasco, son doux Vasco, avait grandit.
A ses côtés, Haris s'était brusquement mise en alerte. D'un air imposant et protecteur, elle se plaça rapidement entre la nouvelle arrivante et les deux princesses. Une main sur son arme, l'autre tendue derrière elle pour empêcher Dulce de passer. Elle était en quelques secondes passée de la petite timide du groupe au bodyguard presque dangereux.
— Haris qu'est-ce-que...
— Reste derrière moi, Chrysis. Toi ! Dit-elle à l'intention de Natacha. Secoue ton pull, lève tes bras et fait un tour sur toi-même.
L'intéressée semblait presque amusée de la situation. De toute évidence, cette garde du corps l'avait reconnue. Au moins, elle faisait bien son travail. Elle s'exécuta, retournant même l'intérieur de ses poches pour montrer sa bonne foi. Ses gestes étaient fluides, et une certaine aura émanait d'elle. Elle ne se pliait pas aux règles, ne se soumettait pas aux ordre d'Haris, loin de là. C'était un solitaire né, qui n'obéissait qu'à elle-même.
Chrysis ne comprenait pas la situation. Elle était juste un peu angoissée à l'idée qu'une inconnue —Natacha— puisse voir de prêt analyser et observer sa fille. Ressentant l'inquiétude de la jeune maman, la Russe finit pas lâcher :
— Ne t'inquiète pas. Pour Dulce. Aucun devoir ne me lie à vous mais je tiendrais son anonymat.
Une pression quitta le corps de la blonde, qui remercia son interlocutrice d'un sourire. Voyant que Haris semblait un peu plus détendue mais toujours sur ses gardes, elle ne put s'empêcher de demander :
— Tu fais partie de la Mafia ? Ou la Bratva peut être ? Voyant le visage indéchiffrable de la jeune femme, elle continua :
— Ma question était bête, désolé. Tu n'es pas obligée de répondre.
Après quelques minutes de silence, durant lesquelles Vasco observait son amie d'un air inquiet pour tenter de la déchiffrer, cette dernière répondit :
— Ni l'un ni l'autre. Je suis à mon compte.
Haris grogna, comme pour admettre. Elle quitta son arme de la main pour replacer sur son front quelques mèches de sa frange qui s'étaient mise en désordre.
— Oui, et je ne te quitte pas du regard. Et Dulce reste avec moi. Tout du long.
Son ton était dur, et elle s'empara de la main de l'enfant qui se laissa faire sans rechigner, trop occupée à observer avec admiration les plantes tropicales qui les entouraient.
As semblait profondément mal à l'aise face à cette situation, et essaya de masquer sa gêne tout en entraînant le petit groupe à déambuler entre les allées. Dulce s'émerveillait de temps à autres, observant tout et rien avec des grands yeux ronds tout en mordant à pleines dents dans sa glace.
La discussion s'installa, peu à peu. Ce n'était que des bribes de phrases, principalement entre Dulce, Vasco et Chrysis, Haris restait sur ses gardes, tous les sens en alerte. Natacha marchait de manière flegmatique, posant ses yeux désintéressés sur ce qui l'entourait.
— Et donc Natacha, tu habites où ? Finit par demander la princesse.
— Je suis Russe, originaire du Kraï de Perm. Mais je vais ça et là. Répondit-elle en haussant les épaules, avant de se retourner vers Vasco pour continuer :
— D'ailleurs, je rentre dans trois jours. Elle ricana d'un air mauvais, à donner des sueurs froides. Le devoir m'appelle.
La garde du corps se tendit encore plus. C'est à peines si le sang circulait dans ses poings serrés. Dulce s'était accroché de ses petites mains poisseuses au bas de son manteau.
Pour tenter de faire la conversation, Chrysis continua :
— As m'a parlé de toi. Vois vous connaissez depuis longtemps ?
Nous sommes cousins.
Mais ils ne pouvaient pas le dire, c'était trop secret, trop dangereux. Alors, la jeune femme se contenta de répondre :
— Nos familles se connaissaient avant notre naissance.
Simple et efficace. De quoi ne pas alarmer la garde de protection rapprochée, et faire comprendre à Chrysis qu'elle savait très bien que As Sonhador était d'abord Vasco Osabio.
— En tout cas, je suis contente de faire ta connaissance.
Natacha ne répondit pas. Que dire, après toi ? « Merci, moi aussi »? C'était faux, et la jeune tueuse à gages ne voyait pas l'utilité de mentir sur ce point là.
Ils restèrent deux heures à Estufa Fria.
Au moment de se dire au revoir, Vasco salua tout le monde tandis que son amie restait en retrait. Bras croisés sur sa poitrine, elle faisait clairement comprendre dans son attitude ne pas vouloir suivre ces mondanités.
Pourtant, contre toute attende, Dulce trottina vers elle pour lui tapoter la cuisse en riant :
— Zau revoiiiiir !
Tétanisé, Haris n'avait pas eu le temps de la rattraper. Et Chrysis l'arrêta avant qu'elle eut de prendre l'enfant de deux ans dans ses bras pour la séparer de la Russe. Cette dernière observait la fillette sans un mot, yeux plissés :
— Au revoir, Dulce. Finit-elle par répondre de son habituelle voix grave, dont le rude accent Russe s'entendait légèrement.
Personne ne comprenait vraiment pourquoi la petite fille s'était soudainement intéressée à cette inconnue qui ne lui avait pas adressé une seule marque d'attention. Peut-être parce qu'elle avait perçut le lien entre cette femme et Vasco ? Ce même Vasco qu'elle aimait mais jalousait.
Et si le cœur du jeune homme n'était pas seulement dédié à Chrysis, mais aussi à Natacha, alors ça voulait dire qu'il prenait moins de place que Dulce.
Donc, dans le cerveau de l'enfant, grâce à cette femme, personne n'accordait plus d'importance à Chrysis que Dulce elle-même.
⭐️⭐️⭐️
Merci pour ces 2k de lecture atteint au chapitre 10 ❤️
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