Chapitre 10
Chrysis se réveilla à quatorze heures, avec une énorme gueule de bois. Elle grommela quelques mots incompréhensibles tout en sortant du lit, se dirigeant automatique vers sa salle de bain.
Elle n'avait qu'une envie : se laver les dents et prendre une douche froide.
Hélas, l'eau coulant sur son corps nu fit remonter à la surface la soirée, puis la nuit. Surtout la nuit. La fin de nuit, qu'elle avait passée sur cette terrasse, seule avec Vasco. Elle soupira, remerciant Dieu de ne pas être allée plus loin.
Ils ne s'étaient pas embrassés, après tout. Leurs visages s'étaient simplement frôlés, tandis qu'il caressait sa peau nue. Rien de grave, c'est comme ça que se finissent les sorties en boite.
Elle descendit dans la cuisine une heure plus tard, vêtue d'une simple combinaison pyjama représentant un ours brun. Haris l'avait entendu se réveiller et lui tendit une tisane au citron qu'elle but avec plaisir, assise en tailleur sur le canapé. La jeune femme enchaina avec un plat de pâtes carbo. Sa tête bourdonnait encore, et hors de question pour l'instant d'allumer la télévision qui ne ferait qu'alimenter ce bruit.
— Tu veux un doliprane ? Lui demanda Haris tout soufflant machinalement sur sa frange.
— Non, merci. Juste... dormir.
— Dulce revient ce soir, pour le dîner. Tu as le temps.
Elle gratifia son amie d'un sourire fatigué. La dernière cuite qu'elle s'était prise était pour son anniversaire de dix-sept ans. Il y avait trois ans, juste avant son départ pour les monts Rhodopes.
C'est que les mois qui avaient suivis, en tant que femme enceinte puis jeune maman, la place n'était pas vraiment aux soirées en boîte de nuit et à l'alcool.
La blonde alluma son téléphone pour regarder ses messages. Avec une grosse flemme de répondre à tout le monde, elle se contenta d'appuyer sur la notification qui nommait le contact « Papa 💚💙».
C'était une vidéo. La vignette affichait le visage flou de son géniteur, et elle lança la lecture, ne sachant pas trop à quoi s'attendre.
La voix grave de son père, essoufflé, envahit la pièce :
— Chrysis chérie tu as oublié de me donner des menottes tailles enfant pour ta fille.
Visiblement, il courrait. Son ton trahissait un mélange d'exaspération et de profond amusement.
— J'ai laissé ta chose et ma femme seules dans le jardin, en train de s'amuser sur les vieux kart, qui appartenaient à ta mère quand je l'ai connue...
À travers l'écran, les yeux de Jayson s'étaient écarquillés et il jure en grec avant d'hurler quelques mots incompréhensibles, visiblement destinés à la Reine Léna. Puis, il reposa les yeux sur la caméra :
— Elles ont débridés les karts !
Il retourna la caméra pour montrer le spectacle, et Chrysis manqua de s'étrangler avec sa propre salive.
Sa mère conduisait un mini kart à une vitesse abominable, slalomant entre les arbres du jardin. Derrière l'engin, elle avait accroché avec une corde celui de Dulce. L'enfant de deux avant avait heureusement un casque, des protèges coudes, genoux, dos... la totale. Le roi courrait visiblement après elle depuis un bon moment, et malgré le grésillement du vent la princesse entendait le rire de la grand-mère et sa petite fille.
À croire que Jayson était le seul de sa famille à avoir un instinct de survie.
On ne tracte pas un gamin qui sait tout juste parler à trente kilomètres heures, dans des champs, avec plein d'arbres et de buissons.
Elle entendit Jayson hurler alors que sa femme se ruait sur une butte. Les deux kart firent un vol plané et atterrirent, par miracle, en bon état. Mais Léna vira sec et Dulce... fit un vol plané.
Pour atterrir dans un buisson.
La jeune maman eut peur, tout comme son géniteur. Le monarque jura, laissa tomber son téléphone et se rua vers sa petite fille.
La vidéo s'arrêtait là. Le gouverneur du Portugal lui avait ensuite envoyé une photo. Dulce avait une petite éraflure sur la joue, mais rien d'autre. Elle faisait coucou à l'objectif, fière d'elle, posée sur les genoux de Léna et Jayson.
La princesse sourit, sous le charme. Elle était tellement heureuse que sa fille et ses parents s'entendent si bien, malgré les deux première années passées sans se voir une seule fois...
Haris, qui était derrière elle, lança d'une voix fatiguée :
— Tu peux dormir sur tes deux oreilles, la responsabilité de tes parents est sans failles. Dulce ne risque rien.
La blonde lâcha un petit rire et posa son téléphone à ses côtés. Il ne fallait pas oublier que la garde du corps avait fait naître la fillette. Elle avait toujours vécu avec la jeune maman et son enfant, si bien qu'elle avait acquis un rôle de mère de substitution.
Elle aussi avait bien faillit faire un arrêt cardiaque en voyant la petite princesse vol-planer avec son kart.
— Ça te dis un film ? Demanda la princesse d'une voix lasse. Elle n'avait plus mal aux yeux, et son envie de dormir s'était envolée. Sa colocataire acquiesça tout en s'emparant de la télécommande.
— Tu veux quoi ?
— Surtout pas une histoire d'amour niaise avec un enfant qui nait en secret. Grommela la blondinette avec une mimique écœurée. Haris ricana à ses côté.
— Un Marvel fera l'affaire alors... Et pas Wanda Vision.
Chrysis lâcha un sourire en coin, mais qui s'effaça rapidement en entendant la question que lui posa son interlocutrice :
— D'ailleurs tu m'explique ce qui se passa dans ta tête exactement ? Avec Vasco.
— Laisse, j'étais complètement torchée.
— Oui, j'ai vu ça. Et lui aussi d'ailleurs. Il a quand même cassé le nez d'un mec avant que vous partiez tous les deux sur le toit.
Ah oui, cassé le nez quand même...
— Je ne sais pas si le plus étonnant est que tu l'ai suivi de ton plein gré, où qu'il ne se soit pas fait jeter dehors.
Haris était une professionnelle et avait compris toute seule, dès le début, que ce fameux Vasco appartenait à la Mafia. Evidemment, elle n'avait aucune idée que c'était un Osabio, et pensait juste avoir affaire à un enfant normal qui avait baigné dans ce milieu de manière presque culturelle et peu dangereuse, en suivant ses parents.
En faisant des recherches sur un quelconque Vasco Sonhador, elle était tombée sur un dossier monté de toute pièce par Soraia Sonhador, la mère de ce dernier, et hackeuse de la Grande Mafia Européenne. La femme, un véritable petite génie informatique, avait travaillé des heures sur la protection de ses enfants, pour fait en sort que personne ne puisse un jour comprendre qui ils étaient réellement.
Voyant que son amie ne répondait pas, Haris déduit elle-même une conclusion à son questionnement, alors que le film commençait :
— Je l'ai vu parler au garde, de loin. C'était rapide. L'Aphrodite appartient à la Mafia, il a dû faire comprendre qu'il faisait partie de la famille. Une femme du carré VIP l'observait beaucoup, d'ailleurs. Mais je n'ai pas réussi à déchiffrer son visage.
Chrysis haussa les épaules, préférant ne pas renchérir. Elle voyait très bien où la grecque voulait en venir : la prévention. Elle décrivait le garçon comme si elle faisaient la prévention d'un produit nocif. D'une drogue dure, plus précisément.
Dangereuse avant même d'y avoir pensée.
Et le princesse ne réagit pas. Elle était bien assez consciente de ce qu'elle encourait en fréquentant un mafieux. Elle le savait même plus qu'Haris. Le jeune homme lui avait expliqué en long, en large et en travers le règlement de son organisation. Ce qu'elle risquait. Ce qu'ils risquaient, tous les deux.
Et aujourd'hui, elle avait eu beau imaginer des milliers d'alternatives, leur histoire n'avait jamais de happy-end. Ce n'était qu'une utopie sur laquelle ils s'étaient penchés, en se disant qu'il pourraient un jour vivre heureux. Échapper à leurs monarchies. Celle du trône du Portugal pour Chrysis, et celle des héritiers de la Mafia pour Vasco.
Ils y avait vraiment cru, pourtant, à cette fin heureuse.
Mais elle était partie en fumée bien trop vite.
L'étincelle allumée pas Vasco.
La feu déclenché par Chrysis.
Et ils avaient eux-mêmes sabotés tous les extincteurs.
Les deux jeunes femmes regardèrent le film. Le soir, Dulce arriva à la maison, tout heureuse et excitée d'avoir passé ces deux journées chez ses grands-parents, mais tout de même bien contente de revoir sa mère qu'elle embrassa une bonne dizaine de fois.
Comme elle tombait de sommeil, sa génitrice la coucha très tôt. La fillette s'endormit même avant la fin de l'histoire qu'elle lui racontait.
Tombant elle aussi de fatigue, la jeune femme partit se coucher, après avoir souhaité bonne nuit à sa garde de protection rapprochée.
Le lendemain, elles partirent toutes les trois se balader dans Lisbonne. On avait mis une écharpe-cagoule à Dulce pour éviter que les paparazzis ne prennent son visage en photo. La mère et la fille furent interpelées plusieurs fois, souvent pour un simple « bonjour Majestés » ou encore des photos et autographes.
Dulce riait dès qu'un inconnu lui parlait. En arrivant au Portugal, elle se rendait peu à peu compte qu'elle était importante, aux yeux de littéralement tout le monde. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Elle qui aimait recevoir amour et attention, elle appréciait être une « princesse ».
Le samedi, Chrysis invita ses amis durant l'après-midi. Sa villa servait un peu de bibliothèque commune, surtout qu'elle avait ramené du palais de chez ses parents des gros bouquins et manuels dont les autres avaient besoin pour leurs études.
Noah et Vasco étaient dans la même école de commerce et devaient faire un travail en binôme pour la semaine qui arrivait.
Kim était en école d'art et devait effectuer pour le lundi qui arrivait une peinture sur toile de un mètre cinquante sur un mètre cinquante. L'inspiration lui manquait et il espérait que ses amis l'aide un peu. La notation en école d'art était très sévère, et si jusqu'ici il se débrouillait plutôt bien, la situation pouvait se retrouver à tout moment.
Antoni et Chrysis, eux, n'avaient rien à faire. Le rouquin étudiait la mode et travaillait sur un projet de vêtements pour enfants : il avait juste besoin de prendre les mesures de Dulce.
Après une heure de travaille, le garçon à la peau ébène ne trouvait toujours pas d'inspiration pour son œuvre. Dulce, elle, était attirée par cette immense toile blanche et vint marcher à quatre pattes dessus pour attraper la peinture.
— Μεγάλο σχέδιο! Gros dessin ! Avait-elle dit de sa petite voix aiguë, toute enjouée.
— N'embête pas Kim, il travaille ! Souffla Chrysis qui se levait déjà pour venir chercher sa progéniture, soucieuse qu'elle n'abîme la toile.
Mais alors qu'elle se penchait pour attraper la blondinette par les aisselles et la soulever de terre, le jeune homme l'en empêcha :
— Non, attends.
Sourcils froncés, ils observait l'enfant qui lui souriait, à moitié allongée sur le carré blanc. Quelques secondes s'écoulèrent puis ses yeux pétillants se levèrent vers son amie :
— J'ai une idée de génie. Je t'emprunte ta fille.
— Heu... oui, ok.
De toute façon, le jeune artiste s'était déjà emparée de la blondinette pour l'entraîner sur une grosse bâche en plastique qu'il avait emmené avec lui :
— Dis mois Dulce, est ce que tu veux peindre ton corps ? Mettre de la peinture partout partout ?
La yeux verts de la petite fille s'illuminèrent et elle se mit à sauter sur place en applaudissant :
— Oui oui oui !
Le jeune homme se frotta les mains, savourant le fruit de son imagination qui se créait peu à peu :
— Tu veux quelle couleur ?
Elle ouvrit les yeux en grands :
— Noir ! Comme Kim ! Trop beau tout noir !
Les yeux de l'étudiant s'adoucirent d'un seul coup. Il avait envie de serrer ce petit bout de chou dans ses bras, mais se retint, sortant de son sac un gros pot de peinture couleur corbeau.
Une demie-heure plus tard, Dulce avait tout son corps teins de la grosse masse poisseuse de peinture. Sous le regard dubitatif du reste du groupe, Kim l'emmena vers sa toile pour l'y allonger d'une position visiblement préparée à l'avance. Ensuite, quelques coups de pinceau pour affiner les traits de la silhouette et boucher les trous.
Le rendu était magnifique. On distinguait sans problème la forme de la petite fille de deux ans, recroquevillée sur elle-même.
— Stylé mais flippant. On pourrait croire qu'elle est morte. Ricana Antoni. Son interlocuteur se contenta de sourire, l'air de dire « c'est le but ». Puis, il se retourna vers Chrysis :
— À toi, maintenant.
— Moi ? Répéta-t-elle en riant, croyant qu'il blaguait.
— Oui, toi. Allez, direction la salle de bain.
La princesse suivit son ami d'un air dubitatif, peu rassurée. Elle n'était pas forcément à l'aise avec l'idée de faire du body painting. Surtout en présence du public. De Vasco.
Pendant ce temps, ce dernier et Noah s'étaient chargés de faire prendre un bain à Dulce pour enlever tout le noir de son corps. Toute heureuse, l'enfant n'avait pas cessé de taper dans l'eau pour les éclabousser. Ils avaient ris. Surtout Noah, parfaitement dans son élément avec la petite.
La relation entre Dulce et Vasco était différente. La fillette ressentait d'une manière ou d'une autre la liaison entre le jeune homme et sa mère. Et en quelque sorte, cela faisait de lui un concurrent. Elle l'appréciait, mais ne pouvait s'empêcher d'exprimer une sorte de méfiance. De jalousie.
Ils durent reste une bonne heure dans la salle d'eau. La peinture était très difficile à enlever, en particulier dans le cou, les cheveux et le visage.
Lorsqu'ils redescendirent au rez-de-chaussée, Chrysis se levait de la toile, sous les yeux émerveillés de Kim qui se penchait vers son œuvre pour la perfectionner. Curieux, Antoni s'approchait pour voir le rendu, alors que Dulce se ruait vers Haris en disant qu'elle voulait dessiner.
Vasco, lui, ne bougeait pas d'un poil.
Il restait là, bouche-bée, à observer la princesse de la tête aux pieds. Sa peau était recouverte de peinture. Et elle était en sous-vêtements.
Sa salive se bloqua dans sa gorge. Alors qu'il n'avait qu'une envie : toucher son corps qui avait tant changé.
Ses cuisses qui se touchaient. On ne voyait plus ses côtes, et voir la peau lisse de son ventre faisait enfler son désir. Ses hanches étaient plus appuyées. Son bassin plus lisse et arrondis.
Il avait l'impression de planer. Sous la couche de peinture, Chrysis avait rougit, gênée. Baissant la tête d'un geste machinal, elle s'était rapidement dirigée vers la salle de bain.
Il aurait bien voulu la retenir. La serrer contre lui. Dans ses bras. Découvrir la moindre parcelle de son corps que jadis, il connaissait si bien. Mais il resta là, immobile, incapable de faire le moindre geste.
La princesse resta très longtemps dans la salle de bain. Antoni avait fini par rentrer chez lui, justifiant qu'il était attendu chez des amis. Kim, lui, attendait que sa toile ne sèche avant de l'emballer.
Après avoir terminé la préparation de son exposé avec Noah, Vasco laissa ses jambes le guider de manière robotique vers le deuxième étage de la villa. Depuis tout à l'heure, son imagination de pouvait s'empêcher de voir et revoir l'image du corps féminin face à lui.
L'eau dans la douche ne coulait plus, et il entra dans la salle de bain après avoir toqué doucement. La jeune femme se retourna vers lui, surprise de le trouver ici.
Sur sa beau blanche brillait quelques gouttes d'eau. Des sous vêtements propres couvraient ses parties intimes, et ses cheveux blonds encore mouillés coulaient dans son dos.
Vivement, elle s'empara d'une serviette pour entourer son corps.
— Qu'est ce que tu veux ? Souffla-t-elle.
— Ne fais pas ça. Avait-il continué sur le même ton.
— Quoi donc.
Ses iris verts étaient si profonds qu'on s'y noyait même avec un gilet de sauvetage. Le jeune homme marcha vers elle, d'une telle manière qu'il semblait flotter au dessus du sol.
La seule vision de sa peau le rendait ivre. Joyeux. Léger. Comme si rien de ce qui l'entourait n'était réel.
Vasco posa sa main sur la joue de son interlocutrice qui, stoïque, le regardait sans rien faire.
— Ne te cache pas...
Son chuchotement était identique à un vent qui faisait danser les feuilles d'automne. Il fit glisser sa main sur la peau bronzée de la princesse, pour faire doucement tomber la serviette qui la recouvrait.
— Qu'est-ce que tu veux ? Répéta-t-elle d'une voix bien moins assurée. Tremblante, même, et qui s'évanouit alors qu'il venait caresser ses hanches.
Je te veux toi.
Mais impossible de prononcer ces mots à voix haute. Il les pensa juste, de manière si puissante que cette petite phrase rebondit en éco dans sa tête durant de lourdes secondes.
Ses lèvres s'écrasèrent dans le cou féminin. Presque sur la clavicule, qu'il parcourut tout en faisant glisser ses mains sur ses cuisses, son ventre, son dos.
Un millier de papillons envahit son corps. Son bas ventre. Son désir qui enflait. Ça piquait. Il sentait son sang bouillir dans ses veines, se mit à trembler de passion.
Arrête toi, arrête toi.
Mais la peau de Chrysis était comme une drogue. Et Vasco avait besoin d'une overdose.
— Tu es si belle...
Il susurra ses mots dans un gargouillis que sa gorge ne parvint pas à contenir.
— Tu es si belle. Répéta-t-il, laissant cette fois apparaître dans son timbre vocal le gémissement de son âme.
Il se redressa. D'abord doucement. Puis vivement, comme si l'hypnose du rêve avait été rompue brusquement.
Vasco prit peu à peu conscience de ce qui venait de se produire. Des glaçon refroidirent son corps bouillant et il s'immobilisa, yeux égarés.
Apeurés.
Un pas en arrière, chancelant.
— Je...
— As...
Des mots en suspens. Ce fut Chrysis qui rompit le silence :
— Je pense qu'il va falloir qu'on se calme.
La douche froide.
Il pleuvait dans le cœur de Vasco. Et quelques gouttes virent envahir ses yeux, mais qu'il ravala avec empressement. Le soleil qui émanait de Chrysis le réchauffa malgré tout. La tristesse s'évapora, un peu.
— Oui, bien sûr...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro