J'ai été obligée d'attendre la nuit suivante pour pouvoir regagner mes quartiers, comme il se devait. Deux époux ne dormaient pas dans la même chambre, c'était indécent.

J'ai également été obligée d'attendre cette nuit-là pour pouvoir descendre aux cachots rendre visite à Erwan.

Il devait être près de deux ou trois heures du matin quand j'ai enfin réussi à descendre. Sauf que deux hommes montaient la garde, aussi je n'ai pas pu m'approcher sauf si j'avais voulu qu'ils me voient. Aussi, je suis remontée dans ma chambre et je me suis recouchée, frustrée.

Lorsque j'ai ouvert les yeux, il faisait jour et le soleil entrait par la fenêtre.

Je me suis assise sur mon lit en me frottant les yeux tandis que des coups étaient frappés à ma porte. Sophie.

– Entrez, ai-je lancé.

La femme de chambre s'est exécutée en souriant.

– Bien le bonjour, Votre Altesse. Vous avez bien dormi ?

Maintenant qu'elle le demandait, en effet, j'avais dormi comme un loir. Pour une fois, je n'étais pas sortie pendant la nuit. Je n'avais pas exploré la ville.

– Oui, ai-je répondu en souriant.

Elle a ouvert les rideaux de ma fenêtre en souriant légèrement avant de se tourner vers moi.

– Vous savez qu'on ne parle plus que de votre mariage ?, a-t-elle alors lancé. Dans toute la ville, d'après ce que j'ai compris, mais ici aussi. Tout le monde jase, se demandant si votre enfant sera un héritier ou une héritière.

J'ai manqué m'étouffer. Mon enfant ? Je n'étais pas enceinte !

– Je ne suis pas enceinte !, ai-je protesté, faisant rire la domestique.

– Nous serons sûrs dans quelques semaines.

J'en étais déjà sûre. J'étais encore vierge alors, à moins d'être Marie la Vierge Éternelle, je n'étais pas enceinte. Cependant, je devais jouer le jeu.

– Certainement.

Je n'allais pas discuter, j'avais d'autres chats à fouetter. Entre autres, je devais absolument aller voir Erwan. Je ne pouvais pas le laisser dans les cachots, surtout sans explications de ma part. Aussi, dès que j'ai été habillée, je suis allée dans la salle du trône, où mon père était assis, seul.

– Père, ai-je dit en faisant une révérence. J'ai une faveur à vous demander.

Mon père a froncé les sourcils. Il était rare que je me montre aussi respectueuse de bon matin et sans raison, et apparemment, il s'attendait à ce que je sois plus froide en raison de mon mariage enfin accompli.

– Je t'écoute.

J'ai respiré un grand coup. C'était le moment de vérité, j'allais enfin savoir si mon plan allait marcher ou non.

– Le garçon qui a tenté de se jeter sur moi pendant la cérémonie... J'aimerais lui rendre visite dans les cachots. J'aimerais savoir pourquoi il m'a appelée Elsa, pourquoi il a eu l'air de me reconnaître alors que je ne suis jamais sortie du château. J'aimerais savoir qui il est, et pourquoi il s'est jeté sur moi.

– Princesse, c'est un fou qui ne pense qu'à te faire du mal !, s'est exclamé mon père en écarquillant les yeux.

Intérieurement, je bouillonnais. Bien sûr que non, Erwan n'était pas fou ! Il ne voulait pas non plus me faire du mal ! Seulement, ça, personne ne le savait, puisque personne ne savait ce que j'avais fait.

– Père ! Il est enfermé dans une cellule du cachot, il ne pourra rien m'arriver. Et je suis persuadée qu'il n'est ni fou ni violent. J'aimerais savoir ce qu'il s'est passé, c'est tout. Il sera enfermé, je ne risque rien.

Mon père a soupiré longuement.

– Bien. Si tu insistes.

– Merci. J'aimerais cependant être seule avec lui, si vous me le permettez. Il risque de prendre peur si les gardes restent, alors que si je suis seule, j'ai peut-être une chance de comprendre pourquoi il a agi ainsi.

– Balivernes !, a tonné le roi en se redressant fièrement sur son trône.

J'ai résisté à la tentation de me prendre la tête entre les mains.

– Père, il est enfermé, je ne risque rien. Je vous le demande, laissez-moi le voir seule à seul. Il ne pourra rien m'arriver.

Il a eu l'air de sincèrement réfléchir à la question, et j'ai prié pour que ça marche. Alors, il a hoché la tête et j'ai jubilé silencieusement. J'ai fait une révérence, un léger sourire aux lèvres.

– Je vous remercie, Père.

Je suis alors sortie, escortée par un garde, qui m'a emmenée jusqu'aux cachots. Puis il est parti en emmenant avec lui les deux autres gardes.

Je distinguais à peine les cellules, mais pour l'instant, toutes celles que je voyais étaient ouvertes. Sauf celle du fond.

Je m'en suis approchée silencieusement.

– Erwan ?, ai-je murmuré à travers les barreaux.

Il faisait beaucoup trop sombre pour que je distingue quoi que ce soit dans la cellule, mais une voix a demandé :

– Elsa ?

Aucun doute, c'était bel et bien la voix d'Erwan. Il semblait faible et malade, mais comme je ne pouvais voir son visage, je ne pouvais être sûre de rien.

– Erwan, ai-je soupiré, soulagée. Est-ce que tu vas bien ?

Quelle question ! Bien sûr que non, il n'allait pas bien ! Il venait de découvrir que j'étais la princesse et que j'étais mariée, et en plus de cela, il avait été jeté aux cachots pour avoir tenté de se jeter sur moi.

– Je ne sais pas, a-t-il répondu froidement. À toi de me le dire. Tu penses que tu irais bien, si la personne dont tu étais amoureux n'était pas celle qu'elle prétendait être ? Si elle était mariée ? Si elle n'était pas... l'apprentie des cuisines qu'elle disait être, mais bel et bien la princesse ?

Il a reniflé et je me suis demandé s'il pleurait. Je n'avais aucun moyen d'être sûre.

– D'ailleurs, je devrais peut-être vous vouvoyer et vous appeler Princesse, non ? Parce qu'après tout, c'est votre prénom. C'est votre rang.

Sa voix était emplie d'amertume et mon cœur a battu un peu plus vite que la normale. Je ne voulais en aucun cas le blesser.

– Non. Je veux dire... Si, mais... Je n'ai jamais voulu être une princesse, tu sais. Je n'ai jamais voulu de la vie que j'ai.

– Et votre mariage ?, a demandé Erwan encore plus froidement qu'avant. Vous aviez déjà prévu de vous marier avant même qu'on se rencontre, mais vous vous fichiez pas mal de jouer avec mes sentiments !

– Quoi ?! Non ! Enfin, si, le mariage était déjà prévu mais... C'est pour ça que je me suis disputée avec mon père et que je me suis enfuie du château la première nuit ! Je n'ai jamais voulu me marier avec Philippe ! Et plus qu'autre chose, je n'ai jamais joué avec tes sentiments !

J'ai soupiré pour me calmer un peu. Même s'il n'y avait personne d'autre dans les cachots, il aurait été idiot que quelqu'un m'entende et découvre la vérité sur Erwan et moi.

– Mais j'ai toujours été sincère. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je vais partir. Puisque vous avez décidé que j'étais votre ennemie...

Je me suis levée avec un calme olympien, sachant pertinemment qu'il ne pouvait pas me voir rougir dans l'obscurité.

– Depuis quand est-ce que tu me vouvoies ?, a alors demandé Erwan, d'une voix où ne perçait plus aucune trace d'amertume.

J'ai haussé les épaules et me suis rapprochée des barreaux.

– Et toi ?

Il a eu un hoquet de stupeur et s'est indigné :

– Mais tu... vous... la princesse, enfin !

J'ai haussé les épaules une seconde fois.

– Et alors ? Tu ne m'as pas écoutée ? Je refuse d'être une princesse. Et je refuse que tu me vouvoies ou que tu m'appelles Princesse, c'est clair ? Mon prénom est Elsa, tache de t'en souvenir ! En attendant, je vais trouver une solution pour te faire sortir d'ici.

Sans attendre sa réponse, je suis partie. Il fallait absolument que je voie mon père, Erwan avait passé la nuit entière dans sa cellule, et ça suffisait largement. C'était même trop à mon goût. Je ne pouvais pas le laisser là. 

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Salut à tous ! Et voilà ce nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plaira ! Plus que cinq maintenant les amis !

Merci de lire cette histoire ! 💖

Axelle