Planète Sadanar Tertius, Zone Secondaire, ville d’Antigus, Q.G. du F.A.S.T. 23h58

Les rapports militaires étaient pour l’instant assez optimiste. Les Galaids avaient été refoulés dans un quartier abandonné, où ils subissaient un pilonnage intensif. Jusqu’ici, l’ennemi n’avait pu infliger de coup significatif, et avait dû battre en retraite à chaque fois qu’il avait tenté de reprendre une portion de la ville.

Pourtant, tout n’était pas rose. Les réserves de nourriture synthétique s'épuisaient plus vite qu’elles ne se renouvellaient. Il fallait transférer davantage de personnes dans les secteurs de production alimentaire, sans pour autant négliger la production militaire. D’autant que le temps de la taxe coloniale approchait, et mieux valait ne pas prendre de retard…

Si la guerre venait à se prolonger, il faudrait également enrôler, de force s’il le fallait, pour contrer la menace mécanique.

Telles étaient les directives des hautes instances données à Cassandre. Cette dernière ne les avaient évidemment pas remises en causes, elle ne voyait pas l’intérêt de discuter des ordres. D’où son incompréhension du général Midral. Son attitude lors de l’attaque du complexe Galaid s’était largement apparentée à de l’insubordination. La démarche à suivre était incertaine. D’un côté, il s’agissait là d’un acte grave, passible de la peine de mort. De l’autre, Midral représentait un élément non négligeable de commandement. Son sort serait statué par les dirigeants de la planète plus tard. pour l’instant, il fallait préparer les armées du système à annihiler les Galaids.

Le bruit d’activation de la porte du bureau attira l’attention de la Maréchale. Personne n’était censé venir à cette heure là. Quand bien même, si quelqu’un avait à venir, il avait obligation d’informer au préalable de sa venue. Sauf qu’ici, personne n’avait franchit la porte, elle s’était ouverte toute seule. Les détecteurs placés de part et d’autre de la porte étaient normalement assez puissants pour deviner la présence d’une personne, et de faire fonctionner le système d’ouverture. Ils n’étaient pas censés faire d’erreurs, et c’était bien la première fois que Cassandre était témoin d’un tel évènement. Elle n’en tint cependant pas compte. Ce genre d’évènement ne devait pas entraver la gestion militaire.

Par contre, elle ressentit une pointe d’inquiétude quand elle s’ouvrit une seconde fois, plus longtemps cette fois-ci, comme pour laisser passer quelqu’un. Évidemment, il n’y avait personne.

La gradée posa sa tablette de données sur son bureau et attrappa le pistolet à plasma léger situé dans le tiroir supérieur du meuble.
Un excès de prudence valait mieux qu’une mort tragique.

La porte s’ouvrit, une troisième fois.

Cassandre pointa son arme vers elle.

Il n’y avait personne.

La tension accumulée quitta le corps de la militaire, désormais, il fallait appeler un technicien pour qu’il fixe ce problème.
Encore fallait-il pouvoir se déplacer pour cela.

Les membres de l’humaine s’étaient brutalement immobilisés, comme gelés.

Une force implacable la fit tomber à genoux, impuissante, tandis que son pistolet tombais lourdement.

- Maréchale! Depuis tout ce temps j’attendais de pouvoir vous rencontrer, c’est un honneur!”

La voix n’avait rien d’humain, c’était certain. Elle possédait un timbre froid, mécanique et puissant. La voix d’un être fort et indépendant de toute autorité. La voix d’un maître du monde.  

- Je vous avoue que j’aurais grandement aimé vous rencontrer plus tôt, mais les récents événements ont accaparé tout mon temps! Et je peux comprendre que vous soyez méfiante, quand on voit comment a finit votre prédécesseur…”

Cassandre parvint, au prix d’un effort inimaginable, à tourner la tête vers son interlocuteur. Ou plutôt, d’après le ton de la voix, son interlocutrice. Indiscutablement, il s’agissait d’une Galaid, à l’armure faite de ténèbres, et aux yeux brillants d’une lueur blanche. Cette dernière fouillant dans les tiroirs du bureau. Le meuble avait été fabriqué fabriqué à partir d’un bois véritable, pas à l’aide de matière synthétique comme la plupart des objets des Solariens.

Le reste de la salle possédait des caractéristiques semblables, les colonnes aux coins étaient composées de matériaux importés du Système Solaire. Elle était assez large pour un bureau, capable d’accueillir plus d’une dizaine de personne. Devant le meuble de la Maréchale se trouvait une table possédant un système holographique.

L’endroit avait été richement construit, sous la directive des anciens Technos-Maréchaux. Cassandre ne possédait cependant pas ce goût prononcé pour le luxe, ni pour aucune autre chose à vrai dire. Cela posait une contradiction entre l’avidité des anciens dirigeants, et la sobriété de la femme.

L’ombre dévoreuse d’Altays se pressa contre l’insigne Solarien sur un des murs, faisant éclater les bandes de Luminion qui l’entourait. Derrière se trouvait un emplacement enfoncé dans le mur, contenant plusieurs objets, dont une bouteille que la fumée noire attrapa et lança vers sa possesseuse.

- Vous faites encore du vin? Même après toutes ces siècles? Voyons s’il a toujours aussi bon goût!

La machine se métamorphosa sous le retard ahuri de Cassandre. Elle prit m’apparence d’une femme d’une vingtaine d’années, teintée de ténèbres. Sa peau, comme ses yeux et ses cheveux avaient une couleur noire. Son visage ovale exprimait une certaine dureté, mais également une insouciance rare. Son armure avait rétrécit, s’adaptant à sa carrure plus petite. Cela permit à la captivé d’observer les deux armes dans son dos, deux gigantesques faucheuses d’acier prête à arracher la vie.

- C’est étrange, on dirait que vous avez mélangé du vin Terrien avec de l’eau Sadanarienne! C’est le cas? Les humains débordent vraiment d'imagination!”

Évidemment la Maréchale ne pouvait pas répondre. Et ne l’aurait pas fait de toute façon.
A quoi cette machine s'attendait-elle? A engager tranquillement une discussion avec l’adversaire, après l’avoir capturé? Cela était ridicule.

- Enfin! Exactement ce que je cherchais! Merci beaucoup Cassandre, cela me permet d’économiser un temps incroyable!”

Cette dernière se raidit, comment connaissait-elle son nom? A moins d’avoir intercepté son nom, ou de l’avoir arraché à un des Solariens avant de le tuer, elle ne voyait pas trop comment.

Le rire d’Altays résonna dans la salle.

- Très chère voyons! Vous manquez à ce point d’imagination? Il y a tellement d’autres moyens!”

Alors qu’elle s'apprêtait à dire continuer son dialogue de sourds, quelque chose attira son attention sur la table au centre de la salle.

- C’est donc comme ça que vous utilisez nos Prysis?”

La voix était devenue aigre, pleine de rancoeur, peut être même de colère.

Le projecteur holographique de la table trembla, secoué par une force invisible, puis explosa en centaines de morceaux. Certains, de forme sphérique, de couleur blanche et de la taille d’un poing humain, prirent de la hauteur comme par magie. Ils étaient six, et servaient normalement à décorer le projecteur, d’autant qu’ils semblaient amplifier la puissance de la machine.

En se rapprochant d’Altays, ils commencèrent à pulser, la lumière qu’ils produisaient s’amplifiat, projetant des volutes de fumée blanche aux alentours. La guerrière les attrapa, et les rangea dans un compartiment de son armure.

Une brusque décharge traversa le corps de Cassandre tandis que l’Enoclass était obnubilée par ses pierres lumineuses. Elle avait la certitude que si elle ne faisait rien maintenant, elle mourrait. Une puissance comme elle n’en avait jamais ressentit se mit à couler dans ses veines. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait vivante, elle avait un but, survivre. Et elle ne comptait pas l’abandonner de sitôt. Depuis tout ce temps, elle n’avait fait qu’obéir sans réfléchir. Jamais elle n’avait agit de son plein gré, toujours pour les intérêts de quelqu’un d’autre.

Mais c’était terminé, désormais elle comptait bien vivre pour elle, pour ses intérêts à elle.
Par sa volonté, elle parvint à s’extraire de l’étaut exercé par l’ombre d’Altays, et attrapa son pistolet, avant de le pointer vers celle-ci.

Le tir fut rapide, cependant les réflexes de la Galaid était trop développés pour être mis en échec par une telle action.
À une vitesses surhumaine, la guerrière métallique, quittant sa forme humaine, se dirigea vers l’arme plasmatique, tout en esquivant un second tir. Dégainant une de ses faux, elle la fit tournoyer dans sa main droite, avant de la faire traverser la gorge de l’humaine. La vie s’écoulat en un long fleuve en dehors du corps mutilé.

Comment la situation avait-elle dégénéré à ce point? La combattante d’ombre avait encore du trop influer sur sa victime. Une erreur somme toute minime, mais un tel manque de contrôle était stupide, et entraînait des conséquences inattendues. Altays ne comptait pas tuer l’humaine, au contraire. Elle y avait vu un parfait moyen de manipuler les autres décisionnaires humains. Car elle n’était qu’un pion, un être manipulable. En entrant dans la salle, l’Enoclass n’avait vu en elle aucun potentiel, aucune chose prometteuse. Et pourtant, voilà qu’elle était morte. Encore une fois, les humains étaient surprenants.

Alors qu’elle sortait par une des fenêtres, la guerrière porta son regard vers le corps sans vie.

- Adieu Cassandre. Votre mort est malheureuse, mais elle servira malgré tout notre plan. Je suis navré d’en être arrivé là. En d’autres circonstances, peut-être auriez vous pu vivre une vie telle que vous autres humains y aspirez.”