Éveil Partie 5
Planète Sadanar Tertius, Zone Primaire, 04h35
La nuit sur Sadanar Tertius se définissait par l'absence de lumière « naturelle » étant donné que la planète est intégralement cybernétique. Le seul astre tournant autour de la planète était un soleil qui donnait à tout ce qui se trouvait sur Sadanar une légère nuance d'azur.
Il n'éclairait cependant qu'un tier de la planète à la fois. Pour parer à cette absence de lumière, les colons avaient créés et exploités de nombreux systèmes lumineux à base de Luminion, un minerai produisant une source de lumière autonome. Le meilleur exemple de l'ingéniosité humain à ce niveau là était le Lumi-Drone, une sorte d'insecte robotique volant projetant des faisceaux de lumière dans la direction souhaitée. Le sol des rues était également composé en partie de Luminion, ce qui permettait d'illuminer, même très faiblement l'espace public.
Il était donc étrange que deux formes indistinctes puissent se déplacer dans l'ombre. L'éclairage se désactivait anormalement lors du passage des deux entités. Elles ne purent observer que de rares humains se déplacer de nuit dans cette zone. Ils avaient plus tendance à en profiter dans les grandes villes de la zone Tertiaire, même si plusieurs étaient réticents à l'idée que leur peau bleuisse sous l'effet des Luminions.
Cependant, le nombre de réfractaires ne faisait que de diminuer au fil du temps. Toujours est-il que le peu de passants qu'elles croisaient ne risquait pas d'aller voir les forces de sécurité de la planète parce qu'ils avaient vu les lumières dysfonctionner un court instant.
Malgré tout, les Ayclids durent s'arrêter quand Syrok tomba en avant. Neclays pu le ramasser puis le poser sur son épaule sans difficultés. Il vit avec inquiétude que le sol était zébré de griffures profondes. Il réussit à trouver un bâtiment abandonné, une ancienne bâtisse en partie détruite lors d'une des dernières guerres. Ici, la plupart des bâtiments étaient d'origine Galaid. Il n'était pas compliqué de différencier les constructions des machines de celles des humains.
Les premières possédaient un style ancien, des formes élancées, et des tailles gigantesques, tandis que les dernières reposaient sur une architecture plus simple, plus carrée, et plus tassée. Cela s'expliquait par l'ancienne architecture Solarienne, d'une époque de crise où la forme et la beauté importaient peu.
En passant dans l'entrée, Neclays pu observer une statue de Galaid encore intacte après tous les affrontements qui avaient eu lieu sur la planète. Le bleu omniprésent sur cette planète laissait place à un mélange de violet et de gris. Plusieurs morceaux de minerais et de métaux avaient été arrachés, sans que cela n'entache la beauté de la sculpture.
Elle représentait un combattant à l'épée légèrement courbée vers l'arrière, tandis que son autre main, celle de droite, portait un bouclier de forme rectangulaire. Il s'agissait là d'une armure lourde, possédant des protections imposantes, des membres épais, ainsi qu'un casque protégeant intégralement le visage du combattant de pierre.
Bien que n'appréciant pas vraiment la forme du bouclier, il préférait ceux aux formes arrondies, l'apparence de ce guerrier lui plaisait. L'entrée fut suivie par une large salle remplie de Naerite, une roche violette extraite de la planète Idrican, principalement utilisée par les Galaids dans le modelage, que cela soit d'armes ou de sculptures. Le sol se craquela légèrement quand le guerrier inerte y fut posé.
- Il faut que tu te contrôles d'avantage Syrok. Nous ne pouvons prendre le risque de nous faire repérer."
Les deux protagonistes reprirent leur forme mécanique. S'il y avait bien une chose que le guerrier de sang détestait, c'était de devoir éviter le danger plutôt que de se battre. D'autant que ses réserves de patience étaient minuscules, voire inexistantes, comme avait pu le constater son comparse. Autant dire que le reste du trajet risquait d'être long.
- Ça ne te fait rien de devoir te cacher ? De devoir éviter ces insectes ? Et tu prétends être un guerrier ?"
À la parole s'était joint un regard meurtrier légèrement empreint de folie.
- Être un guerrier ne signifie pas uniquement de se battre. C'est aussi savoir quand la bataille n'est pas nécessaire pour obtenir la victoire."
Cette réponse ne semblait pas vraiment satisfaire Syrok.
- Tu ne comprends pas, Neclays."
- Alors explique-toi."
Des éclairs bleu marin sortirent des yeux de la bête d'acier.
- Ces maudits humains m'ont détruit. Ils m'ont torturé réduit à l'état de monstre. Et maintenant, ils ont envahi notre monde et l'arpentent comme s'ils le méritaient. Et toi tu veux juste que l'on passe à côté d'eux comme si ne rien n'était ?"
Syrok n'avait clairement pas eu de chance, c'était le moins que l'on puisse dire. Des humains avaient découvert son lien avec Sadanar Tertius quand il vivait encore sur Terre, et l'avait capturé et torturé. Autant dire que cela lui avait laissé de sérieuses séquelles.
Enfermé durant l'invasion de Sadanar Tertius, il avait finalement réussit à s'enfuir lors de la reconquête des Galaids et à aider ses comparses à combattre les envahisseurs. Malheureusement, les envahisseurs avaient découvert que le Néodium faisait effet sur les Galaid, fait surprenant car il s'agissait de machines.
Techniquement, le gaz verdâtre était utilisé dans des raffineries de minéraux. La plupart des Galaids restants avaient été éliminés, les autres, assujettis aux humains. Syrok et Neclays s'étaient retrouvés enfermés par le défunt Magros. C'est à ce moment-là que la démence du guerrier de sang était devenue critique.
Plus tôt, elle aurait pu être soignée et disparaître, mais des années d'enfermement avaient annihilé tout espoir de guérison. Depuis, il cherchait par tous les moyens à se venger de ses tourments.
- Le temps viendra Syrok, reste patient."
Ce dernier fit craquer le sol quand il se releva.
- Chienne de vie" grommela-t-il.
Son interlocuteur exprima son incompréhension par une colorisation orangée de ses yeux. Encore un ancien réflexe d'humain de la part du guerrier de sang.
- On a perdu assez de temps comme ça ! Allez ! On a des humains à tuer !"
Les deux guerriers reprirent leurs fausses apparences puis se remirent à courir.
Quelques heures après, ils durent stopper leur avancée. Devant eux se trouvait un poste de contrôle qui marquait la séparation entre les faces Primaire et Secondaire. Pour l'instant, ils ne pouvaient pas y passer. Ils devaient attendre le moment opportun.
Sans être vus par les gardes, ils rentrèrent dans un bâtiment abandonné, ils étaient légion dans cette ancienne zone de bombardée. Cette fois-çi, il s'agissait d'un ancien bâtiment humain. Les murs de la salle d'entrée avaient été épargnés par les bombes, ne laissant passer que peu de lumière par la porte. Alors que Neclays tirait sans faire de bruit la porte d'acier, il pu entendre un minuscule tiquetis. D'abord un, puis deux, puis trois, et au final une dizaine. Quelques petits insectes se rapprochaient des visiteurs, curieux de revoir des Galaids après des années d'absence.
Des Scormers.
Le guerrier d'Azur les avaient presque oubliés. Difficile de faire attention à eux quand un tel titan d'acier se tenait à leur côté. Les guerriers auraient pu les écraser de leurs pieds sans même faire attention. Pourtant, les bestioles ne semblaient nullement impressionnées par la taille des nouveaux arrivants, au contraire. Leurs yeux rougeoyants éclairaient légèrement l'endroit. Plusieurs des créatures, plus téméraires que leurs camarades, commencèrent à escalader les pieds de Syrok.
Des tremblements firent bouger ses jambes, comme si cela le démangeait. Cette idée amusait Neclays. Posant sa main par terre, il laissa une des bêtes lui monter dessus. L'Ayclid faisait preuve de beaucoup plus de délicatesse que sa carrure massive pouvait laisser imaginer. L'insecte métallique semblait impressionné, il voyait le monde comme du sommet d'une montagne. L'un des yeux du Scormer s'éteignit avant de projeter un pictogramme au sol, indiquant une direction à suivre. Puis, l'hôte du Galaid d'Azur sauta de son promontoire et s'en alla dans la direction qu'il avait indiquée.
Neclays était disposé à suivre la directive de son hôte, cependant, Syrok semblait grandement occupé à déloger ses envahisseurs, tout en évitant de les écraser. Tâche ardue quand on voyait les mains du guerrier, conçues pour tuer. Cela semblait même impossible quand on connaissait son caractère brutal et impulsif. Pourtant, tous les insectes mécaniques furent posés au sol sans être blessés. L'Ayclid de sang avait étonnement fait preuve de délicatesse envers les minuscules créatures, qui le suivaient désormais à une distance respectable, le scrutant de leurs grands yeux écarquillés. Le comparse de Neclays semblait malgré tout réticent à l'idée de suivre ce signal.
- Suivons-le, que risquons-nous de toute façon ?"
- Et notre objectif ?"
- Rassure toi Syrok, nous avons encore quelques cycles devant nous."
Sur ce, Neclays partit dans la direction de l'insecte, qui grimpait laborieusement les marches d'un escalier jonché d'ordures métalliques. Le deuxième Galaid le suivit, accompagné d'une horde de Scormers admiratifs.
L'escalier débouchait sur une salle portant les traces d'une ancienne escarmouche. Plusieurs impacts de projectiles légers faisaient face à d'autres, moins nombreux, mais plus larges. Le plafond déchiré laissait voir une disposition similaire à l'étage supérieur.
Parmi les morceaux de roche arrachés, les douilles de balles et les circuits endommagés, les deux Ayclids purent admirer une armure Galaid resplendissante malheureusement vidée de son occupant. Une large ouverture au torse montrait un habitacle qui ne faisait qu'attendre l'élément qui permettrait à l'armure de prendre vie. Exposé au Néodium, le guerrier d'acier avait dû tomber lors d'une escarmouche. Puis, certains que ces derniers ne reviendraient pas, plusieurs Scormers s'étaient occupé de réparer l'antique armure.
Isolés de tous les évènements extérieurs à leur petit monde, les insectes mécanisés s'étaient attelé à la tâche durant de nombreux cycles. La majorité de ces créatures souffrait d'une sorte de tic nerveux qui consistait à graver un ovale noir entouré d'un cercle pour chaque cycle passé à s'occuper d'une réparation. Certes, chaque sigle ne mesurait que quelques minicrons, moins d'un millimètre, cependant, ils étaient tellement nombreux qu'ils couvraient un flanc entier du corps du Galaid. Les Scormers avaient atteint un niveau de perfection jusqu'ici rarement atteint. En temps normal, les armures n'étaient que peu améliorées après leur création. Leurs possesseurs ne supportaient pas de rester inactifs plus de quelques cycles. Chose parfaitement compréhensible quand on savait que l'âme d'un Galaid était réduite à observer son corps désactivé lors des réparations d'envergure. Une telle inaction n'était supportable pour personne. Toujours est-il que les deux comparses avaient affaire à un véritable chef-d'œuvre. S'il n'avait pas été aussi attaché à son armure, Neclays aurait volontiers emprunté celle-ci.
- Que fait-on maintenant ?"
Syrok semblait peu disposé à rester, il l'était pour tout ce qui pouvait s'apparenter à de l'inaction. Plusieurs Scormers commençaient déjà à se rapprocher de lui pour l'escalader à nouveau.
- On attend."
Le grognement de frustration du guerrier de sang fit reculer les minuscules explorateurs. Neclays posa son épée au sol. Immédiatement, les créatures robotiques se jetèrent dessus, dans l'objectif de réparer les imperfections de l'arme. Alors que son détenteur allait s'assoir à côté des travailleurs, quelque chose le fit relever la tête vers son comparse. Ce qu'il vit lui fit ressentir ce qui s'apparentait à de l'amusement.
Un Scormer plus imposant que la moyenne avait réussi à grimper dans le dos de Syrok, puis à utiliser son fuseur sur l'arrière du crâne du Galaid. Des étincelles jaillirent du bout de l'outil de réparation.
- Si ces saletés voulaient bien me laisser tranquille !"
- Ces « saletés » comme tu dis-t-on déjà sauvé la vie un certain nombre de fois. Tu pourrais au moins te montrer reconnaissant."
- Peut-être mais ce machin est en train de me brûler la tête !"
L'Ayclid de sang essayait d'attraper son agresseur, qui se contentait de descendre dans le dos du géant pour éviter ses griffes, avant de reprendre son travail. Finalement, le Scormer parvint à extraire un circuit endommagé du casque rayé, puis à le remettre à sa place. Les yeux de Syrok devinrent jaunes de surprise. On aurait dit qu'il voyait le monde d'un angle nouveau. De son côté, le Scormer attendait désormais devant son patient, ses pattes tiquetants d'impatience. Visiblement, il tenait vraiment à connaître l'avis du Galaid à propos de son intervention.
- Merci" bougonna celui-ci avant d'aller s'assoir plus loin, suivi par des insectes revigorés par la réussite de leur semblable.
Pendant ce temps, Neclays avait récupéré son arme, désormais brillante d'énergie. Il avait l'impression d'avoir une meilleure prise en main, la lame était plus équilibrée. Elle produisit un léger tintement durant le moulinet que lui fit exécuter son propriétaire. Un hochement de tête satisfait de sa part suffit à rendre heureux plusieurs Scormers qui repartirent à la chasse aux améliorations.
- On attend quoi maintenant ?" Syrok tordait un morceau de métal avec ses griffes, tandis qu'un Scormer s'agitait en dessous de ses mains pour essayer de récupérer le débris.
- Un signe Syrok."
- Et bien il a intérêt à vite venir" conclut le Galaid de sang avant de lâcher l'acier tordu devant l'insecte robotique, qui récupéra son butin pour aller le poser sur une pyramide de détritus.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas pu mettre mes pensées en ordre comme ça. Encore un vieux réflexe d'humain, ça a tendance à avoir plus d'influence qu'on ne peut le penser.
La dernière fois c'était juste avant que Magros ne nous enferme dans sa cage. Désormais il ne pourra plus nous causer de problèmes comme il l'a fait auparavant. Gren non plus. Ils deviane tous les deux faire parties des individus les plus tenaces face à nous. De tous les humains que nous avons combattu au commencepent de cette guerre, il n'en reste plus beaucoup. La plupart sont morts. Et une partie a abandonné l'idée de se battre encore.
La situation est précaire. Deux Galaids pour sauver toute une planète des humains ne risque pas d'être aisé. Enfin, il y a aussi le groupe de Caeryd. Eux aussi ont leur rôle à jouer.
Je crois bien que ce que je ressens, c'est de la peur, la peur de l'échec. Cela faisait bien longtemps que je n'en avais pas autant ressenti. Il y a bien plus que nos vies en jeu, il y a toute la planète, et ceux qui y vivent. Enfin, ceux qui restent depuis l'arrivée des humains. Tellement sont morts depuis...
C'est d'ailleurs surprenant de voire que les Scormers nous font encore confiance. Après tout, ils auraient très bien pu partir et nous laisser se débrouiller avec nos problèmes. Et bien non, ils ont choisi de rester avec nous. Tant mieux, ils seront de précieux alliés.
Je me demande si ils n'ont pas un effet térapeutique sur Syrok. Je suis encore surpris qu'il n'ait pas encore tenté de tuer ceux qui s'approchent trop de lui. Pour l'instant on dirait qu'il dort. Ou qu'il rumine ses pensées. Son côté Galaid semble reprendre le dessus et c'est bien mieux ainsi.
En parlant de Syrok, que va-t-il advenir de lui? Ses chances de survie sont proches de zéro, impossible de l'intégrer à une escouade de combat, son caractère empêche toute coopération. Et étant donné que l'instinct de conservation semble l'avoir épargné, combattre seul serait suicidaire pour lui. Mais n'est-ce pas ce qu'il recherche? A chaque fois qu'on lui a demandé ce qu'il comptait faire, une fois la planète libérée, il a toujours éludé la question. Peut être ne sait-il pas lui même.
Je ferais tout ce que je peux pour l'aider. Il mérite mieux qu'une vie de tuerie et de guerre.
Tout le monde le mérite.
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