Je sais, au plus caché d'un joli petit bois,
Un enclos minuscule et mangé d'herbe folle.
Souvent mon pas m'y mène, et souvent m'y asseois,
Et toujours malgré moi quelque soupir s'envole...

S'envole tristement vers un matin frileux,
Humide, et de rosée et de peine ingénue,
Eté à son déclin et le cœur si brumeux,
Moi qui tient en mes mains chose inerte et menue.

Il s'appelait Minuit, moitié blanc, moitié noir :
C'était un lapin-nain, cadeau d'anniversaire,
Ou peut-être de fête, ou de simple vouloir,
A qui j'avais voué une amitié sincère...

Comme un tout jeune enfant, il savait, gentiment,
Nicher son museau rose au creux de mon épaule,
Et j'avais sur le cou, léger chatouillement,
Invite à la caresse, un petit souffle drôle...

Du parfum d'une fleur, qui n'a été charmé ?
Mais qui sait le plaisir de plonger son visage
Dans la douce moiteur d'un pelage embaumé,
Recréant de l'enfance une idyllique image ?

Me revient en mémoire un tout petit tombeau,
La bêche qui s'enfonce entre pierre et racine,
Mon fardeau, tiède encor, si soyeux et si beau,
La bêche qui s'enfonce et l'absence dessine.

Naïve sépulture où le temps, chaque jour,
Sur la tendre épitaphe honteusement s'obstine,
Tandis qu'un lierre épais accroché, plein d'amour,
Aux branches de la croix sa grâce serpentine.

Parfois une menotte, avec dévotion,
Y dépose en secret quelque gerbe modeste
Et j'arrange à mon goût, non sans émotion,
Cette moisson fleurie à la fraîcheur agreste.

Je sais, au plus caché d'un joli petit bois,
Un enclos minuscule et mangé d'herbe folle.
Souvent, mon pas m'y mène, et souvent m'y asseois,
Et toujours malgré moi quelque soupir s'envole...