Tu es toute de platitude,
Moi je prise peu l'altitude,
Et je pose sur ton portrait
Un regard de tendre habitude
Qui le pare de maint attrait.

Etale sans monotonie,
Tu fais naître une symphonie
Du moindre de tes arcs-en-ciel :
J'aime la savante harmonie
De ta palette aux tons de miel.

Le long des chemins de halage,
Je me promène et je voyage...
Au garde à vous, les peupliers
Sur la péniche à son passage
Veillent ainsi que grenadiers.

Tu traînes tes eaux paresseuses,
De nonchalance bienheureuses.
S'y effilochent dans le soir
Quelques écharpes vaporeuses,
Comme une brume d'encensoir.

C'est l'instant où le jour recule
Pour laisser place au crépuscule
En sa trop brève royauté :
Combien je me sens minuscule
Au sein de cette immensité !

Qui dira la gloire envoûtante,
L'apothéose flamboyante
D'un de tes couchers enchanteurs
Quand, dans sa livrée amarante,
L'astre dévoile ses splendeurs ?

J'aime, au cœur de la saison blonde,
Suivre en leur valse moribonde
Les feuilles, légers parchemins,
Frêles esquifs sur l'eau profonde,
Goélettes sans lendemains...

Tes avrils à l'haleine pure,
Tes étés tout enluminure,
Savent m'enjôler tour à tour...
Et de m'attrister, je n'ai cure,
Quand des frimas c'est le retour.

Je suis toute d'incertitude,
D'espoirs meurtris, de solitude :
De ton image me repais
Insolite de plénitude :
Aurai-je un jour ton air de paix ?