Chapitre 4 - Charlie
J'ai enfin quitté l'autoroute et roule à présent sur des routes de campagne bordées de champs. J'ai poussé le chauffage à fond dans ma voiture car, bon sang ce que ça caille ! Je suis partie assez tôt ce matin. Hier, après avoir réservé mon séjour sur internet, j'ai vite balancé n'importe quelles fringues dans ma valise avant de changer d'avis. Paume-les-isolées. Rien que le nom du patelin me file froid dans le dos. En plus, je déteste la cambrousse ! Y'a vraiment des gens qui aiment ça ? Karma de merde, c'est moi qui vous le dis. Je suis passé d'un voyage romantique à deux sur l'Ile Maurice à dix jours en solitaire, perdue dans le trou du cul du loup.
Malgré mes réticences et ma peur, je sais au fond de moi pourquoi j'ai cliqué. Je sens que j'ai besoin de cette distance et ce temps libre pour me ressourcer. Pour me réapproprier mes pensées et surtout, mon corps. J'embarque avec moi ce vide immense. Il emplit tout l'habitacle de la voiture même si, de l'extérieur il ne se voit pas. C'est un compagnon de voyage pesant, en plus, il ne discute pas beaucoup. Je ne sais pas comment c'est même possible de se sentir à ce point le néant. Cœur vide, cerveau vide et le pire, ventre vide. En plus, j'ai mes règles !
Purée, j'ai failli rater l'embranchement. Ça, c'est tout moi, à force de cogiter en tous sens, je ne suis même pas dans le moment présent. Je bifurque sur la droite. Mon GPS m'indique qu'il devrait rester dix minutes avant d'arriver à destination. Je ne rêve que d'une chose, me prendre un bon bain chaud.
La ferme qui fait chambre d'hôte n'est pas indiquée et me trompe deux fois de chemin avant de trouver le bon. Une longue route de terre m'amène devant une vieille maison, ma foi, assez charmante, d'un ancien corps de ferme.
Je sors de la voiture pour récupérer ma valise et, aucun doute, c'est bien la campagne. Des odeurs de poussière et d'animaux m'assaillent ! Mon Dieu, rien à voir avec l'air de la ville ! Je ne vois personne. Je me décide à aller toquer à la porte principale, trainant ma valise dans les cailloux derrière moi. Les roues se tordent, mes chevilles aussi, quelle plaie ! Sachant le prix que j'ai mis dans cette foutue valise - destinée à la base à un voyage dans les îles en amoureux et pas du tout à un enterrement en pleine campagne -. Agacée, je tire un bon coup sur la poignée et me prends une des roues en pleine cheville. Ça fait mal, la vache !
Je décide d'abandonner là le traitre objet et grimpe trois marches en béton. Des aboiements de monstre sanguinaire furieux répondent à mes coups sur le chambranle. Je déteste les chiens, j'en ai peur ! Qu'est-ce que je suis venue faire ici ?
Cinq minutes se passent pendant lesquelles je perds patience. Puis des bruits de pas et toujours ces aboiements féroces. Le gars qui vient de m'ouvrir la porte, un jeune, est pied nus, complètement débraillé, les cheveux en l'air et arbore un air totalement ahuri sur le visage. Il tient un énorme chien contre lui par le collier. Je lui demande si ma location est bien ici, mais il ne me répond pas, ce qui termine de m'agacer. Je répète :
— C'est ici, oui ou non, la chambre d'hôte ?
Il m'observe des pieds à la tête quand, enfin, la lumière semble se faire.
— La chambre d'hôtes ? Heu, oui. Oui, c'est ici, mais, vous avez réservé ?
D'un coup, il me met le doute, j'ai bien cliqué sur réserver, non ? Oh purée, c'est bien ma veine ! Je l'ai clairement réveillé et il n'a pas du tout l'air de m'attendre. Je sursaute alors qu'il pose sa main sur mon bras. Il sourit.
— Entrez ici deux minutes, il fait froid. Nola, file !
À mon grand soulagement, son fauve sort à l'extérieur. Le gars dévale les trois marches, attrape ma valise comme si elle ne pesait rien et la dépose dans l'entrée. Il enfile à la hâte ses chaussures d'un air gêné. L'intérieur de la maison fait vraiment vieux. Et ça sent vraiment la campagne. J'espère que je ne me suis pas trompée en réservant ? Où est donc la charmante chambre bucolique repérée en ligne ?
— Je suis désolé, je crois bien que je n'ai pas vu votre réservation.
Je le fixe avec des yeux ronds. Il rit doucement avant de s'excuser de nouveau:
— Je... pardon. Voulez-vous un café ? Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour préparer votre chambre.
Comment ça, du temps ? Je viens de passer cinq heures dans ma voiture, je me suis perdue dans ce trou paumé qui porte bien son nom et, maintenant que je suis enfin arrivée, rien n'est prêt ? Je bous intérieurement mais prends sur moi :
— OK pour le café. Vous en avez pour longtemps ?
Le gars regarde sa montre :
— Quinze minutes maximum ?
— Otez-moi d'un doute, j'ai bien réservé non ?
— Aucune idée, je n'ai pas rallumé mon ordinateur depuis un bail !
Ses yeux pétillent. Il disparait une fois ma tasse déposée devant moi.
La maison est comme qui dirait « dans son jus ». Vieux sol aux planches inégales, meubles datant de Mathusalem, seule la télé dernier cri jure dans ce décor du siècle dernier.
Mon téléphone vibre dans ma poche. Mes mains tremblent immédiatement lorsque je reconnais le numéro qui . C'est au moment où je raccroche au nez de l'interlocuteur pour ne pas répondre que mon hôte revient.
— C'est prêt, dit-il. Excusez-moi du contretemps.
Je lui emboite le pas et il attrape une nouvelle fois ma valise. Au moins, les roues seront épargnées.
Nous devons faire le tour de la maison pour accéder à la chambre que je loue. Sur l'arrière, des champs s'étalent à perte de vue. Mon regard s'égare un moment et je trésaille lorsque je sens une main dans le bas de mon dos qui me pousse à entrer dans la pièce. Celle de mon hôte. Je me retourne précipitamment et lui balance un regard noir. Sa main retombe.
— J'ai ouvert les fenêtres un moment, dit-il. Cela sentait encore un peu la peinture. Enfin, elle a séché depuis un moment je veux dire, mais y'a une odeur résiduelle. J'espère que ce n'est pas trop dérangeant ?
Le gars semble attendre ma réponse. La pièce est exactement comme sur les photos : claire, lumineuse et charmante. Le lit à baldaquins invite au repos et le moelleux de l'édredon donne envie de s'y pelotonner. Il m'explique encore deux ou trois trucs sur comment monter le chauffage, le fonctionnement de la douche à l'italienne et de la baignoire à remous avant de repartir.
— Vous ne m'avez pas donné la clef, dis-je.
— Pas besoin ici, aucun risque. On ne ferme jamais rien.
Il blague, non ?
— Le petit déjeuner est à huit heures trente, m'informe-t-il.
Puis, il referme la porte derrière lui.
Enfin seule.
Je referme la fenêtre, l'odeur de peinture se sent à peine, puis je préfère cette odeur de neuf à celle de l'habitation principale. Je me laisse tomber sur l'épais matelas.
Mon portable vibre de nouveau dans ma poche à l'appel du répondeur. Je suis étonnée de recevoir du réseau ici. Je sais bien ce que contient le message. Du moins, je m'en doute fortement. Je me sens juste perdue. Jamais je n'aurai imaginé avoir à décider l'inconcevable. J'ai encore besoin de temps avant de décider. Juste un peu.
A demain pour un nouveau chapitre, n'oublies pas de liker et commenter
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