Chapitre 2 - Charlie
Est-ce que j'ai senti venir la rupture avec Yohann ? Pour être tout à fait honnête, je dirais que oui. Peut-être huit mois qu'il ne m'a pas touchée, que nous n'avons partagé de moments d'intimité. J'ai refusé de voir la vérité en face, à force de ne rien communiquer sur nos ressentis, un gouffre s'est ouvert entre nous. À trop vouloir être trois, nous en avons oublié d'être deux. Si ce n'est pas ironique ?
Je ne sais même pas définir si je suis plus triste de son départ ou de mon échec à devenir maman une fois de plus. Avec cette rupture, mon rêve devient de plus en plus inaccessible.
Voilà trois ans que nous sommes engagés dans ce protocole FIV. Au départ, Yohann et moi étions soudés. Il m'accompagnait à chaque prise de sang et rendez-vous. Puis, il y a eu de plus en plus d'examens à réaliser, aux noms plus étranges les uns que les autres : bilans hormonaux à réaliser aux aurores, évaluation du fonctionnement ovarien,
évaluation du stock de follicules pré-antraux, échographie pelvienne avec comptes des follicules, hystérosalpingographie.
Et pour lui : spermogramme (ou comment se branler sur demande dans une pièce stérile), spermocytogramme, test de migration de survie des zozos – spermatozoïdes pour les intimes.
Notre frigo s'est mis à ressembler à une annexe de la pharmacie avec ses boites à aiguilles usagées, ses hormones à injecter et vitamines en tout genre. Yohann m'aidait à me piquer au début, avant de décréter que je m'y prenais très bien seule.
À la première fécondation, nous y croyions. C'était un peu comme atteindre le graal après avoir essayé deux ans de tomber enceinte naturellement. Enfin, nous allions être parents. Tous ces tests de grossesse négatifs et toutes ces larmes allaient enfin stopper. Il avait fallu ces épreuves pour renforcer notre amour et nous donner le droit de toucher du doigt notre rêve.
Lorsque le résultat de la prise de sang, deux semaines après le transfert, est revenu négatif, je me suis écroulée. Mon corps me refusait ce que je souhaitais tant. J'étais incapable de tomber enceinte, même avec l'aide de la science. Yohann m'avait consolé, nous avions partagé nos pleurs et nous étions raccroché à la suite : deux petits embryons congelés attendaient encore d'être transférés dans mon ventre. Je me souviens encore de sa main chaude dans la mienne à la sortie du laboratoire, de ses lèvres qui buvaient les larmes sur mes joues et du petit restaurant qui avait accueilli notre peine ce jour-là.
J'avais commandé des farfalle au pesto et, les yeux dans ceux de Yohann, je m'étais consolée.
À la deuxième insémination, nous étions déjà moins confiants. Après tout, la première n'avait pas fonctionné, quelles étaient nos chances pour que celle-ci soit la bonne ? Le protocole était moins intense que la première fois, vu qu'il ne s'agissait que d'un simple transfert d'embryons, mais j'eus tout de même droit à de nombreuses échographies de contrôle tout au long du cycle. Aparté : essayez donc de caser un rendez-vous tous les deux jours chez votre praticien sans mettre la puce à l'oreille de votre employeur. Mission impossible. La gynécologue nous avait rassurés, la taille de mon endomètre était parfaite, les embryons de compétition, cela ne pouvait que fonctionner.
Je ne saurais dire si ce deuxième échec avait été plus cuisant que le précédent. Toujours est-il que les larmes furent présentes, la sensation de poignard dans le ventre aussi. Malgré notre amour, il n'y eut plus de farfalle au pesto. À peine, un haussement d'épaules résigné entre nous.
Si je perdais l'essence de mon couple, mon corps aussi était épuisé. Vertiges, fatigue, étourdissements, maux de tête, nausées, vomissements, insomnies, bouffées de chaleurs et douleurs abdominales étaient devenues mon lot quotidien.
Je vous passe mon obstination à vouloir enchainer un protocole de FIV 2 alors que Yohann souhaitait prendre une pause. Une pause de quoi ? m'étais-je insurgée. N'était-ce pas déjà assez long de devoir supporter cette interminable attente ? Je souhaitais être dans l'action. Oh, Yohann m'a suivie dans mon obstination, mais à quel prix ?
Notre vie sexuelle en a pris un coup également, entre les câlins programmés ou les interdictions de copuler. Finalement, ma gynécologue a plus de fois vu mon entre jambe ces dernières années que mon mec.
Voilà comment je me retrouve donc seule, à trente et un ans, sans aucun conjoint ni futur père pour mes enfants et cet immense désir d'être mère non comblé. Je ne me suis jamais sentie aussi seule de toute ma vie. Un échec cuisant.
Sur mon calendrier, tous les rendez-vous médicaux ont été barrés et annulés, me laissant désemparée face à ce vide. Mon combat pour être mère a éludé toute autre question de ma vie ces dernières années. Et là, ces dix jours fluotés en orange représentaient un voyage en amoureux que nous avions prévu de longue date avec Yohann. Enfin, disons plutôt que Yohann avait insisté pour que nous partions en vacances ensemble et que j'avais freiné des quatre fers. Réserver un an à l'avance ? Une folie. Et si j'étais en protocole FIV et que ça m'empêche de le réaliser ? Et si j'étais enceinte et que je ne puisse pas voyager ? Yohann avait balayé toutes ces interrogations au principe qu'on n'allait pas s'arrêter de vivre.
Si en fait, moi j'avais arrêté.
Au final, Yohann m'a larguée et les vacances ont été annulées.
Comme quoi, j'avais raison : ne jamais se projeter si longtemps à l'avance.
Bref, face à ce trou de dix jours qui se profile dans ma vie, je vais devoir agir. Il faut que je me barre. Je ne vais pas rester chez moi à broyer du noir, j'ai besoin de me ressourcer. N'importe où pour prendre l'air fera l'affaire.
farfouille mon bureau à la recherche de ma vieille carte de France et, au hasard, les yeux fermés, pointe mon doigt dessus. J'entrouvre une paupière. Paume-les-isolés. OK, j'hésite entre rire ou me pendre.
Mais le destin, ou plutôt, le hasard, a parlé. Mon ami le moteur de recherche m'envoie sur un site de locations de chambre d'hôtes. Celle-ci ne me plait pas trop mal avec sa décoration champêtre. Le propriétaire s'est vraiment appliqué pour prendre ses clichés. Une jolie lumière douce baigne la pièce. En plus, le tarif me parait plus qu'abordable. J'entre le détail de ma carte de crédit et réserve pour dix jours.
Paume-les-isolés, me voilà.
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Hello,
Qu'avez-vous pensé de ce nouveau chapitre? Les personnages vous plaisent?
Comme précédemment, si vous avez des idées pour rallonger le texte, n'hésitez pas à me donner des conseils.
Prochain chapitre dimanche 11/08
Biz! MademoiselleOr
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