Leagh nous rejoint à l'hôpital également. Elle semble sous le choc de l'attaque de notre père, comme nous tous. Neal est celui qui porte toute la famille, discutant avec les médecins, réglant les soucis administratifs, réconfortant notre mère et nous aussi. Nous atterrissons dans le hall du bâtiment à manger un sandwich infâme de la cafétéria.
― Je vais lui cuisiner des bons petits plats, annonce ma mère. Il ne va jamais se remettre s'il n'a pas de bonnes vitamines.
― Oui enfin, on va éviter le trop gras, plaisante Neal.
Lorsque je rentre chez moi ce soir-là, je me sens très mal. Mon monde entier a basculé. Joey est venu nous rejoindre à l'étage cardiologie dès qu'il a appris la nouvelle pour mon père. Il m'a longuement serré dans ses bras pour me réconforter. J'avoue que son soutien m'a fait du bien. Un froid glacial m'assaillit de toute part, et je me rends compte que la fenêtre de ma chambre est restée ouverte toute la journée.
― Stumble !
Je fouille mon appartement de fond en comble, à la recherche de mon chat mais je dois me rendre à l'évidence. Stumble a disparu. Mon petit fuyard a saisi la première occasion pour s'échapper. Ç'en est trop. Je me laisse glisser dans mon chagrin et pleure tout ce que j'ai retenu la journée. Les larmes passent telles des vagues de fond. Un craquage en bonne et due forme.
Il était bien entendu hors de question que je quitte le cabinet à présent. Tant que mon père ne serait pas remis tout du moins. Une petite voix me souffle insidieusement que mon père est proche de la retraite. Il se pourrait bien qu'il ne reprenne jamais ses fonctions. Et alors, comment faire ?
*****
Près d'une semaine a passé depuis la crise cardiaque de mon père. Je sais qu'il va mieux même si il reste faible. Je n'ai pas eu le courage de retourner le voir, prétextant une montagne de travail à s'occuper ce qui n'est pas faux en soi. Neal a pris les choses en main et je l'ai aidé, nous avons réparti les dossiers entre nous et quelques collaborateurs. L'associé de papa a pris sa retraite depuis peu, mais il revient récupérer quelques affaires urgentes. Nous avons prévenu l'ordre des bâtonniers de l'absence indéterminée de mon père. Kelly a même pris sur son temps libre pour venir nous prêter main forte.
Comme d'usuel, me perdre dans le travail me permet de ne pas réfléchir. Mon chat n'a pas réapparu malgré les affiches que j'ai postées à chaque coin de rue. Il me manque terriblement. J'aurai tellement besoin de sa chaleur, de son réconfort que lui seul sait m'apporter.
Kylian m'a envoyé plusieurs messages, me disant qu'il était en ville mais je les ai ignorés. Je sens comme un poids sur mon estomac, ma vie a pris un tournant plus que déplaisant en ce début d'année. Joey m'assaille d'appels, d'attentions. Il a fait savoir que c'était son beau-père dans la chambre deux cent huit de l'aile de cardiologie et qu'on avait plutôt bien intérêt à bien s'occuper de lui.
Mon téléphone sonne et je décroche :
― Ma chérie ? Tu vas bien ? Ton père recommence à râler, c'est plutôt bon signe non ? Tu ne vas pas passer le voir ?
― Je ne sais pas maman, je préfère me concentrer sur le travail, pour ne pas stresser papa, qu'il sache qu'au moins tout va bien de ce côté-là.
― Aileen, dis-lui que j'ai des informations à lui communiquer, qu'elle ne fasse pas n'importe quoi, j'entends la voix de mon père en arrière-plan.
― Roooh Dermott, fais lui confiance un peu, le reprend ma mère. Bon, Amy, j'ai fait un planning de visites pour papa, pour qu'il ne reste pas seul, ton tour est cet après-midi à dix-sept heures, je compte sur toi.
Et elle raccroche. Incroyable ! Ma mère dans toute sa splendeur. Qu'est-ce qu'elle peut m'exaspérer à décider de tout pour tout le monde ! Je sais pourtant que je serais à l'hôpital à l'heure indiquée. En attendant, je me replonge dans le travail, il ne faudrait pas que je fasse « n'importe quoi ».
A dix-sept heures, je suis devant la porte de la chambre de mon père. Toujours cette odeur désagréable et cette sensation oppressante de mort. Pour moi, l'hôpital représente le contraire de la vie. Je prends une grande inspiration, pour me donner du courage, et entre dans la pièce. J'ai la bonne surprise de voir que mon père est réveillé et assis. Il reste toutefois une pâle copie de lui-même. Une télécommande à la main, il zappe les chaînes sur le poste de télévision en râlant.
― J'espère vraiment sortir bientôt sinon je vais dépérir moi ici ! Vu la nullité du programme télé !
― Salut papa, dis-je en l'embrassant sur la joue à côté de son énorme moustache rousse.
― Bon, le dossier de GearConstruction, tu as bien repoussé l'audience ? Tu as appelé les témoins pour prendre leur déposition ?
Il me parle d'un contentieux en cours et de la condamnation de promoteurs véreux n'ayant pas respecté le compromis de vente.
― Oui, nous nous en sommes occupés avec Neal.
― Et les pièces, tu les as bien récupérées ?
― Oui, papa, arrête. Tu devrais te reposer.
― Je fais que ça, me reposer, bientôt je serai plus reposé qu'un mort tiens !
― Papa !
Il continue pendant près d'une heure à me poser des questions sur les dossiers en cours pour s'assurer que je n'ai rien oublié. Il ne sait pas parler d'autre chose que de travail, même vêtu d'un pyjama d'hôpital.
― Ah tiens, c'est ton petit protégé, ton... Derda, qui m'a emmené passer mon examen du cœur. Il se débrouille pas mal.
― Tu veux parler de Drissa ? le sourire me monte aux lèvres, oui je crois que son poste de brancardier lui plaît.
― Il est volontaire ce jeune, je l'aime bien finalement.
Il se remet à râler sur la coronarographie qu'il a dû passer, qu'il n'a pas les artères bouchées, qu'on lui raconte n'importe quoi et qu'il veut rentrer chez lui. Je plains sincèrement le personnel soignant de devoir le supporter, lui et sa mauvaise humeur. Ils ont bien du mérite vraiment.
Au bout d'un moment, je constate qu'il fatigue, son teint redevient cireux, ce qui est loin de me tranquilliser. Je décide de le laisser se reposer. Lorsque je repars, je me sens lessivée et je ne suis pas tellement rassurée sur son état de santé.
Je monte ensuite deux étages plus haut en orthopédie. Joey est là, vêtu d'une blouse blanche, stéthoscope autour du cou, il dégage une aura de confiance qui m'impressionne. Je ne l'avais jamais vu en poste et j'avoue qu'il en jette. Me voyant, son sourire s'agrandit, il me fait signe de patienter deux minutes. Il est occupé avec des infirmières, donnant certainement quelques consignes. Une petite pointe de jalousie inattendue fait son apparition. Il me rejoint en quelques enjambées et m'effleure les lèvres d'un chaste baiser.
― Amy, je suis content de te voir. Tu es venue voir ton père ?
Nous descendons à la cafétéria pour prendre un thé, Joey s'étant dégagé une pause pour moi. Je lui raconte l'interminable heure que je viens de passer avec lui, non sans exagérer les scènes. Je dédramatise la situation à coup de blagues et d'humour mal placé.
― J'imagine que ça remet tes plans en cause non ? me demande-t-il plus sérieusement.
Il est le premier à mentionner mon projet avorté. Ma décision de quitter le cabinet a été reléguée au dernier plan de la scène. Mon cœur se serre. Juste un petit peu. Je l'ignore, j'ai l'habitude.
― Ca les repousse en tout cas, c'est certain.
― Ne perds pas confiance, d'accord ? Tu finiras bien par pouvoir prendre le large comme tu le souhaitais.
Je ne sais pas s'il dit vrai. J'étais tellement sûre de vouloir quitter le cabinet. Seulement l'attaque de mon père a tout remis en perspective. C'est la vie qui se charge de me remettre dans le droit chemin, m'indiquant de stopper les errances. Du moins, c'est ma manière d'interpréter les évènements.
Je trouve Joey adorable de se soucier de moi comme ça. Il a été d'un réel soutien pour moi cette dernière semaine. Je ne sais pas comment j'aurai tenu sans lui. Alors, je lui demande de rester ce soir; j'ai besoin de faire passer cette ombre de mort et rien de mieux que le sexe pour se sentir vivant.
*****
Désolée du retard de publication, mon wifi a fait des siennes à cause du vent ^^
Que pensez vous de la tournure que prend l'histoire?
Des bises!
Prochain chapitre ce week-end!
(il reste quelques neuf ou dix chapitres avant que cette histoire se clôture... Pour le meilleur ou pour le pire...)
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