Christmas
Je pousse un peu mon invité du jour devant moi pour qu'il s'installe dans le canapé. Il a l'air plutôt mal à l'aise mais tente de garder contenance tant bien que mal. En ce jour de Noël, nous sommes tous réunis dans la demeure familiale et installés au coin du feu. L'énorme repas que nous venons d'ingurgiter nous a tous rendus un peu somnolents.
Ma sœur Leagh n'a pas lâché mon invité des yeux depuis que nous sommes arrivés. Elle lui tend une tasse de thé qu'il accepte et la porte à ses lèvres. Ma mère a eu l'air assez contrariée que j'ai osé emmener mon réfugié avec moi pour les fêtes. Mais son éducation et sa politesse ont pris le dessus et elle lui adresse à présent un sourire ainsi qu'une assiette de gâteaux secs. Drissa prend un biscuit et me regarde.
Je ne pouvais pas le laisser seul pour Noël, c'était impensable pour moi. Je ne sais même pas si Noël est une fête dans son pays ou même si c'est sa religion, mais j'avais envie de partager un peu de chaleur avec lui. Le savoir seul et livré à lui-même me fait trop mal au cœur. J'ai plaidé sa cause auprès de Joey qui lui a obtenu directement un poste de brancardier à l'essai à l'Hôpital de Beaumont. Il a commencé cette semaine, poussant les malades d'un service à l'autre pour leurs radios ou autres examens médicaux. Joey m'a dit qu'il était très discret et que cela se passait plutôt bien pour le moment. La barrière de la langue n'étant pas tellement dérangeante puisqu'il n'a pas besoin de communiquer.
― Neal, peux-tu aller dehors récupérer une buche de bois pour la cheminée ? demande mon père, un verre de bourbon ambré à la main.
Il montre la cheminée du menton. Drissa semble comprendre la requête et lève la main pour se proposer. Mon père acquiesce en indiquant la porte extérieure de son bras. Le bois est entreposé sous le porche devant l'entrée. Je me sens nerveuse à l'idée d'offrir mes cadeaux prochainement. J'ai fait quelque chose d'un peu inhabituel cette année, je ne sais pas si cela va plaire. Kelly a allongé ses jambes sur les genoux de mon frère et caresse son ventre d'une main distraite.
― Dire que dans trois mois, nous serons parents !
― Et oui, cela va vite arriver maintenant, dis-je.
― Le dernier trimestre est toujours le plus long, précise ma mère. Un mélange de lassitude et d'impatience.
― Aussi pour le futur papa ! ajoute Neal.
― Ca te va si nous venons en fin de semaine prochaine pour peindre Kelly? demande Leagh.
― Vous pouvez même passer dès lundi si vous voulez, dit mon frère.
― C'est que, j'ajoute embarrassée... Je pars demain après-midi, après le repas.
Ma mère qui était adossée au canapé se redresse d'un coup.
― Comment ça, tu pars ? Joey ne travaille pas ?
― Si, dis-je sentant ma gêne augmenter. Mais je pars seule.
Ma mère me regarde comme si j'étais une extraterrestre. Je n'ai pas à me justifier, j'ai vingt-huit ans, j'ai quand même bien le droit de faire ce qu'il me chante non ?
― J'avais envie de voir les falaises de Moher, et comme j'avais déjà réservé un hébergement avant que Joey m'indique devoir travailler...Ben j'ai décidé d'y aller quand même.
― Tu as raison, c'est très joli là-bas, indique Kelly. Cela devrait te ressourcer, toi qui avais besoin de repos.
J'embrasserais bien ma belle-sœur à ce moment.
― Et ton réfugié? Il est parti le couper son bois? la coupe mon père.
Je me rends compte que Drissa est parti depuis un moment déjà effectivement. Il aurait dû déjà être revenu.
― Je vais voir, dis-je trop heureuse de quitter la pièce et cette conversation pesante.
Je prends mon manteau et mon écharpe et pousse la porte menant sous le porche. Dans la nuit noire, j'aperçois Drissa, assis sur le rebord de la terrasse, les pieds ballants dans le vide et la tête entre ses mains. Je m'approche doucement, m'assoie à ses côtés et pose une main sur son épaule.
― Ça ne va pas ? je demande.
Il hausse les épaules. Une grosse larme coule sur sa joue. Mon cœur se serre de le voir si triste. Il tremble de froid. Je détache mon écharpe et la lui passe autour du cou. Puis, je sors mon téléphone de ma poche et lui tends avec l'application de traduction ouverte, celle avec laquelle nous avons pris l'habitude de communiquer. Il tape un message de ses doigts engourdis et me le rend. Je lis « J'ai le mal de chez moi ». Je le serre contre moi, très fort. Il pose alors sa tête sur mon épaule et nous restons là un moment.
Nous sommes tous les deux transis de froid lorsque nous retournons à l'intérieur.
― Et cette bûche? demande mon père.
Je me mets à rire, entrainant Drissa avec moi lorsqu'il comprend que nous sommes revenus sans bois pour le feu. Mon père râle puis finit par se lever pour aller en récupérer une lui-même. Il revient et met la buche dans l'âtre de la cheminée, qui se remet à crépiter et à diffuser une douce chaleur.
― Allez, on échange nos cadeaux ? propose Leagh en tapant des mains comme une gamine surexcitée.
Elle prend la main de Drissa et l'entraine vers le sapin de Noël. Elle cherche parmi les paquets. Elle trouve une énorme boite de chocolat, de celles que nous mettons au pied du sapin pour les gourmands chaque année et qu'elle a visiblement décidé de lui offrir. Drissa rougit de son présent.
― A moi maintenant ! je m'exclame.
Je suis soudain impatiente de distribuer mes cadeaux et de voir les réactions de chacun. Je prends les paquets rectangulaires et plats et entreprend de les distribuer à chacun selon leur nom inscrits dessus. Mon frère et ma belle-sœur sont les premiers à déchirer le papier de leur cadeau commun.
― Oh, c'est beau! s'exclame Kelly. C'est toi qui a dessiné?
J'acquiesce de la tête. Elle retourne le cadre où j'ai mis le portrait au fusain de Neal et Kelly enlacés. Je me suis inspirée du jour de leur mariage pour proposer ce dessin. Mes parents, ma sœur ouvrent leur paquet également, dévoilant leur propre portrait.
― Oh, merci Amy! dit Leagh, adore !! Tu t'es gavée, il est grave cool!
Mes yeux brillent sous leurs compliments. J'ai passé du temps à dessiner et voir leurs réactions enthousiastes me touche. Je déballe à mon tour mes cadeaux, trouvant du parfum, un joli bracelet fin offert par mes parents, des livres. Leagh semble ravie de son coffret à dessins. Mon père en oublie de râler et le sourire est revenu sur les lèvres de Drissa, je ne pourrais me sentir mieux qu'à cet instant.
Une pensée furtive traverse mon esprit, en direction d'un regard vert et non brun. Je me demande où il est aujourd'hui. Est-il rentré en France auprès des siens? J'ai reçu un message ce matin, il disait juste « Joyeux Noël Amy ». J'observe les lumières clignoter sur le sapin et mon esprit s'évade loin. Je rêve d'un monde idéal où je pourrais embrasser Kylian sans que cela ne peine Joey ou ne remette en cause notre relation, où je pourrais contenter mes parents en restant au cabinet tout en vivant de ma passion, où je pourrais dessiner toute la journée sans manquer d'argent.
C'est un monde utopique. Dans la vie, il y a des choix à faire, qui ont des conséquences et peuvent affecter les personnes qui nous entourent. Alors que je n'aspire juste à être en phase avec moi-même. Pourquoi est-ce si difficile ?
*****
Mea Culpa, je n'ai pas eu le temps de poster hier...
Du coup, je vous poste celui ci ce midi et le prochain ce soir!
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