"Allez, viens mon ange. Il est l'heure d'aller à l'école."

Je regarde ma fille. Ses yeux bleu-vert, dans lesquels je voyais le couleur de l'océan. Ses cheveux blonds si fins, auréole que j'avais soigneusement brossée, avant d'en natter les mèches soyeuses en deux tresses qui encadraient son visage avec douceur. Je l'avais vêtue d'un haut rose pâle et d'un jupon blanc. On peut le dire, Céleste était belle. Elle était un ange en personne.

Aujourd'hui, c'est son premier jour d'école. Je la déposerai tout à l'heure, à 13h30. Ma petite fille devenue grande. Elle s'est installée sur le sol pour dessiner. Elle paraît si fragile, presque angélique, allongée sur le sol blanc et froid, au milieu de ses feutres de couleurs. Elle dessine bien, cette petite. Elle a vraiment du talent. Quand elle a fini, un grand sourire aux lèvres, elle me tend sa feuille sans un mot. C'est un dessin qui nous représente, main dans la main, heureuses.

Ma femme de ménage est entrée sans frapper. Ça m'a énervée. J'aurais voulu profiter de ma dernière matinée avec Céleste en tête à tête. Ma petite fille, qui n'est plus si petite maintenant. Le temps avance, et je le regarde filer. Bientôt, elle entrera au collège, au lycée, à la fac. Elle aura un mari, ou une femme ; peut-être des enfants. Je ne serai plus qu'une vieille femme, une ombre du siècle passé, et elle pourra m'oublier.

Céleste a avalé sa purée sans rechigner. Elle est prête. Alors que l'émotion me serre le ventre et que je tremble comme une feuille, elle semble calme, sûre d'elle, comme toujours. Je dirais même que c'était elle qui me rassurait, plus que l'inverse. Alors que les enfants de son âge semblaient ne jamais manquer d'énergie pour les bêtises, elle était toujours calme, douce. Même si je la trouve parfaite comme elle est, je m'inquiètais quand même un peu. Il est de sens commun que pour la moindre différence, les enfants pouvaient se montrer cruels et moqueurs. Mais je ne pouvais pas la surprotéger. La mort dans l'âme, je l'emmenais à l'école, sa petite main serrée dans la mienne. Lorsque je l'ai déposée, elle n'a même pas pleuré.

En retournant vers chez moi, j'ai croisé une voisine. Une jeune femme très charmante, que je n'ai jamais vu qu'en blouse blanche.

"Bonjour madame Kelly ! Mais où allez vous ? Vous vous êtes perdue ? Ce n'est pas par là, l'unité pour Alzheimer. Et vous avez encore perdu votre poupée ! "