4.
J'ai compris la leçon, j'ai arrêté d'en faire qu'à ma tête. J'ai joué mon rôle comme on m'a dit de jouer et il n'y a pas eu d'autres baisers, il a bien négocié. Mais depuis, c'est froid. C'est tendu. Pas comme avant... C'est devenu vraiment glacial.
Il m'évite. Il ne me parle que pour le minimum syndical. Il ne s'approche pas de moi.
Maintenant. Maintenant que je sais, maintenant que je sens. Maintenant que je veux revenir en arrière.
- Dis-le lui.
Yoochun est au courant. C'est un mec perspicace. Ou alors c'est moi qui ne sait pas bien cacher les choses.
- T'es fou !
Je brasse l'air pour faire sortir le reste de fumer de ma cigarette par la fenêtre.
- Il m'a déjà clairement dit qu'il n'y a rien entre nous, que c'est du pipeau, qu'on fait ça pour l'image...
Mon ami hausse les épaules. Je le regarde. Je viens de l'appeler mon ami. Ce n'est pas seulement nos rôles, j'aime profondément cet idiot-là, parmi les quatre autres. Je le considère comme une partie de moi.
- Et si, lui aussi... Il reniait ce qu'il ressentait pour toi ?
- Conneries.
Il feuillette un de mes mangas, sans vraiment le lire. Il tourne les pages en mouillant le bout de son doigt. Je déteste ça, ça abîme les pages de mon livre. Mais je ne dis rien.
- Tu lis toujours ces bêtises ?
- De quoi ? Mes mangas ?
Il pouffe de rire.
- Non. Les fanfictions écrites par ces petites écervelées...
Je hausse les sourcils.
- Mais non... J'en ai lu qu'une ou deux pour voir...
- Menteur.
Son doigt tourne toujours les pages méthodiquement.
- Et arrête de mouiller mon bouquin, merde !
Il le referme et le pose à côté de lui. Il me regarde droit dans les yeux.
- En tout cas, Yunho, lui, y prend plaisir.
Là, c'est lui le menteur. Comment il sait ça ?
- Je l'ai entendu glousser comme un dindon, tout seul, sous sa couette.
Je rougis.
- Et alors ? Même si... Ça change quoi ?
- Ça change que ce qu'il t'a dit n'est pas forcément sorti de son cœur...
Pourquoi Yoochun veut insuffler une part d'espoir en moi ?
Je sens mon cœur qui bat vite. Je secoue la tête.
- Je crois que le mieux serait de lui demander...
- T'avises pas de fai...
- YUNHO ! YUNHO, VIENS VOIR !
- Ta gueule, merde !
On dirait des gamins dans une cour de récréation. Quelle réaction puérile de la part de Yoochun. Ou bien de la mienne ? Yunho se pointe dans l'encadrement de ma porte.
- Tu m'as appelé, Yoochun ?
Grand silence. Je suis appuyé contre mon bureau. Mon ami se relève du lit et fait un grand sourire en direction de Yunho.
- Je vais laisser le YunJae s'arranger.
Je m'étrangle, je l'attrape par la manche, je ne veux pas qu'il parte. Il fait comme s'il n'avait pas senti ma main, et ferme la porte tranquillement en sortant.
- De quoi il parle ?
C'est la première phrase qu'il m'ait dite depuis pas mal de temps. Je hausse les épaules.
- Pourquoi il a dit "YunJae" ?
Est-ce que c'est le moment pour moi de tout lâcher ? Je ne sais plus trop quoi penser.
- Bah... Le YunJae, cette close débile de ce contrat débile de cette maison de disque...
- Débile. J'ai compris.
Je souris malgré moi. Il me sourit en retour. Je ferme les yeux et je prends une grande inspiration et m'apprête à tout lui dire.
- Je t'ai déjà dit de pas t'inquiéter de ces conneries, j'ai toujours vu ça comme une blague !
Tout retombe d'un coup. Ma volonté. Mes espoirs. Mon cœur. Je n'ai plus rien à dire. Je le regarde. Il baisse la tête.
Assume-le, Jae. Assume-toi. Maintenant.
- C'est vraiment une blague pour toi ?
Il racle le sol avec le bout de son pied, et garde ses yeux rivés au sol.
- Bien sûr.
Pourquoi il m'empêche de voir son visage ? Il me ment ? Il rougit ? Quoi, alors ! Regarde-moi, merde !
- Yunho !
Il lève enfin ses yeux sur moi, il ne sourit pas.
- Yunho, dis-moi la vérité... C'est vraiment une simple rigolade pour toi ?
- Pourquoi tu insistes ? Je te l'ai dit...
- Parce que pour moi ce n'est pas juste un jeu.
Je l'ai dit. J'ai sorti la phrase d'un seul coup, sans respirer. Je ferme les yeux. Je ne veux pas savoir la suite. Je ne veux pas connaître sa réaction. Le silence est pesant et c'est comme si mes mots résonnent encore dans la chambre. Les secondes passent aussi longues que des minutes... Aussi longues que des heures... Je rouvre mes yeux. Il n'a pas bougé et me fixe.
- Ce n'est pas un jeu.
Il répète comme un automate. Ne me demande pas d'explication. Tu n'en as pas besoin. S'il te plaît. Ne m'en demande pas...
- Alors, si c'est pas un jeu... Qu'est-ce que c'est ?
Non, putain ! Pourquoi tu m'obliges à parler ? À ouvrir ma bouche qui va encore dire une connerie... Pourquoi tu me tortures sans cesse ? Tu penses que c'est facile d'accepter avoir de l'attirance pour... Un homme ? Je te déteste ! Je te déteste, Yun ! Tu fais exprès... Depuis le début, tu le fais exprès... Je soupire.
- Mais sois clair, Jae !
Je fais un pas en avant, il se recule vers la porte. Tu voulais de la clarté ? Je vais t'en donner. Je soutiens son regard et réduis la distance entre nous.
- Ce jeu ne m'a jamais amusé, contrairement à toi...
Ma voix sonne rauque, presque menaçante. Je continue de m'approcher.
- Je croyais que c'était parce qu'il ternissait mon image et donnait une fausse idée de moi.
Je suis face à lui, il me regarde et continue à m'écouter.
- Mais j'ai compris que si je te haïssais si fort c'était parce que...
Ma voix déraille. Je n'arrive pas à lui dire "...parce que je t'aime." Les mots ne sortent pas. Il ne m'aide pas. Il m'observe avec un sourire en coin. J'ai envie de le frapper... J'ai envie de l'embrasser.
Merde.
J'ai vraiment envie de l'embrasser.
- Parce que...?
Il s'amuse de la situation. Il me voit me prendre les pieds dans le tapis et au lieu de m'aider à me relever, il me pousse au sol.
Non, je serai plus fort que lui. Pour la deuxième fois, ma bouche s'accroche à la sienne. Moins violemment que la première, et surtout sans être repoussé.
Il ne bouge pas. Gardant sa bouche fermée mais ne cherchant pas à me faire partir... Mon cœur bat à tout rompre.
J'appuis un peu plus mes lèvres sur les siennes. J'ai besoin de savoir, d'avoir une confirmation... Ou un rejet. Mais je refuse qu'il me laisse ainsi. Pourquoi ne réagit-il pas ? Ah ! Je suis tellement frustré. Je recule et le regarde. Je n'ai pas le temps de comprendre, et ses mains attrapent mon visage, son odeur revient m'emplir, et sa façon de tourner sa tête pour reprendre ce baiser inachevé est tellement mignonne que mon cœur s'émeut seul. Je me perds. Ma tête me tourne.
Je devrais me sentir apaisé, mais au contraire j'ai peur. Cette crainte qui envahit mes sens. Je regrette. Qu'est ce que j'ai fait ? Pourquoi est-ce que je suis allé vers lui ? Sa langue joue avec la mienne et son corps est si proche du mien, que j'en perds pieds. Ne t'arrête jamais. Je n'aurais pas la force d'affronter ton regard. J'ai l'impression que mon cœur bat si fort, qu'il a été mis sur amplificateur.
****
Je n'ai pas dormi de la nuit, me tournant et me retournant dans mon lit. Il a quitté ma chambre sans un mot après ce baiser. Il n'a rien trouvé à dire. Et moi non plus. Je me suis juste couché.
Ce matin, le soleil froid pénétre par la fenêtre, je jette un œil à mon reflet dans le miroir. J'ai une sale gueule avec des cernes de trois kilomètres. Je soupire. J'ai envie de pleurer mais je ne le ferai pas. Comment affronter son regard au petit-déjeuner ?
Quand je pense à la journée qui s'annonce, j'en ai gros sur le cœur. On est censé bosser notre nouvelle chorégraphie. Je veux retourner sous ma couette.
Une odeur de brûlé me parvient. Qu'est-ce que ces cons foutent dans la cuisine ? Cette pièce est mon lieu de prédilection. Je déteste qu'ils viennent y mettre leur grain de sel. Je bondis. De loin, je le repère devant la cuisinière, il secoue sa main.
- Putain, Yunho ! Tu fous quoi ?
Premier échange depuis notre baiser. Comme s'il ne s'était rien passé. Comme si tout était normal. Comme s'il m'excedait encore plus que la veille. Sa paume est rouge vif.
- T'as pris la poêle à la main ? Mais t'es dingue !
Je me précipite sur lui, et lui mets de force la main sous le robinet d'eau. Il se laisse faire.
- C'est la première fois que je vois Jae prendre soin de quelqu'un.
La voix de Changmin me fait lâcher la main de Yunho. Je me retourne, pourquoi le gamin me sourit gentiment ? Et pourquoi je n'arrive pas à lâcher ce costume de taciturne qui ne supporte personne ?
- Le repas est prêt ?
Changmin s'installe à table. J'ai envie de rire.
- Si Yunho est à la cuisine, ça risque pas. Voilà le résultat !
Je secoue la main du leader devant le nez du nouvel arrivant.
- C'est pas toi qu'est censé être la maman ?
J'attrape la spatule que je trouve à côté de moi et lui balance dessus. Coup de bol pour lui, elle atterrit sur la table.
- Ta gueule, Min.
C'est Yunho. Il n'a pas ri. Il a juste posé sa voix calmement. Avant ça le faisait rire, ce genre de vannes. Je me retourne vers lui. Junsu se pointe en nous regardant, tous les trois l'un après l'autre.
- C'est quoi cette ambiance tendue ?
Je soupire et regarde la main de Yun.
- Ça va ?
Il la retire et l'essuie dans son pantalon.
- Oui.
Il s'éloigne de la cuisine, me laissant ma poêle cramée dans l'évier. Je suis aussi mal-à-l'aise que lui, alors je prends l'éponge et je frotte sans y penser. J'y mets toutes mes forces.
- Tu vas abîmer ta poêle... Tu ferais mieux de la mettre à tremper...
Merci Junsu, de me faire revenir sur Terre. Je lâche l'instrument dans le lavabo et en prends une autre. Je plonge la tête dans le frigo et en sors pleins d'ingrédients, je me perds dans les odeurs que je cuisine. Je suis crevé. Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller le voir. Je mets les morceaux de légumes et de viandes dans la poêle, comme un automate. Je mélange, balance des épices. Ma tête est avec lui. L'envie est trop forte.
- Min, tiens.
Je lui tends la cuillère en bois qui me servait à remuer la mixture.
- C'est presque prêt. Servez-vous.
- Tu vas où ?
En sortant de la cuisine, je croise Yoochun qui me sourit.
La porte de la chambre de Yunho est fermée à clé. Je toque doucement.
- Je peux entrer ?
Le clic indique qu'il m'a ouvert. Il attrape mon poing, m'attire à lui et claque la porte derrière moi. Je me retrouve dans ses bras, sans en bouger. Contre lui. On ne s'est encore rien dit. Comment ces sentiments se sont développés, pourquoi, depuis quand...
Nos respirations se calent en silence l'une sur l'autre. Je ferme les yeux. C'est là que je voulais être.
- Jae...
Non, ne parlons pas. On est bien comme ça...
- On arrête de jouer ?
On arrête de jouer. On fait tomber les masques. On va être nous. Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? Pourquoi moi ?
Ils nous ont voulu ensemble... Et j'en suis tombé amoureux. A vouloir éviter cette fatalité, elle s'est imposée à moi.
Je me défais de son étreinte. Le manque de sommeil me prend totalement, je titube jusqu'à son lit et j'y plonge. Je ferme les yeux et respire l'odeur qu'il y a laissé. Je sens le sommeil m'envahir. Je suis sur un nuage sucré qui s'élève dans les airs, je m'envole. Ça me fait du bien... Je sens à peine ses bras se serrer autour de mon ventre et sa tête se caler dans ma nuque.
Je crois que j'ai dormi. Je crois que j'ai rêvé. Je crois que j'ai senti son souffle dans mon cou et son corps se mouvoir contre moi, me berçant, doucement. Je crois que nos corps ont été en harmonie. Je crois... Mais je n'en suis pas sûr.
Me suis-je vraiment laissé aller sans y penser ? Était-ce vraiment dans ses bras que j'ai été ? Son parfum qui m'enivrait ? Sa danse lascive contre mon bassin, son envie de moi, ses mots sussurés...
En fait, tout était si simple. Je m'en veux d'avoir renié l'évidence qui évoluait devant mes yeux...
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