2.
Les lumières s'allument, les applaudissements, les cris, le public. Là. Là, putain, je suis bien. Le concert m'a épuisé mais tellement donné. C'est pour ça que je suis là. C'est pour ça que je vis. C'est pour ça que je subis.
C'est vrai, ils m'énervent, ces mecs avec qui je dois partager ma vie... Mais sur scène, je les vois autrement. Quand on est là, tous les cinq, sous les encouragements et l'amour des fans, d'un coup, j'oublie tout. Je me sens bien. Je me sens... Vivant. J'ai même envie de tous les prendre dans mes bras. De les serrer fort. J'ai envie de les aimer et de partager avec eux, comme ils partagent ensemble. Même avec Changmin, ce petit merdeux. Même avec... Yunho.
Je souris. Pour de vrai. Pas ce sourire de faux-cul que je prends quand on me demande de sourire devant les caméras, ou devant mon faux petit-ami. Non. Un vrai sourire qui vient du fond de mon cœur. Celui qui respire l'amour. J'écoute la foule en liesse qui applaudit, qui hurle nos noms. C'est pour ça que je suis fait. Pas pour porter un masque.
Dans les coulisses, Yoochun m'attrape par les épaules, et me serre contre lui. On transpire tous, mais l'euphorie nous emporte, et tous les cinq, nous nous retrouvons dans les bras des uns des autres. Nos têtes se heurtent et nous rions. En relevant la mienne, mon regard croise celui de Yunho qui me fait un clin d'œil.
Je ne veux pas lui sourire mais l'ambiance me l'a fait faire sans y penser.
- Je suis fier de nous, lance-t-il à la volée.
Moi aussi, je suis fier de nous. De moi.
On entend encore le public hurler nos noms, et les organisateurs du concert qui nous poussent à revenir sur scène. Yunho saisit ma main, je prends celle de Junsu, et nous revenons en courant sur scène sous les ovations. Les spots de lumière m'éblouissent. J'en oublie la main chaude qui serre mes doigts, je reste ainsi, la joie dans mon cœur.
Je hurle dans mon micro :
- JE VOUS AIME ! MERCI ! ON VOUS AIME TOUS !
Je suis déchaîné. J'ai envie de sauter sur place. Je ne veux pas que ça s'arrête. Je veux rester sur scène toute ma vie ! Je veux encore hurler. Et voir le visage de chaque personne du public prendre du plaisir à chanter nos chansons qu'ils connaissent par cœur. Mon cœur bat si fort que je n'entends même pas ce que disent les autres.
Les lumières s'éteignent définitivement, c'est la fin. On est replongé dans le noir. Je vais replonger dans l'obscurité. Je vais redevenir un humain normal, je vais poser ma cape de Hero, et repartir à fumer, le cul posé sur le carrelage de la cuisine, à les observer de loin. Comme toujours.
Je sais que c'est de ma faute. Je n'ai pas cherché à les connaître d'avantage. Et rapidement, mon caractère solitaire m'a fait mettre de côté. Je pourrai me bouger, et sortir la tête de ma carapace, mais il me manque la volonté.
****
Les cris de Yunho réveillant Junsu dans l'appartement me tapent sur le système. J'ai enfoncé mon bonnet jusque sur mes yeux, les mèches noirs de mes cheveux en ressortent un peu. Je mets un masque qui couvre ma bouche et mon nez, histoire de protéger mon anonymat, et m'apprête à sortir. En laçant mes grosses chaussures, Yoochun vient me voir.
- Ne pars pas longtemps, on doit aller au studio d'enregistrement.
Je lève les yeux au ciel. Pour qui il me prend ? Je connais mes responsabilités.
- Je sais. Je vous rejoindrai là-bas. M'attendez pas.
Ma tête me tourne. J'ai rêvé de Yunho, cette nuit. J'ai besoin de prendre l'air. Leurs histoires de fanfiction me montent à la tête. J'avoue que par curiosité je suis allé fouiller sur le net, et que j'en ai trouvé plusieurs. J'ai commencé par détester ces minettes qui écrivent ce genre de bêtises, mais plus j'avançais dans la lecture, plus je pouffais sous ma couette comme un ado. Je dois bien admettre l'inventivité de certaines. J'avais l'impression de lire des scénarios de dramas tragico-romantique dans lesquels j'étais le personnage principal. Avec cet idiot de Yunho.
Alors forcément, j'ai rêvé de ce baiser doux et tendre. Comment être de bonne humeur quand on se réveille ainsi ? Et lui qui n'arrête pas de me sourire, de faire semblant d'être agréable avec moi. Même Changmin, ce matin, m'a donné son bol de riz. Qu'est-ce qu'il se passe avec eux ? Je n'ai jamais fait le moindre effort... Alors pourquoi eux, essayent-ils de me prendre sous leurs ailes ? Je ne veux pas de leur amitié. Je dois sortir prendre l'air.
Dans la rue, je sors mon paquet de cigarette et abaisse mon masque, dans une ruelle peu passagère. Ça aussi, c'est quelque chose que je ne peux plus faire. Fumer tranquille à l'abri des regards et des reproches.
Je respire à fond, en même temps que j'avale la fumée qui me brûle délicieusement l'œsophage. Dès que je ferme les paupières, l'image de la bouche de Yunho qui s'approche de mes lèvres me fouette en plein visage. Et je sens mon cœur qui bat. Conneries.
Je refuse d'y penser. Je ne suis pas homo. Je dois penser à un plan, faire quelque chose... La manager. Yoochun avait bien émis l'idée qu'elle pourrait, peut-être être intéressée. J'ai peu de doute que ce soit faux. Je connais mon pouvoir de séduction, et de toutes manières, si elle n'est pas encore sensible à mon charme, il ne me faudra pas longtemps pour la faire flancher.
Je souris à cette idée. Sortir l'image douceureuse de Yunho qui me serre contre lui.
Je marche d'un pas léger jusqu'au studio d'enregistrement, ils sont arrivés en même temps que moi.
- Ouf, t'es à l'heure, me sourit Yoochun.
- Bien sûr que je suis à l'heure.
Je sens le regard du leader sur moi. Je ferme les yeux. Ne me regarde pas, Yunho. Pas aujourd'hui. Ne me parle pas. Pitié.
- Tu vas bien, Jae ? T'es tout pâle...
Ta gueule, Yun, pitié, ta gueule, je ne veux pas te répondre. J'avance dans le studio en hochant simplement la tête.
Enregistrer, c'est un plaisir, un réel plaisir. Je me sens presque sur scène, je ferme les yeux et je chante. Mon vrai métier. Ce pour quoi je suis né. Ce pour quoi je suis fait.
On y met nos cœurs, on y met nos âmes, on est transporté. Nos octaves se calent sur les notes, je me laisse aller à sourire. Je me laisse glisser dans la douceur de la mélodie. Je deviens le vrai moi, à nouveau comme sur scène.
À la fin, une fois de plus, je vois le visage jovial de Yunho qui me scrute. Est-ce une impression ? J'ai la sensation, qu'aujourd'hui, il avait le regard insistant sur moi. Je secoue ma tête. Non, je me fais des films.
Je ne cesse de me demander s'il a été aussi curieux que moi à lire d'autres fanfictions sur nous, et ce qu'il en avait pensé. Mais je ne m'abaisserais pas à lui demander ! Je n'irais pas avouer que c'est ce que j'ai fait.
Changmin revient avec cinq cafés. J'aime le mien très noir et amer. Yunho le prend au lait et très sucré. Hérésie. Ce n'est plus du café... Junsu me bouscule, le café bouillant dans ma main se renverse sur ma chemise et me brûle. Je hurle.
- MAIS T'ES CON, PUTAIN !
Je retiens les larmes de douleurs, et retire à toute vitesse ma chemise. Yunho se précipite sur moi, j'ai une brûlure au niveau du pectoral. Il m'attrape par la main et m'amène vers les lavabos.
- Passe de l'eau froide dessus, me dit-il en attrapant un peu d'eau dans les creux de ses mains.
Je me recule.
- Je peux le faire seul !
Il regarde la trace.
- J'espère que ça va disparaître.
Qu'est-ce que ça peut lui faire ? Je me rends compte que mon cœur bat la chamade. D'être seul avec lui, dans cette tenue... Et si... Si lui aussi avait lu... Et si ça lui avait donné des idées ?
J'avale difficilement ma salive.
Je dois remettre ma chemise. Vite. Je retourne à toute vitesse dans la salle où je l'ai laissé. Je vois Junsu qui prend un air désolé, j'en ai presque pitié.
- Hyung, je...
- Ça va ! C'est pas grave !
J'enfile mon vêtement, Yunho arrive. Pourquoi est-ce que mes jambes flageollent ?
****
- NAN ! HORS DE QUESTION ! COMPTEZ PAS SUR MOI POUR FAIRE ÇA !
Je suis en furie. La manager vient de nous ramener le scénario d'un mini-drama à tourner. Une bêtise. Un truc nul sans queue ni tête... Dans laquelle je dois tourner une scène très rapprochée avec Yunho. Hors de question.
Je vois les quatre autres hyper réjouis à l'idée de le faire. Même Yunho.
- Arrête ! Ça ressemble à ce qu'on vit, ces histoires de fanfictions. C'est marrant.
- Pour toi, tout est marrant ! crié-je.
Le nom du drama est pathétique. Dangerous Love... N'importe quoi. Je m'adresse à la manager.
- C'est aussi tiré d'une fanfiction débile, ça ? Hein ?
- Calme-toi... Lis jusqu'au bout...
Ouais, bon, y a pas de baiser, on ne finit pas en couple... Mais quand même... Cette scène-là, appuyés à une cabine téléphonique... Il faut la tourner. Et je suis mal-à-l'aise à l'idée de le faire.
Parce que depuis quelques jours, Yunho me semble vraiment différent envers moi. Plus... Attentionné. En tout cas, plus précautionneux avec moi. Et ça me rend malade. Il me fait peur. J'ai juste envie de fuir.
J'en ai discuté avec Yoochun. Oh, bien sûr, j'ai détourné un peu la façon d'aborder le sujet... Mais il prétend ne voir aucune différence vis-à-vis de Yunho. Il dit que c'est moi qui ai changé. Au lieu d'être cynique et cassant comme avant, je suis encore plus distant et sur la réserve envers notre leader. N'importe quoi... Il se fait des films, lui aussi.
C'est quoi le problème ? C'est parce que je ne veux pas tourner ce drama ? Non, vous ne comprenez rien... Je suis chanteur, moi, pas acteur.
- C'est juste pour vous mettre en avant, les mecs, nous explique la manager.
Nous mettre en avant ? On n'a pas besoin de se ridiculiser pour être sur le devant de la scène.
- Ça fait plaisir aux fans, insiste-t-elle.
Je soupire. Yunho me défie du regard.
- C'est cette scène qui te gêne, hein ?
- De quelle scène tu parles ? Rien ne me gêne...
Il s'approche de moi et me force à reculer jusqu'à ce que je sois dos au mur, et il me regarde droit dans les yeux. Il attrape ma main et la pose sur son cœur.
- Cette scène.
Je sens son cœur qui bat aussi vite que le mien. Je ne m'étais pas trompé. Il est troublé. Je me sens mal, mes jambes semblent me lâcher. Je ne sais pas où je trouve la force de répondre.
- Non, cette scène ne me gêne pas.
Il se penche à mon oreille.
- Toi aussi, seul dans ton lit, tu lis ces histoires sur nous...
Je sursaute. Je ne saurais dire si le fait de savoir qu'il les lit aussi m'enlève un poids de culpabilité ou m'effraie. Nos yeux se croisent et se pénètrent. Comme nos petits jeux face au caméra. Sauf que là, nous le savons très bien... Il n'y en a pas.
Alors pourquoi il approche sa bouche de mes lèvres ? Je le repousse d'un coup, et il perd presque l'équilibre en se prenant dans les pieds de la chaise qui se trouvait là.
- Arrête ça ! je crie.
- Je n'ai rien fait.
Je quitte la pièce. C'en est trop pour moi. Qu'est-ce qu'il cherche à me faire comprendre ? Depuis le début, ces histoires de couple le fait marrer... Je commence à avoir des doutes sur ce qu'il ressent vraiment pour moi. Et si...?
Non ! C'est impossible. Pas Yunho. Ça me dégoute. Je vais lui montrer que je n'ai rien à faire avec lui. Je retourne au salon et m'assois sur l'accoudoir du fauteuil où se trouve notre manager.
- T'arrêtes de faire le gamin ? me prie-t-elle.
Moi ? Un gamin ? Je penche ma tête vers elle et la regarde. Elle m'a bien vu ? J'attrape sa nuque et sans rien demander à personne, je plaque mes lèvres aux siennes. Il n'y a rien de doux ou de romantique. Je n'ai pas eu le temps de profiter de ce baiser qu'elle use de toutes ses forces pour me repousser en appuyant sur mon torse.
- MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE ?
Elle semble en colère. J'entends les bourdonnements de voix des quatre autres, me traitant de fou, ricanant, me demandant d'aller me reposer. Mais j'observe Yunho. Je ne parviens pas tellement à saisir ce qu'il dit. Pourtant je suis sûr qu'il boue de rage, même s'il ne le montre pas. Je me lève et vais dans ma chambre. Je claque la porte, prend une clope et fume à ma fenêtre.
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