Chapitre 8
SILAS
Plénitude.
C'était ce que je ressentais à l'instant présent, ses lèvres contre les miennes, elle me laissait faire et je ne voulais pas arrêter, je ne pouvais pas. Je passai mes deux mains dans ses cheveux pour intensifier notre baiser, et j'avais l'impression que seules ses lèvres m'empêchaient de faillir.
L'envie était beaucoup trop forte et je ne pouvais plus résister, son air déçu lorsque j'avais quitté sa chambre avait eu raison de moi. Peu importait ce qu'il se passerait après, je voulais l'embrasser, je devais le faire.
Lorsqu'elle ouvrit la bouche, un flot d'émotion me submergea. J'avais le sentiment d'avoir goûté au fruit défendu, mais que malgré tout, ça en valait la peine, oui ça en valait la peine.
J'avais toujours son goût sur les lèvres lorsque je fus projeté en arrière et que je reçus le poing de Mr Moore au visage.
— Je t'ai dit de ne pas profiter de ma fille ! Espèce de petit con !
Il me frappait, mais je ne réagissais pas, le baiser m'avait comme anesthésié, et ce fut Eden qui s'interposa en hurlant à son père des mots que je ne saisissais pas, beaucoup trop sonné.
— Sors ! Sors de ma chambre ! hurla-t-elle.
Lorsque j'entendis sa voix remplie de larmes, je me redressais brusquement, elle pleurait ? Oui elle pleurait.
— C'est hors de question ! C'est lui qui dégage de ma maison et ne discute pas ! Si jamais tu approches encore de...
— Papa ! Si tu ne sors pas d'ici, je m'en vais et tu ne me reverras plus jamais tu entends ? Plus jamais !
Il l'observa un moment, jusqu'à ce que la mère d'Eden entre dans la pièce.
— Oh mon Dieu John ! Qu'est-ce que tu as fait ? hurla-t-elle.
J'étais par terre, la peau de bête blanche était tachée de rouge, ici et là, c'était mon sang. Le regard d'Eden était rivé dessus et c'était comme si elle venait de comprendre quelque chose, elle était pétrifiée. Je mis un temps, qui me parut interminable, à me redresser juste un peu, Mr Moore n'y étant pas allé de main morte.
Eden était pâle, livide, comme hier, lorsque je l'avais vue assise sur le canapé, le regard vide fixant un point sur le mur.
Réveille la Silas !
J'ouvris grand les yeux, est-ce que je venais d'entendre une voix ? Mme Moore hurlait sur son mari, l'empêchant de m'approcher de nouveau, et je réussis tant bien que mal à me lever.
Elle n'avait pas bougé, je m'approchai d'elle, et elle finit par cligner des yeux à plusieurs reprises avant de regarder ses parents.
— Qui est Samuel ? demanda-t-elle.
Ses parents me regardèrent, puis se tournèrent vers elle. Samuel ? Le Samuel qu'elle avait évoqué hier ? Celui de mon cauchemar ? Était-ce le même ?
— Qui est-ce ? répéta-t-elle.
— De quoi est-ce que tu parles Eden ? questionna sa mère.
— Je parle de Samuel ! Qui est-ce ? Pourquoi je me souviens de lui alors que je ne le connais pas ? Qui est-ce ?!
Mr Moore qui s'était brusquement calmé intervint.
— Elle recommence...
Sa voix était blanche, comme lorsqu'on annonçait une mauvaise nouvelle à un proche. Sa mère s'approcha doucement et lui prit la main.
— Eden ma puce, tu as déjà...
Eddy retira sa main comme si le contact l'avait brûlé et regarda son père.
— Qu'est-ce que je recommence ?
Elle le toisa et après quelques secondes de jeu de regards, Mr Moore quitta la pièce en claquant la porte.
— Silas, je vais te soigner, me dit sa mère en s'approchant de moi.
Elle m'entraîna dans la salle de bain d'Eden et ferma la porte, laissant sa fille dans la chambre.
— Il faut que tu la laisses Silas, chuchota-t-elle en me regardant dans les yeux.
Elle comprima la plaie de mon arcade, avant de me prendre la main pour que je maintienne la compresse.
— Je sais qu'elle t'aime beaucoup, c'est la première fois qu'elle... Elle t'aime beaucoup Silas, mais elle a besoin de se concentrer sur elle-même, votre relation la met en danger, tu comprends ? Eden a eu plusieurs soucis lorsqu'elle était enfant, et je ne sais pas pourquoi, mais te fréquenter réveille ses vieux démons... Alors si tu l'aimes, et c'est le cas n'est-ce pas ? Elle est comme son père tu sais, ils font partie de ces gens qu'on aime instantanément, ils nous terrassent sans qu'on ne s'en rende compte... Tu l'aimes, ton regard parle pour toi, alors laisse-la, s'il te plait, ajouta-t-elle.
Elle prit de quoi me faire des points de suture et referma ma plaie en quelques minutes.
— Est-ce que tu comprends ? me demanda-t-elle.
Non, je ne comprenais pas. J'étais sonné, Mr Moore venait de me frapper violemment, Eden se souvenait d'un Samuel, peut être le même que moi et sa femme me demandait de ne plus approcher leur fille parce que je faisais ressortir ses vieux démons ? Est-ce qu'elle voulait dire que sa tentative de suicide était de ma faute ?
— Si elle n'avait pas commencé à te fréquenter, l'incident d'hier ne serait jamais arrivé, siffla-t-elle en confirmant ce que je pensais. L'amour c'est aussi savoir laisser la personne qu'on aime, l'amour c'est...
La porte s'ouvrit et Eden nous regarda, inexpressive.
— Je vais terminer maman, dit-elle d'un ton sans appel.
Ashley Moore me regarda une dernière fois avant de sortir de la salle de bain.
— Une de premières choses que mon père m'a apprises c'est faire les points de suture. Il disait toujours qu'une fille de médecin devait savoir soigner les blessures les plus communes, alors il m'a appris. Sutures, pansements, garrots... Il m'a appris beaucoup de choses, il m'a même initié aux vins et à l'alcool plus fort, en ce moment c'est le whisky.
Elle débitait ses paroles en m'appliquant une pommade sur la pommette gauche.
— Je suis désolée, dit-elle. Désolée pour ce qu'il a fait, je confirmerai tout ce que tu diras dans ta plainte.
Ma plainte ? Comme si j'allais porter plainte contre son père... Les mots de sa mère tournaient en boucle dans mon esprit et avec elle, ici, si proche de moi, j'étais incapable de réfléchir, incapable d'assimiler tout ça. Elle déposa un délicat baiser sur mon front et me caressa les cheveux.
— Je ne vais pas porter plainte contre ton père Eddy...
Elle resta silencieuse quelques secondes.
— Mais tes parents voudront surement le faire, et ils auront raison, il n'avait pas le droit de te toucher.
Je me dégageai doucement, l'air était irrespirable dans la pièce.
Samuel.
Je savais qu'il y avait quelque chose... "elle recommence" avait dit le père d'Eden.
— Je vais rentrer Eddy, il vaut mieux qu'on reporte notre journée.
Elle se crispa, mais évita de me regarder.
— Je comprends Silas, merci d'être resté avec moi cette nuit.
Elle ouvrit la porte de la salle de bain.
— Applique ça trois fois par jour sur ta pommette, dit-elle en me tendant un pot.
Je voulais lui dire quelque chose, je voulais la rassurer, mais je ne pouvais pas, rien ne me venait à l'esprit. Je me contentai de lui effleurer la joue avant de quitter sa chambre puis la maison. Je marchais comme un automate, croisant certaines personnes, mais les ignorants complètement, jusqu'à ce que j'arrivai chez moi.
— Silas ?
Ma mère surgit devant moi, arborant un air colérique avant de se décomposer et de me scruter, ses mains sur mes épaules.
— Seigneur ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Qui t'a fait ça ? hurla-t-elle.
Je ne répondis pas et me dirigeai vers l'escalier, ma mère sur les talons.
— Silas ? Silas ? Réponds-moi ! Jacob, viens vite ! hurla-t-elle appelant mon père.
Je montai les marches, une à une, le souffle court et me laissai choir sur mon lit. Dès lors que je retrouvai mes esprits, le manque d'Eden m'assaillit. Je l'avais laissée seule alors qu'elle avait besoin de moi, alors que je lui avais fait na promesse de ne pas l'abandonner, alors que je l'avais embrassée...
— Silas ? Mon chéri parle-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Où étais-tu ?
Ma mère était là, assise sur le bord de mon lit alors que je fixai le plafond, terrassé.
— Fiston ? Eh regarde-moi Silas !
Mon père me secoua, contrairement à maman qui elle me caressait les cheveux avec douceur. Je croisai son regard et j'y vis une inquiétude qui m'était inconnue jusqu'aujourd'hui. Je ne répondis pas et fermai les yeux, tentant de récupérer le fil de ma vie bouleversée en deux jours.
— Il faut qu'on l'emmène ! Je ne veux pas revivre ça Jacob, je ne peux pas, pleura ma mère.
— Ne raconte pas de bêtises Anne ! C'est cette histoire avec la fille Moore qui le chamboule !
— Jonas était pareil avant de partir, il était...
— Assez ! hurla mon père en sortant de ma chambre.
Maman pleurait, c'était la première fois depuis longtemps que je la voyais verser des larmes. La réaction de mes parents confirmait ce que je pensais, quelque chose n'allait pas et ce que je ressentais depuis plusieurs semaines était en lien avec tout ça et surtout avec Eden.
— Maman ? appelai-je.
— Oui mon coeur ?
Mon coeur ? Elle devait vraiment être inquiète pour m'appeler ainsi, lorsque Jonas était parti, elle passait plusieurs nuits dans ma chambre à répéter " Toi tu ne me laisseras pas mon coeur, tu ne me laisseras pas"
— Qui est Samuel ?
Elle arrêta son geste et resta silencieuse de longues secondes.
— Tu te souviens de lui ? demanda-t-elle.
— Un peu.
— Ton père ne voudrait pas que je t'en parle, hésita-t-elle. Plus personne n'a parlé de lui depuis sa disparition.
Je me redressai pour la regarder.
— Raconte-moi s'il te plait, je ne dirai rien à papa, ajoutai-je.
Elle soupira puis me prit la main.
— Samuel Laveau, c'était le fils adoptif de la famille Connery qui vivait encore ici à l'époque, il avait le même âge que ton frère Jonas et ils étaient inséparables, commença-t-elle.
Connery ? La famille de Matthew ? Je ne savais même pas qu'ils avaient eu un fils avant lui.
— Il avait deux ans lorsqu'ils l'ont adopté, il avait été déposé par sa mère devant l'église une nuit, c'était une ancienne junky, elle est morte quelques jours après. Ils habitaient la maison d'à côté avant de déménager, ton frère et Samuel sont très vite devenus inséparables. Et puis une nuit, lorsqu'il avait huit ans, il a disparu, il jouait près du lac avec Jonas et d'autres enfants et il a disparu... Une battue avait été organisée pour le retrouver, nous avons cherché, sans relâche, pendant plusieurs jours en vain. Il n'a jamais été retrouvé, l'enquête n'a rien donné et les Connery ont quitté le quartier et ont demandé à tout le monde de ne plus parler de leur fils. Tu avais à peine trois ans, je ne pensais pas que tu t'en souviendrais.
Matthew avait eu un grand frère qui avait disparu ? Est-ce qu'il était au courant ? Elle mentait, maman mentait ou du moins elle ne disait pas tout. Si ce Samuel avait disparu, ce n'était pas celui dont parlait Eden, c'était impossible, il fallait que j'en sache plus, je n'étais pas spécialement proche de Matthew, mais peut être qu'il savait quelque chose.
— Le frère d'Ashley Moore, Christopher, avait été interrogé par la police, quelqu'un avait dit l'avoir vu rôder plusieurs fois près du lac, mais c'était faux, ce jour-là, il n'était pas à Sherwood.
L'oncle d'Eden ? Est-ce qu'elle se souvenait de lui pour cette raison ? Peut-être qu'elle avait vu quelque chose qui l'avait marqué ? Quelque chose qui impliquait son oncle ? Elle savait quelque chose qu'elle avait oublié, ça concernait peut-être la disparition de Samuel, c'était pour ça qu'elle s'en souvenait ? Je divaguais peut-être, mais je devais aller aux archives de la ville et lire les articles concernant cette disparition, je trouverais surement quelque chose.
Mme Moore avait raison, avant de reparler à Eden, je devais savoir ce qu'il s'était passé il y a quatorze ans et sachant que maman ne me disait pas tout, j'allais attendre d'être seul à la maison, pour fouiller le bureau de papa.
Si pour aller mieux Eddy avait besoin de connaître la vérité, j'allais tout faire pour en apprendre le plus possible. J'espérais seulement qu'elle me pardonnerait de la délaisser quelque temps, mais je ne pouvais pas lui en parler avant d'en savoir plus.
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