Chapitre 36
EDEN
Réveil, douche, smoothie préparé par maman, et je montai dans ma voiture en direction du lycée. Chaque matin, depuis une semaine, j'avais l'impression de revivre la même journée, encore et encore, et j'avais l'impression que c'était mon enveloppe corporelle qui suivait le cours de la semaine.
Très vite, j'avais été entourée, maman avait raison sur un point, j'avais une aura qui attirait les gens, même si je n'en voulais pas. Alors j'avais pris cette place, naturellement, et surtout parce que je connaissais ce rôle par coeur. Je donnais tout et ma performance irradiait, mais une chose était certaine et me poussait à jouer du mieux que je pouvais, je ne pensais plus. Je ne pensais plus parce que je n'étais plus seule, et c'était tout ce qui comptait.
— Eden ?
Aedan O'Sullivan se tenait debout devant moi, je ne savais pas ce qu'il avait, mais ces derniers jours, il passait son temps à m'observer avec tant d'insistance, que j'en étais mal à l'aise.
— Est-ce que je peux te parler ?
" Ne lui parle pas," c'était ce que mon esprit me hurlait, mais je relevai la tête, plaquai un sourire charmeur sur mon visage et l'observai de haut en bas.
— Que me veut le garçon le plus populaire du lycée ? minaudai-je sous les rires de... je ne connaissais même pas le prénom des filles qui m'accompagnaient.
— Te parler, dit-il sereinement.
— Si tu veux m'inviter au bal de fin d'année, tu peux le faire publiquement, tu sais ? Les vrais gentlemen dévoilent leurs intentions au vu et au su de tous...
— Eddy, s'il te plaît...
Eddy ? Eddy... Lorsqu'il m'appela ainsi, je me souvins de tout, la plage, ma crise, Samuel, Silas, Jonas, tout. Je luttai pour garder un visage neutre et me levai pour le suivre. C'était donc pour ça qu'il m'observait aussi intensément, il voulait que je me souvienne. Une fois que nous étions à l'abri des regards, il m'observa intensément.
— Tu te souviens n'est-ce pas ?
J'acquiesçai difficilement, tout ce qui était en veille ces derniers jours, se réveilla de nouveau.
— Eden, je suis désolé, j'ai parlé à mon cousin Matthew et je pense que tu devrais lui parler, il doit être arrivé à Galveston maintenant.
Matthew Connery arrivait ? Pourquoi ?
— Il m'a dit qu'il fallait qu'il te parle en personne, que les choses étaient trop graves Eden, il est très inquiet.
— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il a dit ?
— Rien justement, il m'a juste dit qu'il venait...
— Appelle-le !
Il sortit son téléphone et appela Matthew avant de me le tendre.
— Matt ? dis-je.
— Salut Eden... Comment tu vas ?
— Tu es arrivé ? Où es-tu ?
— Je suis devant le lycée, je viens de me garer, je...
— J'arrive !
Je tendis le téléphone à Aedan et sortis rapidement de l'établissement avant de repérer la jeep de Matthew. Je courus jusqu'à lui, le coeur battant, et il sortit de son véhicule lorsqu'il me vit.
— Eden...
— Matt, il est revenu ? Il est à Sherwood ?
— Qui ?
— Silas ! C'est de lui que tu veux me parler n'est-ce pas ?
— Oh Eden... Allons faire un tour sur la plage, je vais tout te raconter.
— Non ! Dis-moi tout de suite ! Il n'est pas revenu, pourquoi ? Pourquoi il est parti, tu le sais non ?
— Monte dans la voiture Eden, je vais tout te raconter, mais il faut que tu viennes avec moi.
— Matt... S'il te plait, je...
Il ouvrit la portière de sa voiture et m'invita à y monter alors que Aedan montait à l'arrière. Je ne fis aucune remarque quant à sa présence, l'avais-je remarqué ? La route fut silencieuse et je savais que la finalité allait être douloureuse. Nous nous arrêtâmes près de la plage et je le suivis jusqu'au bord de l'eau. Il me prit la main et me fit asseoir sur le sable, avant de caresser ma paume de son pouce.
— Tu sais que Charly est partie vivre à Memphis avec Ava ?
— Oui, elle me l'a dit Matt, je l'ai eu au téléphone.
— Oh, vous êtes encore en contact, c'est une bonne chose...
— Pourquoi on le serait plus ? C'est ma meilleure amie.
Il soupira longuement.
— Dis-moi, dis-moi pour Silas... Tu sais n'est-ce pas ?
Son silence demeura, et je compris à cet instant que Silas n'était pas revenu à Sherwood.
— Eden, Silas... Silas a disparu.
— Quoi ?
— Il a disparu, personne ne sait où il est, et ce depuis plusieurs semaines...
— Combien ?
— Pardon ?
— Depuis combien de temps il a disparu ?
— Quinze jours avant ton départ de Sherwood, et quelques semaines après l'enterrement de Jonas. Je vais être honnête avec toi, tout le monde pense qu'il est mort, Anne Smith t'accuse de l'avoir tué, elle dit que tu as avoué le crime. Mais Eden ce n'est pas tout...
Je n'écoutais plus, « quelques semaines après l'enterrement de Jonas ».
Jonas était mort, Jonas était mort... Ce fut le moment que choisit mon esprit pour me jeter à la figure les derniers mois que je venais de passer. Je savais que je convulsais, je le savais et les images m'assaillaient, mon histoire avec Jonas, ma connexion avec Silas, nos découvertes, Samuel, Charly et papa, Charly et Silas, Silas et moi, jusqu'à la dernière nuit, sa dernière nuit...
***************
Lorsque j'ouvris les yeux, Jonas était là, alors que j'étais assise à califourchon sur lui, en train de l'embrasser. Pourquoi était-il ici ? Il m'avait menti, sur toute la ligne, il avait abusé de moi, il avait participé au rituel, il savait tout et surtout il connaissait l'issue finale.
— Jonas..., dis-je en le regardant dans les yeux.
Ces yeux que j'avais passé des heures à regarder, ces yeux qui m'avaient promis tant de choses, ces yeux qui m'avaient menti, ouvertement.
— C'est toi qui m'as trahi, c'est toi ! hurlai-je.
Nathanael avait raison, je n'aurais jamais dû lui faire confiance, il ne m'aimait pas, il n'aimait personne, il utilisait tout le monde et surtout moi. Tout ce qu'il avait fait... Il avait participé à tout, il m'avait fait croire que Silas aussi, pauvre Silas...
— Pourquoi ? demandai-je. Pourquoi tu m'as fait ça ?
Je savais une chose, si Jonas disparaissait, alors tout s'arrêterait, et lorsque je disparaitrai, eh bien tout s'envolerait, plus rien ne serait possible, j'étais la dernière, j'étais l'ultime sacrifice. Je pris le couteau que je gardais toutes les nuits entre mon lit et la tête de lit et poignardai Jonas une première fois.
— Pardonne-moi, pardonne-moi.
Je pleurai, je pleurai et je sortis le couteau pour le transpercer de nouveau, encore et encore, jusqu'à ce que j'entende ses derniers mots :
— Je te pardonne Eden, je t'aime... Ce n'est pas de ta faute, je t'aime, je...
Je ne voulais plus rien entendre, plus rien, alors je m'acharnais jusqu'à ce que je sois sure qu'il ne respire plus. C'était terminé, Jonas était mort alors c'était terminé, tout était terminé. Je ressentis un apaisement, une sérénité, une joie même. Je me levai du lit et pris le 45 tour d'Edith Piaf, La Foule, je lançai le disque et me mis à danser et rire, c'était terminé, tout était terminé, il ne me restait plus qu'à disparaître à mon tour. Je devais retrouver Silas et lui dire la vérité, il méritait de le savoir et j'étais certaine qu'il me pardonnerait. Il comprendrait que j'avais tout oublié, que depuis toujours on m'avait fait oublier que j'étais malade, il allait le comprendre et peut être qu'il m'accepterait malgré tout.
Je sortis par la fenêtre et me mis à courir, je ne sentais rien, et les cinq kilomètres qui me séparaient de l'endroit où il se cachait passèrent sans que je ne m'en rende compte.
— Silas ? Tu es là ? appelai-je.
Il sortit de la maisonnée et baissa sa capuche.
— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé Eden ? dit-il en me regardant de la tête au pied avant de me faire entrer dans la maison.
— J'ai tué Jonas, maintenant qu'il est parti, tout sera fini et tu seras libre toi aussi Silas.
— Tu as fais quoi ?
— J'ai tué Jonas...
Il me regarda, c'était étrange de le voir avec ces boucles si courtes, il disait qu'il fallait qu'il les coupe pour que je sache que c'était lui et pas un autre.
— Tu n'as pas tué Jonas Eden, Jonas est mort ! Qu'est-ce que tu as fait ? Qui as-tu tué ?
Il hurlait, paniqué et lorsque je compris ces mots mes pensées s'embrouillèrent.
— Eden, réfléchis, souviens-toi, avec qui tu étais cette nuit ? Avec qui ?!
Il me secouait, violemment, et la scène se déroula de nouveau sous mes yeux, sauf que ce n'était pas Jonas, non, ce n'était pas Jonas...
— C'est impossible...
— Qui était-ce Eden ?
— C'était toi... C'est impossible, c'était toi Silas...
Lorsque je prononçai ces mots, il s'écroula, une main sur le coeur.
— Non... Non, non, non ! Eden ! Qu'est-ce que tu as fait ? Pourquoi ? Pourquoi t'as fait ça ?!
— Je... C'est impossible...
— Réponds ! hurla-t-il en pleurant.
— Je ne sais pas... Je croyais que c'était Jonas, c'était lui, c'est impossible, tu es là devant moi, c'est impossible... Pourquoi ? Dis-moi pourquoi ? demandai-je confuse.
ll ne répondit pas, il était effondré, ses larmes coulaient à flots et mon incompréhension demeurait intacte jusqu'à ce que je réalise mon acte.
— Pourquoi j'ai fait ça ? Pourquoi j'ai tué Silas Smith ? Qui es-tu alors ? Si c'est lui que j'ai tué qui es-tu ? C'est impossible...
Mon esprit décida à ce moment-là que je ne pouvais plus supporter quoi que ce soit alors il choisit de prendre le dessus, alors je disparus dans les abimes de l'incompréhension et de la douleur.
**************
Lorsque j'ouvris les yeux, mon corps ne se manifestait plus, mais tout ce dont je me souvenais restait intact, vif et douloureux. Matthew était là, avec son cousin Aedan, la panique se lut sur leurs visages et Matt fut le premier à remarquer mon réveil.
— Eden, on a appelé une ambulance, ils arrivent !
— Ce n'est pas la peine, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, je vais bien.
— Non, tu ne vas pas bien !
— Matt... S'il te plait, je... Il faut que je parte, il faut que je rentre à Sherwood.
— Tu ne peux pas rentrer à Sherwood.
J'avais tué Silas Smith, mais quelques minutes plus tard, je l'avais retrouvé, c'était impossible, et pour en avoir le coeur net, il fallait que j'aille le trouver, il le fallait.
— Tout le monde pense que tu es responsable de la disparition de Silas, tout le monde le pense, tu ne vas pas le supporter Eden...
— Matt, tu ne sais rien, rien du tout...
— Alors, dis-moi, je peux t'aider, tu peux me faire confiance.
— Tu ne connais même pas ta propre histoire, ni celle de Samuel, tu ne sais rien.
Je me levai difficilement et me mis à marcher jusqu'à la maison. Papa n'avait pas arrêté, il me droguait encore, il profitait de ma maladie pour me façonner à sa guise, ils le faisaient tous... Je n'appartenais à personne et j'appartenais à tout le monde, j'étais le fruit d'une multitude de dons, j'étais censée conclure, tout devait commencer et s'arrêter avec moi... Maintenant que j'étais partie, ils allaient s'en prendre à quelqu'un d'autre, ils allaient tout faire pour terminer ce qui avait été commencé, mais je n'allais pas les laisser faire, je ne pouvais pas. Il fallait que ça s'arrête, il le fallait, il y avait eu assez de morts, assez de cruauté, assez de crimes commis, il fallait que ça s'arrête, et ça allait s'arrêter avec moi. Je savais, cette fois-ci je savais que je n'oublierais plus, c'était le moment...
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