Chapitre 23
SILAS
J'étais rentré à Sherwood complètement découragé et effrayé à la fois. J'avais l'impression que plus j'avançais, plus les obstacles se dressaient devant moi, comme si je n'étais pas destiné à découvrir ce qu'il se passait réellement ici et le rôle d'Eden dans tout ça. Effrayé, parce que si sa mère était la personne qui avait récupéré le carton contenant les preuves que Jonas avait rassemblées, ça voulait dire qu'elle était prête à tout pour que personne ne découvre quoi que ce soit. Au moins, ça confirmait son implication, même si la conversation que j'avais surprise à l'église était déjà une preuve.
Est-ce que c'était aussi elle qui m'avait agressé à la cabane ? J'avais juste aperçu une paire de talons noirs, c'était fort probable. Les jours qui avaient suivi, j'avais tenté de comprendre ce qui se tramait avec le peu de choses que j'avais trouvé. Je savais que Ashley et John Moore faisaient partie du lot avec mon oncle Joseph, la mère de Matthew, Nathanael Cohen et Eden qui était certainement impliquée depuis le début même si elle ne se souvenait pas. Qu'est-ce qu'un groupe d'adultes pouvaient trouver à faire avec des gamins ? La première pensée que j'avais eue était qu'ils faisaient partie d'une secte, mais ça n'avait aucun sens, quel en serait le but ? Pourquoi des enfants, adolescents et adultes seraient impliqués ? Qui était censé être le gourou ?
Non, ça allait plus loin que ça, il y avait un enjeu, un secret, je pensais plutôt qu'ils cherchaient à cacher un crime, en l'occurrence celui de Samuel, qui devait être le résultat de quelque chose de beaucoup plus glauque. La place de Nathanael était la plus incompréhensible pour moi, à moins que ce soit à cause d'Eden qu'il faisait partie de tout ça ? Plusieurs personnes les avaient vus s'embrasser apparemment, même ça je ne le comprenais pas.
La vérité c'était que je ne connaissais pas Eden, je ne savais pas à qui j'allais avoir affaire lorsqu'elle reviendrait à Sherwood. Peut-être même qu'elle avait une relation avec lui, comme c'était le cas avec Jonas, peut être même qu'elle se foutait complètement de moi... Non, c'était impossible, elle était sincère lorsque nous avions passé la nuit ensemble, son regard ne mentait pas.
J'avais fini par arrêter de me torturer l'esprit avec tout ça, le mieux était d'attendre qu'Eden revienne et de ne pas prendre de risques inutiles, j'étais surement même déjà repéré. Ne pas penser à tout ça, m'obligeait à penser à Charly. Je regrettais amèrement notre nuit passée ensemble, j'avais l'impression d'avoir trompé Eden, même si nous n'étions pas en couple et je n'imaginais même pas sa réaction si elle l'apprenait. Je savais juste que je ne pourrais supporter son regard si expressif qui dirait à quel point je l'avais déçu.
Est-ce qu'elle avait le même regard avec Jonas ? Est-ce que leur relation était aussi intense et presque irréelle? Il était tombé amoureux d'elle à quel moment ? Lorsqu'on la voyait se pavaner avec une longue robe blanche et une couronne de fleurs sur la tête durant les étés chauds ? Ou alors lorsqu'on l'entendait rire aux éclats avec Charly près du lac, alors qu'elle lui apprenait à nager ? Est-ce qu'il l'avait aimé alors qu'il était encore ici?Elle n'avait que douze ans et lui dix-sept lorsqu'il était parti, à quel moment avaient-ils pu tomber amoureux l'un de l'autre ?
— Silas ?
Ma mère venait de frapper à ma porte, me sortant de mes pensées moroses et déprimantes. Elle était rentrée quelques jours auparavant, après avoir passé plusieurs semaines chez sa soeur, pour faire son deuil loin d'ici, lorsqu'elle avait su qu'Eden allait en rééducation.
— La mère d'Eden est là, elle voudrait te voir, tu peux descendre s'il te plait ?
Ashely Moore voulait me voir ? Ça concernait forcément Eden alors je ne réfléchis pas et descendis rapidement, pour la trouver dans le salon. Sa chevelure rousse, flamboyante était détachée et je remarquai que sa posture était la même que celle d'Eden. Elle qui disait que sa mère l'avait formaté depuis son plus jeune âge, je me rendis compte à quel point elle avait raison, même s'il n'y avait pas de ressemblance physique, le reste y était.
— Bonjour Silas, comment tu vas depuis ? demanda-t-elle en m'observant.
J'haussai les épaules, qu'est-ce que j'étais censé répondre à ça ?
— Je voulais te dire qu'Eden rentre demain, je sais que ça risque d'être compliqué pour toi, mais elle aura besoin des personnes à qui elle tient, même si elle ne le sait peut être pas...
C'était une blague ? Lorsque son mari m'avait refait le portrait, elle m'avait demandé de laisser sa fille, par amour, et maintenant elle me demandait d'être présent pour elle ? Quelque chose n'allait pas, et son regard était si insistant que j'acceptai en silence.
— J'organise une petite fête pour son retour, tu es le bienvenu, Charly sera là aussi.
Charly et moi dans la même pièce en face d'Eden ? C'était impossible, je savais qu'elle devinerait que quelque chose s'était passé, alors mieux valait que je m'abstienne.
— Je passerai la voir plus tard, dis-je.
— D'accord Silas, très bien, j'y vais alors. Merci Anne, à bientôt.
Elle s'en alla et ma mère me prit la main pour m'entraîner dans la cuisine.
— Je vais nous préparer un chocolat chaud, j'ai fait ton gâteau au chocolat préféré mon coeur.
Je ne répondis rien, et la laissai discuter sans écouter, le visage d'Eden, inondant mon esprit et faisant accélérer les battements de mon coeur.
— Je suis désolée, j'ai été une mère indigne ces derniers temps, complètement égoïste, mais la mort de ton frère m'a complètement anéanti. Je... Je sais que tu l'as d'autant plus mal vécu étant donné l'histoire entre Eden et Jonas.
Je relevai la tête, pas certain d'avoir bien entendu, elle venait de dire Eden et Jonas ? Alors elle était au courant ?
— Je sais que tu es au courant Silas, et je crois que quelqu'un te doit des réponses, même si ton père ne veut pas que je t'en parle.
Elle s'arrêta et déposa une part de gâteau et un chocolat chaud, devant moi.
— Prions un moment, dit-elle en me prenant la main. Seigneur, je prie pour ce repas, je te demande de sanctifier ces aliments, purifie-les, qu'ils fassent du bien à nos corps... Et Seigneur je prie pour tous les gens qui n'ont pas à manger dans le monde, amen.
Elle lâcha ma main et prit un morceau de gâteau.
— Jonas est parti parce que nous avons découvert qu'il fréquentait Eden Moore, reprit-elle. Tu imagines le choc que j'ai eu lorsque j'ai aperçu ton frère embrasser la jeune Eden, alors qu'elle n'avait que dix ans. Elle ne savait sûrement pas ce qu'il se passait, et je pense même qu'elle a oublié tout ça, étant donné son attachement pour toi, mais ton frère a commis une abomination.
Son ton était froid et triste à la fois. Alors elle savait ? Mais la chose que je réalisais après avoir compris que ma mère savait, c'était qu'elle disait qu'Eden avait dix ans lorsque Jonas l'avait embrassé ? Dix ans ? Alors il en avait quinze à ce moment-là ? C'était impossible...
— J'ai tout essayé Silas, j'ai tenté de la raisonner, mais il a refusé et il a développé une obsession pour elle, une obsession telle qu'il passait son temps à la suivre, partout où elle allait. À la sortie de l'école, il l'observait dans sa chambre la nuit, il était obnubilé par elle, c'était devenu une maladie presque. Personne ne le savait, mais lorsque John Moore l'a su, il a exigé qu'on fasse quelque chose, que ça s'arrête, sinon il allait déposer plainte et ruiner sa réputation et la nôtre.
Elle s'arrêta, me laissant à peine le temps d'assimiler tous ces mots.
— Alors on lui a dit qu'il devait partir quelque temps, qu'il devait se soigner, qu'oncle Joseph allait l'aider. Ça a été difficile, au début il s'y est opposé violemment, puis un soir, il est rentré et tout avait changé. Il a arrêté de suivre Eden partout, il a repris les cours sérieusement et un matin, lorsque je me suis réveillée, il était parti. Il avait laissé un mot qui disait qu'il ne pouvait pas rester ici alors qu'Eden était là, et je ne l'ai plus jamais revu.
Elle s'arrêta enfin et ma tête se mit à tourner, je me sentais tellement mal que je dû m'appuyer sur la table pour ne pas tomber.
— Silas ? Ça ne va pas ?
— J'ai le vertige maman...
Elle se leva et me soutint jusqu'au canapé, sur lequel je m'allongeai, fébrile.
— C'est le choc, je suis désolée de te dire tout ça comme ça, mais je ne pouvais plus garder ça pour moi.
Quelqu'un mentait, et je pensais sincèrement que c'était ma mère, pourquoi Jonas aurait écrit tout ça ? Il aurait été voir Casey Duncan qui avait bien reçu des preuves que quelque chose se passait ici, ça n'avait pas de sens, rien n'avait de sens. Je tentai de répondre, mais je sombrai et vis ma mère paniquer avant de fermer définitivement les yeux.
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