Chapitre 10
SILAS
Ça faisait presque trente minutes que je stationnais devant la maison de Matthew Connery. Samuel était mort même si son corps n'avait jamais été retrouvé, et même s'il était petit à l'époque, il s'en souvenait forcément, sa famille avait dû être dévastée, c'était des choses qu'on n'oubliait pas.
Je sursautai lorsqu'on frappa à ma vitre brusquement.
— Qu'est-ce que tu fous ici Silas ? me demanda Matthew les sourcils froncés.
Je sortis de ma voiture et m'appuyai sur la portière, nerveux. Comment aborder le sujet ?
— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Tu t'es battu ? s'exclama-t-il surpris.
J'étais certain d'une chose concernant Matthew Connery, il était amoureux d'Eden. Et maintenant que je l'avais embrassé, je ne supportais pas l'idée qu'un autre ait des sentiments pour elle, je voulais être le seul à ressentir ça pour elle.
— Je voulais te parler, dis-je.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Je vis du mouvement derrière une fenêtre de sa maison et sa mère apparut, nous observant.
— Je ne sais pas comment aborder le sujet, hésitai-je.
Est-ce que je pouvais venir, égoïstement, chambouler sa vie en lui parlant de son frère mort, parce que ça me concernait, ça nous concernait Eden et moi ?
— Je ne sais pas si tu te souviens de mon frère Jonas?
— Oui je me souviens, il est à l'armée c'est ça ? répondit-il suspicieusement.
— Oui... Tu sais il était très ami avec Samuel...
Il fronça les sourcils, lança un regard à sa mère qui semblait inquiète et se tourna vers moi.
— Allons marcher un peu, proposa-t-il.
Je le suivis, méfiant, il avait l'air en colère, mais la contenait. Dès que nous fûmes hors de la vue de sa mère, il m'attrapa par le col et me plaqua contre une voiture.
— Pour qui tu te prends ? J'en ai rien à foutre que tu sois Silas Smith et que tout le monde t'aime ! Tu ne viens pas chez moi me poser des questions sur ma famille ! Ma mère se remet à peine de tout ça alors tu oublies ça, si jamais j'apprends que tu continues de poser des questions, je te refais le portrait et cette fois je t'assure qu'on reconnaitra pas ta gueule d'ange !
Je le repoussai violemment, et je me retins de lui foutre mon poing dans la figure.
— Même si ça concerne Eden ? demandai-je alors en lui souriant d'un air mesquin.
— Quel rapport avec elle ?
— Je sais ce que tu ressens pour elle, si je te dis qu'elle est en danger et que ça peut l'aider, tu...
— Ferme là Silas ! Dégage d'ici et que je te revois pas roder autour de chez moi ! Oublie ma famille !
Il semblait prêt à en découdre et moi aussi. Je n'étais pourtant pas d'un naturel violent, pas du tout même, mais une rage grandissait en moi.
— Eden ne t'aimera jamais comme tu le voudrais, j'espère que tu en as conscience Matthew.
— Dégage d'ici Silas, siffla-t-il les poings serrés.
Je remontai dans ma voiture et démarrai les nerfs à vif. Ça ne me ressemblait pas, je n'étais pas quelqu'un de violent, j'étais réfléchi, posé, calme, et jamais je n'aurai cherché à provoquer la colère de quelqu'un, ça ne faisait pas partie de mon éducation.
Pourtant plus je pensais à Eden et à ce que sa mère m'avait dit, plus j'enrageais. Je ne pouvais pas la laisser, je ne pouvais plus maintenant que j'avais goûté à ses lèvres, que j'avais dormi avec elle, que j'étais entré dans sa chambre, que je l'avais croisé ce soir-là au lac, en larmes.
Je ne pouvais pas parce que j'étais amoureux d'Eden Moore, tout simplement, mais si douloureusement, je ne pouvais plus maintenant que je l'aimais.
Je roulai jusqu'aux archives, déterminé. J'entrai sans répondre aux salutations des personnes que je croisais et je m'installai derrière un poste, ravi d'avoir participé à la numérisation des articles de journaux bénévolement il y a quelques années. Je n'aurai pas besoin de chercher dans chaque journal de l'époque, étant donné que seule la presse locale en avait parlé, d'après le peu d'informations qu'il y avait sur le net.
Je tapai dans la barre de recherche : " Samuel Laveau", et une série d'articles apparut.
" Qu'est-il arrivé au petit Samuel ?", " Une disparition inquiétante seulement pour la ville", " Un homme impliqué dans la disparition de Samuel", " La battue n'a rien donné", " La famille Connery demande à ce qu'on ne parle plus de leur fils"
J'ouvris l'article qui parlait de l'homme impliqué dans la disparition de Samuel, Christopher Peters, l'oncle d'Eden. Une photo de la famille était publiée avec l'article et je reconnus tout de suite Eden, elle avait trois ans et portait une rose blanche dans ses cheveux. Je me sentis tout de suite mal, j'eus un haut-le-coeur et me retint de vomir. Je l'avais déjà vu comme ça, j'en étais certain, je la voyais dans ma tête, enfant, et une rose dans les cheveux.
Je lus l'article qui expliquait que Christopher Peters avait été interrogé par la police, une source anonyme avait dit qu'il avait passé du temps seul avec Samuel alors que ses parents n'étaient apparemment pas au courant. Je poursuivis ma lecture et je vis que c'était le père d'Eden qui avait confirmé sa présence à Little Rock ce jour-là et plusieurs personnes avaient confirmé.
Je sentis plusieurs regards sur moi, alors j'imprimai les articles, supprimai l'historique, payai mes impressions et sortis des archives en faisant le tour des rayons.
— Je t'assure que c'était Eden ! entendis-je dire.
Je m'arrêtai et jetai un oeil dans le rayon d'où venait la voix. C'était une fille du lycée, Cristina Doyle, qui parlait à Charly, l'amie d'Eden, elle m'avait beaucoup parlé d'elle, me disant qu'elle admirait son naturel et sa prestance. Je me souvenais d'avoir été surpris de l'entendre dire ça, elle était beaucoup plus belle que Charly, même si cette dernière l'était aussi, et beaucoup plus charismatique.
— Arrête de dire n'importe quoi Cristina et remets-toi au travail, t'en as bien besoin ! répliqua Charly.
— Je te dis que j'ai vu Eden cette nuit au lac, elle était en train d'embrasser Nathanaël Cohen ! Je devais y retrouver Marc et on les a vu, elle semblait complètement ailleurs, c'était vraiment bizarre ! Comme tu es son amie, je pensais que tu serais au courant. Même si elle fréquente Silas Smith en même temps, je ne pensais pas qu'elle était de ce genre...
— Cristina, tu la fermes ! Tout le monde sait que tu es une menteuse pathologique, alors arrête d'inventer des histoires sur Eden. Ta jalousie t'enlaidit, et même tes couches de maquillage ne peuvent pas le cacher !
Eden et Nathanaël ? C'était impossible... Cependant, un doute s'immisça en moi, même si Cristina parlait beaucoup, ce qu'elle disait s'avérait toujours être vrai. Je sortis rapidement et m'arrêtai au café restaurant de la ville.
— Bonjour Silas ! Comment tu vas mon beau ? me lança Josie joviale comme toujours. Oh mon Dieu ! Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? ajouta-t-elle lorsqu'elle vit mon visage.
J'aimais beaucoup Josie, alors je ne répondis pas pour ne pas être désagréable envers elle. Elle sembla comprendre et m'apporta un chocolat chaud viennois quelques minutes après. Je ne pus l'avaler, l'image d'Eden embrassant un autre me retourna l'estomac. J'avais eu l'impression que c'était son premier baiser avec moi, j'en étais même certain, mais la conversation que j'avais entendue me rendait fou.
Je me levai précipitamment et sortis du café.
— Silas attends ! entendis-je alors qu'on me prenait le bras.
Je me retournai et croisai le regard plein d'appréhension d'Eden. Je l'observai, mais le seul visage que je voyais était celui de Nathan, je la regardai alors une dernière fois. J'étais en colère, je ne pouvais pas l'être, je ne l'étais jamais, pourquoi est-ce qu'elle me faisait ressentir toutes ces choses ?
— Ne me touche pas Eden, je ne veux plus te parler ni te voir, m'entendis-je dire sèchement en retirant sa main de mon bras.
Je clignai à peine des yeux, juste une seconde, et je la vis tomber, horrifié. C'était moi qui venais de faire ça ? Je l'avais fait tomber ? Non, impossible, je n'étais pas quelqu'un de violent, mon esprit me jouait des tours. Je courus presque jusque ma voiture et démarrai en trombe.
— Calme-toi Silas, dis-je à voix haute.
Qu'est-ce que je venais de faire ? Son regard me revint à l'esprit, le choc, la surprise peut-être un peu de peur ? Je l'avais poussé et elle était tombée, la nuit dernière ce n'était pas volontaire, mais cette fois-ci ça l'était. Je roulai pendant longtemps sans but, avant de revenir à Sherwood et de m'arrêter devant le bureau de poste de la ville. Je pris un des articles que j'avais imprimé et le lus pour me calmer, il fallait que je me concentre sur quelque chose d'autre pour arrêter les tremblements de mes mains.
Je ne connaissais pas Nathanaël Cohen, mais j'avais envie de le tuer, juste à l'idée qu'il ait pu toucher à Eden. Je lisais l'article sans conviction jusqu'à ce que le nom d'Eden apparaisse.
" La petite Eden Moore a été interrogée en présence de ses parents par l'officier Baldwin. La fillette portait le pull de Samuel Laveau lorsque la disparition de l'enfant a été remarquée. L'entretien n'a rien donné, Ashley Moore a crié sa rage envers les services de police : "Ma fille a trois ans ! Comment on peut lui faire subir ça ? Les enfants jouaient ensemble lorsque Samuel a disparu ! C'est quoi ces méthodes! Ça ne s'arrêtera pas là, je vous l'assure !"
Eden portait le pull de Samuel ? Qu'est-ce que ça voulait dire ?
— Tu as entendu ? Un corps vient d'être retrouvé dans le lac, c'est la belle Eden qui l'a trouvé ! Il paraît que c'est le fils Smith, Jonas...
Je me retournai et vis deux femmes parler devant ma voiture. Je mis un certain temps à assimiler ce qu'elle venait de dire, avant de sortir de ma voiture.
— Qu'est-ce que vous avez dit ? demandai-je d'une voix blanche.
Elles me regardèrent, horrifiées, puis je vis de la pitié dans leurs regards, alors je remontai dans ma voiture et roulai aussi vite que je le pouvais jusqu'au lac. Il ne restait qu'une voiture de police et d'autres personnes, mais ni Eden, ni de corps, rien, j'allai alors au poste de police et entrai en trombe. La première chose que je vis, fut le regard émeraude d'Eden, alors je l'interrogeai silencieusement, et lorsque je la vis fondre en larmes, mes forces me lâchèrent et ses bras me retinrent avant que je ne m'effondre.
Je pleurai, je revoyais encore mon frère m'apprendre à faire du vélo, à faire mes lacets, à jouer à la console, à me réveiller avec des chatouilles au point de pleurer de rire. Je ne l'avais pas vu depuis des années et aujourd'hui il était mort, ici, à Sherwood, et j'étais certain qu'il avait été tué.
L'odeur d'Eden me submergea, elle avait trouvé le corps de mon frère, dans le lac, elle y nageait surement comme elle avait l'habitude de le faire, et je réalisais que c'était la dernière personne à l'avoir touché. Je me dégageai de ses bras, la regardai en essuyant mes larmes et allai prendre ma mère dans mes bras.
Jonas était mort et Eden l'avait retrouvé, j'avais mal, mais une certitude s'immisça en moi, j'étais le prochain...
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