Les probabilités
Je n'aime pas les probas.
Gudule : il n'aime pas les probas.
Je n'aime pas les probas pour deux raisons :
– parce que j'ai attendu longtemps avant de comprendre ce qu'il y avait de mathématique dans les probas, de différencier l'intuition du vrai raisonnement ;
– parce que j'en ai trop mangé au lycée et que je n'aimais déjà pas ça à l'époque...
Déjà ce n'était pas satisfaisant de voir que la chose qui semblait avoir l'air (ou qu'on pouvait présenter comme) la plus « utile » dans le programme, c'était un pot-pourri de quelques notions probabilistico-statistiques (je prononce cette phrase à voix haute afin de vérifier qu'elle sonne bien horriblement).
Oui, je pense à vous, vous les ancêtres, vous qui avez vécu du temps où on faisait des équations différentielles en physique en TS. (NDA : parce que je crois que ça ne se fait plus) (NDG : vous devriez vérifier avant de jeter des pavés). C'était le bon vieux temps.
Bref. À ma décharge, Bourbaki n'aimait pas non plus les probas. Déjà lui les considérait comme des pseudo-maths.
Comment, vous ne connaissez pas Nicolas Bourbaki ?
Vous trouverez un résumé de sa vie ici, dans le document "notice sur la vie et l'œuvre de Nicolas Bourbaki" :
http://archives-bourbaki.ahp-numerique.fr/items/browse?type=14
Gudule : le lien complet ne rentre pas et Wattpad le refuse. Parfois la vie est mal faite.
Bourbaki, c'est un auteur prolixe, tout d'abord : un effort de formalisation des mathématiques, et une influence considérable sur le paysage d'après-guerre. Ses Éléments de mathématiques présentent une vision absolument rigoureuse, ils sont publiés à partir de 1939 mais jamais achevés. On commence par la théorie des ensembles et on redéfinit correctement toutes les mathématiques ! Le rêve.
Nicolas Bourbaki a gagné plusieurs (!) médailles Fields entre 1950 et 2000. Ceux qui ne savent pas ce qu'est une médaille Fields, au coin. Reviens, Gudule. Tous les journalistes disent « c'est l'équivalent du prix Nobel », parce qu'apparemment les gens qui ne savent pas ce qu'est une médaille Fields savent ce qu'est un prix Nobel. Où va le monde.
Gudule : vous vous dispersez, maître.
Vous ne trouverez jamais de photo de Bourbaki. Eh bien pourquoi ? Parce que
En réalité, Bourbaki est un collectif de mathématiciens. De grands noms : A. Weil, J. Dieudonné, C. Chabaury et d'autres. Fictif ou pas, ce personnage a effectivement influencé le paysage mathématique de façon considérable. D'après Laurent Schwartz, Bourbaki n'aimait pas les probas et a un peu abandonné cette partie... ce qui a considérablement ralenti les progrès de l'école française de probabilités. Et il se fichait un peu aussi de la théorie des catégories.
Le problème des probabilités réside dans leur formalisation. Un parfait exemple pour ça est le « paradoxe de Monty Hall » qui n'en est pas un.
Un homme fait face à trois portes. Derrière deux d'entre elles se trouve Harry Styles (on l'a cloné, arrêtez de pinailler). Derrière la troisième se trouve une chèvre. On dit à l'homme de choisir une porte. Il espère bien entendu tomber sur la chèvre (c'est utile, ça permet de tondre la pelouse).
Initialement, il a donc "une chance sur trois" de tomber sur la chèvre.
Ensuite, le FTM, qui est omniscient, ouvre une porte parmi les deux non choisies, derrière laquelle se trouve Harry. Il demande ensuite à l'homme s'il reste sur son choix ou s'il change de porte.
Pour maximiser ses chances de réussite, l'homme doit changer de porte.
C'est vrai.
C'est bizarre.
C'est difficile à expliquer, sauf si on a droit aux formules.
Gudule, ouvre la cage aux formules.
Gudule : mais maître, on avait dit...
C'est un cas d'extrême nécessité ! Gudule ! Maintenant !
Bon, qu'est-ce que j'ai écrit là.
Nous sommes en probas. Donc que sont les probas ? Ça consiste à considérer des ensembles de trucs nommés « événements » et à leur associer une mesure nommée « probabilité ». Comme nous sommes en maths, c'est tout. Nous ne faisons pas appel à une intuition. Nous faisons appel au pur raisonnement.
« P » est donc ma « mesure de probabilité ». Je nomme « C » l'événement : « l'homme tombe sur la chèvre » et « B » l'événement « la première porte était la bonne ». Les barres moches sur B et C veulent dire « non B » et « non C ».
Attention, là interviennent les données du problème. Vous êtes d'accord que P(B) est 1/3. Bien.
Vous êtes d'accord aussi que dans la stratégie « je garde ma porte », le seul moyen de gagner était d'avoir choisi initialement la bonne porte. Bien.
Vous êtes d'accord, enfin, que dans la stratégie « je change de porte », le seul moyen de gagner était de ne pas avoir choisi initialement la bonne porte.
Tout ce qu'il nous reste à faire c'est d'appliquer cette formule magique, et voilà. D'un côté 1/3, de l'autre 2/3, donc plus de « chances ». La barre verticale veut dire « sachant que ». Cette formule quant à elle provient de la définition des « sachant que » et des propriétés d'une « mesure de probabilité » (qui correspondent à ce que vous en attendez). Et il est hors de question que j'aille plus loin parce que je n'aime toujours pas trop ça.
Gudule : maître, vous êtes tout pâle.
Regarde-les, Gudule. Ils m'ont obligé à faire des probas ? Et voilà le résultat ! Des formules ! Maintenant ils sont comme moi, ils en garderont un mauvais souvenir qui les hantera toute leur vie ! Haha !
Gudule : ouais, en fait, personne ne vous a obligé à faire ça.
Le problème de Monty Hall a vraiment déchaîné les passions. Vous trouvez encore sur Internet des pages web avec des lignes et des lignes de justifications fumeuses faisant appel à l'intuition, la notion d'information qui est donnée par le FTM, l'intervention divine ou extraterrestre...
Voilà pourquoi les probas c'est énervant. Trop d'intuition du monde réel parasite votre raisonnement mathématique. Dans le monde des maths il n'y a pas de « chance que ça arrive ». Il y a juste une mesure abstraite. Si vous voulez interpréter ça en « chance que ça arrive » ou en terme statistique, faites comme vous voulez. Mais ce ne sont plus des maths...
Gudule : il commence à ronger son clavier. Chers lecteurs, c'est tout pour ce chapitre.
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Les catégories, les catégories. Personne n'a une idée de blague à faire sur les catégories ? Je sèche complètement.
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