Prologue🌟
L'horloge principale retentit dans la nuit sombre. Il était cinq heures du matin. Tout le monde dormait ? Non, pas tout à fait. Certains rêvaient de leurs instants de bonheur, d'autres prenaient leur tour de garde. Et pourtant, la plupart se préparaient déjà à une nouvelle journée. Dans les rues, les passants augmentaient toujours plus. On ne les comptait plus : un, deux, dix, cent. Les lanternes avaient été rallumées, les maisons étaient désormais éclairées. Plus loin, dans une vaste pièce, un homme et une femme discutaient :
— Il n'y a rien à faire, madame, marmonna l'homme.
— Si, vous avait forcément la solution. N'existe-t-il aucun remède ? Questionna la femme en le suppliant de rester plus longtemps.
— Non, j'en suis navré.
— Il s'agit de votre roi. C'est votre devoir de lui porter vos services.
— Je ne voudrais pas m'opposer à vos propos, mais sachez une chose. Votre mari ne survivra pas, profitez de vos derniers moments au lieu de perdre du temps pour ne rien faire. Il n'y aucun moyen de l'aider.
L'homme baissa la tête et sortit de la chambre. Il faisait encore nuit. On ne distinguait pas encore l'horizon depuis la fenêtre. L'air était frais et difficile à respirer. Habituellement, la femme regardait par la fenêtre les champs, les plaines et les forêts, les lacs et les rivières. La nuit, elle fixait la lune. Le jour, elle se reposait au soleil. On pouvait tout voir depuis cette minuscule fenêtre.
Les habitants aimaient leur roi et leur reine. Ils leur avaient donné les responsabilités du royaume, il y a déjà quatorze ans. Un garde veillait à la sécurité du couple en se postant derrière la porte. Il n'entendait pas, mais ils préférèrent fermer la porte.
Aujourd'hui, la femme se contenta de fermer la porte derrière le médecin et de soupirer. Elle affichait un regard vide, jadis radieux. Elle souffrait de l'intérieur, alors qu'hier encore, elle vivait la vie comme bon lui semblait. Pour une femme qui venait d'accoucher, elle n'en donnait plus l'air. Elle bougaitbougeait modérément, mais s'activait pour n'y paraître rien.
— Est-il encore là ? Demanda l'homme.
— Non, il est parti.
— Fais-le revenir, j'aimerais lui parler.
La femme s'exécuta et poursuivit le médecin qui s'apprêtait à sortir du bâtiment. Il se retourna et lui sourit.
— Mon mari souhaiterait vous parler.
— Bien, j'arrive tout de suite. Dites-lui de m'attendre.
Le vieil homme tira son chapeau à la noble dame et rebroussa chemin.
— Il ne bougera pas, je vous le certifie.
L'homme tendit l'oreille à l'approche de sa femme et du médecin. La femme resta à l'extérieur et attendait l'autorisation pour pouvoir rentrer. Les deux hommes entamèrent une dernière conversation. Depuis le couloir, on entendait des sons, des voix, des pleurs, des exclamations, des petits cris. Et puis il passa la porte et partit pour de bon.
Depuis des années, ils vivaient ensemble. Ils se disaient tout. Pourquoi se séparer dans un moment aussi crucial ?
Ils étaient seuls. L'homme mourant était allongé dans un lit et plissait légèrement des yeux. Il avait encore des boutons un peu partout sur le visage. Il suffoquait et crachait un dernier callot de sang. À mesure que les heures passaient, son visage se teintait en beige, puis en blanc cassé.
— Et bien ?
— Que veux-tu que je te dise ?
— Enfin, Merlin, tu sais bien de quoi je parle. Tu as deux nourrissons qui ont besoin de leur père.
— Oui, mais je pense qu'il vaut mieux pour tout le monde que tu partes, toi, le petit Alaric et Gaspard.
— Partir ? Enfin, pourquoi, non, je reste.
— Tu pars.
— Je reste.
— Je vais mourir, à quoi bon ? Lui-même le sait mieux que moi.
— Ton pays a besoin de toi, j'ai besoin de toi.
Il soupire.
— Je ne peux rien y faire.
— Enfin, le médecin te trouvera bien un remède ? Non ? Que lui as-tu demandé tout à l'heure ?
— Le futur. Ce que je serai, ce que mon peuple deviendra.
— Qu'est-ce qu'il en sait ?
— Pars !
— Et nos enfants ?
Il pleurait. Elle pleurait. Ils savaient que c'était la meilleure solution. Elle rassembla ses bagages et affaires de dernière minute. Qu'est-ce qu'elle faisait ?
— Il y a une auberge, pas loin, ils t'aideront. De toute manière, je ne vois pas comment je pourrais t'aider. Nos enfants pourraient être contaminés et toi aussi.
Elle se couvrit d'un tissu pour passer inaperçu. Les enfants dormaient encore dans le berceau, au fond de la pièce.
— Merlin...
Il l'interrompit et l'embrassa une dernière fois. Il était profond, si sincère, si doux. Il disait « tout va bien se passer ». Un mensonge, c'en était encore un. C'était la dernière fois. Elle fondit en larmes et prit les deux nourrissons dans ses deux bras. Elle fuit. Le pays s'endeuillait de la mort de son roi. Elle courut à travers la plaine et pleura comme personne. Elle ne s'arrêta pas et se décida à ne pas se retourner. Elle n'en aurait pas la force. Gaspard et Alaric ne verront jamais leur père.
Peu de temps après, la mort du souverain eût des répercussions. Une guerre se déclencha. Le peuple n'avait désormais plus de roi pour les guider dans leur quotidien. Marianne était veuve. Alaric et Gaspard n'avaient plus leur père. Ils dormaient dans l'herbe, à côté de leur mère, qui pleurait.
Quelques années plus tard, la mère succomba à la maladie à son tour et laissa ses deux enfants livrés à eux-mêmes. La guerre était en cours tandis que les frères finissaient tout juste leurs études dans une école de village. Quel que soit leur futur, leur mère leur avait fait promettre de rester ensemble. Elle était morte d'une maladie, comme leur père. Ils ne se fiaient de personne. Ils agissaient seuls. Chacun avait des projets qui n'auraient pas plu à l'autre. Ils le savaient que cette discussion devait se faire.
— Non, ne fais pas ça, s'écria Alaric en s'accompagnant d'un geste du bras.
— Je ne vais pas rester ici à rien faire. J'ai un destin tout tracé.
— Nous devons rester ensemble.
— C'est donc ça ! Tu ne veux pas me voir m'épanouir. Tu penses toujours à mère ? Elle est morte. Nous sommes seuls. Il faut bien nous créer une vie.
— Oui, il faut déjà que nous finissions nos études.
— A quoi bon étudier de vieilles formules pour faire tomber la pluie, nous avons l'âge requis pour avoir notre propre laboratoire et nos bibliothèques. J'ai repéré un endroit où nous serons bien.
— Je ne viens pas ; pars ! Fais ce que tu veux, mais ne reviens pas vers moi.
— Mes plans ne conviennent pas à monsieur Alaric, et bien soit, va !
Et chacun partit de son côté. Ils n'auraient pas dû. L'avenir était très incertain. Personne ne gouvernait. Chacun se posait la question suivante : « Qui prendra la couronne ? Notre roi n'a pas de successeur. » Chacun prétendait être en mesure de gouverner. Une assemblée se forma. Ils échangeaient à propos de la succession. De toute évidence, personne n'était lié, directement parlant, à la couronne. L'Élite choisirait donc quelqu'un, en accord avec la procédure. Le garde avait pourtant assisté à toute la scène, il parla devant l'Assemblée. Le roi avait donc deux fils en cavale, prêts à gouverner.
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