Chapitre 7🌟
— L'arc en ciel est divisé en sept couleurs principales, commente Marie. Nous sommes cinq. En toute logique, chacun se charge d'une couleur et les deux autres seront pour ceux qui auront encore du courage.
Suite à de nombreuses explications et récapitulations de plans, je ne me sentais toujours pas prête. Et puis, je finis par me rendre à l'évidence : je ne dois plus réfléchir, je dois agir.
— Au lieu de descendre en rappel il existe un grand toboggan, celui des rêves ajoute le petit garçon avec un air malicieux. Suivez-le !
Prise dans mon élan, j'agrippe les parois à deux mains pour poser le premier pied. Contre toute attente, mes pieds s'enfonçaient, tels des carrés de chocolats dans de la brioche. Alors que je ne me soulevais seulement de trois mètres au-dessus du sol, une vague de fatigue et de découragement me pousse à faire une pause. Je transpire déjà beaucoup, la chaleur tapait sur mes épaules.
A mesure que je progressais dans mon ascension, le vent se renforçait un peu plus. Je glisse une main dans ma poche arrière et laisse à découvert la fiole et le pinceau que j'avais retenu prisonniers entre ces bouts de tissus.
Il faut le reconnaître, je suis tout simplement éreintée. Et pourtant quand je tournais la tête, quelle récompense ! Je contemplais le paysage : les dunes paraissaient tout d'un coup beaucoup plus grandes, plus colorées et surtout plus nombreuses. Au loin, je pouvais apercevoir la forêt que nous avions traversée quelques jours auparavant, toujours aussi verte et majestueuse. Les montagnes, bleus pâles et blanches, se dressaient sur le côté. Toute occupée à m'émerveiller, je ne guette pas les possibles obstacles de mon ascension.
—Attention Anne ! Crie Cath, témoin de toute la scène.
Mes pieds s'enfoncent dans l'arc en ciel et ne remontent pas suffisamment haut pour retomber sur le plat.
Le moindre geste de plus aurait été de trop. Mon corps rebondit. Je me laisse entrainer et attendais le sol, effrayée. J'attendais la mort à bras ouvert. J'attendais le coup subit par ma tête avant la chute du reste du corps. J'attendais l'au-delà. J'attendais tout en respirant une dernière fois. Nous étions suffisamment haut pour m'arrêter dans ma course vers la liberté. Et puis je ferme les yeux.
Alors que je filais dans le vide, je remonte subitement comme portée vers le sommet par deux bras enveloppants.
Ma tête en prit tout de même un coup, et mon cerveau aussi. J'entends des voix, mais ne peut pas encore identifier de qui il s'agit. J'ai la tête qui tourne, et la nausée. J'entrouvre les yeux, mais très doucement, car les rayons du soleil m'atteignent droit au visage. Mon corps n'a pas dû supporter ce changement d'altitude. Je ne me situe plus. Je ne sens plus rien. Aucun son. Aucune odeur. Ou plutôt, je ne sentais qu'une profonde odeur de fraise ou de framboise.
« —Je peux t'aider tante Martine ?
— Bien sûr que tu peux. Viens, approche. Mais d'abord, laves—toi les mains et attache moi ces beaux cheveux blonds. Personne n'aime trouver un cheveu dans son plat, aussi beau qu'il soit.
— Je m'exécute ; je nettoie, rince mes mains au savon et fait une tresse.
— Alors, qu'aimerais—tu faire ? De la confiture, ça te dit ? J'ai pleins de fruits en réserve
J'hoche la tête, ravie de sa proposition. En un rien de temps, de la pulpe de fraise et du sucre dégoulinaient sur le parquet pourtant propre en début de matinée.
— Attention !
Je me tourne. Mes pieds collaient au sol. J'avais marché sur une fraise. On rit. Qu'est—ce que ça sentait bon.
— Tiens, goute !
Je me précipite sur le nectar délicieux encore chaud et tendit ma langue salivante. Je pris la cuillère à deux mains et l'enfonça dans ma bouche »
— Ça t'arrive souvent ces situations d'inconscience ? En tout cas, pour attirer l'attention, c'est réussi.
Je me redresse, il se tient auprès de moi. J'ai froid. Je panique. On est au-dessus de tout ! ça y est je me souviens. Je suis tombée, mais j'étais au sommet.
— Toi et tes blagues devraient se taire de temps en temps. Et oui, je m'évanouis parfois. Ça arrive à beaucoup plus de monde que tu ne le crois. Mais bien, toi, tu ne connais pas.
— Du calme, je plaisantais.
— Je me demande à quoi ressemble tes blagues quand elles sont drôles.
— Sinon, ça va ?
— Oui. Merci.
Cath se précipite vers moi !
— Tu es au sommet de l'arc en ciel, nous avons réussi ! Tu te rends compte, me dit-elle avec un sourire montant jusqu'aux oreilles.
— Comment est-ce possible que je sois vivante ? Je tombais dans le vide...
— C'est bien ce que nous n'avons pas compris. Tu as comme changé de direction et es repartie vers le haut.
— Un rêve sûrement.
— Oui, ou autre chose. L'arc en ciel nous a presque aidé et il t'a protégé.
Un sourire se décolle tout de même de mon visage. Enfin, j'ose espérer qu'une vie m'attendais et que mon heure n'était pas encore venue. Jusque-là, nous avions enchainé maintes et maintes fois, des périples et des rencontres. Que j'en sache, nous ne ferions que commencer une quête.
— Avez-vous récupéré la poussière pour chaque couleur comme on nous l'a demandé dans la liste ?
— Oui, toutes les couleurs, sauf les tiennes, nous ne voulions pas t'enlever ce plaisir. Après tout, en tant que protégée d'un arc en ciel, ce serait surement une chance de pouvoir l'en remercier. Je veux dire, en le décrassant.
Je m'empresse de prendre à deux mains mon pinceau et flacon et époussette les couleurs. Je tousse un peu. En fin de compte, la poussière, qu'elle soit de nature fantastique ou celle du grenier, elles avaient le même effet sur moi.
Si nous avons réussi la deuxième épreuve, la suite nous attendait à bras ouverts, à nos risques et périls. Chaque pas nous rapproche un peu plus de notre liberté. Je ressentais depuis quelques jours le besoin d'avaler de nouveau une de ces pâtisseries terriennes, un croissant au beurre ou bien un mille-feuille. C'est assez incroyable de savoir que j'ai escaladé un arc en ciel dans ma vie. J'en rêvais, la nuit dans mon sommeil, quand j'avais entre six et douze ans. Nous sommes désormais en bas; plus rien ne nous empêche de repartir et de continuer notre mission. J'attendais que Cath refasse ses lacets et qu'Este ait fini de faire l'inventaire de notre matériel : corde, chaussure, carte. On avait tout. Il nous manquait toujours de la nourriture mais nous en trouverons en chemin ? Je me redresse et fait signe aux autres de partir.
— Non attendez !
Neven nous intercepte.
— Je viens avec vous !
— Quelle idée, reste auprès de tes parents !
— De quoi parles-tu ? Ils ne s'occupent plus de moi. Ils ne sont plus que marionnettes et poupées russes sur l'étagère de ma vie. Je ne leur sers plus à rien ; ils ne font plus rien. Non, j'ai besoin de faire quelque chose de ma vie. Encore une fois, je viens avec vous.
— Et où iras-tu quand nous retournerons chez nous ?
— Je ne sais pas encore, l'avenir nous le dira. Pour le moment, je vis le moment présent et suit mon instinct. Aujourd'hui il me dit de vous suivre, ce n'est que comme ça que je trouverai un réel sens dans ma vie. Je ne sais pas comment ni où ça nous mènera mais je continue.
— Tu m'as l'air sûr de toi, mais tu sais, ça ne va pas être une ambiance très détendue, ça sera dangereux, il n'y a aucun doute là-dessus. Et qu'est-ce que tu es jeune ! reste ici !
— Oui, j'en ai conscience. Vous me prenez ? Jeune mais précoce.
— Soit ! Suis-nous.
Du haut de ses douze ans, il avait déjà une idée précise de sa vie. Pourquoi ? Il a encore du temps avant de prendre des décisions. Mais après tout, un vieux proverbe dit : « Plus on est de fous, plus on rit » Il nous aidera, j'en suis sûr, le truc, c'est que nous n'avons pas de quoi l'équiper.
— Tu as apporté tes affaires ? Nous n'en avons pas de supplémentaires.
— Oui, tout ce dont j'ai besoin se trouve dans ce sac. Vous n'aurez pas besoin de me gérer, j'ai ce qu'il faut, et pour tous. Allons-y !
Nous suivons le guide. Il emprunte un sentier, sur le côté. Il descend. Nous descendons. Il enjambe, nous enjambons. On exécutait tous ses faits et gestes comme des pantins. Il nous était difficile de lui donner des ordres quand nous étions étrangers à ces mondes merveilleux. Il marchait dans les champs, tel un enfant qui découvre la liberté, tel un oiseau qui sort enfin du nid. Je souris.
Un éclair de larme, de la poussière d'arc-en-ciel, on n'en finira jamais. Et ce n'est que le début. Nous partîmes à l'aube. L'air est agréable à respirer, personne ne nous dérangera. Cette fois, nous sommes cinq dans cette aventure. Avec de bonnes chaussures, nous traversons la masse sableuse qui dominait le paysage. La forêt n'est pas loin, nous aurions dû être arrivé il y a une heure déjà, si Cath n'avait pas eu l'idée de ralentir le groupe en récoltant ses souvenirs.
— Eh ? J'ai une idée ! Après nous n'aurons qu'à descendre. Et je pensais qu'on pourrait...
— Oui ?
— Laisse-moi finir et nous irons plus vite.
Neven avait pris de l'assurance parmi nous et s'était montré étrangement très actif, niveau discussion.
— Je vous ai prévu des « flèches glissantes », nous dévalerons les pentes facilement.
— Tu veux dire des skis ?
— Oui, sans doute, enfin, tenez.
Il extirpe de son sac des skis pliés en deux et en donne une paire à chacun.
— Tu n'as pas peur de les casser en les tordant ainsi ? Je veux dire, ce n'est pas censé être souple.
— Que dis-tu ? Bien sûr que si, justement ! ça nous facilite la vie. Ils sont transportables et rapides ! Le meilleur achat que j'ai jamais fait.
— Ah bon. Et ça fonctionne ?
— Oui, évidemment, sinon, je ne vous les aurais pas proposés.
— Bon, alors allons-y.
Après les avoir bien noués à mes pieds, je me laisse glisser dans la pente. C'est vrai que j'ai fait plusieurs fois du ski avec mes parents. Des amis ont un chalet à la montagne. Ils nous le prêtent de temps à autres, quand nous en avons l'envie et qu'il est disponible. Bien que, je sois une habituée du ski et pourtant, dans l'herbe, j'avais l'air d'une vraie débutante.
— Elle est ici ! On n'a qu'à glisser encore un kilomètre et nous y serons.
En quelques instants, nous arrivons à l'entrée. Qu'avait-elle de si spéciale ? On le saura bien assez vite. Le paysage ressemblait à celui que nous avions quitté : Des arbres feuillus aux teintes orangés et rouge vermillons. On distinguait autant de feuille accrochée dans les branches qu'au sol, en décomposition. Quel bonheur ! Je me rue sur des champignons aux dimensions étranges. Il crachait des cendres bleues et vertes quand nous en approchions de trop près. Une fois écrasés, ils se régénèrent et se transforme en minuscules baies violettes. Ne jamais goûter ce qu'on ne connait pas !
— Anne, on y va !
— Oui, j'arrive.
Un instant plus tard.
— Anne !
— Oui, j'ai dit une minute !
— Non, Anne !
— Qu'y a-t-il ?
Je deviens plus violente. J'ai compris. On ne peut pas avoir un instant de répits. Je me retourne. Non !
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