Chapitre 26⭐
- Anne ?
- Oui ?
- Tu es bien en troisième à Bordeaux. Tu serais la fille de Louis et Evelyne Cassurin ?
- Oui.
- Bien, nous allons commencer par toi.
Je frisonne. Concentration.
- D'après tes parents, vous seriez parties vers onze heures et demi du matin pour aller pique-niquer. Où ça exactement ?
- Nous sommes allées à cheval nous installer au pied de la tombe de Merlin.
- Ah, à cheval dîtes-vous ?
- C'est cela même.
Il prend note. D'un regard indiscret, j'examine tous ses fait et gestes. Il déboutonne sa veste et reprend son interrogatoire. Cette fois, il se tourne vers Este.
- Vous étiez le seul garçon avec elles ? Qui êtes-vous exactement pour ces jeunes filles ?
- Je suis un ami d'enfance d'Anne. Nous nous connaissons depuis déjà treize ans.
- Soit. Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que vous ne connaissez pas ces jeunes filles, dit-il en pointant Cath et Marie.
- Non, pas physiquement, Anne m'en a parlé, seulement, nos parents sont des amis proches.
- Vous comptez rester ici combien de temps ?
Il ne répond pas. Il hésite et continue en prononçant quelques mots.
- Tout dépend de ma mère.
- Elle n'est pas ici ?
- Non, elle m'a confié aux parents d'Anne. Je la retrouve dans quelques jours.
Il fronce les sourcils et griffonne une phrase ou deux sur ses pages noircies. Este, curieux demande :
- Est-ce bien nécessaire ces questions, monsieur, sauf votre respect...
- Chaque détail compte jeune homme. J'ai besoin de toutes les informations possibles pour clore cette enquête.
- nous sommes là ! Ce n'est donc pas suffisant ?
- Jeune homme ! Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne. Maintenant rassied-toi et baisse d'un ton !
Il s'écarte. L'inspecteur hausse les épaules et continue avec Marie.
- Voici, maintenant la question qui fâche : Où étiez-vous passés pendant tout ce temps ?
Je regarde tout autour de moi. Nous étions chacun à notre façon intimidées et inquiets. Ma tête n'était que tourbillons et fumées. Alors que je regardais par la fenêtre, la rue inanimée du village et je perçois une ombre. Impossible. Pas encore ? Il se tenait là et paniquait.
- Monsieur, pourrais-je aller fermer la fenêtre ? Toute cette agitation me perturbe.
- Bien entendu, la pièce est assez aérée comme cela.
Je ferme la fenêtre. J'interviens et chuchote :
-Qui êtes-vous. C'est une conversation privée.
Devant moi se tenait deux enfants de notre âge. Il palissait du visage. Leurs yeux, couleurs marrons me fixaient éperdument.
-Que voulez-vous ?
L'un avait sa main sur sa tête, l'autre pendait ses bras vacants.
-Nous venons récupérer notre chien.
-Votre chien ?
-Il s'appelle Sherlock.
-Je...
-Nous venons récupérer notre chien.
-Je...
Ils haussaient le ton. Je ferme la fenêtre. Ils étaient déjà partis.
-Un problème mademoiselle ?
Etrange, vraiment. Qui sont-ils ?
Marie ne poursuit pas à la même vitesse. J'interviens :
- Nous...
- Non, laisse-là parler. Jeune fille ? Répondez Marie !
- Nous...je ne sais pas.
Marie perd tous ses moyens et finit par balbutier quelques mots. Que devions-nous dire ? Soudain, elle eut un éclair de génie et s'exclama le plus simplement possible.
- C'est une longue histoire, voyez-vous !
- J'ai le temps.
- Pour commencer, j'aimerai vous dire que tout se passait parfaitement bien.
- Mmh, continuez.
- La suite se déroulera autour d'une seule et même question. Avez-vous de enfants d'un âge compris entre trois et huit ans ?
- Tout cela n'a pas de sens, revenons au vif du sujet.
- Non, non attendez. Répondez à la question. Avez-vous des enfants de cet âge ?
- C'est moi qui pose les questions, ici, rassieds-toi !
- Répondez ! S'il vous plait.
Il grommela.
- J'ai la chance d'avoir un petit garçon de bientôt sept et d'une petite fille d'à peine quatre ans.
- Que penserait vos enfants en apprenant la disparition de quatre enfants au milieu d'une forêt dite enchantée, habitée par des elfes et des créatures magiques ? Hein ? Qu'en penseraient-ils ?
- Connaissant mes enfants, ma fille croirait à un monde éternellement magique, une vie de paillettes et de licornes. Un enfant de cet âge penserait que rien n'est moins crédible qu'un lutin qui aurait amené les individus à disparaitre dans un monde magique. Pendant trois semaines, ils auraient erré dans un monde où tout est paillettes et sucreries, où tout rêve peut devenir réalité. Il croirait à des fées, à des vieux sages barbus. Mon petit garçon, voyez-vous, pensait qu'il suffisait d'être triste pour qu'un lutin lui apparaissent. Il pensait jouer avec eux toute la journée. Il dansait et riait dans cette forêt. Il pensait qu'un jour, son tour viendrait, et qu'il disparaitrait pour un long voyage au pays du bonheur.
- Voyez, vous avez la réponse à votre question. Pourquoi se donner la peine de gaspiller encore de la salive ?
L'inspecteur reprend ses esprits et recommence :
- Vous n'avez pas d'autre explication que cela ?
- Non, je le regrette. C'est tous ce que nous pouvons vous fournir comme information.
Il affichait un sourire confus et embarrassé. Il ne savait quoi penser de cette réponse incohérente.
Marie, après ce long et magnifique monologue, reprend son souffle. J'étais bouche bée. Jamais je n'aurai tenue pareil discours devant un inconnu. L'agent remplit nos dossiers et les tamponne. Il sort du cabinet et s'entretient avec ma mère :
- Affaire close. Ce n'est pas très claire, mais je ne pense pas qu'il leur est arrivé une catastrophe. Cependant, une visite médicale ne leur ferait pas de mal, juste pour être sûr.
- Oui tout à fait, monsieur l'agent, j'y vais de ce pas.
Elle prend son téléphone et nous obtient un rendez-vous chez le médecin de toute urgence. A peine sortis que nous terminions chez dans le cabinet médical le plus proche. Il nous examine un à un dans un tout petit cabinet. La routine : Je me déshabille et garde, sous-vêtements, chaussettes. Il prend ma tension, vérifie qu'il n'y a pas de fracture, que tous mes os vont bien. Je me laisse faire. Il a les mains froides. Le médecin déclare enfin, une fois tout le monde passé :
- Rien de grave dans l'ensemble. Le jeune homme n'a qu'une petite entorse, mais avec une attèle quelques jours, il ira mieux très bientôt. Pour ce qui est d'Anne, jamais n'avait vu pareille santé et force. Cath et Marie, je reconnais que ce sont des cas particuliers. J'ai cru voir, mais je me trompe sans doute, de fines plumes, vraiment fines au niveau du bassin de Cath. Elles sont minuscules. Pour ce qui est de Marie, son dos forme de fines bosses. Il n'y a rien d'urgent, on ne peut de toute façon pas modifier ces imperfections. Je me demande seulement comment c'est possible. Enfin, bon, voici ma facture. Je vous souhaite bon courage.
- Merci, docteur.
- J'oubliais ! Voici l'ordonnance pour le jeune homme.
- Merci.
Maman n'avait pas l'air d'aller. Ce n'était sans doute pas encore très claire dans sa tête. Je la comprends. Nous retournons dans le voiture et rentrons enfin chez nous. Le calme reprend dans la maison le soir. Personne n'ose poser de questions mais tous savent que penser de cette affaire. La vie reprend son cours normal, mis à part quelques regards et quelques méfiances de la part de nos parents. Désormais, nous n'irions pas seules dans la forêt jusqu'à nouvel ordre. Nous montons dans nos chambres en attendant l'appel du diner.
Notre conversation dure un bon quart d'heure, toujours les mêmes questions. Nous avons tout de même gardé mon hypothèse. Mais vers la fin de la conversation...
-Les parents ne nous croiront jamais au sujet de notre mission, des mondes et du passage. Nous pourrions peut-être leur demander...et donc...et puis...
Je suis allée trouvé maman dans la salle à manger. Elle discutait avec Tante Martine, installé dans le fauteuil le plus confortable.
-Maman, je demande, tu pourrais nous accompagner en ballade vers la tombe de Merlin. Je veux dire, avant le diner. Il est encore tôt.
La pièce embaumait l'odeur de la pâte feuilletée en train de cuire. J'attendais.
-Oui pourquoi pas ? Ne traînez pas, j'arrive dans une minute.
-Super !
Si nous avions commencé notre aventure avec une ballade à cheval, cette fois-ci, nous partirions à pied. Maman n'a jamais monté et Tante Martine est trop fatiguée pour s'adonner à une telle activité. Arrivé au lieu-dit, nous nous asseyons. On distinguait les teintes orangés du ciel qui s'apprêtait à se défaire de son beau et magnifique soleil. ? Je respirais l'air pur de la campagne tandis que Marie s'en tient au plan de départ.
-Tante Evelyne, vous pourriez décaler ces deux pierres ? Nous aimerions vous montrer quelque chose.
Il y eut un moment de silence entre ma mère et nous. Elle hésitait mais se donna la peine de répondre à Marie.
- Non, enfin, c'est quoi cette histoire. Anne c'est ton idée.
Le regard de ma mère se figea et me fixait. Je baisse la tête et acquiesce.
-Mais Anne, tu me prends pour qui ? Qu'est-ce que vous avez tous, depuis...
-Maman, je vais t'expliquer.
-Oh, j'ai bien compris votre petit jeu. Vous savez que nous sommes dans un lieu touristique. Et que nous ne pouvons toucher à ces objets de cette manière ?
-Oui, on le sait, mais c'est fermé. On voudrait juste te montrer quelque chose.
-Il n'y a pas de mais, on y va. En plus, j'ai froid et la nuit va tomber.
-Cinq minutes maman s'il te plait, part devant.
- Dix minutes, pas plus. Je suis assez inquiète à votre sujet pour m'en rajouter une couche. Sui n'êtes pas devant la porte d'entrée et l'heure fixée, jamais vous n'aurez droit à une seconde chance.
-Oui maman.
Notre plan tombait à l'eau ! Je soupire.
-Regardons par nous-même !
Nous décalons la pierre et...rien !! Il n'y a rien du tout ! Absolument rien. Pas d'escalier, pas de porte, rien du tout, juste de l'herbe, de la terre et des larves de scarabées. Aurions-nous rêvé ?
Je passai un long moment à fixer la pierre polie et grise minéral. J'aurai voulu lui dire « Enfin pourquoi cette indifférence ? » Bien sûr elle ne m'aura pas répondu, je laissai donc tomber. Marie me prend par le bras et me fait comprendre que nous rebroussions chemin. Dépités, nous rentrons à la maison et nous nous rassemblons de nouveau. De nouveau, on me prend le bras. Je crispais un peu des dents. Non, cette fois c'était Este. Il avait un petit sourire en coin. Gêné, il mettait les mains dans ses poches. Je le dévisage. Ses yeux chocolat et ses cheveux ébouriffés se joignaient à moi. Il me prit par la main. Jamais il n'aurait révélé sa véritable nature si toute cette histoire ne l'avait pas amené à nous guider. Je le regarde dans les yeux. Il me redonne ce regard. Il ne parle pas mais se contenta de se rapprocher un peu plus de moi.
- J'ai des choses à te dire.
- Vas-y je t'écoute.
Il ne continua pas. Je souriais. Il prolongea ce regard infini et s'approcha encore un peu. Je sentis vite ce qu'il allait se passer. Je fixe tous les traits de son visage, je plonge dans son regard si profond et si sincère. Nous nous embrassons. Il était parfait. C'était mon premier baiser. Je lui rendis son baiser et me colla à son visage. Je l'aimais. Il m'aimait. Nous n'aurions jamais cru cette amour possible ?
- Depuis quand tu cachais...enfin ça.
- Depuis très longtemps, crois-moi.
Je rougis. Il mit sa main autour de ma taille et se contenta de m'emmener au tronc le plus proche.
- Tu n'avais pas quelque chose à me dire ?
- Plus tard ! ça peut attendre !
Qui a dit que rien n'était parfait ? Ce moment, je m'en rapperai toute ma vie. Notre regard plongea dans celui de l'autre et nous rigolions, nous parlions ainsi de longues minutes. Le plus longues de ma vie, et les plus belles. Un deuxième fois, ses lèvres se collait au mienne.
Un bruit : Este sursaute et se détacha de son assise.
- Allez les tourtereaux, on y va !
Je rougis. Il baissa la tête, gêné et regardait une fois de plus ses pieds.
Il s'écarte de la prairie et pars en courant. Moi, je marche à mon rythme. Qu'est ce qui se passait ? Mon cœur bat la chamade. Je n'y aurai pas cru. On est meilleurs amis, mais je n'aurai jamais cru, enfin, que c'était possible.
« Tout le monde dans le salon, réunion familiale ». Un petit billet. Une nouvelle manière de nous faire parvenir une information, étant donné que personne n'a de téléphone sauf moi. Je rejoins aussitôt le salon, une fois présentable. Il y avait mes parents, ceux de Cath et Marie, Oncle Henri et tante Martine. Ils étaient tous affalés dans le canapé blanc à se réchauffer à côté de la cheminée. Je les regarde faire et m'assieds sur une chaise un fois tout le monde arrivé. Surtout, ne rien dire.
- Il paraît que l'inspecteur n'a pas trouvé de conclusions à votre cas ? Demande Oncle Henri
- Oui, il parait.
- Et vous n'aurez pas de solutions à cette énigme ?
- Non. Nous avons dit ce qui s'était passé. Il ne nous a pas cru ?
- En même temps, parler de licornes et de fées...
- Nous ne lui avons dit ça comme ça. Vous ne voulez pas croire. C'est tout. Nous disons la vérité.
Ils haussent les épaules.
- Entre cousins, vous pouvez tout nous dire, vous savez. Nous avons le droit de savoir, dit le père de Cath.
- Nous vous avons tout dit.
- Et sinon, Cath, tu as avancé dans tes projets de climat et de manifestations.
- Oui, elle aura lieu à la fin des vacances.
- Celle-ci est pour...
- Les baleines bleues !
- Oh ! Intéressant, tu penses pouvoir les sauvez ! Dit maman en sirotant sa tisane.
- La surpêche ne concerne pas simplement ces mammifères.
- Je sais bien. Je suis curieuse de ce que tu fais, ma puce.
La discussion continua un long moment et puis, quand tout le monde était reparti à ses occupations :
- Este, mets tes chaussures, ta mère arrive.
Il s'exécute et noue ses lacets. Son sac est bouclé. Il part.
- Où vas-tu ?
- Je pars dans l'Est avec mes parents. Je devais rester la journée de demain aussi, mais ils ont préféré arriver plus tôt pour mieux s'organiser. Et puis, quand elle a appris ce qui s'était passé, tu penses. Elle est revenue immédiatement pour voir si j'allais bien.
- On se verra quand ?
- Je ne sais pas, un autre jour c'est sûr, mais peut-être pas tout de suite, et avec le déménagement...
- Tu déménages ?
- Mes parents ne vous l'ont pas dit ? Ça y est ! Nous avons trouvé une maison en montagne. Je déménage cet été.
- Et tu me le dis comme ça. Et bien...
Il me regarde d'un air presque suppliant. Je sais que ce n'est pas sa faute mais je n'aime pas être prévenu au dernier moment. Je ne sais pas quand on se reverra et il s'apprêtes à partir. Je m'interromps deux minutes dans mes réflexions car la voiture est devant la maison, les phares allumés.
- Estéban ! On y va !
- Oui j'arrive. Une seconde.
Il me fait une dernière bise à l'arrache et pousse la porte d'entrée. Je reste. Il part. La voiture s'éloigne en klaxonnant aussi silencieusement qu'elle est arrivée.
- Anne, tes amies t'attendent dehors.
J'enfiles un manteau, une écharpe et les cherche des yeux dans la nuit claire. Elles sont au fond du jardin et ont fait un feu. Elles me font signe. Je trottine pour ne pas les faire attendre. Je m'assieds dans l'herbe. C'était de nouveau le trio des trois filles un peu folles. Je soupire et m'enthousiasme du programme. Merci !
- Qu'est-ce que c'est ?
- De quoi ?
- Sous tes fesses.
J'extirpe un bout de papier froissé. Il était dans ma poche et je ne reconnais pas mon écriture.
- C'est quoi, Anne ?
- Rien, aucune importance.
Je le lis : « On se reverra, je pense à toi » et c'est signé avec le « E » d'Este. Je le serre dans la paume de mes mains. Moi aussi, je pense à lui.
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