25 - Machinations (2/3)
Arthus se pencha plus sur la vitre qui protégeait les carnets, les sourcils froncés par l'effort de concentration. Alors qu'il tentait, malgré tout, d'en découvrir la signification, quelqu'un ricana à son oreille :
— Un tordu, ton paternel, comme toi. Tu nous as bien roulés dans la farine, Jérémie et moi, avec ta petite gueule fragile !
Un sursaut de surprise. Une sueur glacée dans son dos. La voix qui hantait tant ses cauchemars appuyait le canon d'un pistolet contre ses reins. Sa pomme d'Adam effectua un va-et-vient.
— Tu... veux... quoi... Essam ?
— Allez ailleurs, il y a trop de monde.
— Et... si... je refuse ?
— Tu abandonnerais ta copine, Jia, à son sort ? Oui, bien sûr, puisque tu l'as fait avec Jérémie.
Le sang d'Arthus bouillonna. Son amie se retrouvait en danger à cause d'une vieille histoire de collégiens, elle qui prenait des risques pour la mission. Sa colère le poussa à grogner :
— Je te suis, mais si tu touches un de ces cheveux, je te casse la figure.
— Fichtre, le lâche se rebiffe ! Avance, au lieu de dire des bêtises et pas de gestes brusques !
Arthus obéit. Juste avant de franchir la porte de l'atelier, il inspira profondément, comme si l'âme de son père pourrait lui insuffler la force de se battre contre son adversaire.
Papa, où que tu sois, je ne te décevrai pas.
Essam s'enfonça dans la pénombre du parc, saluant les invités qui devinrent de plus en plus rares. Au détour d'un étroit sentier, une mansarde en bois apparut, aussi sombre que les nuages au ciel. La mémoire revint à Arthus : elle servait à entreposer le matériel des jardiniers.
— Comment as-tu obtenu les clés ? s'étonna-t-il.
Essam ne daigna pas répondre, et la serrure grinça deux fois.
— Entre, le lâche !
Une violente poussée lui fit mordre la poussière, un miaulement soulever la tête. Rouquin ! Son regard céruléen semblait vouloir le rassurer. Il prit dans ses bras son chat automate, puis deux mains fermes l'aidèrent à se relever. Elles appartenaient à Jia, second soulagement. La pilote avait ôté son masque et sa colère irradiait dans la lumière chiche de la mansarde que les volets empêchaient de s'échapper.
— Espèce de cinglé, envoya-t-elle à Essam Devildiur, tu vas enfin me répondre ? Comment oses-tu enfreindre la loi d'entraide entre les pilotes ?
— Je ne te veux aucun mal, Jia. Tu me servais d'appât, et tu es maintenant libre. Cette histoire ne te regarde pas.
— Arthus m'a sauvé, il a droit à notre règle... qui s'applique à toi aussi.
— Non, car pour moi, il a laissé mon meilleur ami mourir.
— Jérémie s'est suicidé, j'ai tenté de le retenir !
La stupéfaction marqua le visage de Jia... et un éclat de rire envahit la cabane.
— T'es bien le fils de cet explorateur minable, une sacrée imagination !
Les poings d'Arthus se crispèrent, pourtant, il refusa de tomber dans le piège grossier.
— Son père participe à la soirée, nous pouvons le forcer à avouer la vérité. Il est temps d'arrêter cette bataille ridicule.
— Je suis d'accord. Ce soir, tout se terminera ici.
— Tu... tu vas me tuer ?
— Ôte ton masque que je vois ta peur !
Arthus obéit, les mains tremblantes, les jambes en coton, le regard fixé sur le trou noir pointé vers son torse. Un claquement sec le fit sursauter quand Essam arma. Une petite balle le cueillerait dans une seconde, l'enverrait rejoindre sa mère. Souffrir lui importait moins que d'abandonner sa fratrie, sa famille, ses amis, Rouquin.
Mais je ne le supplierais pas de m'épargner.
Ni ne fermerait les paupières.
Ses yeux plongèrent dans ceux d'Essam, il attendit le coup. Qui tardait à exploser. Un rictus tordait la bouche de son adversaire. De déception. Arthus se redressa encore plus, prêt à patienter aussi longtemps que nécessaire. Mais Jia s'interposa, les bras en croix.
— Si tu le tues, je te dénoncerai à la police ! Je ne connais pas votre passé, mais la haine ne devrait pas vous dominer.
— Je ne tuerai aucun de vous deux. Je ne suis pas un lâche, moi, nous nous battrons jusqu'au KO.
Ici ?
Arthus jeta un coup d'œil dans la mansarde. Hormis le panier de Rouquin contre un mur, tout le matériel de jardinerie avait disparu. Essam avait donc planifié cette « rencontre » à l'abri des regards.
— Dans un combat injuste, lâcha Jia. Arthus est asthmatique.
— Tu sais t'y prendre pour te cacher derrière les jupes d'une fille !
La phrase, plus que le mépris de l'adversaire, frappa Arthus comme un premier crochet du droit. Des images défilèrent dans sa tête : Perrine qui s'occupait de lui à l'atelier et effectuait toutes ses courses, Melinah demandant régulièrement de ses nouvelles, Fanny toujours aux petits soins pour ses repas et son repos. Jusque Jia à cet instant. Comment avait-il pu être aveugle ?
Il repoussa son amie d'une main.
— Je ne suis pas un lâche, je te le prouverai !
— Nous verrons à l'usure. Si je lui donne le droit d'utiliser son inhalateur, le combat redevient équilibré d'après nos règles, jeta ensuite Essam à Jia.
Elle opina à contrecœur avant de se poster contre un mur.
— Pas de coup fourré, arrêt du duel dès le premier KO. Au moindre manquement, je te dénonce au centre.
Les deux pilotes se jaugèrent, le code des Hirondelles imprimé en lettres dorées entre eux. Le rictus ironique d'Essam déployait une menace sur la tête de la jeune femme. Puis l'adversaire s'inclina :
— Tu n'en auras pas besoin, mais je ne garantis pas qu'il ne termine pas paralysé.
— C'est un risque pour vous deux.
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