25 - Machinations (1/3)
Oreste qui continuait à détailler sa chambre d'un air intéressé répliqua :
— Je n'avais pas accès à une telle richesse, enfant, ma famille s'était endettée avec de mauvais investissements dans les îles et l'Afrique. Vous aviez beaucoup de chances.
— Elle a disparu avec la trahison de mon père ! Descendons dans la salle de bal, aucun chaperon ne nous accompagne.
Melinah répétait son injonction avec plus de calme qu'elle en éprouvait. Elle tentait même de forcer le passage. Hélas, au lieu de s'écarter avec la galanterie requise d'un noble, Oreste railla :
— Les chaperons, oui...
Son regard revint vers elle, il glissa de ses lèvres à ses seins.
— En avons-nous besoin ?
— Bien entendu ! prétendit-elle d'un air offusqué.
Elle s'interdisait de cacher sa poitrine, ignorait l'éclair sardonique dans les iris bleus.
— Vraiment ? Je ne le crois pas... puisque vous n'avez à nouveau plus rien.
Un tressaillement de son corps, un battement en moins de son cœur.
— Comment... comment ?
— Comment je sais que vous avez annulé nos fiançailles ? Personne ne conserve un secret au palais avec des nébels, et une excellente source m'informe.
Oreste avança, Melinah recula. La distance restait la même, entre eux ; pourtant, elle lui semblait se réduire sous la colère qui sourdait chez son ancien prétendant.
— Je vous la présenterai d'ailleurs... quand notre mariage sera célébré.
— Les souverains ne changeront pas d'avis juste par votre demande.
— Officiellement, nous sommes toujours promis, ma douce Melinah, et vous avez encore rang. Personne ne perdra la face et ne subira le déshonneur, le couple royal n'annoncera rien. Surtout après mon passage dans cette chambre.
L'esprit de Melinah se ferma à la signification de ces mots énoncés, comme s'ils se trouvaient en train de boire une tasse de thé chez la baronne Depikok.
— Sans chaperon, ce sera ma parole contre la vôtre.
— Une petite visite médicale prouverait que j'ai raison. Ne me dites pas que vous n'aviez pas compris, ajouta Oreste. Vous insulteriez votre intelligence.
NON !
Oreste l'obligeait à faire face à la vérité crue. Abjecte. Cet homme se préparait à la violer dans sa chambre, à violer son corps.
À violer ses souvenirs innocents de son enfance.
Les derniers de son insouciance.
Un courant glacial s'infiltra par tous les pores de sa peau. Melinah serra le petit marin contre sa poitrine, tel un rempart contre la violence d'un adulte. Qui avait défait lavandière et veste, et s'attaquait à son gilet. Chaque froissement de la soie lui écorchait les oreilles, chaque parcelle de chemise dévoilée lui brûlait les yeux. Elle tremblait, tétanisée, incapable de hurler ou de s'enfuir. Oreste se méprit sur son silence... ou joua avec.
— Peut-être aurais-je dû commencer par là, dès nos premières rencontres ? On dirait que vous espérerez un homme entre vos jambes... et non les mains d'une garce. Nous irons lui rendre visite pour terminer votre tableau, et nous montrerons notre amour. Je lui proposerai des rendez-vous avec des amis, qui seront enchantés de soigner ses mauvais penchants.
Un visage baigné de larmes au milieu d'une chevelure rousse électrocuta Melinah.
Tu ne la toucheras pas, sale porc.
Elle posa la poupée, symbole de l'innocence à protéger, sur la commode, et s'approcha d'Oreste avec un battement de cils.
— Peut-être me suis-je trompée, mais nous pouvons encore rattraper la situation. Qu'attendez-vous de notre mariage ? En dehors de nos futures nuits de folie, j'entends.
Le jeune noble arrachait le col haut de sa chemise, les paupières plissées. Sa bouche s'ouvrit avant de se pincer. Que cachait-il ? Melinah glissa une main sur le torse, se retenant à grand-peine de vomir derrière son sourire de façade, et susurra :
— Nous nous sommes toujours fait confiance, Oreste. Elle cimentera notre union.
Quand ses doigts atteignirent le pantalon, Melinah crispa la mâchoire, soulagée de devoir baisser la tête. Son visage pourrait tant trahir le tumulte de ses émotions. Réussit-elle à convaincre son ancien fiancé ou éprouvait-il le besoin de se pavaner ? Il répliqua :
— Les steamglas, ma chère, les steamglas. Nous sommes persuadés qu'ils existent. Que votre fratrie, ou qu'un autre, les expose au grand jour, vous en récupérez les droits. Vous êtes l'aînée, et votre père les a découverts en premier. Nos avocats, ou le Parlement, entérineront ce fait, à condition que vous ayez réintégré la noblesse. Avec cette union, je vous apporte ce statut, et vous la richesse.
Un poids tomba sur les épaules de Melinah, un voile sombre sur ses rêves. Son devoir envers sa fratrie, envers sa famille, envers l'aristocratie l'avait rendue prévisible et vulnérable.
Quelle idiote !
Néanmoins, se lamenter sur le passé ne l'aiderait pas. Elle devait s'échapper aux machinations d'un individu en mal de puissance.
Machinations ? Oreste n'a pas l'étoffe nécessaire, et il a dit, nous. La source de ses informations ? Les souverains devront arrêter tous ces gens qui les trahissent et complotent dans leur dos.
Melinah n'éprouvait aucune pitié pour son « fiancé » qui choisissait la solution de facilité pour sortir de sa situation.
Ces conspirateurs avaient tout prévu depuis des années, et avançaient leurs pions petit à petit, sans crainte du pouvoir royal. Le bien-être du peuple n'avait pas voix au chapitre dans ce duel à fleuret moucheté. Dès le rendez-vous secret dans le manoir de chasse, la fratrie l'avait compris avec les intérêts en jeu. Sa fidélité demeurait toutefois au gouvernement actuel : le déstabiliser n'aiderait pas la population, les steamglas oui.
Mais je ne suis pas censée savoir ni chercher à les récupérer. Peut-être que la source d'Oreste n'est pas au courant.
Elle devait en premier sortir de cette pièce. Melinah s'écarta du jeune homme et déclara, les yeux écarquillés.
— Les steamglas ? Vous êtes convaincu de cette chimère ? Mon père nous bassinait les oreilles dans notre enfance, mais il ne nous a jamais rien montré. Jamais. Vous faites erreur, mon ami, ce mariage m'apportera plus qu'à vous. Avant de contraindre notre avenir sur un coup de folie, pourquoi ne pas en discuter autour d'un verre ? Si nous y trouvons un vrai intérêt réciproque, nous nous présenterons ensemble devant les souverains pour valider nos fiançailles à nouveau.
Elle encourageait Oreste d'un sourire chaleureux, bloquant sa peur au fond de ses entrailles, s'interdisant de regarder vers la porte de sa chambre.
Sa tirade ingénue convaincrait-elle son adversaire ?
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