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15 - Le pont des Soupirs (2/2)

Perrine avait une petite chance de semer les faux mendiants, même dans sa robe d'ouvrière, mais pas Vincent Morisot avec sa jambe handicapée. Lui aussi le réalisa, car il la poussa vers sa planche de salut.

— Fuyez, je les retiendrai le plus longtemps.

L'attitude de son partenaire n'avait rien de chevaleresque : le couple royal l'avait chargé de sa protection et la mort appartenait à la vie d'un espion. Pour autant, l'abandonnerait-elle à ce sort funeste ?

Si je m'abaissais à cette ignominie, je ne vaudrais pas mieux que ces poltrons de la bonne société.

Elle se plaça sur le côté droit, celui de la jambe handicapée, et souffla :

— Je ne partirai pas sans vous. Appuyez-vous sur moi, nous irons plus vite ainsi, et n'oubliez pas que je sais me battre.

La mâchoire de Vincent Morisot se contracta. L'offre sensée s'opposait à son devoir, et heurtait son orgueil. Oserait-il la repousser ?

— Nom de Dieu, Perrine Beauciel, quelle idiote têtue !

Vincent Morisot passa sa canne dans sa main gauche, la serra au milieu, et agrippa son bras. Perrine lança aussitôt leur course. Si le souffle du jeune homme s'accorda sans peine à l'effort, les traits tendus prouvaient sa douleur, sans qu'elle franchisse ses lèvres.

— Préoccupez-vous de nos invités, plutôt que de mon visage, jeta-t-il dans un murmure rauque.

— À vos ordres, mon capitaine !

L'herbe étouffait les pas, mais les relents d'alcool et d'urine suffisaient à situer les assaillants. D'abord, ténus, ils devinrent de plus en plus prononcés. Puis des ricanements les accompagnèrent, elle avait à peine parcouru la moitié de la distance.

— Nous devons nous battre.

— Dos au mur, répliqua Vincent Morisot.

À l'instant où ils s'y rendaient, un poignard vola vers eux. Perrine brandit d'instinct son tableau, la lame vibra quand elle se planta dans le cadre. Elle l'abandonna et déclencha ses dagues, tandis que son partenaire se mettait en garde avec sa canne. Les assaillants les encerclaient, grands sourires édentés, convoitises dans les yeux, armes sorties.

— Je vous donne mon argent et vous repartez sagement chez vous, offrit Vincent Morisot.

Le rire secoua les épaules des faux mendiants.

— N'services sont pas gratos, déclara celui au centre. T'en auras pour tes néb'ls, et vous regard'rez chacun vot'tour.

— Mais fallait le dire plus tôt ! intervint Perrine en rengainant. Par contre, vous allez vous ennuyer. Pourquoi ne pas vous partager ? Trois avec mon mari, trois avec moi, le dernier suivant la place disponible. Tenez, j'ai déjà enlevé mes bas.

Malgré la peur qui la glaçait, Perrine souleva jupe et jupon très haut, avant de s'avancer vers les mendiants les plus proches. Ils fixaient ses cuisses nues, bouche bée.

— Perrine...

— Voyons chéri, on a toujours voulu parler de voir plus grand. Puisque ces messieurs nous le proposent gentiment, profitons-en. 

Ces cibles avaient abaissé leurs poignards et tendaient leurs mains crasseuses vers la chair convoitée. Mal leur en prit. Perrine lâcha ses habits et planta ses dagues profondément dans leur torse. Dès qu'elle les retira, ils s'effondrèrent au sol. Une bave rougeâtre s'échappait de leurs bouches, leurs corps tressautaient, leurs yeux rencontraient déjà la mort avec sa faucille.

Elle n'avait encore jamais tué un homme et ce spectacle écœurant la fascinait. Puis son ventre se révulsa, il rejeta volontiers son déjeuner. Perrine titubait vers la Lowat.

De l'air, de l'eau, purs, pas ces horreurs.

— Perrine, aidez-moi ! hurla Vincent Morisot.

Elle cligna des paupières. Le combat avait démarré, les lames s'entrechoquaient, et son partenaire la protégeait à quatre contre un, sans l'abri du mur. Le cinquième, blessé à la jambe, se vidait de son sang dans l'herbe. Perrine chassa les morts de sa tête et dégaina. Son esprit analysait les gestes des assaillants, ses coups partaient précis, tel un automate construit pour tuer.

Un nouveau mendiant fut éliminé par elle ou son Vincent Morisot.

Peu importait.

La fatigue tirait leurs traits, les bras s'alourdissaient, leurs mouvements ralentissaient. Les trois derniers adversaires n'affichaient pas une meilleure forme avec leurs multiples blessures. Ils les repoussaient vers la rivière sans vraiment les attaquer. Là, le moindre faux pas se terminerait par une chute de trois mètres et les eaux troubles du Lowat se refermeraient sur eux.

Imbécile ! Ils veulent nous noyer pour éviter les questions.

L'origine du nom « le pont des Soupirs » lui revenait en mémoire. Il ne s'agissait pas d'amoureux venus exprimer leurs sentiments, mais une manière de désigner les habitants qui se suicidaient.

Qui rendaient leur dernier soupir.

La bonne société, dans son habitude cruelle sous les mots poétiques ou feutrés, avait rebaptisé le plus haut pont de Nébelisse, après qu'un jeune couple, accablé de dettes, se soit donné la mort.

— Ça vous dit une petite baignade ? lui murmura Vincent Morisot.

— Vous êtes cinglé ?

— Proposez une meilleure solution, et vite. La compagnie arrive.

D'autres mendiants, vrais ou faux, se rapprochaient de la scène avec précaution, vautours dans l'espoir d'obtenir un morceau des proies. Du côté de la Lowat, le courant charriait des débris de toutes sortes avec lenteur. Moins dangereux.

— Protégez-moi, je me change !

Tandis que Vincent Morisot faisait tournoyer sa canne-épée en tous sens, Perrine attaqua sa jupe avec ses dagues. Elle ne pensait pas un jour bénir cet habit, dont la toile de mauvaise qualité se découpait comme du beurre.

— Ouais, poulette, viens me la su...

Un coup de bâton brutal dans le ventre plia le mendiant en deux, mais Vincent Morisot s'était exposé. Une lame entailla son bras. Quand son arme tomba, Perrine lui intima :

— Sautez !

Alors que l'eau la saisissait entre ses étaux glacés, une douleur atroce déchira son épaule. Un poignard l'avait touchée. Elle nagea sous la surface à la seule force de ses jambes. Si le courant était plus puissant, il demeurait régulier et sans danger. En revanche, où était Vincent Morisot ? Avait-il réussi à plonger ou les mendiants l'avaient trucidé ? Impossible de le chercher dans deux mètres de visibilité, elle devait d'abord s'éloigner des assaillants. Ses poumons la brûlaient, des morceaux de bois la percutaient, des choses indéfinissables frôlaient sa peau.

N'y pense pas.

Son corps finit par réclamer son dû, elle fit surface. Le bon point, les assassins ne pouvaient plus l'atteindre ; le mauvais, son épaule saignait abondamment. Quant à son compagnon d'infortune, la rivière semblait l'avoir englouti.

— Vincent ! cria Perrine. Vincent !

Son appel ne fut que celui d'un oisillon. Pourtant, un vrombissement lui répondit. Un canot taxi ! Comme la cavalerie, il arrivait trop tard, après les morts, après l'hécatombe. Sa rage la fit invectiver le monde entier, et Vincent Morisot en particulier, de « bordel », « crétin », « couillon » et autres mots doux, jusqu'à ce qu'elle s'essouffle.

— La colère vous rend magnifique, moins les jurons de bas étage. Où les avez-vous appris ?

Le cœur de Perrine manqua un battement, elle se retourna. Qui reconnaîtrait le patron du Lynx des aérocabs à quelques brassées d'elle ? Sûrement pas les bourgeoises qui se pavanaient devant sa boutique de mode. La teinture de ses cheveux se transformait en une mélasse dégoulinante, une coupure traversait son front, une ecchymose marquait la joue gauche.

Comment parvenait-il à plaisanter ? Comment parvenait-elle à plaisanter ?

— Les garçons au collège, j'adorais les écouter en cachette ! Je recommencerai volontiers à mon réveil, rien que pour vous énerver.

Le vrombissement du canot taxi étouffa ses dernières paroles, sa silhouette marron s'agrandissait. Elle devait bouger. Mais l'épuisement, la douleur, le sang perdu ou l'eau froide la paralysaient, peut-être les quatre, à moins que ce fût le bateau de plus en plus proche. Ses yeux se fermèrent sur cette masse sombre... prête à lé dévorer.

— PERRIIINE !

******

— Que fais-tu là-dedans ?

Perrine se coucha sur le sol et braqua sa lampe torche rudimentaire sur un garçon maigrelet, dont elle n'apercevait que les cheveux châtains. Il grelottait, assis au fond d'un large trou, la jambe droite de son pantalon tachée de sang. Le collégien releva la tête, il se protégea du rayon tremblotant avec son bras, comme s'il était coincé dans le noir depuis un bon moment. Sa manche était déchirée, sa paume couverte de terre.

— Je me promenais, et je suis... tombé.

— En pleine nuit, au milieu du parc ? Pourquoi tu mens ?

— J'étudiais les chouettes ! Et toi ? Les filles ont pas le droit de sortir après le repas du soir.

— Je suis un ange, pas une fille, qui a entendu pleurer.

— N'importe quoi, les anges n'existent pas.

— Si, car je suis là pour te sauver. Tu saignes !

Un soupir bougon lui répondit.

— D'accord, t'es un ange. Sors-moi d'ici, s'il te plaît.

— Un ange n'aide que ceux qui ne mentent pas, il faut mériter sa confiance. Es-tu vraiment tombé par hasard ?

Quand le collégien baissa la tête et se mura dans un silence lourd, Perrine se releva.

— Tant pis pour toi.

Elle fit semblant de s'éloigner, alors qu'elle marchait à petits pas, sa main à moitié plaquée sur sa lampe torche. Après quelques secondes, le garçon cria :

— C'était un piège, des élèves me traient mal, parce que je suis différent.

L'envie de balancer son poing dans la figure d'un de ces sales gosses démangea Perrine. Elle éleva la voix à son tour.

— Comme Arthus, mon frè... merci d'avoir dit la vérité, je vais chercher une infirmière, qui ne te disputera pas, mais jure moi une chose !

— Quoi ?

— Ne mens plus, et bats-toi !

Perrine s'enfonça dans les ténèbres du parc en direction du dortoir des filles, elle ne voulait plus entendre la promesse d'un homme.

Aucun ne la tenait.

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