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33. défense

Le vibreur de mon téléphone persiste, et Eden, allongé à côté de moi, endormi, commence à ronchonner. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, juste que nous avons mis le réveil à 8h puisqu'on a cours à 10h. Un œil vers les volets fermés ne me permet pas d'estimer plus facilement l'heure.

Mon téléphone a déjà vibré longuement il y a cinq minutes, mais comme ça n'avait pas l'air d'avoir réveillé Eden, j'ai laissé couler. Mais maintenant, le voilà qui se retourne en cachant son visage sous la couette. Allongé sur le dos, du côté du mur, je garde les yeux rivés sur le plafond.

Tout était si bien, si agréable, que j'ai l'impression que si je me levais pour aller répondre à ce téléphone, tout disparaîtrait  instantanément. J'aurais aimé dormir un peu plus longtemps, lové au milieu des draps d'un lit qui ne m'appartient pas, dans les bras d'un garçon qui ne m'appartient pas non plus, et c'est peut-être mieux comme ça. J'aurais aimé garder en moi les sensations de la veille, les confidences et les secrets révélés, l'idée que la distance a enfin été franchie, que le fossé a été enjambé, le mur gravi. Ce matin, je retombe, les deux pieds sur terre, plus violemment que je ne l'aurais voulu. Je sens encore cette force en moi, un peu comme un sentiment de légèreté qui gravit autour de mon estomac, et une à une, des pierres tombent au milieu de ce vent de légèreté, et elles l'alourdissent.

Je ferme les yeux, et je sens soudainement la main d'Eden sur mon visage, il le tâtonne comme s'il n'était pas sûr que je sois près de lui.

-C'est ton téléphone, marmonne-t-il, à moitié endormi. Va répondre.

Il me pince la joue et je tourne la tête vers lui. Il est allongé sur le ventre, la joue posée sur son oreiller et la couette recouvrant presque entièrement son visage. Je me penche vers lui et cache mon nez dans ses cheveux, mais il me repousse en me tournant le dos.

- Réponds à ce satané téléphone, ronchonne-t-il.

Je rigole tout en enlevant la couette de son corps et en embrassant son épaule nue. Il se retourne légèrement, juste sa tête, et me jauge avec des yeux mi-clos mais cependant très expressifs, et surtout, avec un air de tueur.

- Je déconne pas, c'est chiant.

Je lui fais une petite moue, et alors que nous n'avions même pas pris conscience que le téléphone avait arrêté de vibrer, il recommence. Je pose ma bouche sur son épaule et laisse échapper un très long soupir.

- Ok...

Je me redresse et l'enjambe en faisant exprès de l'écraser, ce qui le fait râler encore plus. A retenir, Eden n'est pas du matin.

Je me traîne jusqu'au bureau d'Eden, où j'ai laissé mon téléphone hier soir. L'écran est allumé et c'est seulement une fois que j'ai l'appareil en main que j'arrive à lire le nom de la personne qui m'appelle.

Papa.

Mon cœur fait un bon dans ma poitrine. J'arrive à lire l'heure sur l'écran, il est à peine sept heures et demie. Je sens le téléphone vibrer une dernière fois dans ma main avant que l'écran ne redevienne noir. Je le déverrouille et constate que j'ai bien deux appels manqués de mon père. Une sueur froide coule dans mon dos nu. Ma main tremble alors que j'attends, fébrile, de voir si mon téléphone va se remettre à sonner. Et au moment où je me dis que je vais peut-être m'en sortir, oublier totalement ce qui est en train de se passer, l'écran s'illumine de nouveau.

Je me retourne, un peu perdu, l'œil hagard. Eden a les yeux clos et semble s'être rendormi sans aucune difficulté. Un de ses bras pend le long du matelas et ses cheveux cachent son front en formant des épis sur l'oreiller. Mon cœur bat la chamade. J'ai envie d'éteindre mon téléphone et de tout simplement retourner me blottir contre Eden.

Mais je sais que ce n'est pas possible.

J'ai trop fui dans ma vie. Je ne fais que ça, et pourtant, les choses que je fuis m'obsèdent et finissent toujours par me rattraper. Si je ne décroche pas, là, maintenant, je sais que mon père me rappellera dans une heure, dans deux heures, demain, et après-demain, il me hantera à tout jamais.

J'enfile un des shorts d'Eden par dessus mon caleçon, et je sors de la chambre. Je jette un coup d'œil dans la partie salon, et je suis surpris de voir Joly, la tête au dessus d'un bol de chocolat chaud. Lorsqu'elle me voit, elle détourne automatiquement les yeux. C'est de famille, de se réveiller du mauvais pied, on dirait. Je décide de la laisser tranquille et de plutôt aller me réfugier dans la salle de bain. Je ferme la porte derrière moi, sans tourner la clé, et je fais plusieurs fois le tour de la salle de bain en piétinant avant de finalement regarder mon reflet dans le miroir.

Je suis vert. Vraiment vert. Je ne savais même pas que c'était réellement possible pour la peau de se teinter de cette couleur.

Je ne trouve rien à me dire pour me motiver, si ce n'est que ça aurait pu être pire, ça aurait pu être ma mère à l'autre bout du fil.

Je prends une grande inspiration et finis par décrocher.

Je suis incapable de parler, même avec le téléphone coincé contre mon oreille. Je m'attends à entendre la voix las et excédée de mon père, me demander pourquoi je n'ai pas décroché tout de suite, mais à la place, je ne perçois que le sifflement de sa respiration. Cela dure de cette façon tellement longtemps que je finis par être le premier à ouvrir la bouche :

- Allô, papa ?

Un soupir de soulagement me parvient, et moi-même, je me laisse choir sur le bord de la baignoire. Je passe une main sur mon visage alors que le téléphone est déjà trop lourd dans ma main.

- Tu n'es pas en cours ?

Je ne suis pas surpris que mon père ne me demande pas comment je vais, ou même ne me dise bonjour, et c'est à peine si je m'en rends compte.

- Il est même pas 8h, papa...

J'entends des bruits de pas en bruit de fond, puis une porte qui se ferme.

- Ah bon ? Je suis déjà au bureau, je pensais... Quelle heure il est tu m'as dit ?

Je fronce les sourcils tout en décollant mon téléphone de mon oreille pour regarder l'heure.

- Il est 7h48 exactement.

Mon père souffle longuement, et je l'imagine se pinçant l'arrête du nez.

- Ah, d'accord, finit-il par dire.

- Tout va bien ?

La question sort d'elle-même, pourtant, je ne pensais pas pouvoir ressentir encore de l'inquiétude pour mes parents, eux qui ne m'en ont pas démontré une seule fois depuis que j'ai décidé de quitter la maison familiale.

- Oui, oui, s'empresse-t-il de répondre d'un ton fatigué.

J'attends, mais plus rien ne se passe. Sur le coup, je me doute qu'il ment. Mon père est un très mauvais menteur, c'est ma mère qui fait une grosse partie du sale boulot, pour ça, elle est très douée. Mais je ne peux m'empêcher de me sentir en colère, puisque, comme toujours, moi, je passe complètement à la trappe.

- Je vais bien, si jamais tu te poses la question.

Mon ton est sec, et je ne sais pas si ça fait réagir mon père, parce qu'à part du silence, cette discussion ne m'apporte pas grand chose d'autre.

- Est-ce que tu aurais un peu de temps pour qu'on se voit, ces prochains jours ?

Outre le fait que je sois surpris que mon père reprenne la parole au bout d'un temps mort qui m'a paru durer une éternité, sa proposition me surprend encore plus.

- Sans ta mère.

Si j'étais debout, j'en serais tombé sur mon séant. Déjà que l'idée de se voir me paraît totalement saugrenue, mais en plus, se voir sans maman, c'est à en tomber par terre.

- Tu as quelque chose à me demander ? Parce que si c'est le cas, tu peux très bien le faire maintenant.

- Non.

- Alors... Pourquoi ?

- Il me faut une raison pour voir mon fils ?

- Un peu, oui, je réponds sèchement.

De nouveau, ce silence. Je ne peux même pas dire que cette réplique a le mérite de clore le bec de mon père, étant donné qu'il a passé plus de temps à rester silencieux depuis que j'ai décroché qu'à parler. Pourtant, je m'en rends compte une fois que les mots sont sortis de ma bouche, mais ces trois pauvres mots m'ont demandé plus de courage que je n'en fais preuve d'ordinaire. Mon souffle est court dans ma poitrine et mon cœur bat si fort dans ma poitrine que je le sens cogner contre ma cage thoracique.

- J'aimerais que ce ne soit pas le cas.

Au final, c'est à moi qu'il a cloué le bec. Deux coups donnés contre la porte me font sursauter, et je manque de tomber en arrière dans la baignoire. La porte s'ouvre finalement sur Eden, qui, en caleçon, a eu la décence d'enfiler un t-shirt. Il passe une main dans sa nuque alors que ses cheveux sont dressés dans tous les sens et qu'il a les yeux gonflés de quelqu'un qui vient de se réveiller.

Il avance à petits pas et pose sa main sur mon épaule. C'est grâce à son regard, inquiet, que je me rappelle de la situation dans laquelle je suis. Je me rappelle que j'ai mon père au téléphone et qu'il aimerait me voir, et aussi que je ne lui ai pas répondu.

- Solly ? demande mon père.

Eden fronce les sourcils et ses lèvres bougent, et je lis leurs mouvements, et je comprends qu'il me demande avec qui je suis au téléphone. Et je suis incapable de répondre.

- Euh, je te rappelle et je te dis quand je peux...

Je ne laisse pas le temps à mon père de répondre et je raccroche. Aussitôt, je lance presque mon téléphone sur le rebord du lavabo, comme s'il était soudainement brûlant. Je passe une main sur mon visage et j'écarte discrètement les doigts pour voir mon reflet dans le miroir. Je suis passé de vert à blanc, ce qui, en soit, me paraît plus normal, même si ça ne me plaît pas forcément d'être aussi pale.

- C'était Shelly ?

Je relève brusquement la tête et mon regard se pose sur Eden. Je lis plusieurs choses dans ses yeux, de la jalousie, de l'inquiétude et une grosse pointe de hargne. Mais je suis trop vidé pour relever.

- Non, mon père...

Aussitôt, Eden se détend, et il s'assoit à côté de moi.

- Qu'est-ce qu'il te voulait ?

Je hausse une épaule. Ça me fait bizarre de parler de ça avec Eden. Je ne parle pas de mes parents avec tout le monde, à vrai dire, seuls Shelly et Jonas sont au courant de ce que je pense réellement d'eux. On peut peut-être compter Anton, aussi. Mais même s'il se doute de ce que je peux bien ressentir à leurs égards, je ne l'ai jamais exprimé de vive voix devant lui, et ça vaut aussi pour Eden. Mais Eden s'est confié sur sa mère, il n'a pas eu peur de le faire, il m'a révélé ses faiblesses, sûrement parce qu'il me fait confiance. Et je lui fais confiance, moi aussi.

- Il veut qu'on se voit, juste tous les deux.

Mes mains sont posées sur le rebord de la baignoire, et naturellement, celle d'Eden rejoint la mienne, et nos doigts s'entrelacent entre nos deux corps.

- Tu en as envie ?

Je renifle pour me donner contenance, et je détourne le regard. Me voir aussi pâle me donne le tournis. Depuis combien de temps exactement je n'ai pas vu mes parents ? Depuis Noël, mais est-ce que ça compte vraiment ? Mon père était dans un état second, il n'a pas ouvert la bouche du repas, et ma mère m'a ignoré. Depuis quand je n'ai pas passé un moment avec mes parents en étant heureux ? Un moment familial, de ceux qui restent comme un souvenir ancré en moi et qui dicterait le futur de ma propre vie ?

- Je ne sais pas.

Je me laisse glisser en arrière et mon dos vient rencontrer la baignoire. Mes jambes sont pliées sur le rebord où j'étais assis quelques secondes plus tôt, et Eden m'observe, ses doigts toujours ancrés dans les miens. Je me frotte les yeux et je pose ma tête contre le rebord.

- Comment il est, ton père ? me demande Eden.

Je ferme les yeux en sentant ses doigts serrer les miens. Je suis tenté de répondre que je n'en sais rien, mais je me désole de savoir que c'est tout ce qui me vient à l'esprit. Alors, je prends le temps de réfléchir. Je me creuse la tête, cherche des souvenirs, peu importe lesquels, de ma vie d'avant, des souvenirs où mon père apparaît.

- On m'a souvent dit que je ressemblais plus à mon père... soufflé-je.

Je perçois le ricanement d'Eden alors qu'il se laisse lui-aussi glisser le long du bord de la baignoire pour se retrouver à côté de moi.

- Vous ne vous ressemblez pas du tout !

- Je suppose que c'est parce que je jouais un rôle, que je n'étais pas vraiment moi-même. Je devais copier ce qu'il faisait, et les gens ont cru que c'était de la ressemblance...

Le pouce d'Eden trace un cercle sur le dos de ma main, et je me concentre sur ce geste. Je n'y avais jamais pensé, mais maintenant, ça me paraît évident. J'ai toujours craint ma mère d'une certaine façon, elle était dure et stricte, et elle avait cette lueur dans le regard que je détestais, un savant mélange de pouvoir et d'un air hautain. Je n'ai pu mettre des mots sur ce regard que lorsque j'ai commencé le lycée, avant, je ne savais pas, je ne comprenais pas pourquoi ma mère regardait le monde, et moi-même, de cette façon. Je ne comprenais pas que ce n'était pas le regard qu'une mère devait avoir pour son enfant.

- Mon père est... distant. Il ne sait pas dire les choses. Il tourne autour du pot, il... il garde tout pour lui, que ce soit bon ou mauvais. Il est... Il ne sait pas communiquer.

Eden passe doucement sa main sur ma joue et attire mon visage vers le sien.

- Ça, ça me rappelle quelqu'un...

J'ouvre les yeux, et, presque offusqué, je dévisage Eden. Il a un petit sourire contrit au coin des lèvres.

- Peut-être qu'il est simplement timide... murmure-t-il.

Il penche légèrement la tête sur le côté, et son regard veut tout dire.

- Tu lui ressembles peut-être plus que tu ne le penses.

Cette fois, je ne peux m'empêcher de le repousser, je me redresse, détachant sa main de ma joue, et j'extirpe mes doigts des siens.

- Tu ne comprends pas, mon père ne s'est jamais occupé de moi, il n'a jamais bronché devant les attentes de ma mère, devant cette vie morne qu'ils me faisaient vivre sans me laisser le choix. Il ne m'a jamais demandé si j'étais heureux, tout semblait couler de source, je n'avais pas le choix, je devais être le fils parfait.

Je souffle un bon coup, reprenant ma respiration.

- Je ne veux pas ressembler à ce genre de personne.

Je croise les bras sur ma poitrine, la tête à l'opposé de celle d'Eden. Je me sens soudainement en colère, et je sais très bien pourquoi. Il n'y a que la vérité qui blesse, hein. Et il a sûrement raison. Maintenant que les mots sortent de sa bouche et que je les entends clairement, tout ce que j'ai toujours voulu renier est finalement devenu vérité. Je ressemble plus à mon père que je ne l'ai soupçonné. Et ça m'effraie. Et si je ne suis jamais capable de couper complètement les liens avec cette famille qui ne m'a jamais aimé ?

- On choisit ses amis, pas sa famille, dit Eden.

Je me tourne vers lui, un air las dans les yeux, presque moqueur. Mais il ne se démonte pas, et me fixe avec cette intensité folle dans les yeux. Sa mer est calme mais puissante, prête à tout submerger sur son passage.

- Tu nous a choisi nous, Jonas, Anton, Lys et moi. On peut être ta famille, mais cette autre famille, elle sera toujours là, et tu dois l'accepter. Tu peux la renier, tu peux l'évincer de ta vie, elle fait partie de toi d'une manière ou d'une autre, et elle le sera toujours.

Il remet sa main sur ma joue, ses doigts effleurent les os de ma mâchoire et il se penche vers moi. Il pose son front contre le mien, et doucement, sa main passe dans ma nuque. Je le vois fermer les yeux, mais mes mains restent le long de mon corps, et je ne me détends pas. Ses mots résonnent en moi, et je sais qu'il a raison. Mais une forte partie de mon cœur ne veut pas les accepter, peut-être par simple esprit de contradiction, ou parce qu'il a trop peur. Alors je ne réponds rien.

Je perçois le souffle d'Eden contre ma joue, et son nez frôle le mien. Ses doigts jouent avec mes cheveux et je perçois sa respiration. Elle est calme, apaisée. Je me mords l'intérieure de la joue.

- Est-ce que tu m'as choisi, toi aussi ?

Eden a l'air surpris par ma question, puisqu'il se recule en ouvrant de nouveau les yeux. Il m'observe un long moment, je vois sa mâchoire bouger mais heureusement, sa main n'a pas quitté ma nuque, sinon je me serais sûrement mis à paniquer.

- Oui, il y a très longtemps, déjà, maintenant.

Je sens mes forces se vider, et cette fois, je prends son visage entre mes mains. Et quand ma peau rencontre la mienne, elle s'embrase, comme si cela faisait des centaine d'années qu'elle ne l'avait pas touchée. Je baisse la tête en me mordant la lèvre, juste quelques secondes, juste avant que, je le sais, je ne perde mes esprits, submergé par cette crainte en moi, et ce sentiment si puissant qui m'enivre chaque fois que je le touche. Je relève la tête, mon regard croise le sien, juste quelques secondes, et je vois dans ses yeux, qu'il sait. Il sait que je lui appartiens, d'une certaine façon. D'une façon qui dépasse les mots et les lois de la terre, de cette façon qui est plus forte qu'une simple notion énoncée, ou qui pourrait être contestée, critiquée. Je ne lui appartiens pas parce qu'il pourrait avoir un pouvoir sur moi, ou que je serais obligé de rester près de lui toute ma vie, ou bien que je lui devrais toujours quelque chose. Je lui appartiens parce qu'il a su voir en moi et m'accepter.

Je m'approche de lui, doucement, et j'embrasse ses lèvres. Et soudain, je me vois, deux années en arrière. Je revois notre premier baiser, j'entends sa voix alors qu'il me dit qu'il aimerait que je l'embrasse, et je me vois m'enfuir ensuite. Que se serait-il passé si je n'avais pas fui, si j'étais resté ? J'ai refusé de me poser cette question pendant deux ans. Et maintenant, elle n'a plus raison d'être, parce que finalement, je suis là, avec lui.

Il répond à mes baisers avec cette même douceur, et sa main appuie dans ma nuque. Je sens le goût sucré qu'ont ses lèvres, vestige des tonnes de bonbons que nous avons ingurgités devant le film hier soir. J'approche son corps plus près de moi, juste en mordant la pulpe de ses lèvres. Il comprend le message. Je commence à le connaître, je sais sous quel geste le plier, le faire venir à moi, l'enivrer, le rendre fou. Une de mes mains glisse entre la parois de la baignoire et sa hanche, et une fois placée de la bas de son dos, elle l'attire encore plus contre moi.

Eden enjambe mes jambes et se place à califourchon sur mon corps. La taille de la baignoire étant limitée, la position n'est pas vraiment confortable, mais je prends conscience que toute douleur s'atténue lorsque je peux tenir le corps d'Eden contre le mien. Ses mains caressent doucement mon torse nu tandis que mes doigts remontent le long de ses cuisses. Sa bouche est toujours vissée à la mienne, et ma langue joue avec ses lèvres. Son bassin ondule contre mon corps, et je sens cette vague de chaleur partir de mon bas-ventre et gagner peu à peu chaque centimètre carré de mon être.

Nous continuons de nous embrasser même quand j'entends le réveil de mon téléphone, posé près du lavabo. Nous continuons de nous embrasser même si j'ai l'impression qu'on m'enfonce un pique dans le bas du dos et que des crampes se font sentir dans ma nuque. Nous continuons de nous embrasser même quand les genoux d'Eden glissent sur le sol de la baignoire. Et nous aurions sûrement continué de nous embrasser si la porte de la salle de bain ne s'était pas ouverte brusquement.

- Ola les chauds lapins !

Nous sursautons tous les deux, et par réflexe, j'enfonce mes ongles dans la peau des cuisses d'Eden, le faisant grimacer. Je ne peux m'empêcher de baisser la tête, rouge de honte, tandis qu'Eden se tourne presque trop normalement vers Anton. Ce dernier s'est avancé vers le lavabo et coupe mon réveil.

- Très chiant ce truc qui sonne depuis vingt minutes alors que je comptais encore dormir au moins trois bonnes heures, ronchonne-t-il.

Il regarde notre reflet dans le miroir avant de se retourner et de s'accouder au lavabo. Il ne compte pas dégager.

- Vous n'avez pas cours ?

Eden lève les yeux au ciel.

- Et toi, alors ?

- Moi, oui, mais je suis un fils de riche, alors je peux bien sécher un lundi matin, je m'en tape.

Anton fait mine de rouler des mécaniques tandis qu'Eden ricane, moqueur. Il passe doucement sa main sur mon épaule, avant d'ajouter :

- Dois-je te rappeler que ta moyenne vole aussi bas que le niveau capillaire des cheveux de Vin Diesel ?

Anton ne peut s'empêcher d'éclater de rire, et je l'entends débouchonner son tube de dentifrice. Quand il se remet à parler, il a la bouche pleine de dentifrice et se frotte vigoureusement les dents en même temps :

- Mon père a investi dans cette école, j'aurai forcément mon diplôme.

Eden lui fait les gros yeux alors que je relève finalement la tête, et dès que je croise le regard d'Anton, il me fait un grand sourire et un petit salut militaire.

- Je savais que sous ses airs de coincé se cachait un petit pervers, sourit-il.

- La ferme, gronde Eden en détachant son corps du mien.

Je sais que je ne devrais pas, mais je ne peux m'empêcher de tiquer sur le mot « coincé ». Je me contente cependant d'avaler la bile qui est montée dans ma gorge et d'improviser une grimace supposée être un sourire radieux. Eden s'extirpe de la baignoire et remet correctement son t-shirt en lançant un regard particulièrement froid à son meilleur ami. Les deux s'observent un long moment en silence tandis que j'essaye de sortir à mon tour de la baignoire le plus dignement possible, ce qui n'est pas une chose facile.

- Bien dormi ? demande Anton.

Eden n'a pas cessé de fixer son ami, et Anton sourit, du dentifrice coulant sur son menton. Je me racle la gorge en attrapant mon téléphone qu'Anton a abandonné et je fixe machinalement mon écran, espérant avoir un message à consulter ou quoi que ce soit qui puisse attirer mon attention. Mais il n'y a rien. Rien à part les mots d'Anton qui semblent flotter dans les airs, juste sous mes yeux.

Finalement, quand je me décide à vouloir sortir de la salle de bain, Anton m'attrape par le bras.

- Je voulais pas te vexer, dit-il simplement.

Je le regarde un long moment, je sais mon visage inexpressif, et je me force à sourire.

- Je sais.

Je sors finalement de la salle de bain et retourne vers la chambre. Je sais qu'il ne voulait pas me vexer, mais ses paroles l'ont tout de même fait. J'aimerais pouvoir réagir autrement, ne pas prendre au mot ce que les autres pourraient penser de moi, mais ces sentiments ne se contrôlent pas.

Une fois dans la chambre d'Eden, mon regard parcourt la pièce avec cette affreuse impression de départ dans les veines. Dans une heure, nous allons devoir partir pour la FAC – ou je vais partir, tout seul puisqu'Eden n'est pas connu pour sa présence en cours – et je ne sais pas exactement quand je remettrai les pieds ici. Mes yeux analysent les lieux, à la recherche de mes affaires. Je trouve mon sac dans un coin, près du bureau, les vêtements que je portais en arrivant ici au début du week-end éparpillés un peu partout, et c'est tout. Finalement, je n'ai pas tant que ça intégré les murs, ça devrait être plutôt facile de m'en détacher.

J'entends du bruit dans le couloir, et quelques secondes plus tard, Eden entre dans la chambre. Je sais qu'il m'observe en train de regrouper mes affaires, mais il ne parle que lorsque j'enfile mon jean.

- Anton ne voulait pas être méchant, tu le sais, non ?

- Oui, je sais, répété-je.

Je boutonne mon jean et m'apprête à enfiler le t-shirt puant que j'ai porté pour travailler deux jours plus tôt, mais Eden m'arrête dans mon geste, agrippant le tissu. Il me l'enlève des mains et le lance sur le lit. A la place, il me tend un de ses pull en grosses mailles kaki. Il cherche à croiser mon regard, mais je l'évite en enfilant le pull sans un mot. Je me détourne dès que ma tête sort du col, et je fais mine de fourrer mon t-shirt dans mon sac.

- Solly...

Mon prénom contre ses lèvres est comme un supplice, alors je me retourne.

- Quoi ?

Mes yeux restent fixés sur le sol. Ils cherchent mes chaussures.

- Il était gêné, c'est tout.

- Gêné, qui ça, Anton ? Tu déconnes ou quoi ? Moi, j'étais gêné, on était en train de... et il débarque comme ça, sans même s'excuser, alors tu parles qu'il était gêné.

Trouvé ! Cette satané paire de chaussures est à l'autre bout de la pièce, et je dois contourner Eden pour aller les chercher.

- Oui, il était gêné.

Je lève les yeux au ciel en passant près d'Eden. Comment Anton pourrait-il être gêné ? C'est le premier à avoir un comportement complètement loufoque et à tout faire pour être au centre de l'attention, quitte à pisser à côté de nous dans la salle de bain. Vraiment, c'est la pire excuse que j'ai entendue.

- Tu ne trouves pas que pour quelqu'un de gêné, il ouvre quand même grandement sa gueule ?

Mon ton est plus nerveux et agressif que je ne le voudrais, et, à un mètre de mes chaussures, je m'arrête en soufflant, excédé. Je n'ai pas envie d'être en colère contre Anton, pas après ce que nous nous sommes dit hier, pas avec cette impression d'avoir trouvé un ami sur qui je pourrais compter. Mais c'est aussi peut-être pour ça que je me sens trahi à ce point.

- Oui, je suis coincé, alors en fait, c'est vrai, il dit peut-être simplement la vérité, je ne devrais pas être en colère, tu as raison.

J'entends Eden soupirer dans mon dos, et je me retourne. Il me regarde avec ce même air attentionné que dans la baignoire tout à l'heure, et que je lui disais que je ne voulais pas ressembler à mon père. Je me rends compte alors que les masques d'Eden ne sont pas tous tombés, ou alors, qu'ils sont tant ancrés dans sa personnalité qu'il arrive à jongler entre eux naturellement. Sinon, comment serait-il capable d'être un jour ce garçon qui a perdu sa mère et qui voit son monde s'écrouler pour ensuite être celui qui m'épaule avec une patience presque infinie ?

- La vérité, c'est que tu n'es pas coincé, et qu'il n'est pas non plus méchant, dit-il simplement. Personne ne vit les choses de la même façon.

Je lève les yeux au ciel et je m'apprête à répliquer, mais son regard m'en empêche.

- Il y a les gens qui ouvrent leur gueule pour se protéger, et il y a ceux qui sont bloqués par leur timidité, et elle les empêche de s'exprimer.

Je passe ma langue sur mes lèvres alors que ma respiration, jusqu'ici saccadée, se calme finalement.

- Anton a toujours été poussé par ses parents pour devenir ce grand homme qu'ils attendent de lui, il a appris à ouvrir sa gueule, parce qu'il n'avait pas le choix. C'est devenu un réflexe de défense. Essaye de faire attention, maintenant, tu verras à quel point c'est évident.

Je sens dans sa voix le besoin d'Eden à défendre son ami, mais aussi, à quel point il le connaît. Parfois j'oublie que leur amitié dure depuis de longues années, peut-être même ont-il passé plus de temps sur cette terre en étant amis qu'en étant seuls. Et je me rends compte également qu'à force d'avoir peur du regard des autres, de leurs jugements, de ce qu'ils pouvaient dire sur moi, de ce qu'ils pouvaient trouver sur moi afin de s'en servir pour se moquer, je me centré sur moi, et moi seul. Les autres et leurs sentiments, leurs façon de fonctionner, de s'échapper du regard des autres, tout ça s'est effacé au profit de mes seuls sentiments. Il n'y avait que moi qui existais, dans mon monde.

- Je ne dis pas qu'il a eu raison de te dire que tu es coincé, mais qu'il regrette.

Je hoche la tête en me mordant l'intérieur de la joue. Eden, qui doit prendre ça comme un signe de paix, s'approche de moi. Il pose sa main dans mon cou et dépose un baiser chaste sur mes lèvres.

- Bon, et maintenant, on se prépare à aller en cours ?

Je perçois un sourire dans sa voix, comme s'il était heureux. Qu'est-ce qui peut le rendre heureux, maintenant ? Je me penche vers lui et embrasse ses lèvres d'un même baiser chaste.

- Tu vas en cours, toi, maintenant ?

Il sourit de plus belle, et coiffe les mèches folles de mes cheveux qui tombent sur mon front.

- On a cours de quoi, le lundi matin ? demande-t-il de façon rhétorique.

- Arts et civilisation, en amphithéâtre, je réponds machinalement.

- Ce qui veut dire ? insiste-t-il dans un sourire.

Je fronce les sourcils, et de nouveau, il m'embrasse simplement. Ce baiser me détend et me dévore en même temps, j'en veux plus et j'ai peur de me brûler les doigts.

- Que tous les gens de la licence ont cours ensemble...

Je le vois sourire, presque fièrement, avant que sa main dans mes cheveux descende sur mon visage et qu'il passe son pouce sur mes lèvres.

- Tu n'as rien remarqué ?

Je fais non de la tête, hypnotisé par sa peau si proche de la mienne, par ses cheveux bruns qui s'emmêlent sur son front, par ses yeux d'un bleu ocre qui ne quittent pas mon visage.

- Je ne vais pas en cours, mais j'ai toujours été là pour les cours en amphithéâtre.

Mes yeux clignent plusieurs fois alors que je me replonge dans mes souvenirs, essayant de savoir s'il a en effet toujours été là pendant les cours magistraux, ces cours où toute la promo, tous les groupes, se retrouvent ensemble dans l'amphithéâtre. Il n'y en a que quelques uns dans la semaine, trois pour être plus précis. Et maintenant que j'y pense, oui, il a toujours été là – et maintenant que j'y pense aussi, j'ai toujours fait assez attention à lui pour savoir qu'il a toujours été là – et pourtant, Anton m'avait dit que les cours, c'étaient pas son fort, et lui-même me l'avait avoué.

- Pourquoi ?

Il se penche vers moi, et je m'attends à ce qu'il m'embrasse, ses lèvres si près des miennes. Mais pourtant, il s'arrête, et murmure contre ma peau :

- Pour toi.

Je sens une chaleur partir tout droit de mon cœur et envahir peu à peu tout mon corps, c'est comme un frisson délicieux qui se lie entre mon âme et mon être et qui ne peut s'exprimer que par mon corps, alors que pourtant, il touche beaucoup plus de choses, des choses immatérielles, des choses qu'ont ne peut pas toucher physiquement.

- C'est vrai ?

- Quand je t'ai vu, la première fois, dans cet amphithéâtre, j'avais envie de m'enfuir. Je me suis dit que tout était fichu, que je m'étais inscrit juste pour avoir une bourse, pouvoir m'occuper de Joly, ne pas laisser Anton tout gérer dans ma vie, et je t'en ai voulu de tout foutre en l'air.

Je lui prends la main et l'attire contre mon corps alors que je sens ses lèvres frôler les miennes. Il a fermé les yeux et je perçois les pulsations de son cœur dans la paume de sa main contre la mienne.

- Puis je suis sorti de l'amphithéâtre, et Danny était là. Quand on est rentré, Anton et Joly étaient là. Je me suis ressaisi. J'ai été soulagé quand j'ai vu qu'on était pas dans le même groupe, tu étais facile à retrouver sur la liste...

Il sourit contre mes lèvres et il tourne légèrement la tête pour s'appuyer contre ma joue.

- Je savais que je ne te verrai pas beaucoup, juste aux cours en amphi, puis de toute façon, j'ai rapidement compris que je n'irai pas très souvent à la FAC. Puis l'idée que le seul moment où je pourrais te croiser était pendant les cours en amphithéâtre est passé du soulagement de ne pas avoir à t'affronter à la curiosité de te voir, de savoir ce que tu étais devenu. Alors j'ai commencé à y aller, juste pour te voir.

J'essaye de l'imaginer, le jour où je me suis réfugié dans les toilettes après avoir été regarder dans quel groupe j'étais – et par la même occasion, dans quel groupe il était lui -, aller voir à son tour les listes, chercher son prénom sur les feuilles, se trouver, et constater que je ne fais partie de la même liste que la sienne.

- Je ne pensais pas qu'on se reparlerait un jour, je me contentais de t'observer, et tu avais tellement changé ! A chaque fois que je te voyais, je constatais à quel point tu étais effacé, et je m'en réjouissais.

Sa voix s'éteint légèrement, et je comprends qu'il regrette ce qu'il a pu penser à cette époque.

- Puis il y a eu la soirée d'intégration. Je m'en suis voulu d'y avoir invité Anton, et j'étais tellement en colère quand je l'ai vu discuter avec toi. Je ne savais même pas pourquoi, et quand Anton m'a appelé, je me suis motivé en me disant que je n'aurais qu'à te pourrir, d'une manière ou d'une autre, je suis devenu plutôt bon à ce jeu... Mais en fait, aucun mot ne voulait sortir de ma bouche.

Il ouvre finalement les yeux et se recule légèrement afin de pouvoir me regarder directement.

- J'ai pensé à toi pendant si longtemps, après la soirée d'anniversaire d'Anton, il y a deux ans. J'ai pensé à toi lorsque j'ai finalement décidé d'accepter le fait que j'aime les garçons, que j'ai choisi de le dire à ma mère, quand j'ai embrassé pour la première fois un autre garçon, j'ai pensé à toi dans les moments heureux de ma vie, et les tristes aussi, en me demandant ce que tu aurais dit ou fait pour me féliciter ou me rassurer. J'ai pensé à toi quand ma mère est morte et j'ai compris que je faisais une erreur, qu'il y avait des choses qu'on ne pouvait pas revivre.

Ses lèvres se plissent jusqu'à ne former qu'une fine ligne et il baisse les yeux.

- Est-ce que ça te fait peur ? murmure-t-il.

Je le regarde longuement, le cœur au bord des lèvres. Pourquoi est-il toujours celui qui arrive à dire les choses tandis que je reste silencieux ?

- Qu'est-ce qui me ferait peur ?

Il hausse une épaule avec un petit sourire au coin de lèvres.

- Le fait que je sois obsédé par toi depuis deux ans.

Je ne peux m'empêcher de rire en levant les yeux vers le ciel.

- Tu es... Eden, tu es la plus belle personne que j'ai rencontrée dans ma vie, alors je me sens plutôt honoré de savoir que tu as pensé à moi pendant tout ce temps.

Ma voix est aussi basse que la sienne, comme si nous ne voulions que personne d'autre n'entende nos confessions, comme si ces paroles n'appartenaient qu'à nous.

Il lève timidement les yeux vers moi et mon cœur se gonfle de le voir rougir. Ça me rend fou. Et je passe mes doigts sur les plaques rouges qui montent dans son cou, je suis le chemin de son sang qui afflue dans ses joues et j'embrasse sa pommette rougissante. Il tourne légèrement la tête afin que je puisse capturer ses lèvres en m'approchant de nouveau, et nous échangeons un baiser plus doux que tout ceux que nous avons échangés jusqu'ici. Je suis presque déçu lorsqu'Eden rompt notre baiser et que ses lèvres se détachent des miennes, mais alors que je grogne de frustration et que j'amène de nouveau mon visage vers le sien, il souffle, entre deux respirations :

- Je t'aime.

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