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26. noël

- Joyeux Noël mon cœur !

Assis en tailleur sur le lit de Shelly, je garde les yeux fermés jusqu'à ce que je sente un paquet entre mes mains. J'ouvre finalement les yeux tandis que Shelly passe ses bras dans ma nuque, et que je sens sa poitrine, dénudée sous un t-shirt à moi, se coller dans mon dos. Ses cheveux descendent sur mes épaules et elle pose délicatement ses lèvres dans mon cou. Mon corps entier frissonne à son contact pendant que ma raison me martèle l'intérieur du crâne à grands coups de marteau. Ça fait trois jours que j'essaye de raisonner ma raison – oui, c'est pour dire à quel point les choses vont mal – mais rien à faire, elle ne me laisse pas tranquille. Pourtant, j'essaye de profiter de mes vacances et de ma copine comme tout mec normal le ferait, mais il y a quelque chose en moi qui me gêne. Si ce n'est pas ma raison qui me traite de menteur chaque fois que Shelly pose ses lèvres sur moi, c'est autre chose. Quelque chose que je n'arrive pas à discerner clairement. C'est comme un cailloux dans une chaussure. Une pointe douloureuse qui s'affermit à chaque pas, mais comme tu marches vite, que tu n'as pas le temps, eh bien tu ne peux pas l'enlever.

- Merci.

Je prends le paquet entre mes mains et le secoue légèrement, pour voir s'il fait du bruit. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle a pu bien m'acheter. Il n'y a rien dont j'ai vraiment envie qu'elle ne puisse m'offrir. Elle n'arriverait jamais à trouver un parfum qui te donne plus confiance en toi, ou bien par exemple une veste qui te rend invisible au regard des autres.

Autour de nous, sur le lit défait, trônent les restes des papiers cadeaux de ceux de Shelly. Comme je n'avais aucune idée de quoi lui offrir, je lui ai trouvé un bijou en argent pas trop cher et une écharpe. J'ai cru qu'elle allait se mettre à pleurer tellement elle a trouvé le bracelet beau. Je ne pensais pas que ça lui ferait autant plaisir. J'ai passé les trois derniers jours chez elle, et ce midi, elle m'a fait mon plat préféré, du saumon à la sauce au beurre avec une purée de pommes de terre. Elle a été au petit soin avec moi pendant ces trois jours, et égoïstement, je me suis senti dorloté, chouchouté et j'en ai profité. Mes parents ne se sont jamais comportés de la sorte avec moi, parfois je me demandais s'ils n'étaient pas des machines, et moi-même, un robot. Alors j'ai été faible de voir Shelly prendre autant soin de moi et j'ai tout oublié. J'ai passé trois jours dans une parenthèse, sans plus penser à rien. Ni à Lys qui râle parce que ses parents ne la lâchent pas d'une semelle depuis qu'elle est rentrée. Ni à Jonas qui s'inquiète plus que moi par rapport au repas de ce soir. Ni à Eden.

On ne peut pas dire que je n'ai pas pensé du tout à Eden pendant ces trois jours, parce qu'il est la seule personne, de mes trois amis – en le comptant dans le lot – à qui j'ai répondu aux textos. Mais avec Shelly sur mon dos, j'avais toujours plusieurs heures de retard, et nos sujets de discussion me paraissaient tellement insignifiants que je ne vois pas où est le mal. Cependant, je dois avouer que lui envoyer des textos est devenu naturel, tout comme lui dire bonne nuit avant d'aller me coucher, et lui demander s'il a bien dormi en me réveillant. Mais à part ça, et ça m'a presque fait étrange, je ne m'inquiétais plus de rien en ce qui le concernait. De toute façon, j'étais avec ma copine et tout se passait bien.

Je déchire le papier, en commençant par un angle, alors que je sens toujours la bouche de Shelly dans mon cou. Le paquet est assez gros, totalement carré, il fait la taille d'un ballon de foot. Une fois que j'ai réussi à le défaire du papier, je remarque que c'est une boîte en carton blanc, sans aucune inscription. Je me tourne légèrement vers Shelly, mais elle dépose un baiser rapide sur mes lèvres.

- Allez, ouvre, me presse-t-elle.

Je souris, et tire sur le haut de la boîte pour en ouvrir le bord. Je penche la tête au dessus du carton, et j'observe ce que je trouve à l'intérieur. Il y a beaucoup de papier bulle et papier journal, alors je plonge la main dedans. Mes doigts rencontrent quelque chose de froid, et de rond, et, tout en fronçant les sourcils, j'agrippe ce que je peux pour extirper l'objet de ses protections.

Je reste sur le cul un petit moment, en plus du fait que je sois réellement assis sur mon fessier, mais ma bouche est ouverte et elle ne veut pas se refermer. Je tiens dans les mains une mappemonde au milieu d'un dispositif en métal, avec deux branches qui s'enroulent tout autour et forme un socle à la base. Mais alors que je plisse les yeux pour observer cette terre aux allures d'une vieille carte de l'ancien monde – ce qui rend l'objet encore plus beau à mes yeux – je remarque que le bord de la mappemonde ne touche pas le dispositif autour.

- Pose-le au sol... me dit Shelly avec enthousiasme.

Je me penche en avant et pose le globe terrestre avec ses armatures de métal par terre. Aussitôt, la boule commence à tourner toute seule sur elle-même. Je me tourne, choqué, vers Shelly, avant de regarder de nouveau le globe.

- Quoi ? Mais comment c'est possible ?

Shelly hausse les épaules, ramenant ses longs cheveux blonds en arrière. Elle s'allonge sur le ventre à côté de moi, alors que je reste hypnotisé par cette terre qui tourne sur elle-même.

- Aucune idée, j'ai rien compris de ce que m'a raconté le vendeur, il dit que ça fonctionne à la lumière ou je sais pas quoi...

Je tends la main et effleure du bout des doigts cette carte terrestre.

- T'as vu ? C'est le monde il y a plus de deux milles ans... me fait remarquer Shelly.

Je hoche vivement la tête. Elle a vraiment trouvé quelque chose de parfait pour moi. Moi qui ai toujours été fasciné par les civilisations des anciens temps, elle m'offre une carte sur mesure. Je me tourne vers elle, et passe une main dans le creux de ses reins.

- Merci...

Elle me sourit avant de se pencher vers moi et de m'embrasser. Ma main passe sous son t-shirt, et je le lui enlève avec facilité. Shelly ne m'embrasse qu'avec plus de fougue et elle me fait un peu plus oublié encore que ce soir, je dois faire face à mes parents.

(..)

J'ai eu le temps de rentrer chez moi, de poser mon cadeau bien en évidence sur mon bureau, et surtout de me changer. Dire que je n'ai pas eu de nouvelles de mes parents et que, même si je ne leur ai pas répondu, ils ne se soucient pas de savoir si je viens vraiment. C'est comme s'ils pensaient que je ne pouvais pas leur dire non. J'essaye de me persuader que je ne viens pas pour eux, mais aucun doute qu'ils ne sauront pas faire la différence.

Je me sens plus qu'anxieux alors que je m'apprête à sonner chez Anton. Je suis habillé avec une chemise blanche impeccable, et un costume trois pièces bleu marine. C'est le seul que j'ai emmené avec moi, parce que je me suis toujours étrangement senti à ma place dedans, même s'il put le fric, qu'il a été fait sur mesure, et qu'il était mon unique cadeau de Noël à mes dix sept ans. Parce que mes parents ne pouvaient pas m'offrir un jeu vidéo ou un ticket pour un concert. Mais c'est justement ce jour-là que j'ai compris que quelque chose n'allait pas.

Je me sens con avec ce bouquet de fleurs dans les mains. Hors de question que je me ramène avec une bouteille de vin bon marché. Et pourtant, ça n'aurait pas dû m'inquiéter. C'est bien la preuve que je ne veux pas avoir honte devant mes parents et que, d'une façon ou d'une autre, je n'ai pas encore complètement mis ce monde derrière moi. Je passe ma main dans la poche de mon pantalon, dans laquelle un petit objet recouvert de papier cadeau attend patiemment le moment où j'oserais le sortir de sa cachette. Je ne suis même pas sûr que j'arrive à le faire.

Je prends une profonde inspiration, et je me décide à sonner. C'est la voix enjouée d'Anton qui me répond, et surtout, me supplie de monter au plus vite parce qu'il a déjà envie de se tirer une balle. Au moins, il me donne le sourire pendant mon trajet en ascenseur pour monter jusqu'à son étage.

La porte de son appartement s'ouvre avant que je ne sorte complètement de l'ascenseur et mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Eden se tient devant la porte, une chemise noire moulant son torse, avec un pantalon assorti, et des baskets blanches aux pieds, qui dénotent avec le reste. Il est à couper le souffle, sans parler de ses cheveux coiffés, pour une fois, sur le côté. Une mèche rebelle lui barrant la moitié du front.

- Salut, dit-il avec impatience, comme si je lui avais manqué.

Je déglutis en l'observant alors que mon cerveau prend la décision de me faire faire un pied devant l'autre pour arriver jusqu'à lui. Je me sens rougir un peu plus en prenant conscience que je me l'avoue, je trouve un mec beau. Parce qu'il l'est tellement, à ce moment précis, m'attendant à la porte, un petit sourire au coin des lèvres. Je serre un peu plus ma main autour du petit paquet cadeau dans ma poche, et je me plante devant lui. Comment se saluent les amis ? Ils se serrent la main ? Ou ils se prennent dans leurs bras ?

Le couloir derrière lui est vide, même si je perçois le son de la télé et la voix de la mère d'Anton. Sans réfléchir, alors qu'Eden est à quelques centimètres de moi à peine, je sors ma main de ma poche et la glisse dans le creux de son dos. Je me penche vers lui et embrasse tout doucement sa joue, comme si j'avais peur qu'il m'échappe.

- Salut, murmuré-je contre sa peau.

Lorsque je me recule, Eden est si rouge qu'on pourrait le confondre avec une boule de Noël, et tout ce qu'il trouve à faire, c'est se retourner brusquement en manquant de se cogner dans la porte entre-ouverte et de disparaître au fond de l'appartement. Je l'observe traverser le salon en cachant son visage derrière sa main et courir se réfugier dans la salle de bain. Je me sens sourire comme un parfait débile, presque fier de moi. J'aime tellement quand il est timide que je crois que je viens d'atteindre le nirvana. Je ne sais pas vraiment ce qui m'a pris, ni d'où cette idée m'est venue, mais maintenant que c'est fait, je suis plutôt content de moi.

Je n'ai qu'à peine le temps de fermer la porte de l'appartement derrière moi qu'on m'arrache le bouquet de fleurs des mains.

- Oh, Solly, mon petit Solly, c'est trop adorable de ta part !

La voix de la mère d'Anton est toujours un peu trop aiguë à mon goût, tout comme le fait que je n'ai jamais vraiment compris pourquoi mais je me retrouve toujours le regard au niveau de sa poitrine. Mais cette femme est tellement grande, sans parler de ses talons, que c'est souvent le premier spectacle qu'elle offre aux hommes. Ses longs cheveux blonds, exactement les mêmes qu'Anton, ont toujours ce même aspect cheveux de Barbie, mais son sourire est chaleureux, et son regard attentif.

- Bonjour, madame Monty...

- Combien de fois je dois te répéter de m'appeler Viviane ?

Je lui sors une petite grimace que j'espère elle prendra pour un sourire, et elle se dirige vers le salon. Le père d'Anton, dans un costume sombre, ce qui dénote avec la robe rouge sang de sa femme, est assis dans le canapé près de Joly. Cette dernière porte une petite robe d'un bleu électrique, et les deux discutent avec animation des derniers résultats d'une équipe de foot. Dès qu'ils me voient entrer, ils se tournent vers moi et Joly vient naturellement me faire la bise. Le père d'Anton me fait un petit signe de la main distant. Ça ne m'étonne pas vraiment, ce qui me surprend plus, au contraire, c'est de le voir parler avec autant d'entrain avec quelqu'un. Grégoire Monty est un homme plutôt réservé, et jusqu'à ce jour, je ne l'avais jamais entendu aligner plus de deux phrases. C'est plutôt sa femme qui s'occupe d'entretenir la discussion. Il semblerait qu'Eden et Joly soient vraiment bien intégrés dans leur famille.

Je remarque un sapin installé dans un coin de la pièce, totalement orné de rouge et or. Vu la façon dont les guirlandes ont été balancées négligemment dans tous les sens, il ne fait aucun doute que c'est l'œuvre d'Anton.

Joly retourne dans le canapé, et je suis la mère d'Anton jusqu'au coin cuisine. Ce dernier est en train de préparer, sur de grands plateaux en argent, différents petits fours.

- On a tout commandé à un traiteur quatre étoiles situé à une trentaine de kilomètres, mais Anton nous a assuré qu'on avait pas besoin d'un serveur...

Elle agrémente ses paroles d'un lent et long geste de sa main manucurée. Anton me fait un grand sourire lorsqu'il prend conscience de ma présence.

- Tu veux que je t'aide ? demandé-je par politesse.

- C'est pas de refus, tu peux débouchonner le champagne ?

Je hoche la tête tout en m'approchant de la bouteille. Enfin, une bouteille parmi des dizaine d'autres identiques, accompagnées de bouteilles de vin, blanc et rouge.

- T'es parents ne sont pas encore arrivés, bien sûr, mais je sais qu'ils tiennent à toujours arriver dix minutes en retard tout pile.

Viviane jette un petit coup d'œil à la montre en or à son poignet.

- Ils seront là dans sept minutes, dit-elle avec un grand sourire.

Elle retourne dans le salon, et je sens une ombre se matérialiser à côté de nous. Je lance un petit regard par dessus mon épaule, et je remarque qu'Eden s'est accoudé au frigo et nous observe en silence. Il a reprit un teint normale, même si de petites plaques rouges dans son cou témoignent encore de son petit moment de timidité. Je pousse un soupir en serrant le bouchon dans ma main. Mes parents et leurs règles débiles. Je n'arrive toujours pas à croire que je vais devoir passer une soirée en leur compagnie.

- Qu'est-ce que ma mère a dit à la tienne ? marmonné-je à voix basse.

Anton croque négligemment dans un petit-four avant de se lécher ostensiblement les doigts et d'en saisir un autre qu'il place au centre du plateau. Alors, important, se souvenir que le petit-four en forme de poisson et avec du caviar dessus, il faut éviter de tomber dessus.

- Que tu es en école privé de gestion d'entreprise.

Je pousse un très long soupir tout en parvenant à décoincer le bouchon de cette bouteille. Je sens le regard d'Eden dans mon dos. Tout doit être tellement différend de ce qu'il connaît. Après, je suppose, vu le comportement de Joly, qu'il connaît bien cette famille. Mais il suffit de regarder Anton, dans son costume tout en noir, avec ses cheveux blonds ramenés en arrière, qu'il n'a pas du tout la même allure que d'ordinaire. Et je sais que je ne déroge pas à la règle. Ce n'est pas le monde d'Eden, ce n'est pas le mien, mais moi ,je sais comment me fondre dans la masse, et j'en ai fait parti à une époque.

 Je m'empresse de servir le champagne dans des coupes qui m'ont tout l'air d'être en cristal, et je m'accoude au plan de travail.

- Mes parents ne m'ont même pas parlé une seule fois après m'avoir dit qu'on faisait noël chez toi, soupiré-je. Ils partent du principe que je ne vais rien dire, et qu'ils peuvent raconter ce qu'ils veulent sur ma vie à tes parents.

Anton a un petit hochement de tête affligé, alors que je perçois, dans mon dos, Eden changer d'appuis ses pieds. Il ne perd pas une miette de notre conversation silencieuse, mais ça ne m'inquiète pas vraiment. Anton finit par poser sa main sur mon épaule et y exercer une légère pression.

- S'ils sont persuadés que tu n'ouvriras pas la bouche, tu sais ce qu'il te reste à faire, non ?

Il me fait un petit clin d'œil alors que la sonnerie retentisse dans tout l'appartement.

- Bon, j'ai un service à faire, chantonne-t-il en prenant deux plateaux en argent.

Il sort du coin cuisine et va déposer le tout sur la table basse. Je n'avais pas prêté attention, mais mes mains sont agrippées au plan de travail derrière moi, et j'ai l'impression qu'elles s'étaient presque moulées avec tellement j'ai du mal à leur faire lâcher prise. Je tire un peu sur ma veste pour la mettre bien en place tout en contournant le plan de travail pour rejoindre les autres. Au moment où je passe devant Eden, qui m'observe au travers de ses cils, les bras croisés, il se redresse et se met à marcher à côté de moi.

- Ne mange pas les petits-fours en forme d'étoile, Anton a craché sur plus de la moitié, me murmure-t-il à l'oreille.

Je l'entends pouffer de rire et son souffle percute la peau de mon cou. Je me tourne légèrement vers lui et rigole à mon tour, me cachant derrière ma main. Nous nous regardons droit dans les yeux pendant de longues secondes, jusqu'à ce que la voix de ma mère ma ramène à la réalité. Je détourne automatiquement les yeux et je la vois, sortant du couloir, enlevant son manteau qu'elle tend négligemment à Joly alors que celle-ci venait la saluer. Mon père la suit, plus calme, moins extravagant. Ma mère se tient plus droite que droite, le regard dur posé sur ce qu'elle voit. Elle n'est pas très grande, beaucoup moins que Vivianne, d'ailleurs, elle n'a pas accès à une vue sur sa poitrine, mais plutôt de son nombril.

Je remarque tout de suite qu'elle a pris un peu de poids, et son chignon élaboré, avec ses cheveux sombres, lui donnent un air encore plus stricte. Sans parler de la robe noire bouffante, mais qui doit sûrement être hors de prix, qu'elle porte sur le dos. Elle fait la bise, bruyamment, à Viviane, qui doit se plier en deux pouvoir atteindre ses joues. De son ton monotone, elle répète à quel point elle est heureuse de les voir, et que cela fait vraiment trop longtemps qu'ils n'avaient pas fait quelque chose ensemble. Mon père, avec ses cheveux poivre et sel, salue poliment Anton. Et ma mère finit par m'apercevoir. Oui, je sais ce qu'il me reste à faire, ouvrir ma bouche. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, et c'est comme ça que je redeviens celui que j'étais avant. Passif, et soumis.

Tout l'apéritif se passe comme ça. Tout le monde est assis dans le canapé, je suis coincé entre Anton et son père, alors qu'Eden se tient près de sa sœur, tout au bout. Je laisse ma mère parler de mon école, de mon parcours scolaire exemplaire, des stages que j'aurais soit disant déjà dégottés dans des grandes entreprises. J'ai envie de vomir. Eden n'arrête pas de me lancer des regards que je n'arrive pas à déchiffrer et tout ce que je trouve à faire, c'est l'ignorer en retour.

Le seul moment où je me suis permis d'avoir une expression sur mon visage, c'est quand j'ai vu ma mère mettre en bouche le fameux petit-four au caviar qu'Anton a méticuleusement barbouillé avec sa salive.

Puis nous sommes passés à table. Déjà six bouteilles de champagne vides et pour ma part, je n'en ai pas bu une goutte. C'est aussi le cas du père d'Anton, soit disant passant. Ma mère a moins déjà fait remarquer trois fois que c'est vraiment dommage qu'ils n'aient pas engagé de serveur, mais Anton lui répond toujours avec un grand sourire qu'il est très content de pouvoir s'acquitter de cette tâche. Ma mère ne m'a pas adressé la parole de la soirée, mon père m'a simplement serré la main en arrivant.

Je me sens vide, et lâche, et tout ce que je veux, c'est rentrer chez moi. Mes parents ne m'ont pas vu depuis six mois et ils n'ont même pas essayé de me demander comment j'allais.

A table, je suis assis entre Joly et mon père. Lui, par contre, on ne peut pas dire qu'il se soit retenu au niveau de champagne, et maintenant que le vin est servi à table, il lorgne dessus avec insistance. Lui non plus n'a pas ouvert la bouche. Je me demande si ma mère a vraiment toujours eu autant d'influence sur les hommes de cette famille.

- Je vais chercher l'entrée, déclare Anton après avoir servi tout le monde en vin.

Je vais pour me lever et l'aider, mais il me lance un regard noir. Je crois qu'il prépare un truc. Ma mère se tient droite sur sa chaise, ses coudes posés sur la table et ses mains jointes au dessus de son assiette. Elle jette un regard vers Eden, qui est assis à côté de Joly, puis à sa sœur.

- Et vous, qu'est-ce que vous faîtes ?

- Je suis au lycée, répond du tac au tac Joly.

Ma mère hoche la tête d'un air condescendant.

- Et tu veux faire quoi après ?

Je passe une main sur mon visage trempé de sueur. C'est pas possible, pourquoi ces questions doivent toujours être au centre de tout ?

- Masseuse en institut de beauté.

Joly l'a dit avec fierté, et j'ai la parfaite impression de penser qu'elle n'a pas peur de ma mère et qu'elle est prête à la mettre au défis pour n'importe quoi. Ma mère a ouvert de grands yeux, et j'ai peur que si elle attaque, Eden ne le prenne mal. Je croise les doigts sous la table alors qu'Anton dispose une assiette devant Joly, puis devant sa mère. Il fait les femmes en premier, un vrai gentleman. Il repart ensuite dans la cuisine.

- Joly a un très bon contact avec les gens, précise avec affection Viviane.

Elle lance un regard très doux vers Joly, mais cette dernière continue de fixer ma mère. Ne la provoque pas, ne la provoque pas. Anton revient avec deux assiettes, une pour ma mère, l'autre pour Eden.

- Et toi ? demande ma mère en serrant les dents, délaissant Joly.

Elle est tournée vers Eden et mon cœur cogne fortement dans ma poitrine. Je me sens à l'étroit dans mon costume, pourtant, il ne me moule plus autant qu'avant, étant donné que j'ai bien dû perdre cinq kilos depuis la dernière fois où je l'ai porté.

- Moi, je suis dealer... répond Eden avec simplicité.

Et hop, un autre petit AVC pour la route. J'en suis à deux en une semaine, ça devient inquiétant.

- Tu... Deales ? répète ma mère, incrédule.

- Ouais, je vends de la drogue !

Le père et la mère de d'Anton partent tous les deux d'un grand rire, mais je n'arrive pas à savoir si c'est sincère ou non.

- Eden est un vrai petit trafiquant, déclare soudainement Grégoire. Il peut vous vendre n'importe quoi, pour n'importe quel prix.

Je coule un regard vers Eden qui se tient droit avec un grand sourire enfantin sur le visage. Mon père a l'air de planer complètement, mais ma mère regarde Grégoire avec un air horrifié sur le visage. Anton choisit ce moment pour revenir de la cuisine et déposer une assiette devant son père et le mien.

- Plus sérieusement, continue Grégoire en se retenant de sourire. Quand il était petit, il arrivait à nous vendre de simples bonbons à la fraise pour trois fois leur prix, et on se laissait avoir comme des bleus !

Eden et Grégoire échangent un regard complice.

- Il fait des études d'histoire, précise Grégoire, voyant qu'il n'a pas détendu ma mère.

Celle-ci pousse un soupire discret, mais je peux voir à la tension de ses épaules que cela ne l'amuse pas beaucoup. Anton me sert finalement mon entrée et la sienne, et il s'assoit à table, invitant tout le monde à commencer. Je picore mon foi gras sans vraiment d'appétit alors que j'entends la mère d'Anton se plaindre que son plat est trop salé, tellement qu'il est immangeable, et je vois Anton pouffer de rire derrière sa serviette.

Nos parents parlent de leurs entreprises respectives pour les miens, et de leur cabinet d'avocat pour ceux d'Anton, pendant le plat principale, et cette fois, la cible d'Anton est ma mère. A la tête qu'elle fait, il a dû drôlement pimenter son plat. Mais ma mère ne dit rien, prend sur elle, en mange la moitié quitte à devenir rouge pivoine, et elle finit par se diriger vers la salle de bain pour y rester une quinzaine de minutes.

Au dessert, ça se corse.

- Oui, c'est vrai, Anton n'a pas encore trouvé chaussure à son pied, mais on ne désespère pas, tu connais l'entreprise Jérôme et fils ?

Ma mère hoche la tête, alors que Viviane parle d'un ton calme et posé, même si son fils est à quelques mètres d'elle, comme s'il n'était pas là.

- Ils revendent des articles de luxe, non ?

- Exactement, ils se sont fait un sacré nom en quelques années. La société est gérée par Jérôme Monfils... Et son fils à lui... Il a une fille...

Avec toutes ces histoires de fils, je suis paumé. Viviane fait de nouveau un petit geste de la main, avant d'attraper son verre de vin et de le porter à ses lèvres. Mais avant de boire une gorgée, elle ajoute :

- On a arrangé un rendez-vous, et il n'y a aucune raison qu'Anton la laisse indifférente.

Je vois Anton baisser les yeux sur sa part de bûche de pâtissier étoilé, mais à la lueur colérique qu'il a dans le regard, je comprends qu'il est au bord de l'implosion. Je sens du mouvement à côté de moi, et Joly plante férocement sa cuillère dans sa part de bûche.

Ma mère fait un petit mouvement de la tête qui veut dire « tu as totalement raison » avant que son regard s'illumine comme si elle avait oublié d'annoncer une grande nouvelle. Elle fait un geste du doigt vers moi, et mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines.

- Solly est fiancé, je ne te l'avais pas dit ?

Je me fige et ma cuillère crisse dans le fond de mon assiette, sortant mon père de sa micro sieste. Il regarde autour de lui, hagard, avant de finir son verre de vin d'une traite. Anton a relevé les yeux de son assiette, et me questionne du regard. Même Joly trouve ça étrange parce qu'elle se tourne vers moi.

En ce qui concerne Eden, je ne peux pas le voir, étant donné qu'il est caché derrière Joly.

- Tu te souviens de Shelly Green, sa petite amie au lycée ?

- Oui, dit vivement la mère d'Anton, un grand sourire aux lèvres. La fille du député ?

Ma mère balaye sa remarque d'un geste de la main. Un bruit sec résonne sur le côté, et Eden se baisse rapidement pour récupérer sa cuillère qu'il a fait tomber au sol. Il s'excuse d'une petite voix alors que le regard tueur de ma mère était tourné vers lui. Il a soudainement perdu toute l'assurance qu'il avait quand il parlait à ma mère tout à l'heure, et on dirait que cela la fait jubiler.

- A vrai dire, c'est sa nièce, reprend ma mère. Mais ses parents gèrent plusieurs usines de production de textile et...

- Je ne suis pas fiancé.

Ma voix est tellement grave que je ne la reconnais pas, mais au moins, toute la table se tait. Anton jubile sur sa chaise, et mon père hoche la tête, apparemment paumé. Mais moi, je me concentre sur ma mère. Je lui intime du regard de retirer ce qu'elle a dit, ou du moins, de ne pas insister, mais à la façon dont elle me regarde en retour, je sens que c'est peine perdue.

- Bien sûr que si, je sais que tu n'avais pas envie de l'annoncer tout de suite, mais on est entre amis.

Ma mère garde un sourire de façade avant que son regard ne se ballade sur chaque visage présent autour de la table. Je serre les poings sous la table alors qu'un très lourd silence plane dans la pièce. Anton semble me supplier du regard d'ouvrir de nouveau la bouche, tandis que sa mère a l'air un peu mal à l'aise à cause de la situation. Je sais que dans le fond, elle n'est pas méchante, du moins pas autant que la mienne. Ma mère ne s'est jamais souciée de mes sentiments, de mes envies, de mes goûts. Comment peut-elle oser sortir une aussi grosse connerie ? Il n'a jamais été question de mariage entre Shelly et moi jusqu'ici, et elle n'a pas son mot à dire. Elle le sait, je sais qu'elle le sait, mais pourquoi essaye-t-elle quand même ?

Qu'est-ce que cela peut bien lui apporter de faire croire que son fils se marie alors que de toute façon, elle n'a plus aucun contact avec lui ? Elle est en train de leur vendre des mirages, mais elle ne peut quand même pas s'en empêcher.

- Non, je ne vais pas me marier, je ne suis pas fiancé, et il n'en a jamais été question. Mais il semblerait que ce soit normal que tu ne sois au courant de rien, étant donné qu'on ne s'est pas vu depuis six mois et que, pas une seule fois, vous n'ayez cherché à savoir comment j'allais.

Mes mots sortent comme un concentré de poison que je leur crache à la gueule, et si mon père pousse un soupire entre la lassitude et la culpabilité, ma mère continue de me regarder avec un air hautain. Je me tourne alors vers Viviane.

- Et je ne suis pas en école de management, je ne suis pas en stage chez Dior, et je ne vis pas dans le 1er arrondissement.

Je perds de l'assurance au fur et à mesure où Viviane prend conscience des mensonges de ma mère depuis le début de repas, et nous sursautons alors que plusieurs applaudissements vifs résonnent dans la pièce. Anton s'est mis debout et frappe dans ses mains avec enthousiasme, me félicitant d'un clin d'œil. Ma mère se lève d'un bond, manquant d'emporter la table avec elle.

- On s'en va, ordonne-t-elle à mon père.

Ce dernier se met debout au ralenti et titube un peu. Il est complètement soûl, mais il pose une main sur son épaule tout en contournant sa chaise pour s'éloigner de la table, et il y a quelque chose de paternel dans son geste qui me donne presque envie de pleurer. C'est comme s'il se permettait cette intimité parce qu'il sait que c'est la dernière fois qu'on sera aussi proche, et ça ressemble aussi à des excuses. Pendant que ma mère se rue comme une furie dans la chambre d'Anton pour récupérer son manteau, Anton continue de me féliciter en tapant dans ses mains, et Joly se joint à lui.

Au moment où ma mère revient et se tourne brusquement vers notre tablée, où plus personne ne semble vouloir respirer, elle ouvre la bouche mais Anton lui coupe la parole en levant les bras vers le plafond :

- Et j'ai bavé sur les petits-fours, j'ai craché dans vos plats et j'ai pété sur vos parts de bûches ! Joyeux Noël ! s'écrie-t-il bien fort.

Ma mère est tellement pâle que je me demande si elle ne va pas tomber dans les pommes, mais il lui reste encore assez de force, on dirait, pour sortir, furibonde, et claquer la porte derrière mon père.

Je me laisse complètement aller contre ma chaise alors que je me rends compte que mes mains tremblent. Anton commence à faire une danse de la joie autour de la table, pendant que son père n'a pas l'air de très bien savoir s'il doit être en colère ou rire. Joly se lève de sa chaise, et je sursaute en sautant ses mains sur mes épaules.

- Tu as bien mérité un peu de détente, me souffle-t-elle à l'oreille.

Je sens ses doigts masser mes épaules tendues, et je laisse un profond soupir s'extirper de ma gorge. Je ferme les yeux en me mordant l'intérieur de la joue, tandis que Viviane s'est décidée sur la conduite à suivre en ce qui concerne son fils. Elle est littéralement en train de l'incendier, et contre toute attente, Anton lui répond avec beaucoup de calme :

- Tu n'aurais jamais dû essayer de m'arranger un mariage.

Je ne l'ai jamais entendu parler avec autant de sérieux qu'aujourd'hui, et alors que j'ouvre les yeux, je vois que sa mère le regarde, les yeux légèrement écarquillés, la bouche entre-ouverte, mais elle est incapable de répondre. Je grimace un peu parce que le massage de Joly se fait soudainement plus dur. Grégoire finit par se lever, il promet à son fils que cette histoire de mariage n'aura plus lieu et que sa mère ne se mêlera plus de sa vie amoureuse. Il lui dit aussi, sur un ton plus sec, qu'ils le laissent ranger tout l'appartement tout seul.

Dans les dix minutes qui suivent, les parents d'Anton sont partis et nous retournons tous vers le salon. Anton se laisse lourdement tomber dans le canapé.

- Je rangerai demain, marmonne-t-il.

Eden défait deux boutons en haut de sa chemise, et je me mets fortement à penser « ne fait pas ça malheureux ! ». J'avale ma salive tout en restant debout comme un idiot, les bras ballants. Joly lance un regard à son frère, et je comprends qu'ils communiquent en silence, puis elle s'approche de moi. Elle lisse le col de ma chemise distraitement, un petit sourire au coin des lèvres.

- Tu as fait des étincelles, ce soir.

- Euh... Merci ?

Joly rigole en laissant sa tête pencher en arrière. Elle finit par se détacher de moi et souhaite une bonne nuit à tout le monde en faisait une petite révérence. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard du côté d'Eden et Anton. Bien sûr, Eden la suit des yeux, comme s'il s'assurait qu'elle aille bien dans sa chambre, et Anton a la tête baissée, mais aucun doute qu'il a le regard braqué sur elle, lui-aussi. D'ailleurs, après qu'on ait entendu le bruit de sa porte se refermer, Eden se tourne vers Anton, et ce dernier se redresse rapidement, passant une main qui se veut décontractée dans ses cheveux.

- Bon, bah... Je vais rentrer aussi...

- Quoi ? Mais non, dors ici, s'empresse de dire Anton.

Je cligne plusieurs fois des yeux, le regard figé sur lui.

- T'as vu l'heure qu'il est ? Reste, je vais te déplier le canapé...

Sur ces mots, Anton claque ses mains sur ses cuisses puis se met debout. Il a soudainement l'air crevé. Eden se lève lui-aussi, et avant même que je ne puisse faire mine de les aider, ils ont déplié le canapé-lit, et Anton est parti me chercher des draps. Eden commence à débarrasser la table basse, et machinalement, je vais pour l'aider. Nous ramenons les coupes de champagnes et ce qu'il reste des petits-fours dans la cuisine, mettant à la poubelle ce qui mérite d'y aller, et laissant le reste dans l'évier.

Je me tourne vers Eden, prêt à dire quelque chose, je ne sais pas exactement quoi, et il a l'air de vouloir faire la même chose, mais Anton arrive les bras surchargés de draps et d'oreillers. Il balance tout négligemment sur mon lit de fortune et je vais l'aider. En quelques minutes, tout est prêt, même un t-shirt avec le logo de superman à mon attention pour me servir de pyjama. Anton grommelle quelque chose qui ressemble à un bonne nuit et s'en va, disparaissant dans le couloir.

- Bon, bah, bonne nuit, murmure Eden.

Et lui aussi file comme le vent dans sa chambre. Je me laisse tomber sur le lit qui n'émet aucun craquement et je prends le temps de souffler. Tout est passé si vite... Je vais fermer les rideaux pour éviter que la lumière ne vienne trop me réveiller le lendemain matin, et je me change, abandonnant mon costume trois pièces froissé contre ce simple t-shirt superman. Pourtant, ça ne me donne pas du tout l'air d'un super-héros.

Lorsque je suis parti de chez moi, en laissant mes parents derrière, je me sentais en quelque sorte... Puissant. Parce que c'est moi qui les évinçais de ma vie, c'était ma décision et mon choix de ne plus bénéficier de leur aide, mais d'être libre en échange. J'avais cette impression d'être celui qui mène le jeu, d'être celui qui blesse parce qu'il abandonne. Et je me rends compte qu'en fait, pas du tout. A aucun moment je n'ai été le plus fort dans cette histoire puisque mes parents m'ont clairement montré ce soir que leur fils ne fait plus parti de leurs vies. Tout ce qu'ils veulent, c'est son image.

Je me retourne une ou deux fois, puis finit par me mettre sur le dos, et cacher mon visage avec la couette. J'ai presque envie de pleurer et je dois me mordre la lèvre pour ne pas craquer. Je suis à deux doigts de laisser échapper le râle de souffrance qui veut percer la frontière de mes lèvres quand un poids s'écrase sur mon buste et me coupe le souffle sur le coup. Je commence fortement à tousser quand la couette est soulevée et que le visage d'Eden apparaît au dessus de moi.

Il s'assoit en tailleur, les mains posées sur ses chevilles, et je perçois son souffle derrière mes quintes de toux, mais je n'arrive pas à voir les traits de son visage dans la pénombre. Il me laisse le temps de reprendre mon souffle avant de me demander à voix basse :

- Ça va ?

Bien sûr, ce n'est clairement pas le genre de chose qu'il faut dire alors que ça ne va pas du tout, mais je serre mes poings tellement fort que je sens mes ongles s'enfoncer dans mes paumes, et que ça m'empêche de craquer.

- Oui, pourquoi ?

Je me redresse et me tiens sur les coudes, ne pouvant distinguer que l'ombre de son corps près de moi. Je sens son genoux cogner contre ma cuisse au travers de la couette mais je range ce détail dans un coin de mon cerveau.

- Je voulais m'en assurer, c'est tout, murmure Eden.

- Et toi, ça va ? Ma mère, elle...

- C'est pas grave...

J'avale ma salive, parce que même s'il me le dit, si c'est grave. Elle s'est permise de le juger juste parce qu'il n'avait pas une montre en or ou en argent à son poignet, et Eden ne mérite pas ça.

- J'ai adoré sa tête quand elle a mangé le piment d'Anton, par contre, pouffe Eden.

- C'est vrai que c'était plutôt drôle. Il s'est déchaîné... dis-je en me laissant tomber en arrière.

Je passe mes bras derrière ma nuque et regarde le plafond que je ne distingue même pas. Je sens du mouvement à côté de moi, et je ferme brièvement les yeux en prenant conscience qu'Eden s'allonge à côté de moi. Nous restons un long moment comme ça, moi les yeux fermés, et lui qui me regarde, parce que je n'ai pas besoin de le voir pour le savoir. Mon corps vibre dans tous les sens, et j'ai l'impression d'être tordu de tous les côtés.

- Je peux te prendre dans mes bras ? demandé-je dans un murmure.

C'est à peine si j'ai entendu mes propres paroles, mais quand je sens du mouvement contre moi, mon bras se détache automatiquement de ma nuque, et passe sous celle d'Eden, le ramenant contre mon corps. Il pose sa tête contre mon épaule, et je sens son nez sur ma clavicule. J'enroule ses épaules de mon bras, et ma main se retrouve à caresser sa joue du bout des doigts.

Je ne sais pas trop ce qui me prend, ni ce que je fais, mais tout ce que je sais, c'est que j'en ai besoin, maintenant. Les larmes me remontent aux yeux, et je sens ma lèvre inférieure se mettre à trembler. Même les paupières fermées, les larmes s'entassent et finissent par dévaler mes joues. Je les sens glisser sur ma mâchoire, puis tomber dans mon cou.

La main d'Eden passe sur mon torse avant de monter jusqu'à mon visage et s'immobiliser dans le creux de mon cou. Sa peau contre le mienne est comme un brasier ardent ce soir, et je sens une fumée opaque obscurcir tout l'intérieur de mon corps et s'infiltrer partout en moi. Je garde les yeux fermés alors que les larmes ne veulent plus cesser de couler et que je pleure en silence, le visage déformé parla souffrance. Eden se redresse légèrement, et je sens ses lèvres sur ma joue, comme un baiser d'excuse. Et ça me fait pleurer un peu plus, parce que ce n'est pas à lui de s'excuser. Sa main caresse doucement la peau fine de mon cou, comme pour me rassurer, alors qu'il embrasse doucement toute ma mâchoire et ses baisers rencontrent finalement mes larmes.

Je le sers un peu plus contre moi et sa bouche descend dans mon cou, rattrapant chaque larme tombée pour la faire disparaître entre ses lèvres. Sa main sur mon cou migre un peu plus sur ma joue alors qu'il se tient en équilibre sur son coude pour continuer de m'embrasser la peau découverte de mon épaule. Je sens ses doigts sécher les larmes de l'autre côté de mon visage, jusqu'à ce que son pouce effleure le coin de mes lèvres. Là, j'ouvre les yeux. Je me rends compte que mes larmes se sont finalement taries et qu'Eden a cessé de m'embrasser.

J'ai terriblement chaud et si la souffrance est toujours là, sourde et profonde, quelque chose de plus fort encore tiraille mon ventre et déclenche des centaines de décharges électriques dans mon corps. Mes sens sont en alerte, mon souffle est court, et les battements de mon cœur hurlent à la porte de mes tympans, martelant les veines dans mon cou. Je peux enfin voir ses yeux dans la pénombre, tellement ils sont proches. Ses deux pupilles plus sombres que jamais descendent sur mes lèvres, et un sentiment de panique monte en moi. Je me sens fébrile et tiraillé, déchiré en deux par la peur et cette impression d'être soudainement moqué par le monde entier, même si nous ne sommes que tous les deux.

Je vois dans la lueur qui brille dans ses yeux qu'il me demande quelque chose, son pouce toujours sur mes lèvres, et je le supplie silencieusement de ne pas le faire. Je lis tout de suite de la déception dans son regard, mais si je ne me trompe pas, il en lit aussi dans le mien. Mais la peur me donne envie de vomir et je suis finalement trop lâche. Ma main est maintenant dans le creux de ses omoplates, et je me tourne vers quelque chose qui me rassure. Quelque chose qui me permet de me voiler la face. Je me redresse légèrement et lui embrasse le bas de sa mâchoire, avant de monter un peu plus et d'embrasser le haut de sa pommette sur sa joue. Eden ferme les yeux et se laisse aller contre moi, cachant son front dans le creux de mon cou.

Pourquoi est-ce que j'ai soudainement peur d'être celui qui se trompe sa copine ? Et pourquoi je me doute que ce n'est qu'une façade ? Est-ce qu'il faut forcément embrasser sur la bouche pour tromper ? Parce que si c'est ça, pour l'instant, je suis réglo, non ?

Mon bras presse Eden contre moi, et la pièce est tellement calme que je perçois le battement de son cœur contre mes côtes. Je l'écoute avec attention pendant un long moment.

- Eden, et si... Si quelqu'un nous trouve dans cette...

Eden passe son bras autour de ma taille, comme pour s'encrer à moi.

- Ne t'inquiète pas, Anton a un sommeil de plomb et Joly ne sortira de sa chambre pour rien au monde avant onze heures. Et je serai retourné dans la mienne bien avant qu'ils se réveillent.

- Mais...

Eden laisse échapper un souffle agacé qui me fait taire automatiquement.

- J'ai fait entrer et sortir Danny des centaine de fois la nuit sans que jamais personne ne se rende compte de quoi que ce soit, crois-moi, je serai levé avant eux et personne ne saura jamais rien.

Mon cœur se serre à deux niveaux. Déjà parce qu'il me parle de Danny et du fait qu'il soit présent la nuit et que merde, c'est son mec et que je n'ai pas forcément envie d'entendre parler de lui même si Eden ne me doit rien. Et deuxièmement, parce que je sens clairement la rancune face au fait que je n'assume pas cette situation. Mais franchement, si quelqu'un nous surprenait maintenant. Qu'est-ce qu'il irait s'imaginer ? Je n'ose même pas y penser. Un frisson de terreur me parcourt tout entier à cette idée.

Eden dépose un baiser sur le tissu du t-shirt sur mon épaule, et je me détends. Je garde les yeux sur le plafond, une main toujours passée sous Eden et caressant sa peau au travers du t-shirt à manches longues qu'il porte. La respiration d'Eden se fait plus calme au bout de quelques minutes, et je comprends qu'il s'est endormi.

Solly, mais à quoi tu joues ?

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