Trois mois plus tard...

Ahmès se réveilla avec un mal de tête atroce. Encore une fois, il avait passé une mauvaise nuit. Lorsqu'il regarda l'heure, il était quinze heure vingt-cinq. Ahmès ne s'en étonna pas. Voilà trois mois que le drame s'était produit et aucun des quatre jeunes gens n'arrivaient en s'en remettre. Mais, ils s'étaient tout de même fait une promesse : il devait se soutenir, donc se voir tous les jours. Alors, Lili venait vers quinze heure trente et amenait quelque chose à manger.

La sonnerie retentit. Le jeune homme ouvrit.

Contrairement à d'habitude, Lili était accompagnée d'une femme.

- Salut Ahmès. Je te présente ma compagne, Ruby. Comme vous ne vous êtes jamais vu... Je me suis dit que malgré la situation, il fallait bien le faire un jour.

Leur regard se croisèrent. Il se fixèrent une bonne minute, sans rien dire. Finalement, ils se serrèrent la main et Ahmès les invita à entrer.

- Athéna dort toujours ? interrogea Lili.

- Oui.

Les trois jeunes gens s'installèrent au salon. Lili déposa le gâteau sur la table. Un silence lourd régna dans la pièce. Ahmès et Ruby ne se lâchaient pas du regard.

- Eh oh ! s'écria Lili. Je suis là ! Qu'est-ce qu'il y a ?

- Ahmès..., murmura Ruby.

- Amina, souffla Ahmès.

Ils restèrent un instant figé, puis, ils se laissèrent tomber dans les bras de l'un l'autre en pleurant et en riant.

- Oh, Amina... Je te croyais morte comme tous les autres..., murmura Ahmès.

- J'ai réussi à échapper à tout ça. Ça n'a pas été facile. Heureusement qu'arrivé aux États-Unis, je suis tombée sur M. et Mme Arween qui m'ont tout de suite accepté. Je sais que ça n'a pas été votre cas, à l'Oncle Rêveur et à toi...

- Attendez... Je suis perdue, là, fit Lili.

- Lili, ma chérie, ne m'en veux pas, je t'en prie. En fait, je t'ai caché quelque chose... Je n'ai pas toujours vécu dans le luxe, oh non, loin de là. Je suis la petite sœur d'Ahmès, je viens du Burkina. J'ai connu de terribles choses... Je ne veux pas me le remémorer... C'est pour cela que je n'en parle jamais. Pourtant, j'y ai survécu. Je croyais que j'étais la seule de la famille.

- De mon côté également, répondit Ahmès. Ruby Diamond... Ruby, c'était le nom de Maman, quant à Diamond... C'est une anagramme de son nom de jeune fille !

- Toujours aussi perspicace ! Je sais que Maman aurait voulu être chanteuse. J'espère lui faire honneur.

- Bien sûr que tu fais honneur ! Je suis sûre que là où elle est, elle est fière de toi.

- De nous deux, tu veux dire.

Lili s'extirpa discrètement.

Ruby la rattrapa.

- Lili ! Tu m'en veux, c'est ça ? S'il te plaît, je...

- Mais non, mon amour, je ne t'en veux pas du tout. Toi et ton frère avez été martyrisés et tu ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs. Je le comprends parfaitement.

- Un frère ! J'ai un frère ! Je n'arrive pas à y croire !

- Va vite le rejoindre, je vous laisse en famille.

***

Deux ans après...

Un bouquet de fleur à la main, tout de noir vêtue, Cecily marchait lentement. Cela faisait si longtemps ! Deux ans, maintenant. Le temps passait si vite !

Elle arriva finalement près de la tombe. Cecily posa les fleurs sur la pierre.

- Bonjour, Fifi. Ça fait longtemps, hein ? C'est qu'il s'en est passé des choses, la dernière fois que je suis venue. Tu te souviens, c'était après le drame qui s'est produit chez Athéna. Je devrais plutôt dire, les drames. Je crois que lorsque nous sommes rentrés aux États-Unis, tout le monde était un peu sous le choc. On a tous mis du temps à s'en remettre. Je ne sais pas si la vérité a arrangé les choses... Je me demande même si je ne préférais pas quand on se posait les questions de savoir qui était le meurtrier. Mais bon, ça s'est fait comme ça. Ça été dur pour nous tous, mais en particulier pour Athéna. Savoir que sa mère est une tueuse en série, qu'elle est le fruit d'un viol et qu'elle a été violée enfant... Elle a passé une période très difficile. Mais bon on a tous été là pour elle. Aujourd'hui, elle a sa propre entreprise de vêtements recyclables. Lili est toujours avec Ruby. Enfin, celle-ci veut qu'on l'appelle Amina. Ruby Diamond est un nom de scène. C'est fou, parce qu'Ahmès est son frère ! Comme quoi, le monde est petit. Ahmès, de son côté, est devenu mannequin et comédien. Il a d'ailleurs joué dans ma pièce. Ah oui, je ne t'ai pas dit que j'ai eu la chance de la mettre en scène et de la publier ? J'ai même monté ma propre compagnie. Tout ça en étant maman de deux jumeaux. Oui, j'ai accouché d'un petit Timothy et d'une petite Mia à quelques minutes d'intervalles. J'ai perdu les eaux la veille de notre mariage. Déjà que Weylan était sur les nerfs car il fallait que tout soit parfait, alors là, c'était la cerise sur le gâteau. J'ai bien cru que son cœur allait lâcher. Finalement, il a tenu bon et est resté avec moi pendant tout l'accouchement. La cérémonie a donc dû être reporté, mais on s'en fichait un peu ; seuls comptaient ces deux petits bouts qui venaient de naître. Nous habitons désormais dans une grande maison au Canada mais, en ce moment, nous logeons dans un hôtel. J'avais envie de dire un petit « bonjour » à mes amis... Et à toi. Sinon, les Alonska ont témoigné. Cela a poussé d'autres personnes victimes du médicament Farmassium à donner elles aussi leur témoignage. À présent, ce médicament a été retiré du marché et l'entreprise a définitivement fermé. Certes, beaucoup d'employés sont au chômage, mais au moins, il n'y aura pas d'autre victime. Mme Smith et Mary sont décédées, en revanche, Milena a été jugée et emprisonnée. Tout est bien qui finit bien ? Pas vraiment. Nous resterons beaucoup choqué par cette soirée et ça, personne ne peut rien y faire. Bon, je vais y aller, parce que je me rends compte que je parle à une tombe et je risque de passer pour une folle. Pourtant, j'ai comme l'étrange impression que tu m'écoutes... Aurevoir, Fifi. Je repasserai te voir lors de mon prochain séjour à Chicago, promis.

Cecily sortit du cimetière et regagna l'hôtel. Maintenant, il fallait vite qu'elle se change. En entrant dans la chambre, Cecily croisa le regard de Weylan. Celui-ci se leva et posa un doigt sur sa bouche tout en se dirigeant vers sa femme. Depuis qu'il s'était réveillé de son coma après le drame, Weylan avait dû mal à marcher. Au plus grand soulagement de Cecily, il n'a finalement pas rendu l'âme. Mais, désormais, Weylan devait sans cesse de déplacer avec une canne. Mais, ça ne gênait pas le moindre du monde Cecily. Tant qu'ils étaient unis, plus rien n'avait d'importance.

- Nos enfants viennent tout juste de s'endormir, chuchota Weylan avant de l'embrasser tendrement.

Il ajouta entre deux baisers :

- Je t'ai donc pour moi seul...

Il embrassa le cou de sa bien-aimée avant de lui déboutonner son chemisier. Avec un frisson de plaisir, Cecily resta un instant lové contre Weylan, puis se rappela soudain de la réalité.

- Pas exactement, mon amour... J'ai rendez-vous avec Athéna, Ahmès et Lili, tu te rappelles.

- Ah oui, c'est vrai, soupira Weylan en se détachant à regret de Cecily.

- Mais cette nuit, je serais tout à toi, dit-elle en s'approchant de son mari et en l'embrassant à son tour.

Il répondit à son baiser avec passion, puis se décala.

- Va vite, mon ange. Je t'attends là.

- Je reviens vite...

- Cess' ?

- Oui ?

- Je t'aime. Pour la vie.

- Moi aussi, je t'aime. A la folie. Mais je préfère pour l'éternité plutôt que pour la vie...

- Va pour l'éternité !

***

Athéna laissa ses pensées vagabonder quelques instants. Ces derniers temps n'avaient pas été faciles pour elle. Heureusement, ses projets professionnels s'étaient réalisés, lentement mais sûrement. Aujourd'hui, elle dirigeait une centaine d'employés et son entreprise commençait à être populaire. Parfois, l'image du cadavre de Julien revenait dans son esprit mais elle la chassait aussi vite qu'elle était apparue. Elle avait réussi à vaincre ses souvenirs des après-midis passés à la cabane en compagnie du père de Julien, grâce aux nombreuses séances de psy et de thérapies. Athéna était quand même un peu fière d'elle par rapport aux progrès qu'elle avait fait, même s'il y restait encore du chemin à parcourir.

Les quatre jeunes gens étaient assis sur le toit de la maison de Lili et de Ruby. Ils avaient une vue imprenable sur la ville. Le ciel était orangé, donnant une ambiance post-apocalyptique digne d'un grand film de science-fiction. Les jeunes gens savaient que leurs combats n'étaient pas terminés et ne le seraient sûrement jamais. Mais, les jeunes gens avaient réussi à faire en sorte que ces combats deviennent une force et un pouvoir. Ils ne contrôlaient pas encore ce pouvoir, mais apprenaient de jour en jour.

Ils ont combattu aujourd'hui leurs problèmes d'hier, pour en affronter d'autres demain.

Les jeunes gens restaient soudés, quoiqu'il advienne. C'était leur force principale.

Faire tout ce qui est en son pouvoir afin de se battre pour une cause, et savoir aimer par-dessus tout.

Pour lui, le sans-abri

Pour tous les incendies,

Pour l'enfant harcelé,

Pour la personne violée

Pour nous tous.

***

Merci d'avoir pris le temps de lire cette histoire ! J'espère qu'elle vous a plu autant qu'elle m'a plu de l'écrire !

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