- Bonjour, pourrais-je voir M. de Castel ? demanda Athéna à une secrétaire.

- Il n'est pas là, il est occupé...

- Je sais, j'aimerai prendre rendez-vous avec lui. S'il vous plaît... Je viens d'avoir une idée...

- Vous ne savez pas qu'il y a eu des meurtres qui se sont produit en ces lieux mêmes et donc que M. de Castel a autre chose à faire ? rétorqua sèchement la secrétaire.

- Oui, je sais, c'est terrible ce qu'il s'est passé ! Mais, je dois absolument voir M. de Castel...

- Votre nom ?

- Athéna Smith.

La secrétaire tapa quelque chose sur son ordinateur.

- Vous venez à peine d'être embauchée, finit-elle par dire.

- Je sais, mais j'ai pleins d'idées... J'ai remarqué que les chimistes au laboratoire n'étaient pas très nombreux... Il faudrait peut-être en embaucher d'avantage, non ? Et est-ce normal que la salle où les employés de bureau travaillent soit moins éclairée que celle où il y a tous les ingénieurs et chefs d'équipe ?

Soudain, Athéna vit le directeur sortir de son bureau, entouré de plusieurs hommes.

- Merci pour tout, Gertrude ! dit la jeune femme avant de se précipiter vers le nouveau venu.

- Mademoiselle Smith, revenez ! cria la secrétaire.

Mais, Athéna était déjà devant le directeur.

- Bonjour Monsieur. Je m'appelle Athéna Smith et j'ai des idées pour votre entreprise...

M. de Castel fronça les sourcils.

- J'ai bien autre chose à faire que de me préoccuper de soucis de femmes... Tenez, allez me chercher un café.

- Quoi ? Eh ! Je ne suis pas...

- Je le demande toujours à Mylène, d'habitude... Mais, cette fois, ça sera vous. Cela ne vous dérange pas, Mireille ?

- Milena, monsieur. Et, non, pas le moindre du monde, dit timidement une dame cachée derrière M. de Castel.

Ce dernier toisa Athéna du regard et partit avant que celle-ci ne pût répondre.

La jeune femme soupira d'exaspération et alla lui chercher son café à contre-cœur.

Elle entra dans la vaste salle de réunion et posa le café près de M. de Castel. Celui-ci dévisage avec dégoût la boisson.

- J'avais demandé un café.

- Oui, ben, le voilà.

- J'avais demandé un café, répéta M. de Castel avec dégoût. Et non cette boisson répugnante que les petites gens appellent « café ».

- Écoutez, je suis allée à la machine à café, comme tout le monde et je vous ai en ai pris un, comme vous me l'avez demandé. Je l'ai même payé de ma poche. Bref, tant que je suis là, j'aimerai vous exposer, si vous me le permettez, mes idées pour...

M. de Castel éclata de rire.

- Entendez-vous cela, messieurs ? dit-il en se tournant vers les hommes assis autour de la grande table. Cette petite employée est bien insolente ! Maria, dites quelque chose, bon sang !

La dame debout dans un coin de la pièce sursauta et s'avança timidement.

- C'est Milena, murmura-t-elle d'une voix à peine audible. Monsieur de Castel préfère un café fait à partir de vrais grains bien frais.

- Voilà, maintenant, retournez à votre travail. Vous ne faites pas partie de la direction.

Athéna tourna les talons mais ne s'en alla pas pour autant. Elle jeta un coup d'œil derrière elle, en direction des hommes qui la fixaient -ou plutôt, fixait son corps. Offusquée, la jeune femme se retourna vivement face à eux.

- Non mais je rêve !? Vous étiez en train de regarder mon...

- Plait-il ? dit le directeur.

- Comment osez-vous... C'est un gros manque de respect, vous savez ? Déjà, j'allais vous proposer des idées pour améliorer votre entreprise. Apparemment, je ne suis pas compétente. Ah, si ! Je sers juste à distribuer des cafés, à être critiquée et à faire office de « prostituée », comme on dit, en français. De plus, vous n'arrivez pas à retenir le prénom de votre propre secrétaire et vous la traitez comme une moins que rien. Tout ça, parce que vous êtes le patron d'une grande entreprise. Je vous dis, monsieur, qu'avant d'être un riche entrepreneur américain, vous êtes un être humain. Vous êtes au même niveau que le papy qui va chercher son pain et que le sans-abri au coin de la rue. Monsieur de Castel, répondez-moi, devrais-je laisser passer votre comportement inacceptable juste parce que vous êtes un homme riche ? L'argent fait-il donc tout en ce bas-monde ? Doit-on manquer de respect car nous possédons une fortune inestimable ? Je vous laisse réfléchir, vous M. de Castel, ainsi que tous les autres hommes autour de cette table. Quant à vous, Milena, cessez de vous faire marcher sur les pieds. Vous êtes forte.

Athéna allait partir mais ajouta :

- Ah, oui, une dernière chose : pensez à changer les gobelets des machines à café ; le plastique, ce n'est pas bon pour la planète. Mais, ça aussi, vous vous en moquez, l'argent rend intouchable et immortel, n'est-ce pas ?

Et, à ces mots, elle sortit.

La jeune femme savait qu'elle avait franchi une limite dans son discours improvisé. Mais, un poids s'était libéré en elle.

Athéna se sentit forte et vaillante.

Pourtant, sa vie dans cette entreprise pourrait basculer à tout moment après ce qu'elle avait dit au patron.

Ses rêves pourraient voler en éclat, d'une minute à l'autre.