Chapitre 1
« La terre détruite, la mort arrive,
Si tout se passe bien, serrons-nous là demain ?
Cadavres entassés sur l'autre rive,
Si tout se passe bien, serreras-tu encore ma main ?
Rêves envolés, cœur brisé,
Si tout se passe bien, me suivras-tu jusqu'au matin ?
Si tout se passe bien, aimerons-nous jusqu'à la fin ?
Si tout se passe bien... »
« - C'était « Si tout se passe bien » de Ruby Diamond tiré de son dernier album « Mao » sur Sing-Sang Radio... Et maintenant voici l'actualité avec Maggie Hollman... Bonjour Maggie...
- Bonjour Christopher, bonjour à tous... On recense plus d'une centaine de migrants clandestins noyés hier soir dans la mer Méditerranée... Voici l'interview d'un survivant de la catastrophe... »
Le son de la radio brisait le silence qui régnait dans la voiture.
Assis sur la banquette arrière, Victor de Castel demanda au chauffeur de changer de station. Celui-ci obéit.
« - Je n'exagère pas, M. Martin ! On le répète depuis des décennies mais personne n'a écouté ! Ce n'est qu'aujourd'hui que les gens se réveillent ! Et encore, ce n'est pas gagné...
- Enfin, Mme Karmmel ! Vous exagérez !
- Mais regardez autour de vous ! Savez-vous que plus de douze milliards d'hectares de forêts tropicales ont été détruites ? Cela équivaut à environ trente stades de foot ! Et savez-vous que dans le monde, la pollution tue trois fois plus que le Sida ? Et que des milliards d'animaux -y compris les poissons, sont tués chaque année ?
- Mme Karmmel ...
- Il n'y a qu'à voir ce qu'il s'est passé récemment : la grande usine chimique Erdium qui a explosé causant la mort d'une centaine d'employés et qui a propagé des particules nocives pour l'Homme ainsi que pour la planète... ! »
Le jeune homme poussa un soupir et ordonna au chauffeur d'éteindre la radio. Bientôt, on entendit seulement les bruits de la circulation.
Soudain, la voiture pila. Un homme surgit devant le véhicule.
- Francis, qu'est-ce qu'il vous prend ? gronda le passager.
- Seigneur, j'ai failli l'écraser ! dit le chauffeur.
- Les gens sont tellement imprudent et idiots ! Ma ceinture a failli m'étrangler !
Un quart d'heure plus tard, la voiture se gara devant un imposant bâtiment.
Le jeune homme sortit du luxueux véhicule après avoir remercié le chauffeur.
Vêtu de sa tenue de diplômé, il se dirigea vers le bâtiment. Nicolas Fightson, son meilleur ami, se précipita sur lui :
- Mec ! Qu'est-ce que tu fais ? Tu es en retard ! L'appel a commencé !
- J'arrive, j'étais coincé dans les embouteillages.
Les deux jeunes gens traversèrent la cour d'honneur.
- Tu as vu comme le ciel a une teinture étrange ? demanda Nicolas. Il est rougeâtre... Ça fait un peu une ambiance apocalyptique, tu ne trouves pas ?
Victor leva les yeux au ciel.
- Ben voyons !
Ils arrivèrent dans la cour principale où il y avait une immense foule.
- Mary-Charlotte d'Acrell, Georges Alyrac, Alexander d'Assoy...
Au fur et à mesure que la secrétaire citait les noms, les étudiants nommés montaient sur l'estrade, le sourire aux lèvres. On allait leur remettre les diplômes d'une des plus prestigieuses écoles de commerce du pays.
- Victor-August de Castel...
Ce dernier monta sur la scène pour rejoindre le directeur qui distribuait les diplômes. Les jambes du jeune homme tremblaient et ses mains étaient moites. Il détestait que tous les regards soient tournés vers lui. Plus Victor avançait vers le directeur et sa secrétaire, plus il sentit le décor chavirer autour de lui. Au moment de saisir le précieux document, Victor eut un haut le cœur et.... Recracha son repas de midi sur les chaussures parfaitement cirées du directeur.
Le silence se fit alors dans l'audience. Tous les regards se tournèrent vers Victor.
Celui-ci baissa la tête, plus honteux que jamais.
Le jeune homme bredouilla maladroitement des excuses, tourna les talons et partit se réfugier dans les toilettes.
Victor se nettoya le visage ainsi que la bouche et observa un instant son reflet dans le miroir. Il avait les yeux d'un bleu profond et les mêmes pommettes que sa mère, d'après ce que disait Clémence, sa gouvernante.
Le jeune homme n'avait jamais connu sa génitrice, décédée dans un accident d'avion alors qu'il avait quatre ans à peine. Il ne conservait pas beaucoup de souvenirs d'elle.
Mais, grâce à Clémence, Victor savait ce que voulait dire « amour maternel ».
Durant toute son enfance, Clémence l'avait aimé et choyé. Puis, lorsque Victor était entré au campus, la gouvernante s'était faite engagée dans la célèbre entreprise de M. de Castel. Clémence avait cependant gardé son rôle de mère protectrice et ordonnait à Victor de l'appeler tous les jours.
Le jeune homme enleva son mortier, le couvre-chef des universitaires diplômés, et ses cheveux blonds retombèrent le long de ses bras. Il fouilla dans la poche de son jean qu'il avait conservé en dessous de sa robe d'universitaire. Il regarda la porte des toilettes d'un air hésitant. Si quelqu'un entrait...
Soudain, la porte s'ouvrit sur Nicolas.
- Ça va ? demanda-t-il.
- Il y a déjà eu pire, hein ?
- C'est vrai, rigola son ami.
Victor avait toujours été maladroit depuis son plus jeune âge. On ne comptait plus les fois où, plus jeune, il avait renversé et cassé divers objets, où il s'était écorché les genoux, où il avait fait tomber son plateau à la cantine, et où il avait commis toute sortes de gaffes en public.
- Tiens, ton diplôme. La secrétaire du directeur m'a dit de te le donner.
- Merci, répondit Victor en le saisissant. Je pense que je vais rentrer.
- Tu ne restes pas pour le repas ?
- Non, j'ai eu ma dose de honte pour aujourd'hui.
- Je t'enverrai des photos de mon tour du monde, dit Nicolas.
Son ami avait prévu de faire une pause dans ses études pour faire un tour du monde. Victor aurait tellement voulu l'accompagner, cependant, son père avait d'autres projets pour lui.
Après avoir pris congé de Nicolas, le jeune homme sortit du campus, en se disant que c'était la dernière fois de sa vie qu'il y mettait les pieds.
Demain, le jeune étudiant laissera sa place au sous-directeur de la grande et célèbre société Farmassium, l'entreprise de médicaments reconnue pour son efficacité presque immédiate. Les médicaments Farmassium étaient révolutionnaires ; ils guérissaient les petits maux comme les grandes maladies autrefois irréversible, comme le cancer ou le sida.
M. de Castel, le père fondateur de ces médicaments était mondialement connu et était surnommé par la presse « le héros de la médecine ». En tant que fils de « héros », Victor se devait donc à tout prix de reprendre le flambeau. Le jeune homme n'y voyait pas d'inconvénient. De tout façon, il n'avait jamais d'ailleurs trop su quel métier exercer.
Après avoir passé le grand portail du campus, Victor vit une jeune femme aux longs cheveux auburn. Il l'a reconnue. C'était Jenna. Elle avait toujours été dans la même classe du jeune homme, depuis leur plus jeune âge. Victor l'avait toujours secrètement aimée et admirée.
Se disant que c'était la dernière fois qu'il la voyait, le jeune homme prit son courage à deux mains et décida une bonne fois pour toute d'aller lui parler.
- Jen ! Félicitations pour ton diplôme ! dit Victor en essayant de prendre un ton détaché.
- Merci ! Félicitations à toi aussi ! répondit-elle en souriant.
- Oui... Bon, je me suis fait passer pour un imbécile aux yeux de tout le monde lorsque j'ai vomi, mais...
- Tu t'en fiches, tu ne les reverras plus l'année prochaine. Et puis, au moins, tu as fait un passage original ; tu as même détrôné le gars qui s'est étalé de tout son long lorsqu'il est monté sur la scène, l'an dernier.
Après avoir éclaté de rire, Jenna et Victor restèrent là, tous les deux, à se contempler.
Victor ne cessait d'observer Jenna, voulant à tout prix graver ses traits à jamais dans sa mémoire.
Puis, sans crier gare, leurs visages se rapprochèrent, jusqu'à ce que leur bouche ne firent plus qu'une.
Victor savoura ce moment, plus conquis que jamais. Demain, tout serait fini. Jenna partirait à l'autre bout du monde afin de rejoindre ses parents, invités d'honneur à la cour de Suède.
Quant à lui, il irait à Chicago afin de devenir patron d'une grande entreprise mondiale.
Demain. Un autre jour.
En attendant, il y avait aujourd'hui.
Aujourd'hui, Victor de Castel réalisait son rêve de petit garçon.
Aujourd'hui, Victor de Castel embrassait l'amour de sa vie.
Aujourd'hui, Victor de Castel était le plus heureux des hommes.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro