62. En cachette 🔞 (réécriture)
Quelques minutes plus tard, la porte de l'ascenseur se referme sur Rémi et moi. Personne ne nous a vus monter. Dès que les deux panneaux métalliques se rejoignent, nous nous jetons l'un sur l'autre. Il m'embrasse comme dans les vestiaires. Mieux encore que dans les vestiaires. J'ai moins d'alcool dans le sang, pourtant ça ne diminue en rien le plaisir que j'ai à le toucher et à être touchée par lui.
Il ne se détache de moi que pour glisser une carte électronique dans la liseuse et sélectionner un étage.
— Attends ! Attends ! Tu as mis quel étage ?
— Le deux.
— Arrête, on n'a pas le droit. Tu utilises la carte de Gong.
— Ça non plus, on n'a pas le droit.
Pour illustrer sa phrase, il m'attire à lui, m'embrasse encore. Dès qu'il se décolle, je plaisante :
— Totalement défendu.
Vigilants, nous vérifions que personne ne traine dans les couloirs. À cette heure-ci – il est pratiquement 4 heures du matin – même les artistes les plus zélés ont rejoint leur lit depuis un moment. Par contre, je m'inquiète de ce que je vois dans les angles, au-dessus de nous. Petites caméras de surveillance, dont le voyant rouge clignote.
— Rémi, il y a des caméras ! Ils vont nous voir !
— Tu as peur qu'on nous voie dans un couloir où on ne devrait pas être ?
— Évidemment. Pas toi ?
— Jeanne, tu crois vraiment que la Pak paie quelqu'un pour regarder ces images en direct ?
Je m'imaginais un peu quelque chose comme ça, en effet.
— Ils enregistrent tout le temps et, s'ils ont besoin, ils peuvent les consulter. Mais s'ils ne savent pas qu'ils ont quelque chose à regarder...
Il fait un geste avec la main, comme un oiseau qui s'envole.
— Personne ne saura.
Il s'arrête devant une porte. Je lis : « Studio d'enregistrement 4 ». Malgré moi, des interviews concernant Minsuk me reviennent. Il répétait si souvent que les studios lui servaient de refuge, qu'il s'y sentait chez lui. C'est étrange de se retrouver dans un lieu qui a été son domaine.
Rémi glisse la carte de son manager dans le mécanisme et la porte s'ouvre.
— Viens !
— Pourquoi les studios ? questionné-je.
Il m'attrape par la taille pour me faire rentrer. En claquant la porte derrière moi, il se justifie :
— Parce qu'ils sont insonorisés.
J'aurais dû y penser.
La pièce est plus vaste que je ne l'aurais imaginée. Séparée en deux par une vitre, comme dans les films. Des panneaux acoustiques en mousse, noirs et hérissés de structures pyramidales, recouvrent les murs et les plafonds. Les précédents occupants sont partis sans faire le ménage, laissant derrière eux leurs mégots usagés dans un cendrier et une odeur âcre, un peu herbeuse.
Je m'exclame :
— Mais... ce n'est pas que du tabac ! Ils ont fumé du cannabis !
Rémi confirme en riant.
— Apparemment, il n'y a pas que nous qui enfreignons les lois à la Pak. Quand je pense à ce qu'ils risquent s'ils se font prendre !
Je sais très bien à quoi il fait référence ; la législation est beaucoup plus stricte en Corée du Sud qu'en France sur l'usage du cannabis. Pour un simple joint, un consommateur occasionnel peut écoper de cinq années de prison. Pour un Idol, un scandale lié à la drogue signifie la fin de sa carrière. Je pense à Top, le chanteur condamné pour consommation de cannabis à dix mois de prison avec sursis. C'était l'année dernière et il a dû démissionner, faire un trait définitif sur la musique. Il a avalé une boite entière de tranquillisants, s'en est heureusement sorti après quelques jours dans le coma. Ils ont comparé sa tentative de suicide à celle de Minsuk. Comme si les deux cas avaient quelque chose à voir !
Rémi me tire de mes réflexions en s'approchant de moi, en déposant ses lèvres sur mon cou. Aussitôt, je l'enlace avec envie, et je rejette dans un coin le souvenir de Minsuk qui entache ces lieux.
J'ai trop envie de Rémi à cet instant. Si de nouveau, quelqu'un venait nous interrompre... Cette fois, c'est sûr, je commets un meurtre.
— Jeanne...
C'est un murmure, sa bouche est toujours dans mon cou, elle remonte lentement, vient picorer mes lèvres, effleurer ma joue, jusqu'à mes oreilles. Sa langue parcourt mon pavillon. Je n'en peux plus.
— Sur le sol ? susurre-t-il. Sur la table de mixage ou sur le canapé ?
Je n'arrive pas à retenir un rire. De la joie. J'ai envie de tout, où il le voudra. Je devrais répondre à sa question, mais distraite, je m'emploie à défaire les boutons de sa chemise.
Il est simplement magnifique dans cette chemise bleue, manches longues, col retourné. En France, c'est totalement démodé, mais je viens de décider que ça redevenait in, immédiatement.
Dès le premier bouton, il a cessé de sourire, et moi aussi. On se regarde avec dévotion. Il me dévore des yeux pendant que je découvre son torse. La couleur légèrement hâlée de sa peau tranche avec mes mains blanches. Je parcours ses muscles. Rémi n'a aucune pilosité sur le torse, un trait physique commun en Asie. Puis, en détaillant davantage, je remarque tout de même un léger duvet proprement aligné, courant de son nombril jusque sous son caleçon.
Son pantalon à ceinture large, taille très basse, laisse voir le haut de son sous-vêtement. Ce style. Ce baggy. Ça aussi je n'aimais pas. Je revois mon point de vue, car j'adore la façon dont son pantalon semble tenir in extremis, maintenu par le galbe de son cul de danseur.
Oui, j'adore ce baggy, la façon dont il révèle la partie haute du pelvis, et la façon dont je sais pouvoir le retirer, facilement.
Je pose un doigt sur le bouton se situant juste au-dessus de sa braguette. Je pince.
Rémi réagit soudain et m'entoure, me soulève et me repose sur la table de mixage. Ça tombe bien, j'aurais fait le même choix, même si j'hésitais avec le canapé. Et un peu avec le sol aussi.
Ma jupe courte remonte déjà, et découvre ma culotte. Il caresse mes cuisses en m'embrassant. Je me secoue pour l'aider à faire glisser mon sous-vêtement. Des petits bonds qui pressent encore plus mes fesses sur les boutons de mixage. L'inconfort passe inaperçu. Je remarque plutôt l'empressement de mon partenaire, pressé contre moi, entre mes jambes écartées, auprès de mon sexe nu, sensible, gonflé.
Rémi veut passer aux choses sérieuses immédiatement et moi aussi. Je suis pourtant prête à l'interrompre, songeant au préservatif. Il est toujours dans son sachet, à l'intérieur de mon sac, par terre, quelque part... J'ouvre la bouche pour lui en parler, m'interromps car la main de Rémi se glisse dans la poche de son jean et ressort avec un petit sachet qu'il ouvre avec les dents. Le papier chute au sol, le reste conservé entre ces incisives.
Il tire un peu sur la ceinture, son jean tombe à ses chevilles.
J'ai le souffle court. Je renonce à l'idée de me tenir à la table de mixage et je m'accroche à son cou.
Il baisse son sous-vêtement et se protège. Les mains de nouveau libres, il s'accroche de part et d'autre de mon corps, se plaque contre mes reins, m'embrasse encore, langoureusement.
Soudain, il me pénètre, m'arrache un hurlement. Ses bras m'encadrent. Chemise ouverte qui vacille. Je suis pressée entre lui et la table de mixage inclinée. Je crie à chaque coup de bassin, et lui aussi, à sa façon. Voix grave, voix où transpire une forme de colère amoureuse, de rage à jouir. Sa tête se pose sur mon épaule droite, dans ma chevelure. J'ai fermé les yeux et je m'agite sous lui, sentant le plaisir monter quand son corps lourd appuie sur mon mont de vénus.
Ses va-et-vient accélèrent. Je hurle librement. Vive les inventeurs de l'isolation phonique. Nous nous livrons outrageusement, sans pudeur, sans gêne, comme si nous nous connaissions déjà dans cette intimité, comme si ce n'était pas la première fois. Jusqu'au bout. Jusqu'au bout.
Il pousse un ultime mugissement et s'effondre sur moi. Je me sens glisser par terre et il me rattrape de justesse avant la chute, mes pieds se reposent au sol et nos deux intimités se désolidarisent. Debout dans ses bras qui m'enserrent, je l'écoute reprendre son souffle.
~
Nous remettons nos vêtements en place sur nos corps éprouvés. Le silence s'invite entre nous, pas celui qu'on redoute, mais celui qu'on apprécie. Surtout ne rien dire. Profiter.
Il est tombé dans le canapé et me suis du regard en permanence. Il fronce les sourcils quand je m'approche de la sortie.
— Tu repars déjà ? se plaint-il, une moue de chaton vexé sur le visage.
Je m'apprête à lui répondre quand je réalise.
— Tu me tutoies ?
— Oui. Ça te gêne ?
— Au contraire. J'ai toujours trouvé ton vouvoiement étrange.
— Tu emploies bien l'haeyoche (note de bas de page) avec moi, pourtant.
— En coréen, oui. Mais, en français, je te tutoie. Le vouvoiement, c'est trop, comme si tu me parlais en hapsyoche (note de bas de page).
— Il faudrait quelque chose entre le tutoiement et le vouvoiement.
J'ai envie de lui rappeler que sa langue paternelle possède sept registres de langue et que c'est peut-être un peu excessif. Quel peuple a vraiment besoin de sept niveaux de politesse différents pour s'exprimer avec autrui ? Deux, c'est très bien. Et les Anglais n'en ont qu'un, encore mieux.
— Tout ça ne me dit pas où tu te sauves ? On peut rester un peu tous les deux, non ?
Il tape le coussin adjacent au sien sur le canapé.
— Il faut que je passe au 7-eleven faire quelques courses et que je retourne aux dortoirs. Je ne suis pas censée être là.
Rémi affiche un air boudeur, mais semble admettre que c'est plus raisonnable. Lui aussi ferait bien de retourner dans ses dortoirs s'il ne veut pas subir un interrogatoire de la part de ses managers, demain.
— À la prochaine, dans ce cas.
— À la prochaine, dis-je en quittant la pièce.
Haeyoche : registre de langue coréen, formel neutre. Il est employé dans des contextes souples pour s'adresser à des personnes que l'on ne connait pas ou des personnes plus âgées.
Hapsyoche : registre de langue coréen, très formel poli. Il est employé, par exemple, dans le milieu professionnel envers les supérieurs et les clients, ou encore par les animateurs télé ou radio.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro